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Salah Stétié
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Rabi'a de feu et de larmes
Rabïa Al-Adawiyya, Salah Stétié, Ghani Alani
- Fata Morgana
- 5 Novembre 2024
- 9782377921799
De Rabi'a al-Adawiyya, première sainte, mystique et sou?e de l'Islam, l'histoire n'a retenu que quelques dates et évènements. D'origine très pauvre, situation dont elle fera ensuite délibérement la règle et la chance de son existence terrestre, elle mène une vie d'extrême ascétisme qui lui attire, dans la Bassorah du premier siècle de l'Hégire, le respect de tous. Toute sa vie, elle scandera «ce qu'elle a à dire aux uns et aux autres, dans le langage aiguisé comme une lame qui est le sien, pour les délivrer, tous ces malheureux qui mendient les miettes de son festin secret, des noeuds qui les enserrent et les asphyxient.» Si les histoires légendaires ne cessent depuis de se multiplier, elle reste une ?gure majeure de la spiritualité dont Salah Stétié éclaire les ?évreuses méditations, prières incessantes et in?nies : celles d'une athlète de Dieu.
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Râbi'a de feu et de larmes
Salah Stétié
- Albin Michel
- Spiritualites Vivantes Poche
- 28 Octobre 2015
- 9782226320193
Râbi'a al-Adawiyya (713-801) est la première grande figure du soufisme, et il n'est pas indifférent qu'elle soit une femme. Elle est l'objet d'une vénération encore vive de nos jours, aussi bien au sein des milieux populaires que des cercles soufis. Ses paroles et ses poèmes, recueillis et transmis au fil des siècles par une chaîne ininterrompue de spirituels, conservent toute leur actualité.Son rayonnement et sa personnalité de feu lui permirent toutes les audaces. On raconte notamment qu'elle se promenait avec un seau d'eau et une torche : le premier, disait-elle, était destiné à éteindre le feu de l'Enfer, et le second à porter le feu au Paradis - ceci pour faire valoir une spiritualité totalement désintéressée, qui ne procède pas d'un marchandage moral avec Dieu.Après une biographie et une introduction lumineuse, Salah Stétié nous offre une magnifique traduction des poèmes et des propos qu'il nous reste de la sainte, accompagnés des calligraphies du grand artiste Ghani Alani.
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Quand Salah Stétié évoque le Liban, c'est en fils de la terre d'éden et d'exil dont il fut l'ambassadeur, en « fils de la parole » (titre de l'un de ses essais), de l'écriture, du livre et de la poésie. Réminiscence de toutes les saveurs et résonance de tous les mythes, « ce Liban étroit, adossé à sa muraille rocheuse comme une marche de la mer », est « d'abord un paysage », un paradis toujours menacé par les affres de l'histoire, terre foisonnante de paradoxes nés de coexistences tendues, de débordante vitalité. Aussi l'auteur joue-t-il sans cesse des échos et des correspondances, brisant les fils convenus de la chronologie et de l'itinéraire, pour composer un monde, un microcosme dont toutes les facettes se reflètent et, dépassant la couleur locale, renvoient à notre destin. Voici, présentés en savants contrepoints, Abraham et sa longue descendance de prophètes et de patriarches ; les conquérants contrecarrés, Assyriens, Macédoniens, croisés ; l'invention, avant la Grèce, des cités-États, Tyr, Sidon, qui essaimèrent jusqu'à Carthage et à Cadix, et celle de l'écriture alphabétique dont le principe et la graphie se retrouvent jusqu'au Sahara (tifinagh), au Yémen (sabéen), à la Russie (cyrillique). Beyrouth, « ville de tous les conflits et de tous les dialogues », phénix sorti des ruines, vibrante de son luxe, de sa jeunesse, de ses universités, de ses dix-sept confessions, les mosquées jouxtant les églises. Monastères troglodytiques dans la vallée sainte de la Kadisha, majesté du mont Sannine sous la neige, des cèdres du mont Barouk, de la baie de Jounieh, la plus belle du monde selon Renan ; splendeur des sites de Baalbeck, de Tyr et de Byblos, stature imposante du château Saint-Gilles, des ruines du château Beaufort, souks ombreux de Tripoli et de Beyrouth... Douceur des oliveraies et des vignes du pays « de lait et de miel » que la Méditerranée éclaire, ouvrant le Liban vers l'extérieur, sur le commerce et sur le monde.
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Oasis ; entre sable et mythes
Salah Stétié, Jean-Baptiste Leroux
- Actes Sud
- 6 Avril 2016
- 9782330023942
Le poète Salah Stétié a tenu à composer une belle encyclopédie de l'oasis. Plus qu'une évocation d'un lieu préservé où le combat pour la fertilité semble gagné, ce livre s'engage dans l'histoire et la légende des peuples du Sahara pour un merveilleux voyage.
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Le début de ce récit pourrait se situer à Cordoue, mais c'est plus vraisemblablement à Fès qu'il convient de le placer. L'époque même de la rédaction du manuscrit restera, à ce stade en tout cas de son évocation, insaisissable. Fès est une ville grise au coeur d'une ceinture verte : l'été, elle a des rougeoiements splendides. Cordoue est rouge et blanche, plus blanche que rouge et si parfois elle paraît verte, c'est quand, du fait de la ronde des saisons, l'été la gagne. Le calligraphe, ou bien s'agit-il d'un copiste (on ne connaît pas, de toute façon, d'autre exemplaire du manuscrit) pourrait être originaire de l'une ou l'autre ville à deux siècles de distance près, la façon de former les lettres ainsi que leur vocalisation ayant peu varié dans l'intervalle.
Si Salah Stétié est unanimement reconnu comme l'un des plus grands poètes contemporains de langue française, ses écrits en prose, tout aussi remarquables, sont plus marginaux. Il y a bien sûr de nombreux essais critiques dédiés à Rimbaud ou Mallarmé, au langage poétique, au monde arabe et à son mysticisme. Mais il s'agit ici de nouvelles : La grande barque, en référence au navire de Noé, La mer de Koan, La nuit d'Abou'l Qassim, La substitution, Le tramway rouge, Le chat couleur, et toutes ont en commun une essence intemporelle, lointaine, puisée à la jonction de l'Occident et de l'Orient. On pense ici aux Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar où le mythe se conjugue à l'intime. Dessins inédits d'Antonio Segui.
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De nationalité libanaise et de langue française, diplomate, Salah Stétié défend une poésie fruit de la patience, de la méditation, dont la brûlante rigueur semble engager dans chaque mot, dans chaque image, la totalité de son expérience d'homme et l'ensemble de son destin spirituel.
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Les violences et les contre-vérités répandues aujourd'hui par un intégrisme qui se prétend musulman rendent indispensable un retour aux sources de l'islam, afin de comprendre ce que furent réellement la vie et l'enseignement de mahomet.
Poète et essayiste de réputation internationale, salah stétié répond à cette exigence contemporaine en nous livrant ici une magistrale biographie du prophète. il nous raconte la vie et les combats de cet homme inspiré - législateur de génie, laudateur de beauté, fondateur de civilisation - qui a su témoigner, dans un monde en crise, d'une nouvelle dimension de dieu. il nous initie également aux préceptes du coran que de nombreux préjugés associent au machisme, à la violence, à l'intransigeance, et par la grâce d'une écriture lumineuse, il nous éclaire sur la véritable ampleur de son message spirituel.
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Le Vin mystique et autres lieux spirituels de l'Islam
Salah Stétié
- Albin Michel
- 5 Juin 2002
- 9782226133687
Poète et écrivain d'origine libanaise et de réputation internationale, Salah Stétié a réuni ici huit essais qui traitent de certains thèmes symboliques de l'Islam. La grande civilisation musulmane, au-delà des problèmes auxquels elle est confrontée de nos jours, demeure l'une des plus riches en symboles. Le paysage que nous offre Salah Stétié rassemble le « vin mystique » de l'Islam ; son regard sur les images, qui ne sont pas toujours interdites comme on le prétend à tort ; la philosophie des jardins ; la métaphysique des nuages, de la terre et de la mer ; la figure énigmatique de la Reine de Saba ; et, enfin, ses vues sur la poésie et la nature mystique de la calligraphie arabe.
Salah Stétié nous présente ici de subtiles analyses qui rectifient beaucoup de notions erronées et de déformations systématiques. -
Mais le hasard est paresseux : c'est le fils du désert absolu de l'être. Il m'apparaît le plus souvent endormi vaguement sous un palmier aux palmes molles ou bien encore sous un flamboyant. Ainsi crée-t-il mille événements minimes d'une main toute lassitude capable de cela, repris et répété, qui fleurte avec le rien, le rien le degré juste au-dessous du peu.
Je comprends qu'il en soit ainsi. Ainsi, de fait, est la poésie. Et chaque fois qu'elle se manifeste, la poésie (c'est ici le moment de procéder à ce rappel) est une fête globale : les papillons y sont chez eux, le plaisir et le vide, le peu et le tout. L'amour surtout, orienté ou désorienté, qui est l'inspirateur originel, l'eau où vient boire la parole. Et donc nous tous, poètes présents à ce monde complexe, complexifié et simultanément allégé, unifié par notre imagination, levons un verre rempli de la densité légèrement écumeuse de la parole, au Soleil-Papillon qui nous abrite de son soleil, à la Poésie, notre aimée - au delà de tout, de tous et de toutes Convoquant Tagore, Valéry, Bonnefoy, Fouad Gabriel Naffah, Claudel ou Gracq, Salah Stétié rend un vibrant hommage aux poètes. Se plaçant dans la suite de Mallarmé, ces textes, aussi inspirés qu'inspirateurs, donnent au hasard - «assise instable de la création humaine» - un relief palpable.
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La joie habite avec moi dans mes poumons Qui sont ruches, avec des millions d'abeilles Et la brise incline une prairie en moi Qui fait chanter en moi les asphodèles Avec un bouquet rougi et ravi par le sang Un moine, un mystérieux, s'est assis sur ma tombe La mort n'est pas la mort, les insectes l'agréent Et les pauvres mendiants à cause de la lune Ont perdu la grande poussière des chemins Où leurs sandales, come au Japon, vont seules Salah Stétié prosodie en son coeur solitaire, images, rêves et pensées, puis s'interroge, à l'aube ou au plus profond de la nuit, sur la place véritable de l'homme en ce monde, tantôt aride où «s'abîme l'abîme» et parfois «si bleu dans le bruissement des palmes». L'oeuvre de Salah Stétié manifeste «le désir d'une vigilance et une foi dans la parole de poésie» (Yves Bonnefoy), elle se découvre dans une «illuminante complexité», prolongement de la plainte du temps. Ici, tous les paradoxes s'éteignent dans le verbe devenu matière adamantine.
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Je te retiens contre mon coeur, ô fils, ô père !
Et tes pas dans les miens seront des pas de nacre Sous les colonnes déchirées que nous aimions Dans ce pays où tous les deux nous avons chevauché le souffle Salah Stétié poursuit ici (après Fluidité de la mort et Brise et attestation du réel) sa quête essentielle, celle de l'espace de consumation qui habite sa poésie, creuset où toute la disparité contradictoire du monde se trouverait soudain concentrée en un alliage d'une exceptionnelle densité. «Le poème sera un noeud de forces consumées dans l'acte même qui les noue, et devenues matière invisible, champ magnétique». Poésie de nature alchimique, elle se refuse à reproduire ou à traduire le monde : elle n'en conserve que l'essence.
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Le désarroi identitaire ; jeunesse, islamité et arabité contemporaines
Reda Benkirane, Salah Stétié
- Eddif Maroc
- 30 Décembre 1999
- 9789954103685
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Poésie musicale, litanique, cristalline, " nuage avec des voix", qui pour citer l'un des mouvements du recueil, sans doute le testament poétique de Salah Stétié, qui fait éclore dans les Fiançailles de la Fraîcheur tous les rapports intimes du poètes au monde, la glace, la brûlure, la pierre et l'insecte, la lune et l'eau, l'aube et le lait, le face à face de l'amour, l'horizon de la mort.
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Le temps couvrait de son aile d'aigle un visage. La forteresse était comme une femme. Elle en avait la pourpre fameuse. Le coeur en nous, qui est une personne, s'agenouillait.
«Ces pages (...) étaient nées, avant l'année 50, dans l'exaltation d'un premier voyage vers une ville fabuleuse : fabuleuse par l'antiquité, par l'histoire, et par l'admirable lumière, soleil ou lune, posée sur les pierres raffinées ou violentes d'architectures civiles, religieuses ou militaires, constituant l'un des ensembles les plus remarquables qu'il y ait à voir dans cette région de la planète.
Eh bien, soit : que ces quelques pages subissent l'épreuve d'une petite édition amicale. Je les dédie au souvenir d'un temps où cette région du monde n'était pas encore ce terrible noeud insécable, où la rosée matinale savait tomber avec bonté sur les hommes et les choses de l'Orient, où le Paradis perdu ne l'était pas complètement pour un garçon de dix-huit ans qui rêvait les yeux ouverts.» Adamantins, ces premiers textes de Salah Stétié sont devenus ceux de l'espace et du temps perdus, dont ils mesurent l'empan avec vertige. Dernières traces d'une ville martyre.
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" c'est une hérésie de penser que l'esprit est mobile et l'essence des choses statique ; que l'essence est pure comme le cristal et l'apparence turbide ".
citant dôgen, le grand mystique zen du xiiie siècle, salah stétié commente : " je crois voir là une clé de l'être-au-monde japonais et de l'esthétique nippone dans son ensemble, dont kyôto porte à la fois le sens et le non-sens ". a touches discrètes, entrelaçant description, narration, interprétation, l'auteur parcourt les lieux sacrés, héritage de mille ans d'histoire, sans que le chemin et le legs ne soient ni touristiques, ni platement patrimoniaux: c'est " toute l'âme résumée " du japon qu'il fait pressentir et rend presque palpable, ces " images du monde flottant " dont parle le dit du genji, que chacun des ensembles de temples et de jardins module et recompose, faisant de la " ville de la sérénité et de la paix ", heian-kyô, le centre du monde, microcosme de l'univers, depuis l'époque de heian, au début du ixe siècle, jusqu'à celle du meiji quand, en 1868, la capitale est transférée à tokyo.
plus encore que le contexte historique, l'évocation des mythes fondateurs est ici primordiale : celui du couple divin izanagi/izanami d'oú naît la déesse du soleil, amatérasu, ancêtre du premier empereur ; ou celle du dieu-renard inari et des autres kamis. ils éclairent les rites du shintô, la " voie des dieux ", cadre omniprésent de la civilisation japonaise, auquel s'agrègent les apports de la chine - confucianisme et taoïsme - et du bouddhisme mahâyanâ, venu de corée dès le vie siècle: zen et paradis d'amida, " vie et lumière sans limites ", dont tant de temples et de jardins portent la marque, au premier rang desquels le pavillon d'or, le byôdô-in et le sanzen-in.
le jardin est parcours, jardin-promenade-source-lac, selon sa dénomination classique. le livre secret des jardins (xxiie siècle), s'inspirant de la peinture chinoise " montagne/eau ", shan sui, en prescrit les jalons : fusion dans la topographie, restitution de paysages célèbres, disposition rituelle des pierres, des cours d'eau et des lacs, îles, ponts et arbres. le " paysage emprunté ", shakkei, intègre les éléments extérieurs de la nature à la composition du jardin et du temple, tel le mont hiei pour la villa impériale, shûgaku-in.
le jeu incessant de l'intérieur et de l'extérieur, ne livrant de l'ensemble que vues mouvantes et aperçus fugaces, depuis les engawas, vérandas latérales, à travers les cloisons translucides (shoji) ou peints en trompe-l'oeil sur les fusumas, est le contrepoint essentiel à la fixité, à la répétition obsessionnelle des formes. jusqu'aux " jardins secs ", kare-sansui, du saihô-ji, du daisen-in et du ryôan-ji, le chef-d'oeuvre absolu, configuration la plus réduite de l'univers, rectangle plat de 200 mâ²de sable blanc, jonché de quinze pierres éparses l'ensemble n'en peut jamais être saisi d'un seul regard, la fixité du sable figure son contraire, le mouvement de l'océan, la vacuité du tout (il est mutei, " jardin du néant ") s'ouvre à tous les symboles de la cosmogonie.
c'est ce rythme que les photographies et la mise en pages du livre reproduisent, les jeux de miroirs de l'un et du multiple, de l'infinie variation sur le même thème, oú l'effet de surprise renforce, loin de la dissoudre, la pure sensation de l'être. tout est donc résonance et correspondances, dialogues en rêve, comme l'écrit le grand maître des jardins, musô soseki. et d'abord, avec les autres " voies " du raccourci tendu et tremblé : le haikai, le sabre, le tir à l'arc, le langage des fleurs, ikebana, le cha noyu, cérémonie du thé, les notes cristallines du shamisen, la guitare à trois cordes, le théâtre de poupées, bunraku, le travail du bois, ce tracé décisif de l'écriture, enfin, que l'auteur, dans une page magnifique, oppose à l'entrelacs mystique de la calligraphie arabe.
dialogue aussi avec notre sensibilité. sans jamais réduire à nos catégories occidentales, par de superficielles analogies, l'univers mental du japon dont kyôto est l'émanation suprême, l'auteur tisse un réseau d'échos et d'harmoniques oú se rejoignent les intuitions d'héraclite et d'ibn arabi, de stéphane mallarmé et de paul claudel, de roland barthes, henri michaux, yves bonnefoy, scrutateurs de cette " harmonie latente plus forte que l'évidente ", source de toute peinture, de toute musique, de toute poésie.
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A la suite de L'être, ce livre prolonge la plainte du temps qui emporte, qui ne laisse pas. Le poète sait qu'il n'y a nulle raison d'attendre, personne, ni rien, qu'il est certainement trop tard. Il passe, et sa promenade, afflux d'images, de pensées, coud et découd le sens, interroge l'homme dans l'univers, dénonce les faux signes du ciel et les dieux morts. Et notre monde, vu du cosmos ainsi, prend sens, prend chemin vers ailleurs, bien au-delà des mots usuels.
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Nos ombres dans le désespoir de la parole Se sont peut-être accomplies dans le désir De n'être plus que bouche et solitude Sans corps sous l'identité de la lumière Elle disparut dans son corps et dans son ombre Et retira l'épée de ses beaux cils - Alors la place a déployé ses armements Sur une douleur sans rien ni personne Ce recueil est le «livre de l'intranquilité», de la peine et de la douleur. Livre d'un vieil homme qui pleure les absents ou les morts qui partent, ne reviennent plus, tous ceux que la vie a semés, jetés, puis dissipés. C'est aussi la plainte du temps qui emporte, qui ne laisse pas. Le poète sait qu'il n'y a nulle raison d'attendre, personne, ni rien, qu'il est certainement trop tard. Il passe, et sa promenade, afflux d'images, de pensées, coud et découd le sens, interroge l'homme dans l'univers, dénonce les faux signes du ciel et les dieux morts. Et notre monde, vu du cosmos ainsi, prend sens, prend chemin vers ailleurs, bien au-delà des mots usuels.
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Sur le coeur d'Isrâfil rend hommage aux poètes chers à Salah Stétié - Augiéras, Bonnefoy, Bounoure, Elytis, Genet, Senghor, Torreilles, Toulet, et Valéry - qui a su capter le meilleur de leurs oeuvres pour le rendre ici dans une écriture ample et profonde.
Extrait :
"Toute ma vie se sera passée sous le signe de la foudre - "ce bel éclair qui durerait" - dont m'aura gratifié Gabriel Bounoure. La fin de l'âge venant, de l'importance de ce don je me rends compte aujourd'hui plus que jamais. Et c'est pour moi dans les plis du coeur, lumière d'un trésor : irremplaçable lumière, inouï trésor.. A l'heure où l'on ne sait encore rien mais où naît, dans la violence du désir, le besoin et l'impatience de tout posséder et de tout savoir, vers dix-sept/dix-huit ans, Bounoure est entré dans ma vie comme un ange, cet Archange Gabriel de la plus grande fable, et, l'oeil voilé et le sourire de la compassion bouddhique aux lèvres, il m'a d'un doigt frémissant d'émotion contenue quoique intense, montré la route : elle allait (je ne le savais pas encore ou qu'à peine) vers le centre de tout qui a nom Poésie. Capitale de la douleur, capitale de la merveille et de la grâce."
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Né à Beyrouth en 1929, au carrefour des civilisations arabe et européenne, Salah Stétié a, plus qu'un autre, éprouvé le choc de l'histoire, vécu et souffert le désir d'unité. Cette confrontation, cependant, ne l'a pas conduit à choisir un monde contre un autre, mais, bien au contraire, à tenter de les concilier en forgeant un langage qui leur soit commun. Cet espace de consumation qui caractérise sa poésie, véritable creuset où toute la disparité contradictoire du monde se trouverait soudain concentrée en un alliage d'une exceptionnelle densité, Salah Stétié s'est attaché à le transposer dans ce recueil qui fait de chaque poème le couplet d'un chant voué à l'interminable.
Extrait :
L'amour en toi est un naufrage, un ballot éclaté d'épines Éparpillées sont tes odeurs ! Éparses tes saveurs !
Et moi j'énonce ta géologie insubstantielle La transfiguration du nid de tes organes Sur ce chemin où nos orteils se sont rejoints se sont disjoints Comme nos corps dans leurs nuits friables douces Le coeur est de ténèbres. Le coeur est de lumière.
Sur moi c'est pluie et neige C'est pluie, c'est pluie et neige