Quel rôle l'Empire ottoman a-t-il joué dans la production et la contestation des normes de contrôle du corps et de la sexualité, ainsi que dans l'encadrement des rapports de genre ? Et comment la référence à l'Empire ottoman continue-t-elle à hanter les différents espaces publics qui se sont formés sur le cendres de cette entité politique jusqu'à aujourd'hui ? Depuis au moins le XIX siècle, moment qui marque la crise militaire, économique et politique de l'Empire et en même temps ses efforts de réformes, le corps est devenu un terrain de confrontation essentiel. En effet, les acteurs étatiques, religieux et de la société civile en formation ont essayé d'inscrire dans les corps des hommes, et surtout des femmes, leurs différents projets politiques, visant à établir différentes loyautés impériales, nationales ou confessionnelles, et à tracer des frontières entre un « nous » et un « autre ». Même aujourd'hui, l'empire reste une référence qui structure de façon significative les espaces publics des Etats post-ottomans, et cette référence est à la fois mobilisée et démobilisée pour promouvoir certains schèmes de pensée sur l'égalité des s exes, les modes de vie genrés/sexués, la sexuation des espaces publics et la reconfiguration des corps. C'est cela qu'il sagot d'analyser dans ce numéro de la revue Clio.
Ce numéro 52 traite des violences sexuelles sur la longue durée de l'Antiquité au Mouvement Me Too. Il est centré sur les violences inter-individuelles, commises hors d'un contexte guerrier ou politique clairement établi. Les définitions juridiques des atteintes sexuelles fluctuent suivant les époques et diffèrent d'une culture humaine à l'autre. Les seuils de tolérance sont variables, et une échelle de gravité est définie selon la nature de l'atteinte, l'identité des coupables et celle des victimes (âge, sexe, statut). Certains gestes ne sont, à certaines époques, considérés ni comme violents ni comme sexuels.
Le numéro s'intéresse au traitement juridique, social, culturel et politique des violences sexuelles, au sort des victimes, entre prise en charge et rejet, à celui des coupables qu'ils soient désignés, contraints voir châtiés, ou protégés.
L'accent est mis sur les articulations entre histoire du genre et histoire des violences sexuelles, question qui renvoie, à chaque époque, aux normes de la masculinité et de la féminité intégrant la contrainte et/ou la violence dans l'exercice de la sexualité, qu'elle soit hétérosexuelle, homosexuelle ou pédosexuelle. Il convient de savoir si, à une époque donnée, la violence sexuelle se place en continuité avec les autres formes de la domination masculine ou si elle est une transgression de la masculinité « ordinaire » ou idéale telle que définie socialement.
Le numéro 44 de la revue Clio, Femmes, Genre, Histoire propose un parcours de longue durée à travers l'histoire des juifs, de la judéité et du judaïsme. C'est, en effet, ce triptyque, ainsi que la vie en diaspora, qui rend l'analyse du genre dans la tradition juive si spécifique. Et c'est au regard de cette complexité et de la diversité des situations historiques dans lesquelles les juifs ont vécu que nous avons choisi de mettre un «s» à Judaïsme.
Dans une religion qui est tout à la fois fondée sur un savoir livresque dont l'approfondissement est hautement valorisé et sur une observance rituelle exigeante, les femmes et les hommes sont assignés à une place bien établie. Non seulement les Écritures et leurs interprétations, les gestes quotidiens et les rituels festifs, mais encore les coutumes et le droit rabbinique se conjuguent pour proposer des conceptions, des représentations et des règles juridiques qui organisent les relations entre les sexes.
Il appartient particulièrement aux historien-ne-s de se défier des traditions présentées comme « immémoriales ». Au sein d'une histoire aussi ancienne que le judaïsme, il n'est évidemment pas toujours possible de dater avec précision les débuts d'une pratique, d'une prescription ou d'une représentation, ni de trouver des explications aux changements observés. Néanmoins, les articles historiques de cette livraison de Clio FGH témoignent de l'enjeu de connaissances que revêt la déconstruction du caractère intemporel d'un arrangement des sexes inscrit dans les textes et la longueur des temps.
C'est dans la rencontre entre le mouvement féministe et le mouvement religieux libéral, tous deux ouverts à la modernité, que sont nées les principales revendications des femmes pratiquantes quant à l'accès aux textes sacrés, à l'étude, à des lieux de prière mixtes, à des cérémonies auparavant réservées aux hommes. Dès le début du XIXe siècle en Allemagne, sont célébrées les premières Bat Mitzvah (version féminine de la Bar Mitzvah) qui seront peu à peu généralisées dans le mouvement libéral. En 1922, la conférence centrale des rabbins libéraux des États-Unis admettait que les femmes pouvaient devenir rabbins mais il fallut attendre encore cinquante ans pour que le fait se concrétise. L'aspiration à participer à tous les aspects de la pratique religieuse s'est ainsi intensifiée au cours du XXe siècle. Elle est aujourd'hui le sujet de maints débats dans les communautés juives du monde entier avec des décalages nationaux importants.
Leora Auslander est une historienne américaine, surtout connue pour avoir été professeur d'histoire sociale européenne et professeur en civilisation occidentale à l'Université de Chicago à Chicago, Illinois.
Sylvie Steinberg est une universitaire et une historienne contemporaine. Directrice d'étude à l'EHESS depuis 2014, elle est spécialiste de l'histoire des femmes et du genre.
Clio. Femmes, Genre, Histoire, revue française semestrielle (anciennement Clio. Histoire, Femmes et Sociétés), ouvre ses colonnes à celles et ceux qui mènent des recherches en histoire des femmes et du genre (toutes sociétés et toutes périodes).
Organisée autour d'un thème (études de cas, actualité de la recherche, documents, témoignages et interviews, Clio a lu, Clio a reçu), elle est attentive à la dimension pluridisciplinaire et publie également des articles de Varia.
Clio FGH dispose désormais d'une version numérique en anglais.
Avec des contributions portant sur des espaces divers et couvrant différentes périodes (de l'Antiquité à la période contemporaine), ce numéro de Clio souhaite rendre visible la part féminine des migrations et interroger le genre du phénomène. Il observe à la fois des parcours migratoires (entre contraintes et stratégies individuelles) et des politiques étatiques. Il s'intéresse également aux subjectivités des migrant.e.s, ainsi qu'aux masculinités et féminités dans les sociétés de départ, traversées et d'arrivée.
Les révolutions et les mouvements de libération vis-à-vis des puissances coloniales et des empires posent d'emblée la question du « nous » qui porte ces revendications, écartelé entre régionalismes, nationalismes et supranationalismes, fragmenté entre plusieurs identités religieuses et ethnolinguistiques. Tant que durent la lutte et ses incertitudes, les figures possibles des engagements sont démultipliées. Le symbole du peuple en armes en quête d'Etat Nation est même souvent une femme héroïque ou martyr. Mais une fois le « nous » défini, la geste indépendantiste est le plus souvent mise en mémoire comme évidemment masculine et uniforme sur le plan physique, linguistique, culturel, ethnique et/ou religieux, effaçant du même coup le rôle de femmes aux profils variés dans les indépendances. Ce numéro interroge à la fois ce que le genre fait aux indépendances et ce que les indépendances font au genre.
Clio. Femmes, Genre, Histoire, revue française semestrielle (anciennement Clio. Histoire, Femmes et Sociétés), ouvre ses colonnes à celles et ceux qui mènent des recherches en histoire des femmes et du genre (toutes sociétés et toutes périodes).
Organisée autour d'un thème (études de cas, actualité de la recherche, documents, témoignages et interviews, Clio a lu, Clio a reçu), elle est attentive à la dimension pluridisciplinaire et publie également des articles de Varia.
Clio. Femmes, Genre, Histoire, revue française semestrielle (anciennement Clio. Histoire, Femmes et Sociétés), ouvre ses colonnes à celles et ceux qui mènent des recherches en histoire des femmes et du genre (toutes sociétés et toutes périodes).
Organisée autour d'un thème (études de cas, actualité de la recherche, documents, témoignages et interviews, Clio a lu, Clio a reçu), elle est attentive à la dimension pluridisciplinaire et publie également des articles de Varia.
Qu'est-ce que les objets ont à apprendre aux historiennes et historiens qui cherchent à mieux comprendre les dynamiques du genre ? Ce numéro de Clio HGF « Objets et fabrication du genre » tente de répondre à cette interrogation. En insistant sur la spécificité de la culture matérielle des temps bibliques au très contemporain, les auteur.e.s analysent des mouchoirs politiques, des uniformes de soldat, des bijoux, des jouets publicitaires, de la vaisselle, des fragments de tissu et de poteries, mais aussi des représentations littéraires et visuelles... À partir de ces approches et de ces sources variées, les articles montrent comment les femmes et les hommes se construisent grâce aux objets, comment l'objet-acteur construit le genre, comment les objets nous racontent une autre histoire que les mots.
Depuis la chute du mur de Berlin, on a un peu oublié comment vivaient les femmes et les hommes dans les pays dirigés par les partis communistes et communément appelés du "socialisme réel". Ce numéro, qui offre des contributions sur l'URSS, la Mongolie, divers États d'Europe de l'Est après 1945, la Chine et Cuba, tente de répondre à deux questions: comment et jusqu'où le socialisme, porteur d'une utopie égalitaire, a-t-il modifié les rapports de genre? Qu'est-ce qu'une approche de genre fait comprendre du socialisme?
Auteurs : Sandrine Kott, Françoise Thébaud, collectif.
Largement déterminée par la « scène primitive » de la Révolution française, notre conception de la citoyenneté est encore souvent associée à l'exercice des droits de suffrage et d'éligibilité. Le moment révolutionnaire, en abolissant les privilèges d'Ancien Régime et en promulguant la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, a, de fait, fondé une citoyenneté juridique définie par un ensemble de droits « naturels », civils et politiques.
Or l'histoire des femmes et du genre, comme les travaux de sciences politiques, ont profondément renouvelé les contours de ce que l'on peut entendre par citoyenneté. Il n'est plus question aujourd'hui « d'une » citoyenneté mais de citoyennetés plurielles, politique mais aussi sociale, économique, culturelle. Celle-ci ne renvoie plus seulement à un statut, à un ensemble de droits accordés à des « nationaux » juridiquement reconnus comme tels par un État, mais à des usages, des pratiques, des sentiments d'appartenances variables en fonction des contextes, des pays et des communautés concernées. La citoyenneté implique parfois le fait de participer à la vie de la cité au sens large, même en l'absence de droits L'enjeu est par conséquent d'être attentifs et attentives à la citoyenneté dans différents contextes, à la diversité des catégories juridiques, mais également des expériences et des pratiques sociales, bref, de comprendre ce que des sociétés entendent par « citoyenneté ». Clio a abordé le sujet dans « Le genre de la nation » ou dans « Armées », mais consacre pour la première fois un dossier spécifique à cette notion.
Qu'est-ce qui est possible, autorisé et prescrit en matière de conduites sexuelles selon son âge, son sexe et celui de son partenaire ? À quel âge est-on encore trop jeune ou déjà trop vieux pour être considéré comme un sujet sexuel ? Et dans quelles mesures ces questions constituent-elles des enjeux politiques ? Les textes rassemblés dans ce dossier interrogent diverses formes historiques d'articulation entre organisation des âges, structuration des rapports de genre et régulation de la sexualité. Si Clio a déjà consacré deux dossiers à la sexualité (Utopies sexuelles, n°22, 2005, et Érotiques, n°31, 2010), interroger l'histoire des normes de genre et de sexualité au prisme de l'âge permet d'en éclairer certains angles morts.
Michel Bozon : anthropologue de formation, Michel Bozon est sociologue, directeur de recherche à l'Institut National d'Études Démographiques à Paris. Il est également membre du Comité Directeur de l'Institut Émilie du Chatelet et directeur-adjoint du GIS « Institut du genre ».
Juliette Rennes est maîtresse de conférences à l'École des Hautes études en sciences sociales (EHESS). Elle a notamment publié Le mérite et la nature. Une controverse républicaine, l'accès des femmes aux professions de prestige, 1880-1940 (Paris, Fayard, 2007).
Ce numéro de Clio est consacré à la culture ludique, définie comme une pratique distincte du sport (tout en étant contiguë quand elle possède une dimension agonistique), volontaire, d'ordinaire privée, sans périodicité officielle, sans enjeu matériel, mais créant une communauté liée par des règles qui reflètent et construisent tout à la fois le système de valeurs et de normes d'une société. De l'Antiquité à l'époque contemporaine, les jeux sont omniprésents, non seulement dans la vie quotidienne, mais aussi dans les sphères religieuses et funéraires. Ils représentent un objet d'histoire sociale à part entière, offrant un accès privilégié à la façon de penser les rapports de genre, entre fille et garçon, femme et homme, mais explorés de manière très inégale selon les périodes historiques. Ce numéro a pour ambition de combler cette lacune en explorant les pratiques ludiques féminines - principalement des femmes adultes, mais aussi des petites filles, en partant de l'antique Mésopotamie jusqu'au Japon contemporain, à partir de documents de natures variées, du matériel archéologique aux jeux sur smartphone ou vidéos.