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Jean Paul Rosaye
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F. H. Bradley et l'idéalisme britannique. : Les années de formation (1865-1876)
Jean-Paul Rosaye
- Artois Presses Université
- 15 Mai 2020
- 9782848324319
Il est fréquent de lire que la philosophie de K H. Bradley a été négligée, et que cette situation relève du paradoxe dans la mesure où il était considéré comme un auteur philosophique majeur de son vivant. De façon similaire, l'idéalisme, qui a dominé la sphère philosophique britannique pendant le dernier tiers du XIXe siècle, est souvent présenté comme un phénomène étrange dans un pays où l'empirisme, comme l'opinion commune s'accorde à le dire, constitue la tradition philosophique majeure. L'explication couramment retenue est que l'idéalisme et l'oeuvre de Bradley n'ont été que des transitions, préparant l'éclosion de la philosophie de Bertrand Russell et de l'empirisme logique au début du XXe siècle. Cette explication est insuffisante. Elle ignore l'importance du retour à la spéculation métaphysique de la philosophie anglaise pendant tout le XIXe siècle et elle masque les circonstances qui l'ont accompagné. Une réévaluation a été menée en Angleterre depuis les années 1980, et la publication récente des inédits de Bradley et de sa correspondance apporte des indications fort utiles sur l'essor de l'idéalisme au moment où Bradley a entrepris ses études de philosophie. La forme caractéristique de l'idéalisme britannique pendant la période victorienne tardive, le néo-hégélianisme, est le fruit d'un bouleversement philosophique initié au début du siècle par les romantiques sur fond d'essoufflement des philosophies britanniques de l'époque. H est aussi au programme d'un cénacle idéaliste officieux constitué à Oxford à la fin des années 1860 autour de T. H. Green, dont Bradley a été le fer de lance. En outre, ce mouvement idéaliste n'a pas suivi à la lettre le système hégélien : il a également puisé dans un fonds platonicien autochtone qui en a été en quelque sorte le substrat vital. C'est ce que confirme l'évolution même de la philosophie de Bradley pendant ses années de formation.
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L'idéalisme britannique / British Idealism
Jean-Paul Rosaye, Catherine Marshall
- Editions Matériologiques
- 24 Septembre 2018
- 9782373611816
Aujourd'hui, les études consacrées à l'idéalisme britannique sont pléthoriques, surtout quand on les compare au désert historiographique qui a durablement marqué les générations des années 1940 aux années 1970. Il n'est ainsi plus possible de considérer que son importance est négligeable dans l'histoire de la philosophie en Grande-Bretagne?: un authentique débat sur l'idéalisme britannique a eu lieu.
Ce renouveau historiographique dans les pays anglo-saxons s'est accéléré ces dernières années, avec la parution de quelques ouvrages clés, comme pour signaler que le retard pris au XXe?siècle était définitivement comblé. En France, ce débat et ce renouveau historiographique ne sont pas passés inaperçus mais les publications sur ce thème sont encore peu nombreuses. Ce volume rédigé en anglais et en français a pour ambition de venir présenter l'idéalisme britannique et ses défis à un public français - l'introduction en français en particulier - mais aussi de présenter des études de fond rédigées an anglais par les plus grands spécialistes du sujet.
Il faut s'interroger sur les raisons et les leçons de ce retour à l'étude de l'idéalisme britannique. De toute évidence, cet engouement n'est pas uniquement dû au besoin de réparer une injustice, ou éventuellement de créer une niche pour des chercheurs spécialisés dans l'étude de l'idéalisme britannique?: il est donc très important aussi de se demander s'il ne cache pas un enjeu plus important. Revenir aujourd'hui vers le monde victorien n'est pas anodin et cela révèle la force du désir de redécouvrir un paradigme intellectuel oublié qui, grâce à un «?effet miroir?», pourrait devenir la source d'une réflexion salutaire.
Il semble qu'il y ait deux types de rapprochements possibles entre le monde britannique actuel et le monde victorien. La période victorienne renvoie tout d'abord à une époque glorieuse de la Grande-Bretagne, et certains ont tenté de s'en inspirer pour trouver un remède aux difficultés contemporaines. Mais la période victorienne a aussi vu poindre le déclin relatif de l'Empire, avec l'émergence d'une littérature décliniste dans la seconde moitié du XIXe?siècle, et une Kulturkritik à l'anglaise particulièrement «?décadente?» pendant les Nineties. Cette représentation-là est aussi très proche de la situation civilisationnelle de la Grande-Bretagne au seuil des années 1980?: elle rappelle douloureusement les terribles années 1970 en Angleterre, qui se sont terminées par le tristement célèbre «?hiver du mécontentement?». Ces deux rapprochements avec le contexte de la «?civilisation britannique?» depuis les années Thatcher correspondent peu ou prou aux deux périodes de l'essor et de la maturité de l'idéalisme victorien?: derrière l'étude de l'idéalisme britannique se profile donc un retour réflexif sur la vie intellectuelle victorienne et son héritage, sur une époque où les idées étaient encore «?culturally consequential?», c'est-à-dire susceptibles d'avoir un réel impact sur la vie réelle.
Étudier l'idéalisme britannique, expliquer comment il s'est formé au long du XIXe?siècle pour venir s'imposer pendant la période victorienne tardive fait ainsi sens aujourd'hui en Grande-Bretagne. De ce point de vue, toutes les facettes de ce mouvement philosophique sont intéressantes, qu'il s'agisse de l'éthique, de la métaphysique, de la philosophie politique ou de la réflexion sociale et politique, si tant est qu'elles sont susceptibles d'aider à mieux comprendre le monde actuel et à servir dans les débats spéculatifs. L'essentiel, c'est l'usage que l'on peut faire de l'idéalisme. Mais on se trouve donc confronté à une question d'une tout autre mesure?: comment ne pas reconnaître une qualité trans-historique à l'idéalisme?? L'idéalisme britannique ne serait alors pas exclusivement ancré dans la période victorienne, mais il se rapporterait à une tradition de pensée sous-jacente dans le fonds culturel britannique, (re)émergeant à intervalles réguliers et prenant une configuration adaptée à l'esprit du moment. La question a déjà été examinée?: elle associe l'idéalisme britannique à la tradition (néo)platonicienne en Angleterre et elle est cardinale dans toute réflexion sur l'idéalisme des philosophes victoriens comme sur l'idéalisme dans les pays anglo-saxons de façon plus générale.
Le premier des points ainsi étudié dans ce volume est précisément celui de l'idéalisme de ces victoriens et comment cette tension entre la tradition platonicienne-idéaliste et l'idéalisme anglo-hégélien rend impossible toute forme de généralisation et de simplification sur l'existence d'un seul et même idéalisme de la fin du XIXe?siècle.
Les neuf articles du volume ont été présentés en deux grandes parties?: la première porte sur la difficulté qu'il y a à définir justement ce que serait un «?seul et unique?» idéalisme victorien?; la seconde, sur les courants et les idées qui se sont opposés à ces différents types d'idéalismes en les caricaturant voire en les fantasmant.
Au terme de la lecture de ces articles ouvrant de belles perspectives de travaux futurs, une histoire des idéalismes en contexte reste encore à rédiger pour faire sens de ce qui est bien plus qu'une parenthèse philosophique négligée de la fin du XIXe et du début du XXe?siècles, et sur lequel il est difficile de porter un jugement conclusif et définitif.
Ouvrage publié avec le soutien de l'Université d'Artois et du Laboratoire AGORA, Université de Cergy-Pontoise.