L'héroïne de Boulder gagne sa vie comme cuisinière sur un vieux navire marchand. C'est la situation parfaite :
La solitude, le provisoire, une cabine et l'océan, un port où rencontrer des femmes. Jusqu'à ce qu'un jour l'une d'elles réussisse à l'arracher à la mer et à l'entraîner dans l'aventure d'une procréation assistée.
Qu'est-ce que la maternité va provoquer chez cette femme qu'elle a rencontrée dans un bar en Patagonie ?
Et elle, acceptera-t-elle de se laisser enfermer entre les quatre murs d'une maison pour faire mentir le surnom de Boulder que lui a donné son amoureuse, et qui désigne ces grandes roches isolées au milieu du paysage dont personne ne sait d'où elles viennent ni pourquoi elles sont là.
Le ton ironique, les évocations érotiques sans fausse pudeur, le style implacable et vibrant comme le personnage, tout contribue à faire de ce deuxième roman un texte rebelle intense et poétique.
Pour pouvoir vivre, la narratrice de Permafrost n'a eu d'autre choix que de se protéger des femmes auprès desquelles elle a grandi ; mère, soeur, tante, de leurs obsessions navrantes, de l'hypocrisie familiale et son cortège de mensonges ou de sourires pour entretenir cette idée de l'épouse comblée et de la mère épanouie. Mais derrière l'épaisse cuirasse qu'elle a dû se fabriquer, ne se retrouve-t-elle pas prise comme dans une terre perpétuellement gelée, enfermée avec ses pensées suicidaires ?
Heureusement il y a les chambres, celles où elle se réfugie dans la lecture passionnée d'autres vies, et celles où elle découvre le corps et les caresses d'amantes fabuleuses.
S'isoler, s'adonner au plaisir, même non solitaire, ne suffisent cependant pas à apaiser son malaise.
Pour se libérer, il faut ce récit, écrit comme l'on se parle à soi-même, sans détour et sans craindre ni ce qui paraît immuable ni ce qui serait provisoire. Un corps avec ses sensations, une voix avec ses réminiscences, ses craintes et ses limites, pour enfin se sentir « vivante, vivante comme jamais ».