Philippe Buc examine dans ce livre comment la théologie chrétienne a façonné des siècles de conflits, depuis la première guerre judéo-romaine (66) jusqu'à l'invasion de l'Irak (2003), en passant par la première croisade (1096) ou la Révolution française. Même dans les sociétés sécularisées ou explicitement non chrétiennes, comme l'Union soviétique stalinienne, les formes qu'ont prises de nombreux séismes politiques (guerres civiles, purges, déportations, terrorisme, etc.) sont selon lui en grande partie explicables par le christianisme et les très anciens concepts religieux qui influencent la façon dont la violence est perçue et perpétrée.
Ce que veut comprendre Philippe Buc c'est non seulement la logique par laquelle une personne saine d'esprit est amenée à tuer ou mourir pour un principe, mais aussi les raisonnements qui légitiment l'imposition de la liberté par la contrainte ou le pardon des atrocités de la guerre. Analysant l'idéologie américaine contemporaine de la guerre, qui place la violence sous l'empire d'idées abstraites, comme la liberté ou la paix mondiale, il met au jour son profond enracinement dans l'Écriture sainte.
Fruit de quinze années de recherches d'une ampleur peu commune, Guerre sainte, martyre et terreur montre combien les pieux idéaux de sacrifice, de pureté et de rédemption n'ont cessé de donner sens à la violence, depuis les premiers siècles chrétiens jusqu'aux temps inquiets que nous vivons.
Le christianisme est une religion du Livre. Cette vérité n'a jamais été plus vraie que dans l´Occident médiéval.
Dans cet univers longtemps fragile où la vie intellectuelle éprouva le besoin de s'appuyer sans cesse sur d'anciens garants de vérité, sur les autorités, la plus grande, la plus fondamentale autorité fut la Bible. Elle était la source de tout savoir et la référence de toute activité. Mais, par la grâce des théologiens, des moralistes, des prédicateurs, des écrivains monastiques, des canonistes, la Bible ne fut pas une autorité immuable. Elle avait besoin d'être commentée, expliquée, adaptée.
L'exégèse biblique donna lieu à un travail intellectuel ininterrompu qui eut des répercussions dans tous les domaines et toutes les pratiques. Le beau livre de Philippe Buc qui s'affirme comme un jeune médiéviste de premier plan montre tout ce qu'on peut attendre de l'exégèse biblique médiévale comme source essentielle de la vie intellectuelle au Moyen Age et, grâce aux méthodes qu'il a mises au point pour l'utiliser, apporte une contribution majeure à l'anthropologie politique de l´Occident, à l'histoire des controverses sur le pouvoir au milieu desquelles s'est constitué le pouvoir monarchique. Jacques LE GOFF.
Philippe Buc, né à Paris en 1961 est diplômé de l'Université de Californie à Berkeley et de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Paris). Il travaille sur la culture politique au Moyen Age, en particulier sur les rapports entre pouvoir et exégèse et sur les théories médiévales du rituel politique. Depuis 1990, il est Professeur à Stanford University, Californie, au Département d'Histoire.
La collection est dirigée par Lucien Bély, professeur d'histoire moderne à l'Université de Paris IV - Sorbonne, Claude Gauvard, professeur d'histoire du Moyen Age à l'Université de Paris I - Sorbonne, Jean-François Sirinelli, professeur d'histoire contemporaine à l'Institut d'études politiques de Paris. Les ouvrages publiés veulent montrer que l'Histoire n'existe pas sans les questions posées par les historiens et les lecteurs.