Socialisme utopique et socialisme scientifique et Ludwig Feuerbach et l'aboutissement de la philosophie classique sont deux chefs-d'oeuvre d'Engels. Dans la division du travail établie avec Marx, c'est à Engels qu'incomba en particulier le rôle de divulgateur et de polémiste. Toutefois, les textes que nous présentons ici sont à eux seuls suffisants pour prouver sa stature de théoricien.
Socialisme utopique et socialisme scientifique est composé des trois derniers chapitres, consacrés au socialisme, de l'Antidühring. Engels y présente le parcours historique qui, partant de la société mercantile, conduit à la nécessité du communisme, en passant par le développement capitaliste. Il s'agit en effet de la présentation des bases objectives qui permettent de fonder scientifiquement les idéaux communistes.
Ludwig Feuerbach et l'aboutissement de la philosophie classique allemande est, comme l'écrit Engels lui-même, « un exposé succinct et systématique de nos rapports avec la philosophie hégélienne, de la façon dont nous en sommes sortis et dont nous nous en sommes séparés ». Cette oeuvre, poursuit Engels, lui « parut s'imposer de plus en plus » parce que, quarante ans après avoir rédigé L'Idéologie allemande et abandonné son manuscrit « à la critique rongeuse des souris » par manque d'éditeurs disponibles, ni Marx ni lui n'avaient plus trouvé le temps de revenir sur ce sujet important. C'est dans ce texte qu'Engels désigne le mouvement ouvrier comme « l'héritier de la philosophie classique allemande » et qu'il formule l'hypothèse, pleinement confirmée par les événements ultérieurs, que la science sur le terrain social ne peut avancer « avec intransigeance et sans préventions » qu'en tant qu'arme révolutionnaire de la classe ouvrière.
Aujourd'hui, la compréhension des bases théoriques de la science marxiste, et la conscience qu'elle s'appuie sur la vision du monde la plus moderne élaborée jusqu'à présent par l'humanité, peuvent devenir un élément de force supplémentaire pour les jeunes, à qui cet ouvrage s'adresse en particulier. S'il est vrai, comme le prévoyait Engels, que le mouvement ouvrier est l'héritier naturel de la philosophie classique allemande, les jeunes générations d'internationalistes qui sont aujourd'hui dans la lutte sont les héritières naturelles de ce legs.
En 1525, les paysans de différentes régions de l'Allemagne se soulèvent, pour des raisons à la fois sociales, économiques et religieuses. Massive, leur révolte est pourtant bientôt écrasée dans le sang. L'ouvrage classique d'Engels livre le récit de cette révolte, cherchant ainsi à réactiver la mémoire des traditions révolutionnaires du peuple allemand. Écrit au lendemain de l'échec de la révolution de 1848, il propose aussi en creux une analyse des luttes du XIXe siècle. Republié aujourd'hui avec la riche introduction de Rachel Renault, spécialiste du Saint Empire, et la préface du romancier Éric Vuillard, auteur de La Guerre des pauvres, redonnent au texte d'Engels son amplitude et sa capacité à aider la compréhension des révoltes et leur histoire.
Lors d'un séjour de près de deux ans à Manchester, de novembre 1842 à août 1844, où il avait rejoint l'entreprise textile de son père, le jeune Engels se retrouve confronté aux horreurs du capitalisme industriel récent. Il dresse alors un tableau accablant des conditions de vie et de travail des ouvriers du textile en Angleterre.
Pour rédiger cet ouvrage, Engels ne s'est pas contenté de réunir une vaste documentation, mais il a enquêté sur place avec l'aide de militant.e.s du mouvement ouvrier. Cette approche inédite fait toute l'originalité et l'intérêt de ce texte, dont la traduction de référence est ici rééditée avec une importante introduction historique de Fabrice Bensimon et une préface de Eric Hobsbawm.
Complétée d'un riche appareil critique, l'édition de référence de ce livre est de nouveau disponible.
Socialisme utopique et socialisme scientifique (1880) est un des textes les plus connus et diffusés de Friedrich Engels. Pourtant, il n´existe aucune édition de référence faisant précisément le point sur le contexte de l´élaboration du texte, et sur les raisons de son extraordinaire postérité. La présente édition, préparée dans le cadre de la GEME, proposera, outre une édition du texte avec des annotations précises, une introduction historique et scientifique, ainsi qu´une série d´annexes de documents du XIXe siècle permettant de mieux comprendre les multiples facettes des utopies de l´époque , utopies à propos desquelles Engels exprimait des critiques en vue de dépasser ce qu´il percevait comme une impasse politique.
Les Principes du communisme sont l'ultime brouillon du Manifeste du parti communiste d'Engels et Marx. Il s'agissait en cette année 1847 de dépasser le communisme égalitaire et d'inspiration chrétienne qui avait éveillé les consciences des artisans et des premiers ouvriers allemands émigrés. L'objectif poursuivi par les deux amis est d'amarrer le combat ouvrier à leurs propres découvertes théoriques. Elles s'ancrent dans la modernité capitaliste anglaise que connait particulièrement bien Engels. On y voit donc le mouvement s'extraire de la croyance et entrer dans l'ère de la théorie critique.Le Projet de profession de foi communiste écrit en juin 1847 souligne l'évolution rapide des esprits parmi les militants huit mois avant les révolutions qui vont soulever l'Europe en 1848. La «Contribution à l'histoire de la Ligue des communistes» écrite en 1885, reconstitue le contexte dans lequel les deux textes ont été écrits. Nouvelle traduction et préface de Jean Quétier
«Le livre de Friedrich Engels est constitué dans sa majeure partie, par une chronique analytique de la guerre franco-allemande de 1870-1871. Ce sont des articles qui furent publiés dans le journal anglais Pall Mall Gazette pendant le déroulement de la guerre. La tâche d'Engels consistait à partir de l'estimation générale des forces et des moyens des deux adversaires et à suivre au jour le jour le mode d'emploi de ces forces et moyens, afin d'aider le lecteur à s'orienter dans le déroulement des opérations militaires et même de soulever un peu, de temps à autre, ce qu'on appelle le voile de l'avenir. Les articles militaires de cette sorte emplissent au moins les deux tiers du livre. Le dernier tiers consiste en notes consacrées aux divers domaines spécialisés du métier de la guerre, toujours en rapport étroit avec le déroulement de la guerre franco-allemande.
Une étude approfondie du texte extrêmement riche d'Engels, la comparaison de ses jugements et pronostics avec les jugements et pronostics contemporains des auteurs militaires de l'époque serait [...] une illustration particulièrement frappante du problème des rapports réciproques entre le marxisme et le métier de la guerre.»
Voici un classique de la littérature marxiste enfin réédité... Le Rôle de la violence dans l'Histoire est un chapitre d'un volume plus important que Friedrich Engels avait consacré à critiquer les thèses d'une des figures de l'époque du mouvement socialiste : le professeur Dühring. Il fait partie de ce qu'on nomme habituellement « L'Anti-Dühring ».(Et qu'Engels avait en fait baptisé « M. Dürhing bouleverse la science »).
Sur plusieurs points (de philosophie comme d'économie) Eugen Dürhing contestait les analyses de Marx, qui jouissait alors déjà d'une réelle autorité, mais dont les textes étaient encore mal connus des ouvriers allemands.
Pour Engels la violence n'explique pas l'Histoire, elle en est le produit, mais elle peut aussi en être l'accoucheuse.
A 22 ans, Engels part travailler dans la fabrique textile familiale à Manchester, foyer de la révolution industrielle et du mouvement ouvrier. Pendant ce premier séjour de plus deux ans, de 1842 à 1844, et avant sa rencontre décisive avec Marx, il envoie régulièrement des articles à des périodiques de langue allemande dont les Annales franco-allemandes où il publie sa célèbre Esquisse d'une critique de l'économie politique.
Mais la plupart de ses articles procèdent d'un regard documenté et critique sur la Grande-Bretagne des années 1840, celle de l'industrialisation et du libéralisme. Par ailleurs, Engels entame fin 1843 une collaboration avec deux journaux britanniques : l'hebdomadaire owéniste The New Moral World ; puis le journal chartiste The Northern Star. Engels s'étant lié aux milieux radicaux et socialistes, il s'agit pour lui de leur faire connaître la situation sur le continent et d'affirmer une position communiste.
C'est dans ce cadre qu'il publie des textes majeurs comme La Marche de la réforme sociale sur le continent. Ce volume second des écrits de jeunesse d'Engels, préparé et préfacé par Fabrice Bensimon, spécialiste de l'histoire britannique, présente ici un parcours intellectuel et politique méconnu, celui d'Engels pendant les deux années antérieures à son travail avec Marx. Des textes annexes dont ceux de Flora Tristan, Tocqueville, Michelet, etc., permettent de situer l'oeuvre d'Engels dans les débats et les réalités de l'époque.
Le volume 1, paru en 2015, concerne la période allemande des Ecrits de jeunesse d'Engels, de 1839 à 1842. Ce volume 2 et dernier, concerne la période Manchester, de 1842 à 1844, et contient les index des deux volumes.
Friederich Engels, né en 1820 en Allemagne et fils d'un industriel du textile, fut envoyé par son père dans la firme paternelle de Manchester. Il y devient un entrepreneur talentueux mais y découvre la misère ouvrière. Il rencontre Karl Marx en 1844 et à partir de là leurs oeuvres sont étroitement liées. Engels, considérait que l'oppression des femmes et le développement de la propriété privée et de la famille, ajouté à la domination de classe et de l'État étaient des moments d'un seul et même processus historique. C'est ce qu'il développe dans ce classique de la pensée marxiste.
Ces textes écrits par Friedrich Engels dans ses jeunes années sont mis en perspective par une présentation de leurs principaux enjeux, avec en annexe des publications de Schelling, Marx et Feuerbach autour du débat sur l'hégélianisme, ainsi que des indications biographiques.
"Aux classes travailleuses de Grande-Bretagne : Travailleurs, c'est à vous que je dédie un ouvrage où j'ai tenté de tracer à mes compatriotes allemands un tableau fidèle de vos conditions de vie, de vos peines et de vos perspectives" (Frédéric Engels). Descriptif et analytique, poignant et brillant,« La situation des classes laborieuses en Angleterre» est l'un des grands textes du marxisme.
Aux classes travailleuses de Grande-Bretagne : Travailleurs, c'est à vous que je dédie un ouvrage où j'ai tenté de tracer à mes compatriotes allemands un tableau fidèle de vos conditions de vie, de vos peines et de vos perspectives (Frédéric Engels). Descriptif et analytique, poignant et brillant, La situation des classes laborieuses en Angleterre est l'un des grands textes du marxisme.
La obra de Engels es una detallada exposición de los fundamentos del marxismo a los que el socialismo está unido. El autor recoge la evolución de las ideas desde la Ilustración francesa a la filosofía idealista alemana pasando por la economía clásica inglesa hasta llegar al comunismo y socialismo utópicos. El Antidühring es un tesoro de ciencia de la política porque proporciona los instrumentos conceptuales para analizar el movimiento de la política, de sus instituciones, de sus poderes y de sus determinaciones.
La grande industrie, en créant le marché mondial, a déjà rapproché si étroitement les uns des autres les peuples de la Terre et, notamment les plus civilisés, que chaque peuple dépend étroitement de ce qui se passe chez les autres. Elle a, en outre, unifié, dans tous les pays civilisés, le développement social à tel point que, dans tous ces pays, la bourgeoisie et le prolétariat sont devenus les deux classes les plus importantes de la société, et que l'antagonisme entre ces deux classes est devenu aujourd'hui l'antagonisme fondamental de la société. La Révolution communiste, par conséquent, ne sera pas une révolution purement nationale. Elle se produira en même temps dans tous les pays civilisés.
Socialisme utopique et socialisme scientifique. [Frédéric Engels (Nouv. éd.) / Frédéric Engels ; par Eléanor Marx] Date de l'édition originale : 1924 Le présent ouvrage s'inscrit dans une politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française mise en place avec la BNF.
HACHETTE LIVRE et la BNF proposent ainsi un catalogue de titres indisponibles, la BNF ayant numérisé ces oeuvres et HACHETTE LIVRE les imprimant à la demande.
Certains de ces ouvrages reflètent des courants de pensée caractéristiques de leur époque, mais qui seraient aujourd'hui jugés condamnables.
Ils n'en appartiennent pas moins à l'histoire des idées en France et sont susceptibles de présenter un intérêt scientifique ou historique.
Le sens de notre démarche éditoriale consiste ainsi à permettre l'accès à ces oeuvres sans pour autant que nous en cautionnions en aucune façon le contenu.
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La famille est l'institution qui permet à l'enfant de recevoir sa première éducation. Il est dans la nature que les parents aiment leurs enfants et les éduquent dès l'âge où ils n'inspireraient aucun sentiment d'affection à un étranger. Ce sentiment instinctif se transforme plus tard pour devenir une affection plus raisonnée. Mais sous quelque forme qu'il se présente, il sera toujours le lien le plus fort entre les hommes. Si on brise ce lien naturel qui réunit l'enfant et les parents, celui-ci sera isolé, privé de la protection que la nature lui avait donnée. Ce livre basé sur le travail de E. Durkheim et de F. Engels, propose une esquisse de la sociologie de la famille et son histoire.
Ce texte d'Engels trace un parallèle entre la situation des premiers chrétiens et celle des premiers communistes de la première internationale, au siècle dernier.
Mais il retourne aussi aux textes sources pour rediscuter l'interprétation des premiers temps de cette religion qui allait devenir la religion officielle de l'État romain.
Ce texte a paru dans le journal LE DEVENIR SOCIAL, organe théorique de la IIe internationale en langue française.
Der erste Akt des revolutionären Dramas auf dem europäischen Kontinent ist zu Ende. Die »Mächte der Vergangenheit« vor dem Sturm von 1848 sind wieder die »Mächte der Gegenwart«, und die mehr oder weniger populären Regenten, Triumvirn, Diktatoren, alle mit ihrem Gefolge von Abgeordneten, Zivilkommissaren, Militärkommissaren, Präfekten, Richtern, Generalen, Offizieren und Soldaten, sind an fremde Küsten verschlagen und »über See verschickt«, nach England oder Amerika, um dort neue Regierungen »in partibus infidelium«, europäische Komitees, Zentralkomitees, nationale Komitees zu bilden und ihr Kommen in Proklamationen anzukündigen, nicht minder feierlich als die eines weniger imaginären Potentaten.
Die nachfolgenden Kapitel bilden gewissermaßen die Vollführung eines Vermächtnisses. Es war kein geringerer als Karl Marx, der sich vorbehalten hatte, die Resultate der Morgan'schen Forschungen im Zusammenhang mit den Ergebnissen seiner - ich darf innerhalb gewisser Grenzen sagen unsrer - materialistischen Geschichtsuntersuchung darzustellen und dadurch erst ihre ganze Bedeutung klar zu machen. Hatte doch Morgan die von Marx vor vierzig Jahren entdeckte, materialistische Geschichtsauffassung in Amerika in seiner Art neu entdeckt, und war von ihr, bei Vergleichung der Barbarei und der Civilisation, in den Hauptpunkten zu denselben Resultaten geführt worden, wie Marx. Und wie »Das Kapital« von den zünftigen Oekonomen in Deutschland Jahre lang ebenso eifrig ausgeschrieben wie hartnäckig todtgeschwiegen wurde, ganz so wurde Morgan's »Ancient Society« [Fußnote] behandelt von den Wortführern der »prähistorischen« Wissenschaft in England. Meine Arbeit kann nur einen geringen Ersatz bieten für das, was meinem verstorbenen Freunde zu thun nicht mehr vergonnt war. Doch liegen mir in seinen ausführlichen Auszügen aus Morgan kritische Anmerkungen vor, die ich hier wiedergebe, so weit es irgend angeht.
Lorsque, il y a trois ans, M. Dühring lança soudain un défi à son siècle en qualité d'adepte et en même temps de réformateur du socialisme, des amis d'Allemagne insistèrent à plusieurs reprises auprès de moi, pour que je fasse, dans l'organe central du parti social-démocrate, qui était alors le Volksstaat, l'examen critique de cette nouvelle théorie socialiste. Ils pensaient que c'était absolument nécessaire si l'on ne voulait pas, dans le Parti encore si jeune et qui venait à peine d'être définitivement unifié, donner à l'esprit de secte de nouvelles occasions de division et de confusion. Ils étaient mieux à même que moi de juger la situation en Allemagne; j'étais donc tenu de les croire. Il s'avéra, en outre, qu'une partie de la presse socialiste accueillait le nouveau converti avec une chaleur qui, il est vrai, ne s'adressait qu'à sa bonne volonté, mais laissait en même temps paraître dans ces journaux, par égard pour la dite bonne volonté de M. Dühring, celle d'accepter également sa doctrine par- dessus le marché et les yeux fermés
La conception de Dühring, la vieille conception vulgaire.
La violence, même si on l'admet pour l'amour de la discussion, est appliquée pour atteindre des fins économiques, elle est donc un moyen de l'économie, donc l'économie reste la raison dernière. Et si nous y regardons de plus près, ce qui importe, c'est à quoi la violence est appliquée, ce qui est volé et comment, et alors nous trouvons que le Ce qui explique le Comment et qu'ainsi les diverses formes politiques s'expliquent par les formes sociales.
L'histoire du Christianisme primitif offre des points de contact remarquables avec le mouvement ouvrier moderne. Comme celui-ci le christianisme était à l'origine le mouvement des opprimés, il apparaissait tout d'abord comme religion des esclaves et des affranchis, des pauvres et des hommes privés de droits, des peuples subjugués ou dispersés par Rome. Tous les deux, le christianisme de même que le socialisme ouvrier, prêchent une délivrance prochaine de la servitude et de la misère ; le christianisme transporte cette délivrance dans l'au-delà, dans une vie après la mort, dans le ciel ; le socialisme la place dans ce monde, dans une transformation de la société. Tous les deux sont poursuivis, et traqués, leurs adhérents sont proscrits et soumis à des lois d'exception, les uns comme ennemis du genre humain, les autres comme ennemis du gouvernement, de la religion, de la famille, de l'ordre social. Et malgré toutes les persécutions, et même directement servies par elles, l'un et l'autre se frayent victorieusement, irrésistiblement leur chemin.
Le 15 novembre 1841 au soir, dans l'Aula Magna de l'Université de Berlin, des centaines d'auditeurs se pressent pour entendre la leçon inaugurale de Schelling. La solennité de l'événement et la tension qui y préside n'échappent à personne. Dès les premières lignes de l'Anti-Schelling, recueil des trois textes inédits en français, écrits entre 41 et 43, le très jeune Engels restitue ce climat avec un vrai talent journalistique et littéraire. Mais il ne faudrait pas croire que le témoignage d'Engels relève seulement du genre reportage ou compte-rendu. Il se tient véritablement à la hauteur de l'événement en en circonscrivant sténographiquement l'enjeu gigantomachique.
L'amphithéâtre est un « champ de bataille », écrit Engels, une scène métaphysique, l'arène où vont bifurquer dans l'affrontement les deux voies de la philosophie : « deux vieux amis de jeunesse, collègues de dortoir à Tübingen, se font face quarante ans plus tard.L'un d'eux [Hegel] mort epuis dix ans mais plus vivant que jamais. L'autre [Schelling] intellectuellement mort depuis trois décennies » et pourtant de retour. Le jugement est évidemment prévenu et le parti d'Engels est pris dès le début, « protéger le tombeau du grand homme » contre toutes les attaques qui s'annoncent.
Engels délivre ainsi un document de première importance pour saisir l'actualité d'une césure destinée à faire époque. Deux temporalités s'entrecroisent, deux optiques sans promesse d'homogénéité, qui montrent comment les radicalités philosophiques et politiques ne sauraient se superposer ni se confondre.