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Jane Sautière
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«Il m'a semblé que vieillir n'était ni un naufrage, ni une performance à accomplir, mais le simple, délicat et doux refuge qu'il nous fallait construire. Une cathédrale de brindilles, ouvrage commun d'un "nous" qui nous tienne ensemble, parfaitement inclusif, hommes et femmes, attaché·e·s à cette oeuvre ultime. Ici, pas de bilan, rien d'une vie n'est compté, pas même le temps, et la mélancolie elle-même finit par être suave.» J. S.
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De petits débris flottent et se déplacent dans le vitré projetant parfois des formes sur la rétine. Ce que l'oeil perçoit est l'ombre de ces corps flottants. Comme dans un cosmos, certains se satellisent et s'agrègent. J'ai vécu mon adolescence à Phnom Penh de 1967 à 1970. J'en ai si peu de souvenirs que j'ai laissé toute la place à ces traces, des ombres projetées. En résille, des silhouettes apparaissent, font signe, celles des parents, de mes camarades de lycée, d'un grand amour. Celles aussi auxquelles la violence de l'Histoire nous attache.Ici, à Paris, le temps est blême, c'est l'hiver, il est 17 heures, il fait huit degrés. Là-bas, à Phnom Penh, la nuit est totale, il est 23 heures et il fait vingt-six degrés. J'ai voulu écrire dans les deux fuseaux horaires, dans les deux latitudes. Écrire au crépuscule qui est avant tout la survivance de la lumière après le coucher du soleil.J. S.
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Fragmentation d'un lieu commun regroupe cent textes brefs, segments d'un travail d'éducatrice pénitentiaire et traces de ceux que Jane Sautière a rencontrés de part et d'autre des barreaux (détenus, surveillants, collègues). «Je vous contiens et je vous déverse. Choisir les mots par lesquels cela s'énonce est une liberté considérable, plus haute que les murs qui vous enferment encore», dit-elle. Écrit dans une langue d'une extrême densité, ce livre n'est pas une solution technique, administrative aux problèmes de l'enfermement, mais une inscription contre l'oubli.
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De notre naissance à notre mort, ce n'est pas un bref compagnonnage que celui du vêtement. Tous les jours, à toutes occasions, solennelles ou ordinaires, sans qu'on en garde le plus souvent la moindre conscience, nous vivons dans cette coque ou ce pelage. Le vêtement couvre et aussi souligne genre, condition sociale, usages et, bien sûr, mortalité. Au travers de l'exposition d'une penderie, il ne s'agit pas tant de théoriser, mais de joindre, de laisser voir endroit et envers, le vêtement comme récit de son porteur.
Je me souviens avoir particulièrement aimé le travail d'un artiste exposant l'envers de broderies, qui recouvraient un secret dissimulé dans la toile du canevas. J'aimerais qu'il en soit ainsi dans ce livre, un aller-retour du visible et du caché, de la matière au commentaire.
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«Je voudrais interroger l'ahurissant mystère de ne pas avoir d'enfant comme on interroge l'ahurissant mystère d'en avoir.»
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Mort d'un cheval dans les bras de sa mère propose un rapprochement incongru entre l'animal et l'humain. On découvrira dès la première scène du livre l'anecdote donnant naissance à ce titre énigmatique, qui est aussi la ligne de fuite et de conduite du texte.Du cheval au chat, en passant par le corbeau, le chien, le lapin, le rat, le cafard, les animaux comestibles ou domestiques, sauvages ou imaginaires, réels ou symboliques... tout un bestiaire intime s'offre à nous en dix chapitres fragmentaires. La démarche introspective de Jane Sautière échappe à l'écriture linéaire et préfère la ligne brisée des souvenirs.Depuis le cheval du titre jusqu'au petit chat du dernier chapitre, le récit explore « les bêtes de [sa] vie ». Sous sa plume, mammifères et insectes du quotidien prennent tous de l'importance. Stèles pour ses nombreux chats morts ou disparus, mais aussi pour la souris tuée par un piège qu'elle a posé, ces portraits impressionnistes deviennent des récits d'enfance - notamment en Iran, au Cambodge - et d'autres scènes de « domestication » dans un contexte occidental et urbain de sa vie adulte. Du passé resurgira surtout la mère du titre, la sienne, ayant porté par deux fois dans ses bras un enfant mort, une tragédie qui hantera la famille. Refusant la malédiction maternelle et la scène de pietà qui l'accompagne, c'est peut-être par la ruse de l'adoption des animaux, et aussi par le naturel attachement aux captifs du système pénitentiaire (où elle fut éducatrice), qu'elle choisit l'accueil des autres, animaux ou humains, et de l'animal en nous.Peut-on être la mère d'un animal ? Comment éviter de regarder cet être d'une autre espèce sous un angle anthropomorphe ? D'hospitalité, de deuil et de maternité il est partout question dans Mort d'un cheval. D'amour voire de dépendance aussi lorsque le siamois devient l'enjeu d'une rupture amoureuse... Par ce prisme de l'éprouvé et au moyen d'une langue ouvragée, d'une composition rythmée, Jane Sautière aborde les confins de l'humanité avec un oeil tendre et acéré.
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"Maintenant, je ne travaille plus. J'aurai eu beaucoup de mal à atteindre la date limite, je suis un vieux cheval, marqué au col. Je circule à mes heures, et presque toujours parce que j'ai envie d'aller quelque part, évitant les heures de pointe. Et je veux absolument, alors que je quitte des moments durs et l'agitation furieuse, donner les notes prises lors de ces déplacements." Au gré de ses déménagements et emplois successifs, de ses passions amoureuses aussi, Jane Sautière raconte à travers les moyens de transport qu'elle a empruntés tout ce qui l'a imprégnée, traversée, déplacée. Entre regard documentaire et enquête impressionniste, elle expose les nuances d'une relation ambivalente avec ce "lieu commun", chaque station d'un vécu où se confrontent l'intime et le collectif, l'enfermement routinier et l'aventure d'un voyage sans cesse renouvelé.
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Foisonnants, les costumes de Bretagne portent avec eux une somme d'évolutions variées et d'influences diverses. Ils se déclinent au gré d'une mosaïque de zones géographiques internes à la Bretagne, aux contours souvent rythmées par ses reliefs ou ses cours d'eau. Depuis l'enfance, la photographe garde en elle l'éblouissement des matières et la fascination du détail pour ces costumes portés par des membres de sa famille, à travers différentes générations. Ce projet photographique s'est tourné vers ceux pour qui le port de ces vêtements s'incarne encore de nos jours.
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Mounir ? Dix-sept ans, un talent rare pour se fourrer dans les emmerdes. Et pour l'en sortir : un aveugle à ne pas prendre avec des pincettes, une Asiatique sourde et une psychotique pyromane... Il y a des jours où le métier d'éduc est tuant !