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La fabrique éditions
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« Nous dressons nos campements de solutions durables. Nous manifestons, nous bloquons, nous adressons des listes de revendications à des ministres, nous nous enchaînons aux grilles, nous nous collons au bitume, nous manifestons à nouveau le lendemain. Nous sommes toujours parfaitement, impeccablement pacifiques. Nous sommes plus nombreux, incomparablement plus nombreux. Il y a maintenant un ton de désespoir dans nos voix ; nous parlons d'extinction et d'avenir annulé. Et pourtant, les affaires continuent tout à fait comme avant - business as usual. À quel moment nous déciderons-nous à passer au stade supérieur ? »
Confrontant l'histoire des luttes passées à l'immense défi du réchauffement climatique, Andreas Malm interroge un précepte tenace du mouvement pour le climat : la non-violence et le respect de la propriété privée. Contre lui, il rappelle que les combats des suffragettes ou pour les droits civiques n'ont pas été gagnés sans perte ni fracas, et ravive une longue tradition de sabotage des infrastructures fossiles. La violence comporte des périls, mais le statu quo nous condamne. Nous devons apprendre à lutter dans un monde en feu. -
Dans le débat public, être décolonial est une infamie. Dans les universités, dans les partis de gauche et d'extrême gauche, les syndicats, les associations féministes, partout on traque une « pensée décoloniale » infiltrée et funeste pour le vivre-ensemble.
Dans ce livre, Françoise Vergès élucide l'objet du scandale. Le féminisme décolonial révèle les impensés de la bonne conscience blanche ; il se situe du point de vue des femmes racisées : celles qui, travailleuses domestiques, nettoient le monde ; il dénonce un capitalisme foncièrement racial et patriarcal.
Ces pages incisives proposent un autre récit du féminisme et posent toutes les questions qui fâchent : quelles alliances avec les femmes blanches ? Quelle solidarité avec les hommes racisés ? Quelles sont les première vie menacées par le capitalisme racial ? Pourquoi les néofascismes s'attaquent-ils aux femmes racisées ?
Ce livre est une invitation à renouer avec la puissance utopique du féminisme, c'est-à-dire avec un imaginaire à même de porter une transformation radicale de la société. -
Accumuler du béton, tracer des routes : une histoire environnementale des grandes infrastructures
Nelo Magalhaes
- La fabrique éditions
- 19 Novembre 2024
- 9782358722971
Dans les décennies d'après-guerre, des milliers de kilomètres de routes et d'autoroutes sortent de terre pour soutenir l'intensification du trafic et relier, à travers les paysages agricoles remembrés, les métropoles aux zones industrielles, ports, aéroports, centrales électriques et complexes touristiques. C'est le début d'une « Grande accélération » qui bouleverse la production de l'espace. Sur les chantiers, le béton coule à flots tandis que le bruit des machines (qui ne font pas grève) a remplacé le tumulte des terrassiers. La chimie et l'industrialisation des techniques affranchissent la construction des contraintes du relief, du climat et de la géologie : « abstraire le sol » pour faire passer la route - et supporter le poids des camions - devient un leitmotiv de « l'aménagement du territoire » qui nécessite l'extraction et le déplacement continus de milliards de mètres cubes de terres, sable et granulat. Si les dégâts se font rapidement sentir dans le lit des rivières, les abords des carrières et dans l'atmosphère - sans parler de la mortalité sur les routes -, la frénésie du bitume n'a jamais faibli : il faut sans cesse réparer, épaissir, étendre cette infrastructure dévoreuse d'hectares et d'argent public. Ce livre offre une remarquable vue en coupe de cet engrenage technique, économique et politique. Alors que les luttes se multiplient contre le modèle routier et l'industrie cimentière, il identifie quelques verrous qui rendent le bâti si pesant. Un préalable pour penser des perspectives plus légères.
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« Je sens que j'ai tellement de choses à dire qu'il vaut mieux que je ne sois pas trop cultivé. Il faut que je garde une espèce de barbarie, il faut que je reste barbare. » Cet énoncé de Kateb Yacine, Louisa Yousfi l'entend comme une formule magique : à la fois mot d'ordre esthétique et fable politique, elle permet de convoquer ensemble Chester Himes, Toni Morrison, Booba, PNL et toute une cohorte ensauvagée à l'assaut de l'Empire.
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Faire justice : moralisme progressiste et pratiques punitives dans la lutte contre les violences sexistes
Elsa Deck Marsault
- La fabrique éditions
- 13 Décembre 2023
- 9782358722773
Là où il est admis que le recours à la police en cas de violence n'est pas la solution mais plutôt un problème supplémentaire, la tentation est de s'y substituer. Si l'intention est louable, son application l'est moins. Les mesures sont expéditives et les outils pour faire justice sont encore profondément empreints d'une philosophie punitive : menace, exclusion, harcèlement, dénonciation publique et discréditation politique. Comment sortir de cette impasse? La question est d'autant plus difficile qu'elle surgit au moment où les forces réactionnaires mènent une large offensive contre le wokisme pour mieux protéger ceux qui organisent les violences dans nos sociétés.
Écrit par une « militante gouine », ce livre propose une critique fine du moralisme progressiste et des pratiques punitives dans les luttes sociales. En se saisissant d'exemples concrets rencontrés au gré de son militantisme et en discutant précisément l'abolitionnisme pénal, elle pose les jalons d'une justice transformatrice inventive, capable de prendre soin des victimes et de transformer les individu.es comme les groupes.
Endiguer les violences c'est aussi ne plus craindre le conflit, ne plus avoir peur de lutter. -
Beaufs et barbares : le pari du nous
Houria Bouteldja
- La fabrique éditions
- 20 Janvier 2023
- 9782358722568
« Je l'avoue, c'est un bien curieux mot que ce "nous". Et si j'ai grand-peine à me convaincre qu'une telle unité soit possible, je ne me résous pas à l'idée que tout n'aura pas été tenté. Aussi, faut-il commencer par ce qui l'empêche. » C'est peu dire que le terrain est miné : un État-nation bâti sur l'esclavage et la colonisation, des organisations politiques fidèles au pacte national-racial, un chauvinisme de gauche qui a progressivement éteint l'internationalisme ouvrier, une société civile indifférente aux ravages de l'impérialisme, et la profonde « asymétrie des affects » entre petits-Blancs et sujets postcoloniaux. Telles sont quelques manifestations de « l'État racial intégral » disséqué dans la première partie de ce livre. La seconde partie propose une réflexion stratégique sur son dépassement car, on l'a vu encore récemment, l'État racial intégral comporte des brèches, colmatées faute d'avoir été consciemment élargies. C'est là qu'il faut « enfoncer le clou et aller à la recherche de l'intérêt commun », construire une politique décoloniale, inventer une dignité blanche concurrente de celle de l'extrême droite, défendre l'autonomie indigène et accepter de se salir les mains en ferraillant contre le consensus raciste. Alors, contre le bloc bourgeois occidental ébranlé par les crises qu'il a lui-même provoquées, pourra se nouer l'alliance inédite des beaufs et des barbares.
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Comment faire tourner les usines sans les travailleurs vigoureux, nourris, blanchis, qui occupent la chaîne de montage ? Loin de se limiter au travail invisible des femmes au sein du foyer, Federici met en avant la centralité du travail consistant à reproduire la société : combien couterait de salarier toutes les activités procréatives, affectives, éducatives, de soin et d'hygiène aujourd'hui réalisées gratuitement par les femmes ? Que resterait-il des profits des entreprises si elles devaient contribuer au renouvellement quotidien de leur masse salariale ?
La lutte contre le sexisme n'exige pas tant l'égalité de salaire entre hommes et femmes, ni même la fin de préjugés ou d'une discrimination, mais la réappropriation collective des moyens de la reproduction sociale, des lieux de vie aux lieux de consommation - ce qui dessine l'horizon d'un communisme de type nouveau. -
Une théorie féministe de la violence
Françoise Vergès
- La fabrique éditions
- 25 Novembre 2021
- 9782358722315
Le langage officiel à propos de l'égalité hommes-femmes est un répertoire de violences : harcèlement, viol, maltraitance, féminicide. Ces mots désignent une cruelle réalité. Mais n'en dissimulent-ils pas une autre, celle des violences commises avec la complicité de l'État ? Dans cet ouvrage, Françoise Vergès dénonce le tournant sécuritaire de la lutte contre le sexisme. En se focalisant sur des « hommes violents », on omet d'interroger les sources de cette violence. Pour l'autrice, cela ne fait aucun doute : le capitalisme racial, les populismes ultra-conservateurs, l'écrasement du Sud par les guerres et les pillages impérialistes, les millions d'exiléoes, l'escalade carcérale, mettent les masculinités au service d'une politique de mort. Contre l'air du temps, Françoise Vergès nous enjoint de refuser l'obsession punitive de l'État, au profit d'une justice réparatrice.
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Une histoire de la conquête spatiale : des fusées nazies aux astrocapitalistes du New Space
Irénée Régnauld, Arnaud Saint-Martin
- La fabrique éditions
- 19 Novembre 2024
- 9782358722957
Apollo, Ariane, Artemis... les programmes spatiaux se présentent à nous comme les épisodes d'une glorieuse épopée. Les motifs ont varié, flattant l'élan pionnier, la science, la quête de ressources nouvelles et plus récemment d'une hypothétique « planète B », mais le script est resté le même : en se projetant dans l'espace, l'humanité accomplit sa destinée. Les archives de la conquête spatiale contredisent pourtant cette fable. Loin du rêve humaniste, ses objectifs sont avant tout militaires, dès les premières expérimentations des ingénieurs nazis bientôt reconvertis dans l'aérospatiale aux États-Unis pour mener de front la course à la Lune, aux satellites et aux missiles. Dans le sillage des space enthusiasts au sein des gouvernements et des armées, une puissante industrie s'est développée, surfant sur le marché des télécommunications et de la surveillance, spéculant sur les projets d'expansion cosmique les plus farfelus. Cet « astrocapitalisme » se caractérise aujourd'hui par une fuite en avant destructrice : tandis que les puissances spatiales et les milliardaires du New Space visent la Lune et Mars, débris et pollutions s'accumulent au sol et dans le ciel. Si l'enchantement perdure, c'est qu'une vaste conquête des esprits est à l'oeuvre, dont on verra que l'héroïsation des astronautes - hier intrépides aventuriers, aujourd'hui scientifiques éclairés - n'est qu'une dimension parmi les plus durables. Il existe pourtant d'autres usages de l'espace, ni guerriers ni marchands, plus contemplatifs et plus soutenables, qui offrent une voie alternative vers les étoiles.
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Que fait la police ? et comment s'en passer
Paul Rocher
- La fabrique éditions
- 15 Novembre 2022
- 9782358722476
Omniprésente dans les rues comme dans le débat public, la police soulève davantage de questions qu'elle ne semble pouvoir en résoudre. En mobilisant les études disponibles et en confrontant les chiffres, Paul Rocher réfute dans ce livre les présupposés au fondement du mythe policier d'une institution sans doute imparfaite mais nécessaire, au service de toute la société dont elle ne ferait que refléter les travers. Non, la police n'empêche pas le crime, et l'emprise policière croissante sur la société n'a pas d'autre fondement que la réorganisation autoritaire du pays et le maintien d'un ordre inégalitaire. Toute l'histoire de l'institution révèle sa nature violente, sa fidélité à l'ordre établi - et dément l'idée de son « dysfonctionnement ». Peut-on pour autant se passer de police ? En s'inspirant des exemples sud-africain et nord-irlandais, où les habitants ont expérimenté des formes de gestion des conflits indépendantes de l'appareil d'État, Paul Rocher dégage les voies possibles d'un monde sans police.
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Gagner le monde : sur quelques heritages feministes
Zahra Ali, Rama Salla Dieng, Silvia Federici, Verónica Gago, Lola Olufemi, Djamila Ribeiro, Sayak Valencia
- La fabrique éditions
- 19 Novembre 2024
- 9782358722940
Alors qu'une aspiration féministe à la justice et à l'égalité s'est emparée d'une génération et fait feu de tout bois, c'est par le détour de l'histoire que les textes rassemblés ici nous parlent d'aujourd'hui. Contre les récupérations conformistes, les offensives réactionnaires qui ciblent le féminisme, leurs autrices évoquent des luttes et des figures qui ont compté pour elles et s'arment d'un héritage internationaliste fécond et vivant. On verra ainsi à l'oeuvre au fil des pages cette étonnante aptitude des concepts et des mots d'ordre féministes - comme des militantes elles-mêmes - à franchir les frontières à travers les décennies et les continents qui fait la puissance du féminisme, sa capacité à changer le monde.
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Programme de désordre absolu : décoloniser le musée
Françoise Vergès
- La fabrique éditions
- 21 Juin 2023
- 9782358722674
Le musée occidental est un champ de bataille - idéologique, politique et économique. Si à peu près tout le monde veut aujourd'hui « repenser le musée », peu ont pourtant l'audace d'interroger les présupposés mêmes du musée universel, produit des Lumières et du colonialisme, d'une Europe qui se présente comme la gardienne du patrimoine de l'humanité tout entière.
En arpentant l'histoire du Louvre, en discutant les impasses de la représentation de l'esclavage, en examinant des tentatives inabouties de subvertir l'institution muséale, Françoise Vergès esquisse un horizon radical : décoloniser le musée, c'est mettre en oeuvre un « programme de désordre absolu », inventer d'autres manières d'appréhender le monde humain et non humain qui nourrissent la créativité collective et rendent justice et dignité aux populations qui en ont été dépossédées. -
Le capitalisme détruit les existences. Il les détruit même deux fois. D'abord d'angoisse et de précarité en remettant la survie matérielle des individus aux mains de deux maîtres fous : le « marché » et l'« emploi ». Ensuite en rendant la planète inhabitable : surchauffée, asphyxiante, et désormais pandémique. Il faut regarder ces faits bien en face et s'astreindre maintenant à un exercice de conséquence. 1/ Le capitalisme met en péril l'espèce humaine. 2/ En 40 ans de néolibéralisme, l'espace social-démocrate où se négociaient des « aménagements » dans le capitalisme a été fermé : ne reste plus que l'alternative de l'aggravation ou du renversement. 3/ Il ne faut pas douter que la minorité qui en tire avantage soit prête à tout pour se maintenir. 4/ Sortir du capitalisme a un nom : communisme.
Mais sortir du capitalisme demeure un impensable tant que le communisme demeure un infigurable. Car le communisme ne peut pas être désirable seulement de ce que le capitalisme devient odieux. Il doit l'être pour lui-même. Or, pour l'être, il doit se donner à voir, à imaginer : bref se donner des figures.
La fatalité historique du communisme est de n'avoir jamais eu lieu et pourtant d'avoir été grevé d'images désastreuses. À la place desquelles il faut mettre enfin des images de ce qu'il pourrait être lui, réellement. -
La bataille de la Sécu : une histoire du système de santé
Nicolas Da Silva
- La fabrique éditions
- 21 Juin 2023
- 9782358722681
L'invention du régime général de sécurité sociale en 1946 n'a pas été le fait d'un consensus national inédit comme on l'entend souvent, mais le produit d'une histoire longue et conflictuelle dont La bataille de la Sécu offre un panorama.
Si la Révolution française pose comme jamais auparavant la question de l'intervention de l'État dans le domaine de la santé, elle ne conduit pas à un bouleversement des institutions du soin pourtant rendu nécessaire par le développement du capitalisme. Les premières réponses viennent au XIXe siècle des travailleurs qui organisent dans les mutuelles la solidarité. L'État n'intervient que modérément dans un souci de maintien de l'ordre social jusqu'à ce qu'il entraîne la population dans l'enfer des guerres mondiales, s'obligeant à investir massivement dans les soins.
Deux logiques antagoniques s'affrontent en 1946 qui éclairent les évolutions du système de santé en France jusqu'à aujourd'hui : à la « Sociale », fondée sur l'autogouvernement du système de santé par les intéressés eux-mêmes, s'oppose « l'État social », né de la « guerre totale », qui fait de la protection sociale un instrument de contrôle de la population. L'étatisation de la sécurité sociale qui est à l'agenda des classes dirigeantes dès 1946 en a subverti le principe de solidarité, ouvrant la voie à un capitalisme sanitaire dont on ne cesse de constater les dégâts. La pandémie a mis en lumière l'absurdité de ces évolutions et l'impérieuse nécessité de reprendre le pouvoir sur la Sécu. -
La forme-commune : la lutte comme manière d'habiter
Kristin Ross
- La fabrique éditions
- 15 Décembre 2023
- 9782358722780
Quand l'État recule, la forme-Commune s'épanouit. Ce fut le cas à Paris en 1871 comme lors de ses apparitions ultérieures, en France et ailleurs, quand des travailleurs et travailleuses ordinaires prennent en main l'administration collective de leur vie quotidienne.
Les batailles contemporaines contre l'accaparement et l'artificialisation des terres, de la zad de Notre-Dame-des-Landes au mouvement des Soulèvements de la terre, ont remis à l'ordre du jour des pratiques d'appropriation de l'espace qui transforment notre perception du passé récent. Les luttes paysannes des années 1960-1970, de la « Commune de Nantes », du Larzac ou de Sanrizuka au Japon apparaissent dès lors comme des combats déterminants de notre époque. Où s'inventent, dans la défense d'un territoire menacé par la construction d'une base militaire ou d'un énième aéroport, de nouvelles manières politiques d'habiter et de produire, hétérogènes à l'État et indifférentes à la logique destructrice du capital ; où se nouent des alliances singulières et des collaborations fructueuses qui laissent joyeusement entrevoir « la forme politique enfin trouvée de l'émancipation économique du travail ». -
La société ingouvernable ; une généalogie du libéralisme autoritaire
Grégoire Chamayou
- La fabrique éditions
- 11 Mars 2020
- 9782358721998
Partout, ça se rebiffait. Les années 1970, a-t-on dit à droite et à gauche, du côté de Samuel Huntington comme de Michel Foucault, ont été ébranlées par une gigantesque « crise de gouvernabilité ».
Aux États-Unis, le phénomène inquiétait au plus haut point un monde des affaires confronté simultanément à des indisciplines ouvrières massives, à une prétendue « révolution managériale », à des mobilisations écologistes inédites, à l'essor de nouvelles régulations sociales et environnementales, et - racine de tous les maux - à une « crise de la démocratie » qui, rendant l'État ingouvernable, menaçait de tout emporter.
C'est à cette occasion que furent élaborés, amorçant un contre-mouvement dont nous ne sommes pas sortis, de nouveaux arts de gouverner dont ce livre retrace, par le récit des conflits qui furent à leurs sources, l'histoire philosophique.
On y apprendra comment fut menée la guerre aux syndicats, imposé le « primat de la valeur actionnariale », conçu un contre-activisme d'entreprise ainsi qu'un management stratégique des « parties prenantes », imaginés, enfin, divers procédés invasifs de « détrônement de la politique ».
Contrairement aux idées reçues, le néolibéralisme n'est pas animé d'une « phobie d'État » unilatérale. Les stratégies déployées pour conjurer cette crise convergent bien plutôt vers un libéralisme autoritaire où la libéralisation de la société suppose une verticalisation du pouvoir. Un « État fort » pour une « économie libre ». -
La Révolution française et les colonies
Marc Belissa
- La fabrique éditions
- 19 Novembre 2024
- 9782358722964
En 1789, l'économie esclavagiste et la ségrégation raciale dominaient les colonies françaises en Amérique et dans l'Océan indien. En proclamant que les « hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », la Révolution française contribue à faire exploser les tensions qui traversaient les sociétés coloniales. « Terreur » des colons blancs esclavagistes, la Déclaration des droits de l'homme est une arme aux mains des « libres de couleurs » et des esclaves noirs qui se révoltent. À Saint-Domingue et en Guadeloupe, malgré les intrigues des défenseurs du « préjugé de couleur », de véritables révolutions s'accomplissent en interaction avec la dynamique révolutionnaire en Europe. C'est la rencontre entre les révolutions coloniales et les mouvements radicaux en métropole qui permet la proclamation de l'abolition de l'esclavage à Saint-Domingue en août 1793, puis le vote de l'abolition générale par la Convention en février 1794, accueilli avec ferveur dans le pays. Ce livre déroule le fil qui court de la convocation des États généraux à la réaction coloniale menée par Bonaparte en 1800-1804 - empêchée à Saint-Domingue par la résistance acharnée des armées noires de Toussaint Louverture et Dessalines. Durant ces quinze années, les rapports sociaux, les identités « raciales » et politiques ont été bouleversés et les deux piliers de la société coloniale que sont la domination de la métropole et l'esclavage ont été remis en cause. Alors que les débats sur la mémoire de l'esclavage et de la colonisation sont vifs, Marc Belissa fournit une indispensable synthèse historique d'une période où s'est levé le « vent commun » de l'émancipation qui a soufflé sur le monde.
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Hier encore, le discours officiel opposait les vertus de la démocratie à l'horreur totalitaire, tandis que les révolutionnaires récusaient ses apparences au nom d'une démocratie réelle à venir.
Ces temps sont révolus. Alors même que certains gouvernements s'emploient à exporter la démocratie par la force des armes, notre intelligentsia n'en finit pas de déceler, dans tous les aspects de la vie publique et privée, les symptômes funestes de l' "individualisme démocratique" et les ravages de l' "égalitarisme" détruisant les valeurs collectives, forgeant un nouveau totalitarisme et conduisant l'humanité au suicide.
Pour comprendre cette mutation idéologique, il ne suffit pas de l'inscrire dans le présent du gouvernement mondial de la richesse. Il faut remonter au scandale premier que représente le "gouvernement du peuple" et saisir les liens complexes entre démocratie, politique, république et représentation. À ce prix, il est possible de retrouver, derrière les tièdes amours d'hier et les déchaînements haineux d'aujourd'hui, la puissance subversive toujours neuve et toujours menacée de l'idée démocratique. -
La violence policière n'a rien d'accidentel, elle est rationnellement produite et régulée par le dispositif étatique. La théorie et les pratiques de la police française sont profondément enracinées dans le système colonial : on verra dans ce livre qu'entre les brigades nord-africaines dans les bidonvilles de l'entre-deux-guerres et les brigades anti-criminalité (les BAC) dans les « cités » actuelles, une même mécanique se reproduit en se restructurant. Il s'agit toujours de maintenir l'ordre chez les colonisés de l'intérieur, de contenir les territoires du socio-apartheid. Le développement des armes « non létales » - Flash-Ball, Taser... - propulse aussi une véritable industrie privée de la coercition. Rigouste montre comment l'expansion du marché international de la violence encadre la diffusion des doctrines de la contre-insurrection et permet de les appliquer à l'intérieur des métropoles impériales. Cette enquête, fondée sur l'observation des techniques et des pratiques d'encadrement et de ségrégation depuis ceux qui les subissent et les combattent, montre comment le pouvoir policier assure la reproduction des dominations capitalistes, racistes et patriarcales dans la France contemporaine. Depuis sa publication en 2012, La domination policière a trouvé un écho durant les grandes séquences de luttes et les épisodes de répression. La présente édition est actualisée et augmentée.
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Vivre sans ? autorité, institutions, économie... ; entretien avec Eric Hazan
Frédéric Lordon
- La fabrique éditions
- 25 Novembre 2021
- 9782358722322
C'est peut-être le discours le plus dynamique dans l'imaginaire contemporain de la gauche, mais ce qui fait son pouvoir d'attraction est aussi ce qu'il a de plus problématique. Car il nous promet la « vie sans » : sans institutions, sans État, sans police, sans travail, sans argent - « ingouvernables ».
La fortune de ses énoncés recouvre parfois la profondeur de leurs soubassements philosophiques. Auxquels on peut donner la consistance d'une « antipolitique », entendue soit comme politique restreinte à des intermittences (« devenirs », « repartages du sensible »), soit comme politique réservée à des virtuoses (« sujets », « singularités quelconques »). Soit enfin comme politique de « la destitution ».
Destituer, précisément, c'est ne pas réinstituer - mais le pouvons-nous ? Ici, une vue spinoziste des institutions répond que la puissance du collectif s'exerce nécessairement et que, par « institution », il faut entendre tout effet de cette puissance. Donc que le fait institutionnel est le mode d'être même du collectif. S'il en est ainsi, chercher la formule de « la vie sans institutions » est une impasse. En matière d'institution, la question pertinente n'est pas « avec ou sans ? » - il y en aura. C'est celle de la forme à leur donner. Assurément il y a des institutions que nous pouvons détruire (le travail). D'autres que nous pouvons faire régresser (l'argent). D'autres enfin que nous pouvons métamorphoser. Pour, non pas « vivre sans », mais vivre différemment. -
"Celui qui voit ne sait pas voir" : telle est la présupposition qui traverse notre histoire, de la caverne platonicienne à la dénonciation de la société du spectacle. Elle est commune au philosophe qui veut que chacun se tienne à sa place et aux révolutionnaires qui veulent arracher les dominés aux illusions qui les y maintiennent. Pour guérir l' aveuglement de celui qui voit, deux grandes stratégies tiennent encore le haut du pavé. L'une veut montrer aux aveugles ce qu ils ne voient pas : cela va de la pédagogie explicatrice des cartels de musées aux installations spectaculaires destinés à faire découvrir aux étourdis qu ils sont envahis par les images du pouvoir médiatique et de la société de consommation. L'autre veut couper à sa racine le mal de la vision en transformant le spectacle en performance et le spectateur en homme agissant. Les textes réunis dans ce recueil opposent à ces deux stratégies une hypothèse aussi simple que dérangeante : que le fait de voir ne comporte aucune infirmité ; que la transformation en spectateurs de ceux qui étaient voués aux contraintes et aux hiérarchies de l'action a pu contribuer au bouleversement des positions sociales ; et que la grande dénonciation de l homme aliéné par l excès des images a d'abord été la réponse de l'ordre dominant à ce désordre. L'émancipation du spectateur, c est alors l affirmation de sa capacité de voir ce qu il voit et de savoir quoi en penser et quoi en faire. Les interventions réunies dans ce recueil examinent, à la lumière de cette hypothèse, quelques formes et problématiques significatives de l'art contemporain et s efforcent de répondre à quelques questions : qu'entendre exactement par art politique ou politique de l'art ? Où en sommes-nous avec la tradition de l'art critique ou avec le désir de mettre l'art dans la vie ? Comment la critique militante de la consommation des marchandises et des images est-elle devenue l'affirmation mélancolique de leur toute-puissance ou la dénonciation réactionnaire de l'"homme démocratique" ?
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Créer un État de toutes pièces sur une terre déjà habitée par un autre peuple : l'équation du sionisme depuis 1947 est insoluble. On verra dans ce livre comment la politique israélienne a poursuivi cette folle idée par la voie des armes et l'escamotage des négociations, avec le soutien inébranlable des puissances occidentales. Le « processus de paix » qui privilégie depuis quarante ans la solution à deux États affiche un bilan désastreux : Israël continue son expansion illégale et construit l'apartheid, l'État palestinien n'est qu'une collection d'enclaves sans pouvoir et le droit au retour des réfugiés n'est même plus discuté. Contre la politique du statu quo, Ghada Karmi montre que la seule solution qui puisse aujourd'hui satisfaire le besoin de justice des Palestiniens, réfugiés compris, et le besoin de sécurité des Israéliens est celle d'un seul État laïque en Palestine historique, dont tous les habitants jouiraient des mêmes droits. Elle défend cette idée avec lucidité, « non pas comme un but immédiatement atteignable mais comme une vision, une aspiration et une foi dans l'humanité des Palestiniens et des Juifs et de tous ceux qui souhaitent les voir vivre en paix ».
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Les trente inglorieuses : scènes politiques
Jacques Rancière
- La fabrique éditions
- 15 Septembre 2022
- 9782358722452
Il y a trente ans les augures annonçaient le triomphe mondial de la démocratie et l'avènement d'un âge consensuel où la considération réaliste des problèmes objectifs engendrerait un monde apaisé. Si ces belles espérances ont été cruellement démenties, ce n'est pas seulement par l'agression de forces externes. C'est de l'intérieur que le consensus s'est révélé comme la violence d'un capitalisme absolutisé et comme une machine à fabriquer toujours plus d'inégalité, d'exclusion et de haine. Les interventions réunies ici suivent les étapes de ce retournement à travers les campagnes de la pax americana, de l'invasion de l'Irak à celle du Capitole, et la progression continue chez nous d'un racisme d'en-haut qui a su enrôler à son service les progressismes désenchantés. Mais elles s'attachent aussi à suivre la dynamique des mouvements qui n'ont cessé d'affirmer, contre la logique mortifère du consensus, la puissance des égaux assemblés et leur capacité d'inventer d'autres formes de monde.
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Quels sont les liens entre l'industrie militaro-carcérale américaine, l'apartheid en Israël-Palestine, les mobilisations de Ferguson, Tahrir et Taksim ? Qu'est-ce que l'expérience des Black Panthers et du féminisme noir nous dit des rapports actuels entre les oppressions spécifiques et l'impérialisme ?
Témoin et actrice de luttes de libération pendant plus d'un demi siècle, Angela Davis s'exprime ici sur l'articulation de ces différents combats, pour une nouvelle génération saisie par l'urgence de la solidarité internationale.