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Je voulais construire une maison de lumière, tout était réuni pour que le chantier commence, les maçons s'adonnaient au travail avec ardeur et compétence, mais à chaque visite je commandais davantage d'ouvertures, jusqu'au jour où du projet il ne resta que des fenêtres.
Aujourd'hui, chez moi,
l'extérieur est dedans
et le verbe sortir signifie
regarder. -
« Je dessine un carré avec des phrases compactes : c'est la maison. » Ainsi commence Incantation pour nous toutes d'Anna Milani.
Mais si le texte, comme une maison construite de trente blocs faussement carrés, semble proposer un chemin géométrique et balisé, le lecteur qui s'y engouffre peut se perdre dans ce dédale peuplé de figures fantomatiques surgies du passé, un lieu mouvant qui provoque des images fortes, des visions, des tableaux... et des interrogations.
La maison, comme les figures qui la hantent (les femmes, toutes les femmes, le nous toutes du titre ?), est elle-même un corps, elle « a ses propres stratégies de survie » et « s'adapte à la morphologie souterraine », à l'eau des trois rivières qui courent, creusent et travaillent sous son sol. « Les murs connaissent l'histoire. » Ainsi, la question du dedans (la maison, le corps) et du dehors (la géographie, le territoire) jalonne le texte, dans un renversement du sens permanent : « le corps est un lieu-dit dont on ne connaît pas les voies d'accès » ; « le dehors est une superstition » et « s'empresse la nuit autour de la maison ».
Les chevaux, le vent, le cerf, le noyer entrent dans la maison, abolissant le dedans/dehors. Les corps, eux, cherchent à s'échapper, comme celui du blessé abrité au fond d'une chambre, qui tour à tour devient « un oiseau », puis « une jeune fille ».
Alors, les mots seuls permettraient-ils de sortir au dehors, retrouver les étendues et reconstituer « l'articulation entre corps et syntaxe » ? Car « les tâches qui nous incombent à présent ont à faire avec les mots ».
Il n'est pas inutile de signaler que, de langue maternelle italienne, Anna Milani écrit en français, sa « langue seconde », impliquant un travail d'exploration qui à la fois déroute et re-situe. Une écriture onirique, incantatoire et agissante, un chant de libération qui ouvre sur « une porte au milieu de nulle part, entrebâillée sur l'infini ». -
Création originale de l'atelier d'imprimerie de Cheyne, ce carnet est accompagné, sur sa quatrième de couverture, d'un poème.
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"Comment un paysage, une géographie particulière, des hauts lieux de l'enfance nous habitent, nous composent, animent notre imaginaire, affectent notre relation au monde?" s'interroge Anna Milani.
Dans ce livre aussi bref qu'intense, le lac est le temps des métamorphoses. Il contient le réel et son envers. Ici, au bord de l'eau, le monde plonge sans prévenir dans la brume, aussitôt devient incertain, pays mouvant. Les époques s'emmêlent. L'invisible se tient à portée.
La poésie d'Anna Milani nous fait contempler, dans les profondeurs des montagnes reflétées à la surface du lac, l'étonnante architecture d'un paysage intérieur.