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Prix
Jean Paulhan
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Dans cette lettre rédigée en 1956, Jean Paulhan invente une vie à son correspondant : jeune marié, il emmène sa femme voir une pièce de Shakespeare. Le théâtre prend feu et ce n'est que grâce à la bravoure d'un inconnu qui organise l'évacuation que leur vie sera sauve. Cet événement sert de point d'appui à l'écrivain pour illustrer sa théorie selon laquelle tout partisan est forcément de tous les camps à la fois. En effet, en quelques heures, l'époux aura été démocrate, partisan de l'aristocratie et royaliste. Royaliste pour avoir aveuglément obéi à cet inconnu qui orchestra l'évacuation, aristocratique par son choix d'aller voir une pièce du «meilleur des auteurs dramatiques» et enfin démocrate pour s'être marié avec celle qu'il aime et non celle choisie par ses parents ou son médecin.
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«Car il ne suffit pas tout à fait de dire que la peinture moderne diffère de la peinture classique. Elle prend en nous une autre place. Elle appelle de nouveaux sentiments; une volupté, un dégoût parfois, inattendus; on ne sait quel parti et quel amour un peu désespéré où il entre de la stupeur et du mystère. De toute évidence, elle cherche moins à plaire qu'elle n'est subie. Et tout se passe comme si les hommes avaient inventé par elle - ou simplement retrouvé - une motion, aussi différente de l'ancien plaisir esthétique que l'amour diffère de l'avarice, ou le sacré du profane. Quelle émotion? Ce n'est pas facile à dire. Il faut croire qu'elle échappe à la claire raison; qu'elle appelle la cachette et le secret, plutôt que la montre. Mais tâchons d'y voir de plus près.».
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« Braque est patient.
Son visage, si humble qu'il semble avoir vu la paix. Mais l'épaule est d'un bûcheron ; et la taille d'un géant. «Il faut avoir le temps, dit-il, d'y songer.» En effet, il s'assoit. Puis : «Quand j'étais jeune, je n'imaginais pas que l'on pût peindre sans modèle. Ça m'est venu peu à peu. Faire un portrait ! Et d'une femme en robe de soirée, par exemple. Non, je n'ai pas l'esprit assez dominateur». Il s'explique : «Le portrait, c'est dangereux.
Il faut faire semblant de songer à son modèle. On se presse. On répond avant même que la question soit posée. On a des idées». Les idées, pour Braque, ce n'est pas un compliment. Quand les gens disent d'un peintre qu'il est intelligent, méfiance ». Braque le patron s'est imposé comme le livre de référence sur le peintre et son oeuvre, tout à la fois reportage, document, portrait de l'artiste et regard d'une rare acuité posé sur son work in progress.
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Le guerrier appliqué ; progrès en amour assez lents ; Lalie
Jean Paulhan
- GALLIMARD
- L'imaginaire
- 25 Janvier 2016
- 9782070178049
«On verra dans Le Guerrier appliqué comment les tranchées, la mort d'un ami, une attaque assez maladroite peuvent apprendre à un jeune soldat ce que l'amour, le mariage, le travail et les autres distractions de la vie lui eussent enseigné plus négligemment.» Jean Paulhan.
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Correspondance, 1918-1962
André Breton, Jean Paulhan
- GALLIMARD
- Blanche
- 25 Novembre 2021
- 9782072693397
Étonnante correspondance que celle qu'échangèrent, pendant plus de quarante ans, André Breton et Jean Paulhan:on y découvre la profonde complicité intellectuelle qui lia le chef de file du surréalisme au directeur de La NRF et les premiers feux de l'aventure surréaliste, à laquelle Paulhan a pleinement pris part à ses débuts, puis les rapports, faits de désirs et de tensions, entre l'avant-garde et l'institution. Ces lettres dévoilent enfin l'intimité d'une relation qui cherche, jusqu'au bout, la formule d'une amitié tant désirée par Breton, entre idéal révolutionnaire et besoin de reconnaissance.On assiste ainsi à la poursuite de cette amitié «distante», traversée par nombre de grandes figures des lettres et des arts. C'est toute une histoire de la modernité qui s'écrit, et qui donne à mieux lire la pensée des deux auteurs, chacune éclairée d'un nouveau jour. Et si leur amitié n'est jamais parvenue à s'épanouir, du moins ces deux esprits se sont-ils rencontrés dans une même quête ardente des mystères de la pensée - mystères de l'inconscient pour l'un, de l'expression pour l'autre.C. B.
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«Le lecteur s'interrogera sur le genre auquel relier ces Causes célèbres. En 1945, Jean Paulhan classait ce qu'il en publiait parmi les "Contes". Je dirais même : "faits divers". De tels faits divers sont quotidiens, privés ; ils n'ont rien des Causes célèbres dont s'occupent les tribunaux. C'est sans doute que nous ne sommes pas assez sensibles à leurs résonances morales. En tout cas, il ne s'agit pas d'"Entretiens sur des faits divers". Chacune de ces "Causes" est aussi "chose" poétique». Yvon Belaval.
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Il m'arrive de rêver que nous aurions pu nous connaître avant. Avec le même âge. Je crois que nous serions restés amis. » (Georges Perros à Jean Paulhan) 1953 : La Nouvelle Revue française renaît de ses cendres. Jean Paulhan, alors septuagénaire, cherche des regards neufs : Jean Grenier lui présente le jeune Georges Poulot, tout juste âgé de trente ans, ancien sociétaire de la Comédie-française avec Gérard Philipe, lecteur pour le TNP de Jean Vilar. Ainsi débute à La NRF celui qui prend le nom de Georges Perros.
Cinquante-huit critiques et quelques «papiers collés» plus tard, le «petit noteur» est devenu un écrivain à part entière. Entre temps, il a préféré s'esquiver, prendre la tangente sur sa pétaradante moto et se réfugier au fin fond de la Bretagne.
Refusant d'être publié en volume ou de se présenter à des prix littéraires, Georges Perros assume sa «sociale insignifiance» : «Ce que ces notes m'ont apporté, explique-t-il en septembre 1954, m'a comblé. Vous savez ce que je veux dire. L'important, c'est de continuer, quoique comblé.» Sauvage, instable, Perros ne décourage pas Paulhan. Bien au contraire, sa personnalité tourmentée l'intrigue, son esprit ironique et pince-sans rire excite sa curiosité. Mieux : il voit en son cadet la figure même de la littérature vivante - celle qu'il faut soutenir, publier, pousser dans ses retranchements.
Mais Georges Perros est aussi l'un des rares correspondants de Jean Paulhan à lire son oeuvre de manière désintéressée et à le suivre sur ce terrain du langage qui hante le directeur de La NRF : «Vous tournez autour des difficultés centrales - et rien moins que littéraires -, écrit Perros dans sa toute dernière lettre, comme un tigre qui voudrait manger un bout de la cuisse de la vérité.» Non sans courage, il tente de cerner le secret de Jean Paulhan, à l'aide des prismes de la poésie et de la psychologie. «Ce qui se passe (à l'endroit qui nous occupe), lui répond celui-ci, est tellement bizarre et contradictoire qu'il est d'abord difficile de se défendre de la conviction qu'on est vide, très exactement que l'on n'est personne. Mais je crois qu'il faut se défendre et qu'on est assez vite récompensé. Eh bien vos pages sont l'une de ces récompenses.» Il est d'autres «récompenses» au coeur de ces 211 lettres qui rythment «l'épreuve du compagnonnage» des deux épistoliers : les parties de boules aux Arènes de Lutèce, les visites à la ménagerie du Jardin des Plantes ou les nouvelles des migrations saisonnières des sardines dans la baie de Douarnenez...
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«Fautrier a su maintenir dans une peinture qui néglige le détail, l'éloquence, la vérité et suggère plus qu'elle ne signifie - dans la peinture moderne - tous les prestiges et la riche matière, bref toute la ressource de la grande peinture du passé:voilà qui exigeait plus d'une découverte. Voilà qui exigeait sans doute la fureur et la rage. Mais pourquoi, dira-t-on, est-ce justement de nos jours ... Ah, c'est une autre question. Mais on peut, à défaut de la résoudre, la tourner:et pourquoi ne serait-ce pas de nos jours? Pourquoi l'homme moderne n'aurait-il pas poussé dans ce sens un peu plus loin que les hommes de tous les temps? Pourquoi notre époque ne serait-elle pas l'une de ces époques héroïques, qu'imitent longuement les époques à venir? Pourquoi nous résigner si vite à n'être que des descendants et d'arrière-petits-fils? J'en appelle, contre une telle humiliation, à tous les jeunes ancêtres.» Jean Paulhan.
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Ce n'était certainement pas dans la nature, ni dans l'esprit de Jean Paulhan (1884-1968) de tenir un journal intime ou littéraire : « Tu commences à peine et tu butes déjà, notait-il en s'adressant à lui-même le 15 décembre 1926. Il te semble déjà qu'un journal ne peut pas être tenu et essentiellement dans la disposition où tu es - que le vrai n'est pas ce que tu disais. » Pourtant, il laissa derrière lui carnets, cahiers et feuillets, écrits à diverses périodes cruciales ou douloureuses de sa vie : ces textes, qu'il avait partiellement relus peu avant sa mort, sont ici réunis dans leur intégralité chronologique. Autant sa correspondance actuellement en cours d'édition montre l'homme au travail, l'ami en action, le critique en éveil, le directeur littéraire en autorité, autant ces écrits intimes, qui vont de 1904 aux dernières années de Jean Paulhan, évoquent la sensibilité rêveuse du jeune étudiant en philosophie, la fascination pour le peuple malgache, les violentes inquiétudes du fiancé, du mari et du père, le refuge du soldat adultère dans la maladie, les doutes de l'écrivain et du linguiste, les « progrès en amour assez lents » et assez tard, les amitiés profondes pour des hommes - Fénéon, Groethuysen, Muselli - dont il parle comme de lui-même, enfin les souvenirs de son enfance nîmoise :
« Dès l'âge de dix ans, je crois, écrit-il en 1946, j'ai désiré devenir vieux. À quel âge, me demandais-je, cesse-t-on d'exiger d'un homme qu'il fasse des études, qu'il ait un métier et gagne sa vie, qu'il ait femme et enfants, qu'il coure les femmes, qu'il boive au café, et le reste. J'ai vieilli et je vois que je ne me trompais pas. Voici peut-être cinq ou six ans seulement que je me sens libre, et, oui, précisément heureux : d'un bonheur fondé (alors que mes joies d'enfant, plutôt rares, mais très vives, me paraissaient toujours inexplicables). Fondé, je veux simplement dire proche de moi, facile à rappeler. Je ne veux pas dire naturel. » Au coeur de ces textes autobiographiques rassemblés, où Jean Paulhan se cache autant qu'il se livre, se trouve l'une des clés de sa personnalité - clé liée à un profond secret, subi et contenu : « Aussi assidûment, aussi sagement que Breton à devenir fou, écrit-il le 22 octobre 1925, je me serai appliqué à cesser de l'être toute ma vie. »
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Il est un homme qui préfère, en 1883, Rimbaud à tous les poètes de son temps ; défend dès 1884 Verlaine et Huysmans, Charles Cros et Moréas, Marcel Schwob et Jarry, Laforgue, et par-dessus tous Mallarmé. Découvre un peu plus tard Seurat, Gauguin, Cézanne et Van Gogh. Appelle à La Revue blanche, qu'il dirige de 1895 à 1903 - oui, de 1895 à 1903 -, André Gide et Marcel Proust, Apollinaire et Claudel, Jules Renard et Péguy, Bonnard, Vuillard, Debussy, Roussel, Matisse. Comme à La Sirène, en 1919, Crommelynck, Joyce, Synge et Max Jacob. L'homme heureux ! Il est à la rencontre de deux siècles. Il sait retenir, de l'ancien, Nerval et Lautréamont, Charles Cros et Rimbaud. Il introduit au nouveau Gide, Proust, Claudel, Valéry, qui apparaissent. Nous n'avons peut-être eu en cent ans qu'un critique, et c'est Félix Fénéon. Cela fait une étrange gloire, hors des enquêtes et des anthologies, hors des académies et des journaux, hors de la vie, comme on dit, littéraire. Cela fait une gloire mystérieuse qu'il faudrait serrer de plus près, qu'il faudrait comprendre. » Il s'agit là d'une nouvelle édition de F. F. ou le Critique, avec des notes sur les variantes d'un texte de Jean Paulhan, publié en 1943 par Confluences, en 1945 et 1948 par Gallimard, en 1969 par Claude Tchou, pour Le Cercle du Livre précieux. Suivent un dossier de fac-similés, montrant des pages d'un des manuscrits de F. F. ou le Critique et des fragments non retenus par Jean Paulhan, ainsi qu'un dossier de réception critique, comprenant des textes de Maurice Blanchot (« Le Mystère de la critique »), Alexandre Astruc (« F. F. ou de la Vocation »), André Berne-Joffroy (« F. F. »), André Billy (« Fénéon, Paulhan ou la Critique »), Raymond Guérin (« Jean Paulhan ou d'Une nouvelle incarnation des Lettres »), Maurice Nadeau (« Les oeuvres de Félix Fénéon ») & André Wurmser (« Félix Fénéon, homme d'hier »).
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Correspondance 1925-1944 ; nos relations sont étranges
Pierre Drieu La Rochelle, Jean Paulhan
- Claire Paulhan
- 11 Décembre 2017
- 9782912222534
« Parlerons-nous politique ? » demande Drieu à Paulhan, un jour de 1936, après dix années de promesses non tenues et de vagues reproches. Le dialogue sera vain, peut-être, mais il est sincère, bien que l'écart se creuse, jusqu'en 1943, entre le conseiller municipal du Front populaire et le thuriféraire de Doriot, entre le patriote qui en appelle à « l'espoir » et au « silence » en juin 1940 et le fasciste qui rêve de créer à Vichy un parti unique, entre l'ancien et nouveau directeur de La NRF imposé par Otto Abetz. Leur dialogue est même remarquablement direct : « Nos relations sont étranges, écrit Drieu à Paulhan le 12 décembre 1942 : j'ai pour vous une véritable dilection qui m'est venue assez tard, à l'usage, un peu avant 1939, et en même temps je pense que nous sommes ennemis et que nous nous combattons. » Ces 169 lettres échangées le montrent : Paulhan n'a jamais rompu intellectuellement avec Drieu, tentant de comprendre sa logique singulière. Paulhan n'a jamais rompu avec La NRF, non plus : après avoir refusé la codirection de la revue avec Drieu, à l'automne 1940, c'est lui qui fixe, en sous-main, les règles de cette cohabitation forcée, conscient que cette « anti-NRF » permet à la maison d'édition de Gaston Gallimard de perdurer sous l'Occupation. « Je crois que ma raison (personnelle) de ne pas écrire dans la nrf demeure valable, précise pourtant Paulhan en juin 1941 : je ne puis qu'être solidaire de ceux de nos collaborateurs que j'y avais invités et que l'on renvoie. » Entre Paulhan et Drieu la Rochelle, peut-on parler d'une amitié ? Y eut-il autre chose que les relations complexes entre un éditeur et un écrivain, les conseils avisés d'un directeur de revue à son successeur, et enfin leurs paradoxales discussions politiques ? Malraux l'affirmera : « Pour Drieu, Paulhan n'était pas un résistant, pour Paulhan, Drieu n'était pas un collaborateur ». Est-ce pour cela que, sans poser de questions, Drieu intervint auprès des autorités allemandes en mai 1941 pour faire libérer Paulhan, arrêté avec d'autres membres du réseau du Musée de l'Homme ? Est-ce pour cela que Paulhan a toujours gardé le contact, et plus encore, avec le directeur collaborationniste de La NRF ?
Si Drieu incarne la mauvaise conscience du milieu intellectuel, Paulhan ne voit cependant pas en lui le traître par excellence. De fait, la question de la fidélité est au coeur de cette correspondance (et ce n'est pas un hasard si elle s'ouvre sur la douloureuse rupture entre Drieu et Aragon, dont Paulhan est l'arbitre à son corps défendant) : fidélité à l'amitié, fidélité à soi-même et à ses convictions politiques, fidélité à la France, à la revue... Pour Jean Paulhan, comme pour André Malraux ou Emmanuel Berl, Pierre Drieu la Rochelle a certes failli gravement - en particulier lors de ses dernières années - mais il ne s'est pas trahi. Il aurait même été « loyal » jusqu'à sa mort par suicide, le 16 mars 1945. Paulhan ne signifiait déjà rien d'autre à Gide, trois ans plus tôt : « Drieu est à mon égard, en tout ceci, gentil et loyal. (Nous autres directeurs de revues, sommes corrects en de tels cas). A peine semble-t-il, de temps à autre, m'adresser quelque reproche secret. » (15 mars 1942).
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Les cahiers de la NRF : Dubuffet, Paulhan ; correspondance ; 1944-1968
Jean Dubuffet, Jean Paulhan
- GALLIMARD
- Les Cahiers De La Nrf
- 20 Novembre 2003
- 9782070765522
Rares sont les correspondances inscrites au carrefour des sphères artistique, littéraire et éditoriale. Les plus de six cents lettres qu'ont échangées, de 1944 à 1968, Jean Dubuffet et Jean Paulhan, outre qu'elles étonnent et réjouissent par la richesse, la vigueur et l'intérêt jamais démenti de leurs propos, font à ce titre figures d'exception par l'étendue du champ qu'elles embrassent - jusqu'à faire d'elles un remarquable panorama saisi sur le vif de la vie intellectuelle, politique et culturelle de l'immédiat après-guerre. Mais pour échapper au simple statut d'archives, fussent-elles de première main, encore faut-il qu'une écriture vienne sans cesse délivrer l'échange de son seul avenir de document. Or Paulhan et Dubuffet sont tous deux de redoutables et prolixes épistoliers. Si chaque lettre est écrite dans le souci de son destinataire, elle l'est donc aussi dans le souci des moyens dont elle use, de la langue et du style - de sorte qu'elle déborde le cadre de l'échange où elle est inévitablement prise pour offrir à chacun un plaisir de lecture qui, sur une période de plus de vingt ans, n'est jamais trahi. L'amateur aura ainsi celui de découvrir les bonheurs d'écriture de Dubuffet ; le curieux aura accès à une source précieuse d'informations sur l'invention de l'Art Brut, la création des Cahiers de la Pléiade, la genèse des textes et des oeuvres de Jean Dubuffet ; le connaisseur sera surpris par l'étendue et la profondeur de champ du tableau de la vie intellectuelle parisienne.
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Les cahiers de la NRF : André Pieyre de Mandiargues, Jean Paulhan ; correspondance ; 1947-1968
Jean Paulhan, André Pieyre de Mandiargues
- GALLIMARD
- Les Cahiers De La Nrf
- 29 Octobre 2009
- 9782070759248
Avec près de trois cents lettres, cartes et billets échangés entre 1947 et 1968, la correspondance entre André Pieyre de Mandiargues et Jean Paulhan reflète l'actualité du monde des lettres de l'après-guerre et les débats intellectuels qui l'animent, principalement autour de la réapparition de La NRF que Jean Paulhan codirige à partir de 1953, et à laquelle André Pieyre de Mandiargues contribuera à la rubrique «Le Temps, comme il passe». Il y publiera de nombreuses critiques et donnera en avant-première plusieurs de ses oeuvres. Tant d'écrivains importants font en effet partie du monde de Jean Paulhan... Écrivains qu'il à lui-même promus, grâce à sa place stratégique au sien de la Nouvelle Revue française, ou avec qui il entretenait de profondes affinités intellectuelles. Depuis leur première rencontre en 1946, André Pieyre de Mandiargues fait partie de ce cercle amical, poétique et artistique. Et c'est le point de départ de leur conversation épistolaire. Au fil de ces lettres, érudites et bouleversantes, la personnalité des deux interlocuteurs se révèle dans toute la saveur de sa subtilité et de son ironie. Tous les deux partagent en effet un même goût pour l'insolite, les incongruités, le plaisir de voir... André Pieyre de Mandiargues et Jean Paulhan - Mandiargues appelle celui-ci le «playboy de l'art moderne» - aiment les artistes et en particulier les peintres. Leur écriture est souvent au service de l'image et de ses créateurs et dont les noms - Braque, Dubuffet, de Pisis - apparaissent dans bien des lettres. Tant de connivence, par-delà la différence de génération, fait naître une affection et une intimité qui donnent à cette correspondance une chaleur surprenante et, pour le lecteur d'aujourd'hui, extrêmement touchante.
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Les fleurs de Tarbes ou la terreur dans les lettres
Jean Paulhan
- Folio
- Folio Essais
- 22 Novembre 1990
- 9782070325863
«L'auteur voudrait découvrir s'il n'existerait pas, des mots au sens et du langage brut à la pensée, des rapports réguliers et à proprement parler des lois - dont la littérature évidemment tirerait grand profit [...] C'est à de telles lois en effet que se réfère ouvertement tout écrivain, sitôt qu'il juge et tranche [...] Ainsi les linguistes et métaphysiciens ont-ils soutenu tantôt (avec les Rhétoriqueurs) que la pensée procédait des mots, tantôt (avec les Romantiques et Terroristes) les mots de la pensée - toutes opinions apparemment fondées sur les faits, patientes, savantes, et néanmoins si lâches et contradictoires qu'elles donnent un grand désir de les dépasser.L'art que j'imagine avouerait naïvement que l'on parle, et l'on écrit, pour se faire entendre. Il ajouterait qu'il n'est point d'obstacle à cette communion plus gênant qu'un certain souci des mots. Puis, qu'il est malaisé de persécuter ce souci une fois formé, quand il a pris allure de mythe ; mais qu'il est expédient au contraire de prendre les devants et l'empêcher de naître.»Jean Paulhan.
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Correspondance 1926-1934
Catherine Pozzi, Jean Paulhan
- Claire Paulhan
- 15 Décembre 2001
- 9782912222060
Au sujet de Catherine Pozzi (1882-1934), Jean Paulhan écrivait au jeune Dominique de Roux, vers 1963 : « Karin Pozzi était une grande jeune femme, gracieuse et laide, qui fut la femme de É[douard] Bourdet, la mère de Claude B[ourdet] et la maîtresse de Valéry (à qui s'adresse le poème « la grande amour.») Elle n'a pas écrit d'autres poèmes que ceux-là, mais une sorte d'essai métaphysique : Peau d'âme (chez Buchet) et deux ou trois notes qui ont paru dans la nrf (une sur Julien Lanoë). Ah, et un admirable récit, Agnès (nrf). » Presque quarante ans plus tôt, Jean Paulhan, nommé depuis peu rédacteur en chef de La Nouvelle Revue Française, avait fait la connaissance de cette femme fragile et tuberculeuse, énigmatique et hautaine - alors la maîtresse de Paul Valéry - qui venait de refuser de signer de son nom son premier texte publié, Agnès. Du cryptage compliqué des premiers temps (1926-1927) aux dérobades de l'écrivain avéré (1930-1932), jusqu'aux tensions et malentendus (1932-1934) autour d'une oeuvre inachevée de Catherine Pozzi, Peau d'Âme, cette correspondance croisée entre un auteur hypersensible et son éditeur pressant et intrigué donne à comprendre la difficulté croissante d'une relation que son Journal 1913-1934 laissait déjà transparaître : chaque nouvel écrit de Catherine Pozzi, envoyé « à l'ami, non au grand Directeur », est l'occasion d'une nouvelle crise d'incompréhension mutuelle. « Il y a tant de raisons d'écrire, outre celle de publier, expliquait Catherine Pozzi à Jean Paulhan, dans sa lettre du 10 juin 1931. Par exemple exalter la conscience, l'attention ; tracer un chemin ; son chemin ; détruire ; croître. Et tout se ramène à une certaine forme de vie, qui est l'oeuvre par excellence, et dont, peut-être, la chose écrite se détacherait plus naturellement et moins perceptiblement s'il était admis qu'en effet la vie soit l'oeuvre. Cette opinion est d'ailleurs démodée, tout athénienne qu'elle soit. »
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Les cahiers de la NRF : « le temps traversé » ; correspondance 1920-1964
Louis Aragon, Jean Paulhan, Elsa Triolet
- GALLIMARD
- Les Cahiers De La Nrf
- 15 Mars 1994
- 9782070735570
Aragon doit à son exceptionnelle longévité, que d'aucuns n'hésitent pas aujourd'hui à lui reprocher, comme ils font plus ou moins grief à Jean Paulhan de n'avoir pas été fusillé avec ses camarades du réseau du Musée de l'Homme, d'avoir eu, comme on dit, le dernier mot, au terme de cette traversée du temps qui s'acheva pour lui avec la disparition, en 1966, de son contemporain André Breton, et la mort, en 1968, de l'auteur du Guerrier appliqué, du Pont traversé et des Fleurs de Tarbes, son aîné de treize ans. L'article qu'il lui consacra dans Les Lettres françaises du 16 octobre 1968 - «Le Temps traversé» - prend tout naturellement la suite de ceux - «Lautréamont et nous» - qu'il avait consacrés l'année précédente à la «génération de 1917», et au souvenir de sa rencontre avec André Breton. Il s'éclaire de leur dialogue épistolaire, où l'on trouvera comme un avant-goût ce que pourrait être leur «correspondance générale», à laquelle se mêle aussi la voix croisée d'Elsa Triolet. Le «pêle-mêle des événements et des hommes» y touche constamment à ce qui fait l'homme, «dans ses rapports avec les autres», à ce que, «pour simplifier, dit Aragon, on appelle la politique». La politique, ou le roman, grâce auquel «le temps, comme un pont, se traverse : à la façon des voitures, mais aussi à la façon d'un fleuve».
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Jean Paulhan a réuni dans ce petit livre quatre textes écrits à des époques diverses de sa vie : L'art d'influencer, Lettre au médecin, Les Gardiens, Égyptiennes. À première vue, peu de liens entre ces pages, qui vont de l'évocation d'un souvenir d'enfance à un commentaire des Mimes du moraliste égyptien Ptoh Hatep. Pourtant, quand on les a lus, une même impression reste : celle d'une confidence sur des choses obscures, plutôt mal définies que mystérieuses, auxquelles nous
n'avions pas pris garde, aussi bien dans notre propre vie que dans celle des individus et des civilisations d'un lointain passé. L'Aveuglette en est le fin mot, comme le titre de ce livre. -
Oeuvres complètes : L'Art de la contradiction
Jean Paulhan, André Lhote
- GALLIMARD
- Blanche
- 19 Mars 2009
- 9782070770748
«Une oeuvre n'est jamais complète. Elle peut l'être plus, elle peut l'être moins. Depuis la mort de l'auteur, en 1968, on n'a pas cessé de découvrir des textes nouveaux de Jean Paulhan. Manuscrits, dactylogrammes, lettres en forme de traité, réponses à des enquêtes, publications devenues inaccessibles, les références se sont accumulées au point de modifier les contours de l'oeuvre entier. Il arrive même que l'on hésite sur une attribution, et ce n'est pas sans un certain plaisir. Paulhan commence sa carrière à vingt ans, en 1904, en signant un compte rendu sur la fatigue. Dès 1907, c'est-à-dire avant tout le monde, il publie un article sur Freud. De 1908 à 1910, il s'emploie à «sauver» la poésie malgache. Qu'en sera-t-il de la poésie française ? Paulhan cavale en amazone sur le mouvement Dada, prêt à sauter, et d'une attention confondante à l'adresse de tous les poètes. Prendre langue avec Paulhan ne revient pas seulement à prendre acte de la littérature. Dans ce premier volume, consacré aux récits, un corps rêve en pleine guerre. Un esprit résiste. Un homme voyage. Il n'est pourtant question que de langage ; et voilà pourquoi les récits de Paulhan tiennent devant l'Histoire. Critique, peinture, politique trouveront leur place dans les sept volumes prévus, d'où le visage de Jean Paulhan pourrait bien sortir changé, et plus vrai, comme celui d'une bonne part de la littérature de son siècle. Le lecteur sera donc bien inspiré de prendre garde à son esprit. Car le langage est chose, et chose utile, et mieux encore.» Bernard Baillaud.
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«Une oeuvre n'est jamais complète. Elle peut l'être plus, elle peut l'être moins. Depuis la mort de l'auteur, en 1968, on n'a pas cessé de découvrir des textes nouveaux de Jean Paulhan. Manuscrits, dactylogrammes, lettres en forme de traité, réponses à des enquêtes, publications devenues inaccessibles, les références se sont accumulées au point de modifier les contours de l'oeuvre entier. Il arrive même que l'on hésite sur une attribution, et ce n'est pas sans un certain plaisir. Paulhan commence sa carrière à vingt ans, en 1904, en signant un compte rendu sur la fatigue. Dès 1907, c'est-à-dire avant tout le monde, il publie un article sur Freud. De 1908 à 1910, il s'emploie à «sauver» la poésie malgache. Qu'en sera-t-il de la poésie française ? Paulhan cavale en amazone sur le mouvement Dada, prêt à sauter, et d'une attention confondante à l'adresse de tous les poètes. Prendre langue avec Paulhan ne revient pas seulement à prendre acte de la littérature. Dans ce premier volume, consacré aux récits, un corps rêve en pleine guerre. Un esprit résiste. Un homme voyage. Il n'est pourtant question que de langage ; et voilà pourquoi les récits de Paulhan tiennent devant l'Histoire. Critique, peinture, politique trouveront leur place dans les sept volumes prévus, d'où le visage de Jean Paulhan pourrait bien sortir changé, et plus vrai, comme celui d'une bonne part de la littérature de son siècle. Le lecteur sera donc bien inspiré de prendre garde à son esprit. Car le langage est chose, et chose utile, et mieux encore.» Bernard Baillaud.
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Oeuvres complètes Tome 5 ; critique littéraire Tome 2
Jean Paulhan
- GALLIMARD
- Blanche
- 21 Juin 2018
- 9782070770779
«Une oeuvre n'est jamais complète. Elle peut l'être plus, elle peut l'être moins. Depuis la mort de l'auteur, en 1968, on n'a pas cessé de découvrir des textes nouveaux de Jean Paulhan. Manuscrits, dactylogrammes, lettres en forme de traité, réponses à des enquêtes, publications devenues inaccessibles, les références se sont accumulées au point de modifier les contours de l'oeuvre entier. Il arrive même que l'on hésite sur une attribution, et ce n'est pas sans un certain plaisir. Paulhan commence sa carrière à vingt ans, en 1904, en signant un compte rendu sur la fatigue. Dès 1907, c'est-à-dire avant tout le monde, il publie un article sur Freud. De 1908 à 1910, il s'emploie à «sauver» la poésie malgache. Qu'en sera-t-il de la poésie française? Paulhan cavale en amazone sur le mouvement Dada, prêt à sauter, et d'une attention confondante à l'adresse de tous les poètes. Prendre langue avec Paulhan ne revient pas seulement à prendre acte de la littérature. Dans ce premier volume, consacré aux récits, un corps rêve en pleine guerre. Un esprit résiste. Un homme voyage. Il n'est pourtant question que de langage; et voilà pourquoi les récits de Paulhan tiennent devant l'Histoire. Critique, peinture, politique trouveront leur place dans les sept volumes prévus, d'où le visage de Jean Paulhan pourrait bien sortir changé, et plus vrai, comme celui d'une bonne part de la littérature de son siècle. Le lecteur sera donc bien inspiré de prendre garde à son esprit. Car le langage est chose, et chose utile, et mieux encore.» Bernard Baillaud.
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« Les noms d'Éluard et de Paulhan ne sont pas de ceux que l'on songe communément à rapprocher, ou à opposer. Non pas tant que l'un fut surréaliste et que l'autre s'est identifié à une revue qui eut des rapports souvent difficiles avec les amis de Breton. Mais comment faire le lien entre un poète lyrique et un essayiste sophistiqué, entre un « Pétrarque moderne » (ainsi que Paulhan définit lapidairement Éluard) et un maître ironiste, entre un communiste enthousiaste et un anti-communiste têtu, entre celui dont on se souvient comme d'un poète aimé de Gala, de Nusch et de quelques autres et celui en qui l'on voit d'abord un homme d'édition et de revues, une « éminence grise », un homme de pouvoir ? « Je connais peu de gens et j'ai peu d'autorité » écrit Éluard dans l'une des toutes premières lettres, en février 1919. Paulhan, à l'inverse, connaît déjà bien du monde ; d'où suit une demande : « Vous êtes plus nécessaire, vous serez plus utile que moi à notre tâche ». « Notre tâche », donc, comme ailleurs, deux années plus tard encore, « notre revue ». Et Paulhan, pareillement, dans l'une de ses réponses : « notre Proverbe ». Ils sont proches, sans doute, mais jusqu'où sont-ils ensemble ?
« Comprenez-vous donc, écrit Éluard dès février 1920, que je hais la N.R.F. et la littérature » ; la même année, Paulhan confie à Henri Pourrat : « J'ai une grande foi dans la NRF ». Cette foi, comme on sait, ne le quittera guère. L'appartenance des deux amis à deux groupes rivaux, l'un « dominé », l'autre « dominant » (et même, à partir de l'apparition de La Révolution surréaliste, en 1924, leur insertion dans deux revues rivales), entraîne divergences et conflits. Avant même le rapprochement entre surréalistes et communistes, qui s'engage en 1925, les difficultés ne manquent pas : il est vrai, sans doute, que Paulhan ne cite pas le nom d'Éluard dans les lettres où il s'en prend aux surréalistes ; et que s'il lui arrive de s'attaquer, dans sa correspondance, à la personne d'Aragon ou de Breton, on ne trouve rien de tel, sauf erreur, concernant Éluard. Mais enfin celui-ci appartient bel et bien à un groupe qui ne cesse guère de s'en prendre violemment et publiquement à La NRF, un groupe dont le chef, André Breton, a signé en février 1926 une première lettre d'injures à Paulhan, avant que la seconde, en octobre 1927, ne manque de les conduire jusqu'au duel. Éluard, cette fois-là, a été forcé de choisir. Et il a choisi Breton.
Le moment où Éluard reprend langue (prudemment, et par étapes) avec le directeur de La NRF, coïncide plus ou moins avec celui où il commence, à compter de mars 1936, à prendre avec Breton et ses fidèles ses distances : c'est au moment de la guerre d'Espagne en effet, qui est aussi celui des procès de Moscou, quand Breton publie ce que Paulhan appelle ses « manifestes contre Staline », que le poète des Mains libres commence à se laisser aspirer par le communisme officiel. Et cette rupture graduelle avec Breton est bel et bien contemporaine de son raccommodement personnel avec Paulhan (achevé en janvier 1937) et avec La NRF. On retrouve alors, au moins par moments, le ton de l'affection. Ainsi Éluard, en juin 1939, depuis la clinique où (une fois de plus) il séjourne : « Comme tu es gentil ! Tu es, tu as toujours été un des rares pour qui j'écris (Au début, tu étais le seul, avec Gala - aujourd'hui, dans mes moments d'exaltation, je les compte sur les doigts de ma main, par unités, et par milliards), c'est dire que je suis sensible à tes avis (mieux : à tes directives). Tu as toujours fait plus que m'admirer, tu t'es intéressé à mon «travail», comme je m'intéressais au tien. / Comme je te voyais et t'écoutais avant-hier dans ma chambre et comme je te voyais et t'écoutais à Montboron (à Versailles) il y a 20 ans, tu n'as pas changé. » Oui, curieuse amitié vraiment, et que les circonstances ont souvent contrariée, entre deux hommes dont l'affection semble toujours, hormis les premiers mois de leurs échanges, plus ou moins en attente d'une séparation et sous la perpétuelle menace d'une rupture. Au-delà de la formule conjuratoire d'Éluard : « il ne se peut pas que nous soyons séparés », qui date de 1925, on peut lire cette autre, de 1941 : « Ici, tout ce qui nous sépare nous rapprocherait », et cette troisième, qui est de Paulhan, en 1943 : « C'est là que je crains vaguement que nous ne nous séparions un jour ». Crainte bien fondée, on l'a vu, et singulière persistance. »
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Correspondance 1920-1946 ; y a-t-il quelque chose qui nous importe plus que la vérité ?
Jean-richard Bloch, Jean Paulhan
- Claire Paulhan
- 8 Janvier 2015
- 9782912222473
Jean-Richard Bloch et Jean Paulhan ont 36 ans l'un et l'autre en 1920, quand commence leur correspondance. Fondateur en 1910 de L'Effort libre, Bloch est alors sous contrat avec les éditions de la NRF, où ont paru Lévy en 1912 et ... Et Cie en 1917. De son côté, Jean Paulhan, qui a publié à compte d'auteur en 1917 Le Guerrier appliqué, est le dévoué secrétaire de Jacques Rivière, directeur de La NRF depuis 1919.
Leur échange va croissant jusqu'en 1932, année de parution du roman de Bloch, Sybilla, dédié à Paulhan, devenu rédacteur en chef de La NRF. Celui-ci, qui s'était montré « déçu » en 1925 de n'avoir pas retrouvé, dans La Nuit kurde et Sur un cargo, « le sévère, l'incorruptible Jean-Richard Bloch », tente alors de lier avec l'écrivain un complexe dialogue sur le pouvoir des mots : « Là où il y a pouvoir, il n'y a pas mots, et là où il y a mots, il n'y a pas pouvoir. » Mais Bloch est requis par ses engagement politiques - participation au premier Congrès des Écrivains soviétiques (1934), organisation du Congrès des Écrivains pour la Défense de la Culture (1935), voyage à Madrid (1936) - cependant que Paulhan, conseiller municipal Front populaire à Chatenay-Malabry, orchestre dans les pages de La NRF une vive politisation des débats...
Puis Bloch accepte de diriger avec Aragon le quotidien communiste Ce soir, dont le premier numéro sort le 1er mars 1937. Au lendemain du pacte germano-soviétique conclu en 1939 à Moscou, l'« embarras » entre Jean-Richard Bloch et Jean Paulhan est à son comble, et le sabordage de la revue Europe, que Bloch aurait eu l'intention de « reprendre », achève de distendre leur conversation. Bloch constate alors que « l'Europe, la guerre, les hommes de la politique ont emmêlé leurs fuseaux ».
Après l'offensive allemande du 10 mai 1940, ces différends paraissent « dépassés » à Jean Paulhan au profit de la seule fraternité d'armes et, bientôt, de l'entrée en Résistance. A la veille du départ de Bloch pour Moscou, Paulhan cherche une dernière fois le dialogue - qui passe toujours à ses yeux par les « questions langagières » - en lui adressant, le 22 février 1941, le début de ses Fleurs de Tarbes.
Intellectuels et hommes de revue s'il en fut jamais, Jean-Richard Bloch et Jean Paulhan, écrivains l'un et l'autre, se sont connus, estimés et liés d'une amitié qui ne pouvait être qu'ombrageuse, en raison de leurs relations respectives à la politique. Leur entente, et la possibilité même de cet échange de lettres, supposait cette différence entre eux, et une façon de pleinement l'assumer.
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Les cahiers de la NRF : Jean Paulhan, André Lhote ; correspondance ; 1919-1961
Jean Paulhan, André Lhote
- GALLIMARD
- Les Cahiers De La Nrf
- 24 Avril 2009
- 9782070124527
Quelque six cents lettres échangées entre le peintre qui fut le premier critique d'art de la Nouvelle Revue Française, et Jean Paulhan, directeur de la prestigieuse revue. Éditio n établie, présentée et annotée par Dominique Bermann Martin et Bénédicte Giusti-Savelli. Quatorzième volume de la « Série Jean Paulhan ».