Le corps mutilé d'Ibrahim Qashoush est retrouvé flottant à la surface de l'Oronte.
Il devient, dans une Syrie étouffée par la guerre à partir de 2011, un martyr. Il était le Rossignol de la Révolution, qui faisait s'époumoner les foules les jours de manifestations, avant d'être assassiné par les sbires du régime de Bachar-el-Assad. Qui était-il vraiment ?
Chanteur ? Révolutionnaire ? Poète ? Maçon ? Maxime Actis part sur ces traces et à travers les différents personnages qui jalonnent cette quête, ce n'est plus seulement l'histoire d'un homme qu'il cherche à rétablir mais bien notre propre capacité à entendre et voir ce qui s'est passé.
L'enfant reçu en don/Dziecko w darów est le sixième recueil de la poète polonaise, estimée, reconnue comme l'une des figures les plus importantes, pertinentes et percutantes de la poésie polonaise contemporaine. Selon la critique, ce recueil est un livre de la maturité, intime et sincère. Justyna Bargielska aborde des questions qui lui sont familières, intimement liées à son expérience propre. De fait, elle n'a pas recours, dans sa langue poétique, aux grandes notions philosophiques. Sa poésie s'ancre dans le quotidien, dans le vécu, pour nous parler de l'amour, de la maternité, des enfants, de la vie, de la mort, du corps, de l'esprit, de la perte, de la peur, de la finitude, dans une langue totalement dépourvue de pathos et de prétention, mais au contraire teintée d'ironie, qui emprunte au parler quotidien, au lexique et aux références des jeux vidéo, de l'internet, de notre modernité, de notre réalité si pleine du monde virtuel. Le caractère irrévocable du changement, source d'inquiétude pour l'humain, devient signe, motif et contenu d'un accomplissement de l'existence. L'enfant reçu en don est le deuxième publié par les éditions LansKine après Nudelman.
Après 15 ans d'exil, Lucas revient dans son village de la côte atlantique. Un pays menacé par les inondations et chargé des secrets de son histoire familiale.
Un matin comme un autre, après avoir avalé une gorgée de thé et un morceau de galette, Abdelkrim traverse les étroites ruelles du village de la Source des Chèvres et s'éloigne sur la piste de terre pour aller en ville. Le long de l'oued asséché, la route au-delà de la montagne pelée se perd dans les sables alentour. Mais le car ne viendra pas. Des soldats bloquent l'accès : la route est coupée, le village isolé, rentrez chez vous.
Les villageois stupéfaits accueillent la nouvelle avec fatalisme, ce jour-là comme les suivants, sans plus même vérifier si les soldats sont toujours en poste. Ils consentent à cet enfermement, persuadés peut-être de l'avoir mérité. Oubliés des dieux.
Entre le café et la mosquée, la petite place résonne encore du dernier passage des commerçants itinérants, du porteur d'eau et des conteurs, mais le fragile équilibre vacille. Le maire se débat dans des fonctions devenues obsolètes, l'imam et doyen tente d'apaiser les colères, le riche Abbas fomente une prise de pouvoir à l'ombre de la palmeraie. Bientôt ils vont désigner un coupable, puisqu'il en faut un, et s'en débarrasser comme d'un mauvais sort.
Une voix s'élève pourtant. Celle de Ziani le fou. Pieds nus et cheveux hirsutes, il a beau crier ses prophéties, il reste celui dont on se moque et se méfie. Qu'on préfère faire taire.
D'où naîtra l'espoir ? D'où, sinon de celles qui luttent en silence contre l'oppression et la convoitise, contre l'obscurantisme et la résignation. Avec Zohra, Setti, Fatiha, Alia, Aïcha, bientôt toutes les femmes du village, se lève le vent de la révolte.
Le Silence des dieux est une magnifique et délicate allégorie, face à tous les enfermements, de la liberté, du choix et de la réconciliation.
Depuis l'enfance, une question torture le narrateur :
- Qu'as-tu fait sous l'occupation ?
Mais il n'a jamais osé la poser à son père.
Parce qu'il est imprévisible, ce père. Violent, fantasque. Certains même, le disent fou. Longtemps, il a bercé son fils de ses exploits de Résistant, jusqu'au jour où le grand-père de l'enfant s'est emporté : «Ton père portait l'uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud ! » En mai 1987, alors que s'ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille aux archives départementales du Nord. Trois ans de la vie d'un « collabo », racontée par les procès-verbaux de police, les interrogatoires de justice, son procès et sa condamnation.
Le narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire d'un « Lacombe Lucien » mais il se retrouve face à l'épopée d'un Zelig. L'aventure rocambolesque d'un gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversé la guerre comme on joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a porté cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois déserteur de quatre armées différentes. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine.
En décembre 1944, recherché par tous les camps, il a continué de berner la terre entière.
Mais aussi son propre fils, devenu journaliste.
Lorsque Klaus Barbie entre dans le box, ce fils est assis dans les rangs de la presse et son père, attentif au milieu du public.
Ce n'est pas un procès qui vient de s'ouvrir, mais deux. Barbie va devoir répondre de ses crimes. Le père va devoir s'expliquer sur ses mensonges.
Ce roman raconte ces guerres en parallèle.
L'une rapportée par le journaliste, l'autre débusquée par l'enfant de salaud.
Elle a passé son enfance et son adolescence dans une ville ouvrière à la frontière allemande. Sa mère a eu dix enfants. Six d'un Juif autrichien et quatre d'un Algérien. Elle est la fille de l'Algérien mais porte le nom du Juif. Vive, intelligente, rebelle, rien ne l'arrête. Ni la pauvreté, ni la triste médiocrité des vies dévastées qui l'entourent, ni les événements horribles qu'elle doit affronter. Elle s'accroche à sa fratrie, aux rencontres heureuses, à cette chaleur que diffuse la solidarité des classes populaires, et surtout à sa mère, cette femme extraordinaire dotée d'un étonnant courage et d'une sagesse étrange, à qui elle voue une véritable vénération.L'auteure nous livre ici le récit abrupt et sans concession d'une jeune vie saisissante, plongée dans la France des Trente Glorieuses.Un premier roman. Un livre rare.
Aulus est une station thermale des Pyrénées construite à la Belle Époque, qui ne compte plus, aujourd'hui, qu'une centaine d'habitants. Depuis son enfance, la narratrice y vient chaque année. Elle réside dans l'hôtel désaffecté que son père a acheté un jour aux enchères, point de départ de ses randonnées.Dans le village et sur les chemins, la narratrice écoute, regarde et recueille habitudes et histoires des Aulusiens : la météo, l'ours, la centrale plantée sur une rivière, les élections... Elle en fait un récit, celui d'un écosystème fragile, où hommes et nature cohabitent comme ils peuvent. Où une ancienne mine pollue dangereusement la montagne. Où tout menace de se défaire, malgré la force millénaire de la roche omniprésente. Un récit actuel, métaphore de notre époque, en perpétuelle rupture d'équilibre.
Il a une douzaine d'années, et est surnommé «le drôle» par son clan - une petite troupe de quatre mercenaires qui sévit sur ce monde d'îles flottantes. Gamin doux et rêveur, il peine à trouver sa place sous les ordres et les taloches de Chef et Tanneur. Il y a bien, Rody son grand-frère, mais il ne décroche pas un mot, ne lui accorde jamais un regard.Le drôle, lui, aime par-dessus tout chanter et composer des rimes, ce qui ne lui apporte que des ennuis.Jusqu'à ce jour fou où un dragon immense s'écrase à ses pieds. Une dragonne. Poursuivie par une armada d'aéronefs de guerre.
Il n'est plus là, c'est la seule certitude.
En cours d'histoire, Livio a fait un exposé sur les autodafés nazis et Magnus Hirschfeld, un médecin juif allemand qui militait pour l'égalité entre hommes et femmes et les droits des homosexuels. Pour lui, c'était bien plus qu'un simple exercice : une revendication, un moment de courage, et peut-être un aveu. Mais il s'est heurté à la perplexité, à l'indifférence et surtout à l'hostilité de sa classe.
Depuis lors, il a disparu et personne ne sait où il est. Sa plus proche amie Camille, sa professeure d'histoire, ses camarades, ses parents, tous interrogent le parcours de Livio et tentent de comprendre. Dans le creux de cette absence, résonnent tous les questionnements : ils auraient dû le voir venir, aucun ne l'a vu partir. Et si cette fuite était l'expression du courage ultime ?
A la faveur d'une mystérieuse disparition, un homme devenu grand-père découvre qu'il ne comprend plus rien à la jeunesse. Ses efforts pour rattraper le temps perdu vont l'entraîner au bord de l'abîme, mais peut-être aussi non loin de la rédemption.
Faysal, Palestinien trentenaire, reçoit un mystérieux faire-part de décès. Mais qui est donc cette tante Rita ? Intrigué, il abandonne son amant et sa vie en Europe pour retourner à Jabalayn, son village natal. Dans le palais déserté de son enfance, il erre. Le passé resurgit, fastueux et lourd de secrets. Alors que plane la menace d'une annexion imminente, qu'une famille et un pays sont au crépuscule, l'esprit de Faysal bascule.
Karim Kattan nous donne à lire un premier roman troublant, à la fois tendre et violent, qui explore les contradictions de l'engagement politique et de la mémoire. A l'ombre des amandiers en fleurs, se dévoile une Palestine devenue lieu de l'imaginaire, intime et insoumise.
Trois nouvelles, des bribes de vies :
Huis-clos à Gaza. Au son du ressac de la mer au pied de leur chambre d'hôtel, le narrateur et son amoureux font renaître la langue maternelle - celle que l'on tait dans l'exil.
Vivre au Soudan, à Kobé, Shanghai et Bombay. Émilie, la grand-mère du narrateur, tente de se construire loin de sa terre natale.
À Londres, Asma, Shéhérazade des temps modernes, libre et fantasque, guide le narrateur dans la ville et mène à sa guise le jeu amoureux.
Autour de la Palestine d'aujourd'hui et de son souvenir se construisent des personnages sur le fil, suspendus à leur exil physique, qui est aussi langagier. L'absence de terre fait naître un imaginaire à la fois dense et lacunaire, nourri de légendes vacillantes et parcouru par une modernité affirmée, porteuse d'espoir, de renouvellement, d'amour.
Laetitia est née trois minutes avant sa soeur jumelle Margaux et trente-sept minutes avant l'explosion de Tchernobyl. Malgré des études dans une grande école de commerce, elle grenouille au Snowhall de Thermes-les-Bains, au désespoir de ses parents. Elle vit à La Cave où elle écoute Nick Cave, obsédée par les SUV et la catastrophe climatique en cours.
Il faut dire que Laetitia vit en Lorraine où l'État, n'ayant désormais plus de colonie à saccager, a décidé d'enfouir tous les déchets radioactifs de France. Alors avec sa bande, Taupe, Fauteur, Thelma, Dédé, elle mène une première action spectaculaire qui n'est qu'un préambule au grand incendie final.
Dans ce premier roman haletant où l'oralité tient lieu de ponctuation, Hélène Laurain, née à Metz en 1988, nous immerge au coeur incandescent des activismes contemporains.
« Il y a des familles où l'on transmet le plaisir d'apprendre. D'autres où c'est le pouvoir, la puissance et l'orgueil. Des familles d'argent, des familles de musées, des familles d'églises. Des familles, des croyances, des certitudes et des cultures.
Et puis il y a des familles où l'on apprend à mourir. C'est aussi fort qu'autre chose, le désir de mourir, et cela se transmet très bien.?».
La mère de Mia avait tout pour être heureuse, comme le lui répète, le jour de l'enterrement, une parente qu'elle connaît à peine. Elle s'est pourtant suicidée. Comme elle, dans sa famille riche et respectable, Mia aurait dû connaître une enfance et une adolescence protégées. Pourtant, Mia est une survivante et il lui faudra des années pour mettre des mots sur ce qu'elle a vécu...
Dans une grande ville d'un pays en guerre, un spécialiste de l'interrogatoire accomplit chaque jour son implacable office.
La nuit, le colonel ne dort pas. Une armée de fantômes, ses victimes, a pris possession de ses songes.
Dehors, il pleut sans cesse. La Ville et les hommes se confondent dans un paysage brouillé, un peu comme un rêve - ou un cauchemar. Des ombres se tutoient, trois hommes en perdition se répondent. Le colonel, tortionnaire torturé. L'ordonnance, en silence et en retrait. Et, dans un grand palais vide, un général qui devient fou.
Le colonel ne dort pas est un livre d'une grande force. Un roman étrange et beau sur la guerre et ce qu'elle fait aux hommes.
On pense au Désert des Tartares de Dino Buzzati dans cette guerre qui est là mais ne vient pas, ou ne vient plus - à l'ennemi invisible et la vacuité des ordres. Mais aussi aux Quatre soldats de Hubert Mingarelli.
Un homme se confesse. Psychothérapeute, il vient de publier Changer le monde, livre dans lequel il révèle une méthode révolutionnaire destinée à guérir les hommes de tous leurs maux.
Moins de réflexion, davantage d'action ! Voilà en substance cette thérapie de choc, qu'il a lui-même appliquée à la lettre afin de conquérir la femme dont il a toujours été secrètement amoureux.
Un petit problème, néanmoins : notre homme est aujourd'hui interné en psychiatrie. Un drame est survenu dans son entourage.
Jour après jour, un médecin et une infirmière lui rendent visite, et recueillent ses « révélations ».
À la manière d'une enquête policière, nous découvrirons peu à peu son passé, ainsi que ses rapports mouvementés avec sa famille et ses patients, qui l'ont conduit à rédiger Changer le monde... et à passer à l'acte.
Avec les élucubrations de ce psy désaxé, égocentrique, manipulateur, démagogique, et profondément dans le déni, Denis Michelis nous offre une comédie tragique plus que jamais d'actualité sur la menace constante du populisme, la tentation et le danger d'une simplification de la pensée.
Il est là, il est apparu sans mot dire, dans nos vies, dans nos rues puis s'est imposé sur les tables de loi. Le héros anonyme de ce texte en est le premier témoin, il l'a vu s'installer. Il le sait, désormais, le silence imposé, cet épais brouillard, est partout. Et oscillant entre résignation et résistance, s'acclimater à ce nouveau monde ne se fera pas sans heurts.
Cet étonnant roman, sorte de long et mélancolique poème en prose émaillé de précieux aphorismes, a été écrit il y a dix ans. Il n'a pourtant jamais été autant d'actualité, car son auteur a su saisir avec force les signes de notre temps, de la généralisation de l'autoritarisme à l'épuisement de notre capacité d'expression. Dans Silentium, Fabrice Millon a su se faire l'élégant témoin d'un signe des temps, imperceptible et pourtant évident : la dissolution du verbe.
Le Havre. Vingt-cinq ans, célibataire, la narratrice écrit une histoire, celle de Flora et de Zak. Flora est une adolescente d'aujourd'hui, classe moyenne, envie d'aimer qui cogne fort. Zak, garçon inquiet et mystérieux, vient des quartiers Est. Mais au coeur du paysage ouaté, l'attraction est immédiate. Se déploient alors l'attente, le désir tâtonnant, le vertige de l'autre. Et tandis que leur rencontre flamboie et s'altère comme toutes les premières fois, la narratrice affronte ses propres pertes ; celles d'un garçon et de l'enfance qui doucement s'en va.
Dans ses carnets, la narratrice raconte l'enchaînement de drames qu'a été son existence, de son enfance chaotique dans le sud de la France à l'abandon final sur les rails du métro. Née dans un village où rumeurs et légendes vont bon train, elle côtoie notamment le drôle d'Enfant-Cheval et le Drôle de Curé qui vient tous les jours prendre l'apéro à la maison. Lorsqu'elle est violée par l'oncle, en revanche, la vérité, étouffée par ses géniteurs, peine à éclater. Livrée à elle-même, elle n'a plus qu'une idée en tête : rejoindre Paris et renier son passé. Elle tentera de trouver sa place dans l'épuisante métropole, entre études, rencontres et solitude, auprès de sa propriétaire rescapée d'Auschwitz, de sa voisine comédienne fantasque, d'Orcel son grand amour éphémère et de l'horrible Makenzy.
Poète et romancier, Mackenzy Orcel a reçu de nombreux prix littéraires pour son oeuvre.
En cette année 1842, Haïti, seule république noire du monde, affronte les premières conséquences d'une curieuse dette imposée par la France. Ludovic Possible, vieux mulâtre et grand propriétaire, ouvre sur ses terres à la plaine du Cul-de-Sac, non loin de Port-au-Prince, une étrange académie dans laquelle on apprend à vivre, tresser des nattes en paille, redresser la bâtisse scolaire, autant qu'à lire, écrire et compter. Ludovic destine surtout son école à Aïda, gamine auréolée de silence et de mystère. Depuis toute petite, Aïda collectionne avec avidité les nombreuses histoires racontées par sa mère, sans jamais se décider à parler elle-même et devenir conteuse, diva populaire, reine chanterelle, comme cela semble être son destin.
Ludovic est détesté par son demi-frère, Balthazar. Face au système agraire entretenu par l'armée, leurs méthodes divergent et ouvrent la voie à des combats sans merci - combats pour l'éducation et l'information, duels, batailles rangées de coqs et de chiens, joutes verbales et trocs d'histoires. Dans ce roman inventif et foisonnant, conte rural et politique, les destins particuliers côtoient la grande histoire des luttes sociales et égalitaires d'un pays et de ses habitants.
En revenant au domaine des Douves, Clovis est bien décidé à n'y rester que le temps de régler la succession de sa grand-mère, morte tragiquement dans l'incendie de sa maison. Mais nul ne revient impunément sur les lieux de sa jeunesse. À peine le seuil franchi, les souvenirs de cette enfance merveilleuse et cruelle ressurgissent avec violence. Happé par le passé, Clovis devra affronter les secrets cachés au fond des douves.
1894, la France s'apprête à envahir Madagascar. Félicien Le Guen, rempli de désirs d'aventures, quitte sa Bretagne pour rejoindre son contingent sur la Grande Île. Tavao, esclave, porteur à Ambatomanga, vit, pendant ce temps, dans la peur tenace d'une guerre imminente. La douleur taraude le peuple malgache, replié dans le silence des dieux.
Lorsque la reine Razafindrahety organise, enfin, une contre-offensive pour défendre ses terres, Tavao rejoint son maître au combat. Loin de sa femme, enceinte, il est confronté aux affres de la guerre. Félicien Le Guen subit, quant à lui, les stratégies des hauts fonctionnaires parisiens, ignorants des conséquences d'un assaut durant la saison des pluies.
Sous une chaleur moite et brûlante, au fil de la traversée lancinante de forêts et de marécages infestés de moustiques, résonne le cri de ces jeunes soldats écrasés dans l'étau d'une colonisation naissante.
Crépuscule des années 1960, quelque part dans un pays de fer et de charbon. Une catastrophe a fait s'effondrer la mine. Reclus au fond, protégé in extremis par un wagonnet renversé, une berline, Fernand se remémore sa vie à mesure qu'il approche d'une mort presque certaine. Bloc par bloc, les souvenirs, les visages familiers refont surface : la mère qui n'a pas su l'aimer, le père, mineur lui aussi, qui lui a transmis son amour des jardins, l'oncle et la tante, la bonne gueule de Mario, son copain de toujours. Sans oublier Martha, son unique amour. Prisonnier des ténèbres, Fernand retraverse ainsi son enfance et son histoire, avec pour seul compagnon un drôle d'oiseau. Mais cette nuit abominable ne résistera pas à la force d'une certaine lumière, ni à l'espoir d'une renaissance.
Tout en scrutant l'enfermement physique et les carcans intimes, Berline est une évocation sensible, ainsi que réaliste et poétique, de la vie des mineurs de l'Est de la France, pour beaucoup venus de l'immigration italienne. Vibrant sans jamais être misérabiliste, écrit avec une simplicité qui pourrait être l'autre nom de la pudeur, ce premier roman d'une grande justesse parvient à extraire de sa noirceur de nombreuses pépites de lumière, de tendresse et d'humour.
Des premiers pas à l'adolescence, dans cette campagne qui l'a vue naître, Gabrielle, avec une énergie prodigieuse, grandit, lutte, s'affranchit. Gymnaste précoce, puis soudain jeune femme, Gabrielle ignore les araignées dans son souffle comme les regards sur son corps. Elle avance chaque jour un peu plus vers la fin de l'enfance.
Prix du roman Marie-Claire 2022.
Prix Régine Deforges du premier roman 2022.