Omniprésent et inéluctable, tel est Chronos. Mais il est d'abord celui qu'on ne peut saisir. L'Insaisissable, mais, tout autant et du même coup, celui que les humains n'ont jamais renoncé à maîtriser. Innombrables ont été les stratégies déployées pour y parvenir, ou le croire, qu'on aille de l'Antiquité à nos jours, en passant par le fameux paradoxe d'Augustin : aussi longtemps que personne ne lui demande ce qu'est le temps, il le sait ; sitôt qu'on lui pose la question, il ne sait plus. Ce livre est un essai sur l'ordre des temps et les époques du temps. A l'instar de Buffon reconnaissant les « Époques » de la Nature, on peut distinguer des époques du temps. Ainsi va-t-on des manières grecques d'appréhender Chronos jusqu'aux graves incertitudes contemporaines, avec un long arrêt sur le temps des chrétiens, conçu et mis en place par l'Église naissante : un présent pris entre l'Incarnation et le Jugement dernier. Ainsi s'engage la marche du temps occidental. On suit comment l'emprise du temps chrétien s'est diffusée et imposée, avant qu'elle ne reflue de la montée en puissance du temps moderne, porté par le progrès et en marche rapide vers le futur. Aujourd'hui, l'avenir s'est obscurci et un temps inédit a surgi, vite désigné comme l'Anthropocène, soit le nom d'une nouvelle ère géologique où c'est l'espèce humaine qui est devenue la force principale : une force géologique. Que deviennent alors les anciennes façons de saisir Chronos, quelles nouvelles stratégies faudrait-il formuler pour faire face à ce futur incommensurable et menaçant, alors même que nous nous trouvons encore plus ou moins enserrés dans le temps évanescent et contraignant de ce que j'ai appelé le présentisme ?
« Entre le temps de la maladie surveillée par les médecins et l'urgence, qui est un des maîtres-mots du présentisme, a surgi un conflit de temporalités, qui s'est cristallisé autour de la question de la mise au point d'un traitement curatif et d'un vaccin. Dans une série, le scénario voudrait que le chercheur génial et marginalisé découvre la bonne molécule qui, au dernier moment, va sauver la communauté. Et dans la réalité ? » François Hartog - Historien du « présentisme », François Hartog ne pouvait pas ne pas se sentir requis par la pandémie tant elle est venue brouiller nos habituelles temporalités. Au printemps 2020, pendant le premier confinement, il a confié un premier texte à AOC sur ce trouble qui surgissait dans le présentisme. Puis, au début de cette année 2021, alors que la crise sanitaire s'installait dans la durée et que le virus s'installait en maître impérieux du temps, il rappelait combien la courte histoire de cette épidémie pouvait être représentée comme celle d'une succession de batailles pour en reprendre le contrôle. Sachant que, du fait de sa capacité à muter sans cesse, le virus a toujours inévitablement un coup d'avance, et nous, un coup de retard.
Les expériences du temps sont multiples.
Chaque société entretient un rapport particulier avec le passé, le présent et le futur. en comparant les manières d'articuler ces temporalités, françois hartog met en évidence divers " régimes d'historicité ". ulysse en phéacie ou les maori de fidji ont d'autres types de souvenirs que les personnages bibliques. douze siècles séparent ulysse des confessions d'augustin, qui s'inscrivent dans un régime d'historicité proprement chrétien.
Dans l'ancien régime d'historicité, le passé éclaire l'avenir. après la révolution de 1789, le temps est accélération et la leçon vient du futur. se met en place le régime moderne d'historicité. chateaubriand ne cesse par son écriture de passer de la rive de l'ancien à celle du régime moderne. dans les deux dernières décennies du xxe siècle, la mémoire est venue au premier plan. le présent aussi. histoire du présent, les lieux de mémoire ont exploré ces mots du temps : commémoration, mémoire, patrimoine, nation, identité.
Tandis que le temps lui-même devenait, toujours plus, objet de consommation et marchandise. historien attentif au présent, françois hartog observe la montée en puissance d'un présent omniprésent, qu'il nomme " présentisme ". cette expérience contemporaine d'un présent perpétuel, chargé d'une dette tant à l'égard du passé que du futur, signe, peut-être, le passage d'un régime d'historicité à un autre.
Serait-on passé insensiblement de la notion d'histoire à celle de mémoire ?.
L'histoire semble aller de soi. Pourtant, prononcer "l'évidence de l'histoire " n'est-ce pas aussitôt ouvrir un doute : est-ce si évident, après tout ? L'évidence est le fil conducteur de ces pages qui interrogent le statut du récit historique, l'écriture de l'histoire, la figure de l'historien, à la fois chez les anciens et chez les modernes, de la Méditerranée ancienne à la France de la fin du 20e siècle. Depuis qu'Hérodote a fait appel à l'historia (comme procédure venant se substituer à la vision octroyée par la muse au poète inspiré), l'histoire est devenue une affaire d'¦il et de vision et n'a cessé de travailler sur le partage entre visible et invisible. Voir et dire, mais aussi dire et faire voir - en faisant du lecteur un spectateur - : tels ont été depuis lors quelques-uns des problèmes qui ont constitué l'ordinaire des réflexions de l'historien. Consacrée à l'historiographie moderne, la seconde partie du livre suit la même interrogation. C'est bien cette frontière entre res gestae d'une part et historia rerum gestarum de l'autre que les historiens modernes questionnent. Pour eux aussi, l'histoire est une affaire d'¦il et de vision : parvenir à la vue réelle des choses, en voyant plus loin et plus profond. Mais la conjoncture de la fin du 20e siècle, avec la domination du présent, semble mettre en question l'évidence de l'histoire.
Savant indubitable, Ernest Renan (1823-1892) fut aussi un homme controversé. Après la publication de sa Vie de Jésus, l'ancien séminariste devint pour les catholiques « le grand blasphémateur ». Bien que rallié tardivement à la République, il allait être une des figures tutélaires que la IIIe République honora.
Trois questions guident le voyage qu'entreprend François Hartog sur les traces de Renan :
L'avenir, la religion, la nation. Évolutionniste convaincu, Renan croit fortement à l'avenir, mais quel sera le devenir de l'avenir ? Le christianisme a fait son temps, mais quelle sera la religion de l'avenir, puisqu'un avenir sans religion est inconcevable ? Forme politique de l'époque, la nation n'échappe pas non plus au devenir : quel sera l'avenir de la nation et celui de l'Europe ?
Car dans le monde alors dominé par l'Allemagne, les deux interrogations sont liées.
Ces trois questions sont-elles encore les nôtres ? Dans la distance qui nous sépare de Renan et en nous servant de son oeuvre comme d'un prisme, que peuvent-elles nous donner à voir de notre contemporain ? Jusqu'à il y a peu, l'avenir de Renan pouvait être encore le nôtre ;
La religion, jusqu'à il y a peu, semblait être derrière nous ; la nation semblait, elle aussi, une forme politique épuisée et en voie d'être dépassée. Et voici que tous ces thèmes reviennent et interrogent ce que nous avons cru savoir de notre situation.
" Adieu sauvages ! Adieu voyages ! " : ainsi s'achevaient les Tristes Tropiques de Lévi-Strauss. S'appuyant sur les réflexions que lui inspire ce texte, François Hartog se lance ici dans une nouvelle enquête. Des Anciens aux Modernes, des Modernes aux Sauvages, il s'interroge sur les espaces d'entre-deux, les discordances et les interactions entre ces trois concepts. Aux réflexions qu'il a menées sur l'altérité et la frontière, dans l'optique d'une histoire culturelle du monde antique, et aux travaux qu'il a publiés sur l'écriture de l'histoire tant ancienne que moderne, François Hartog ajoute aujourd'hui une nouvelle question : celle des usages et des appropriations modernes de l'Antiquité. Ce faisant, c'est une véritable histoire intellectuelle de la culture européenne qu'il nous propose.
Historien, historien public, « historien en personne », tel a été et s'est voulu Pierre Vidal-Naquet (1930-2006). Qu'il s'agisse de ses recherches sur la Grèce ancienne, de ses multiples interventions dans les affaires de son temps, ou de l'écriture de ses Mémoires, c'est toujours en tant qu'historien qu'il a voulu engager et mener le travail.
Interroger cet en tant qu'historien - la manière dont il s'est constitué, les formes qu'il a prises, ses transformations - est une façon de traverser, avec lui et au-delà de lui, plus d'un demi-siècle d'histoire et d'historiographie : de la torture en Algérie au négationnisme, en passant par l'interminable conflit israélo-palestinien. Mais aussi tous les débats qui ont ponctués les dernières décennies : histoire et mémoire, juge et historien, histoire et vérité, autobiographie et histoire, usages politiques du passé, sans oublier les usages modernes de l'Antiquité ou les interrogations sur démocratie ancienne et démocratie moderne.
Pour celui qui s'était qualifié d'« homme-mémoire », l'histoire, très tôt devenue une évidence, a d'abord été une raison de vivre. Son oeuvre et son parcours singulier permettent ici à François Hartog de poursuivre sa propre réflexion sur ce qu'il a appelé l'« évidence de l'histoire », et de proposer une lecture critique stimulante du « moment-mémoire » que vivent les sociétés modernes depuis les années 1980.
« La Grèce antique est la plus belle invention des temps modernes », écrivait Paul Valéry. En 1964, Roy Lichtenstein lui faisait écho en présentant Le Temple d'Apollon comme un stéréotype publicitaire, emblème d'une Grèce de carte postale. Provocation, la toile du maître du Pop art, à l'instar de la sentence de Valéry, invite à s'interroger sur notre rapport à la Grèce .
Cet héritage, si longtemps placé au coeur de la culture européenne, est fait de multiples voyages vers un objet façonné et refaçonné au fil des siècles. De quelles signifi-cations la Grèce a-t-elle été successivement porteuse, à Rome, au Moyen Âge, à la Renaissance et depuis la Révolution française ? De quelles manières a-t-elle aidé à définir les identités culturelles ou nationales, la démocratie, l'histoire ? Et quel sens peut-il y avoir, aujourd'hui encore, à « partir pour la Grèce » ?
François Hartog, par une réflexion lumineuse qui nous conduit d'Hérodote à Jean-Pierre Vernant, en passant notamment par Plutarque, Montaigne ou Fustel de Coulanges, permet de comprendre l'émergence et les transformations de ce repère majeur de la pensée occidentale qu'on appelle la Grèce.
L'Histoire fut la grande puissance et la grande croyance des temps modernes. Véritable théologie, elle organisait le monde et lui donnait sens. On se mit à son service, au point de s'aveugler, voire de commettre le pire en son nom. Juge suprême des conduites et des évènements, elle enthousiasma et terrifia.Affaire des historiens, elle ambitionna d'être une science, tandis que les romanciers s'attachèrent à dire ce monde saisi par l'Histoire.
Depuis les années 1980, cette toute-puissance est mise en cause. Notre rapport au passé est désormais affaire de mémoire plus que d'histoire ; trop imprévisible ou trop prévisible, l'avenir semble avoir disparu de notre horizon, et l'historien est pris dans l'urgence du présent. Devenue justiciable plutôt que juge, l'histoire peine à remplir son rôle de trait d'union entre le passé, le présent et le futur. Quel sens donner aujourd'hui au mot « histoire » ? Dans le sillage de ses travaux sur le temps, François Hartog fait intervenir, au cours de cette vaste enquête sur notre monde contemporain, historiens, philosophes et romanciers ? de Thucydide à Braudel, d'Aristote à Ricoeur, de Balzac à McCarthy ? afin de saisir sur le vif les enjeux d'une époque nouvelle.
Couverture : Stéphane Cipre, « Locomotive » (2009), fonte d'aluminium
Un pupitre, un poste de radio, un livre de bord, des cartes et quelques ouvrages : le décor est planté. Dans la chambre de veille, petite pièce située au centre des phares, le gardien prend son quart. C'est ici, dans cet espace aveugle mais ouvert, que s'élabore son savoir sur le monde. Historien et amoureux de la mer, François Hartog est un veilleur à sa façon : un guetteur du temps. Pour la première fois, il revient ici sur son parcours et ses choix intellectuels. Il évoque ses parents, ses années de lycée en pleine guerre d'Algérie, Normale Sup' et sa troupe de théâtre, puis la rencontre avec ses maîtres : Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, Michel de Certeau... Il se souvient de sa traversée de l'océan Indien sur un vieux cargo, de Mai 68 et des désillusions qui ont suivi, des amis qui se sont engagés. Que signifiait alors le choix de l'étude de la Grèce ancienne ? Pourquoi n'a-t-il cessé de franchir des frontières, entre l'histoire et l'anthropologie, entre l'Antiquité et le contemporain, entre des espaces et des temps différents ? Comment l'Histoire, enfin, est-elle devenue la question d'une vie ? Réflexion au long cours sur le temps et regard distancié sur le monde actuel, ces entretiens révèlent le parcours singulier d'un historien majeur de notre époque.
Que le passé se prête à des usages politiques, toute l'histoire de l'historiographie l'atteste, et aussi les précautions dont, depuis un siècle et demi, l'histoire savante s'est entourée pour garder à distance ses objets.
D'où vient alors que le souci d'une manipulation du passé se fasse toujours plus insistant aujourd'hui, comme en témoignent des causes célèbres - la récente querelle des historiens allemands sur la signification du nazisme, comme celle, en cours, sur le communisme -, et d'autres plus discrètes mais qui ne sont pas moins insistantes ni moins significatives ? Autour de quelques dossiers actuels et qui demeurent ouverts, cet ouvrage s'attache à réfléchir sur notre présent historiographique et ses traits singuliers : la multiplication des histoires particulières et des revendications identitaires ; la confrontation difficile, instable, dérangeante, entre le savoir des historiens et les sollicitations d'un débat qui, sous des formes diverses, est désormais largement public ; l'usure aussi des modèles et des concepts historiographiques qui appelle une reprise critique et une réflexion sur ce que peut être aujourd'hui le rôle social de l'historien.
Pierre Vidal-Naquet (1930-2006) aura été sans conteste l'un des plus grands historiens français contemporains : historien de l'Antiquité, historien du monde contemporain, historien de l'histoire aussi. Il fut en même temps un intellectuel engagé : entré en histoire avec la guerre d'Algérie - L'Affaire Audin (1958) a été son premier livre -, il n'aura cessé depuis d'être présent et vigilant, intervenant dans les affaires de la Cité sur un mode qui s'inscrit clairement dans la tradition dreyfusarde, aux antipodes des gesticulations médiatiques auxquelles est aujourd'hui trop souvent identifiée la figure de l' « intellectuel ». C'est parce qu'ils sont convaincus que ce double engagement, scientifique et politique, reste pleinement d'actualité que des amis de Pierre Vidal-Naquet, eux-mêmes historiens, ont pris l'initiative de cet ouvrage. Ils ont réunis les témoignages de plusieurs de ceux qui ont partagé avec lui des engagements politiques et des choix intellectuels, qui directement ou indirectement ont travaillé avec lui. Ils éclairent les différentes facettes d'une oeuvre et d'un itinéraire singuliers : l'intellectuel citoyen, l'historien de l'Antiquité, l'historien du judaïsme.
Au commencement, il y a ulysse, celui qui a tout vu, jusqu'aux confins des confins.
D'autres le suivent, se réclamant de lui, voyageurs effectifs ou fictifs, nous emmenant en egypte, au coeur de la grèce, à rome ou autour du monde. jamais aucun ne s'intéresse vraiment aux sagesses étrangères, pour elles-mêmes, dans leur contexte, dans la langue qui les expriment. leur voyage est à l'image de l'odyssée, dont emmanuel levinas disait qu'elle ne fut "qu'un retour à l'île natale" - une complaisance dans le même, une méconnaissance de l'autre.
Pourtant, ces voyages instillent le doute sur les accomplissements des grecs, quand se découvre la sagesse égyptienne, ou que triomphe rome, maîtresse de l'univers. c'est que, première société au monde à décider que la loi ne sera pas reçue des dieux, mais élaborée par les hommes, la cité grecque, en s'instituant, a inventé l'histoire. l'histoire qui mesure l'apport des grecs à ceux des autres civilisations : en disant l'autre, en le visitant, les grecs s'interrogent, s'affirment, se posent ou doutent d'eux-mêmes, tout en demeurant, jusque dans la comparaison, les maîtres du jeu.
Ambassadeurs de certitudes ou colporteurs de doutes, les voyageurs, ces hommes - frontières, expriment toujours l'inquiétude d'une identité tremblée, avec, récurrente, la question : qui sommes-nous, les grecs ?.
Cet ouvrage assemble les textes de deux conférences prononcées lors de la première du festival de L'Histoire à venir à Toulouse en mai 2017. Ils reflètent les intentions des organisateurs (la librairie Ombres Blanches, la théâtre Garonne, l'université Jean-Jaurès et les éditions Anacharsis) de replacer l'histoire au sein de l'espace public, une histoire ouverte à tous fondée sur l'argument, la raison et la recherche et non plus sur des effets d'autorités ou des déclarations péremptoires.
Il s'agit de renouer le passé, le présent et le futur en envisageant les contours d'une histoire à venir. Patrick Boucheron s'interroge ainsi que les possibles non advenus du passé mais toujours actifs dans la pratique historienne comme dans les mémoires dans un texte intitulé « Écrire l'histoire des futurs du passé » ; tandis que François Hartog, dans «Vers une nouvelle condition historique ? », questionne les nouvelles façons envisageables de faire de l'histoire à une époque où règne en maître le présentisme et l'instantanné.
"Ô muse, conte-moi l'aventure de l'Inventif : celui qui pilla Troie, qui pendant des années erra, voyant beaucoup de villes, découvrant beaucoup d'usages, souffrant beaucoup d'angoisses dans son âme sur la mer pour défendre sa vie et le retour de ses marins sans en pouvoir sauver un seul..." Faut-il présenter ce "très vieux poème" ? Il suffit probablement de reprendre cette dernière phrase de l'Avertissement de Philippe Jaccottet : "Il y aura eu d'abord pour nous comme une fraîcheur d'eau au creux de la main. Après quoi on est libre de commenter à l'infini, si l'on veut."
Avant de devenir nationaliste dans le dernier tiers du xixe siècle, l'histoire de France a été nationale. En opposition à l'histoire monarchique, des savants cherchent, dans les décennies qui suivent la Révolution, à faire l'histoire de toutes les composantes de la nation. L'histoire « véritablement nationale », avant le repli nationaliste, s'ouvre à de nouveaux champs de recherches et s'applique à faire entendre « toutes les voix du passé », comme le proclament les auteurs des Archives curieuses de l'histoire de France (1834).
En explorant cette période méconnue de l'histoire de la pensée historique sur la base d'archives encore jamais exploitées, L'Invention de l'histoire nationale en France remet en question bien des évidences contenues dans les manuels d'historiographie. Délaissant les grandes figures que ces derniers affectionnent, le présent ouvrage montre d'abord comment, dès l'époque révolutionnaire, certains pédagogues tentent de définir les formes d'une nouvelle histoire, puis observe, à travers l'évolution du livre d'histoire, la multiplication de recueil de documents ou encore l'apparition de revues spécialisées (comme la Revue historique de la noblesse lancée par le frère de Pétrus Borel, Le Lycanthrope), comment l'histoire se singularise et se diversifie.
Ce livre nous apprend également que sous la monarchie de Juillet, la plus importante association d'historiens (l'Institut historique, fondé par l'aventurier Garay de Monglave) s'oppose ouvertement au ministre François Guizot qui fonde au même moment le Comité des travaux historique et scientifiques (CTHS).
Le lecteur de L'Invention de l'histoire nationale en France est invité à découvrir des personnages tels qu'Amans-Alexis Monteil (1769-1849, inventeur de la fameuse formule « histoire-bataille »), Félix Bourquelot (1815-1860, premier historien du suicide et auteur de la première monographie d'histoire économique) ainsi que ses camarades de la Société bibliophile-historique, disciples de Michelet et d'Augustin Thierry ou élèves de l'École des Chartes au milieux des années 1830. À travers ces différents parcours, se dessine progressivement la figure de l'historien de métier.
L'histoire nationale en France, qui intéressera tout ceux qui se préoccupent de la place de l'histoire dans la société et dans le débat public, est une invitation à repenser le passé et le présent de la discipline historique.