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« Braconnier. » Quel autre mot présente telle ambivalence ? Est-ce le héros populaire d'un monde rural où gibier et droit de chasse n'étaient réservés qu'aux possédants, ou bien le trafiquant ivre de trophées et d'argent des réserves africaines ? Un mot, deux contextes, suscitant l'admiration ou le mépris.
Si Jean-Pierre Joubert est l'héritier des premiers, anonymes ou réputés, ce «Raboliot» de Brenne, comme il se définit lui-même, est un chasseur clandestin, souvent solitaire, revendiquant avant tout l'usage de sa liberté. « Celui-là n'a ni Dieu ni maître ! », disait de lui son père. Il est devenu braconnier par goût, de la nature autant que de la transgression.
Sous sa propre plume, il offre un témoignage hors du commun de ses années de billebaude tant il est rare que ces hommes de l'ombre se « livrent » ainsi. Ce roman naturel aux accents picaresques balance entre le plaisir de l'affût, du combat nocturne face au sanglier, redoutable et courageux et celui de l'interdit, du défi jeté à l'autorité, quelle qu'elle soit.
Il n'est de « geste » sans légende et le plus hardi des braconniers ne saurait exister en étant piètre conteur. A cet égard, Jean-Pierre Joubert fait partie des meilleurs.
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On identifie communément Pierre Joubert au scoutisme, et on fait de lui "le" peintre de l'adolescence.
L'une et l'autre opinion, certes justifiées, sont trop réductrices. Ni scouts, ni gamins dans Marabout ! Car Joubert, c'est, AUSSI, un imagier de l'Histoire, d'une histoire populaire, un imagier populaire. Si le rôle de l'historien est de faire revivre le passé, alors Joubert est un Historien. Marabout va être son champ de bataille, avant qu'il assouvisse sa passion en d'immenses fresques colorées chez Ouest-France, Hachette, ou dans les peintures de Marine qu'il réalisera pour le prestigieux Musée de la Marine.
Le résultat est étonnant de diversité. Les textes, dont beaucoup semblent aujourd'hui d'une autre époque, sont en majorité des récits de guerre (la " Seconde "), écrits souvent par des militaires qui mettent en avant des qualités : le courage, l'héroïsme, le don de soi...qui avaient fait défaut à certains. L'exploit est à chaque page, et quand les récits ne suffisent pas, on brode dans des romans...
Autre thème récurrent : l'aventure. L'aventure sous toutes ses formes, avec des explorations, des exploits, des récits, des bios. Certains auteurs ont laissé un nom : Roger Vercel, Michel Droit, Jean d'Esmes, Norbert Casteret, François Balsan, Georges Blond, Marcel Jullian... Mais la plupart des récits étaient écrits par des auteurs-maison à la plume généreuse : Michel Duino, Willy Bourgeois, André Fernez ou Henri Vernes, le plus prolixe.
Il sera l'inventeur d'un héros de légende, Bob Morane, dont Joubert créera la silhouette, reprise ensuite par nombre d'autres illustrateurs. II ouvrait la voie, bientôt empruntée par toute une galerie de héros : Nick Jordan, Dylan Stark (de Pierre Pelot), Gil Terrail, Jo Gaillard, Kim Carnot... Joubert est à l'aise dans cette littérature populaire, à la fois distractive, héroïque et éducative. Il a eu lui-même une enfance populaire, "médiocre élève en toutes matières, sauf le dessin et l'Histoire (!)", et il se souvient des films - aventure, cape et épée, western - qui l'enchantaient lors des séances des "Cinémas des familles" du Quartier Latin...
Passée à la moulinette de son talent et de son imagination, l'Histoire se pare de ses plus belles couleurs.
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Paris, Saint-Nazaire, Castellón de la Plana, Vinaroz ; France, Espagne, arènes et taureaux en filigrane/prétexte : en ces lieux finalement pas si éloignés, Saints Naguère, c'est le parcours chaotique et faussement autobiographique de personnages écorchés qui révèle leur nature de héros ordinaires : un cadavre omniprésent de torero en disgrâce, figure centrale aux agissements mortifères ; un narrateur schizophrène qui rabache et raccorde ses souvenirs d'enfance aux basques de cet intrus défuncté. Dans le sang et la fureur ils subliment un passé disparu, sans amère nostalgie. Roman traversé de mises en abyme, ses phrases torrentielles et ses séquences coutelières rendent hommage au petit peuple ouvrier, prolétariats de tous horizons et artistes en débandade, dont l'humilité bafouée exacerbe les vies intérieures. De la sueur et des larmes dans le même emballage... Olé !...