Arlea
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Le 3 avril 1945, Léon Blum et sa femme furent extraits du camp de Buchenwald et, au bout d'un mois de pérégrinations, ils se retrouvèrent dans un hôtel du Tyrol italien où, le 4 mai, ils aperçurent les premiers casques américains.
" J'ai tenu un journal des événements qui ont marqué pour nous cette période critique. Je les ai là, sous mes yeux. Ces notes ont été griffonnées un peu partout, au crayon le plus souvent, pendant les haltes des voitures, ou sur le lit de camp des étapes. Presque chaque ligne en a été tracée avec le sentiment qu'elle serait la dernière. Je puis bien dire, sans forcer le ton, que, pendant ce voyage d'un mois, l'idée de la mort a été notre compagne de tous les instants.
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New-York, 11 septembre 2001. Au moment où les twins towers s'effrondent, John LaLiberté, dit Cat, Indien mohawk et ironworker (monteur d'acier) de son état, travaille sur le chantier d'un nouveau building à Manhattan. Passé l'incroyable moment de stupeur et dans l'atmosphère de guerre qui envahit alors toute la ville de New-York, il rejoint le lieu de la catastrophe, appelé en renfort comme tous ses congénères pour s'atteler, dans un effroyable et indescriptible champ de ruines, au premier déblaiement des gravas en vue de sauver d'hypothétiques survivants.
Les Mohawks sont des Indiens, canadiens ou américains, vivant dans des réserves près de Montréal ou à la frontière avec les Etats-Unis. Pas un chantier en hauteur, pas un pont métallique ou un grand building n'ont été construits sans leur savoir-faire ancestral. La légende les présente doué d'une insensibilité au vertige, mais ce n'est qu'une légende. S'ils se déplacent comme des chats sur des poutres de 30 centimètres de large à des hauteurs vertigineuses, pour assembler les éléments d'acier qui constituent l'armature des édifices, c'est seulement en bravant leur peur et en faisant preuve d'un courage inouï.
Pour John, cette mission va bien plus loin qu'un simple travail, aussi exceptionnelle que soit la situation. S'ajoute pour lui une circonstance particulière : c'est en construisant les tours du World Trade Center que son père, au printemps 1970, a trouvé la mort, frappé par la foudre pendant un orage. Les tours jumelles ont fait partie du patrimoine familial, alimentant la fierté et la légende du clan.
Dès lors, le fil du passé se dévide, nous remontons le temps, pénétrons dans l'histoire des Mohawks, du premier rivet porté au rouge dans un brasero de charbon jusqu'à la construction de la Liberty Tower, qui remplace aujourd'hui le World Trade Center.
Embrassant plus d'un siècle, ce roman polyphonique nous présente l'épopée de cette tribu indienne, la seule à avoir gagné, par son travail et son courage, sa place dans le monde des Blancs, sans renier ses croyances et ses traditions. Sur les traces d'une famille d'ironworkers de légende, Michel Moutot, après un extraordinaire travail de documentation, croise les destinées de plusieurs générations d'ironworkers mohawks, bâtisseurs de l'Amérique.
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La maison du joueur de flute
Alexandre Vialatte
- Arlea
- Litterature Francaise Arlea
- 1 Juin 1986
- 9782869590069
" Il y a toujours en moi des trains prêts à partir pour le vieux pays de mes songes et la maison du grand tourment.
Ils ont des rideaux bleus où filtre parfois une raie d'or sur le quai de la gare et ses jardins, ses petites barrières ripolinées, ses roses, son timbre, ses tilleuls. On entend triller une caille. Le chef de gare a sa casquette blanche. Des employés courent en silence. (...) Ce vieux pays de mon tourment est en moi et au fond de moi comme un souvenir, comme une tour des chansons, enfoui au fond des tourbières ; et l'on entend parfois monter les sons des cloches englouties.
Il est en moi, au bout de moi, comme une promesse, comme une voile à l'horizon. Il est en moi, au bord de moi, sur le qui de mon âme, comme un vertige, comme un coup de sifflet de chef de gare qui fait partir tous les trains à la fois. "
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A la fois journaliste, traductrice et romancière, Gabrielle Rolin a été critique littéraire au Monde, à L'Express et au magazine Lire. Parmi les nombreux ouvrages qu'elle a publiés, citons Le Secret des autres (Gallimard, 1970), Le Mot de la fin (Gallimard, 1972), Chères Menteuses (Stock, 1978), L'Innocence même (Mercure de France, 1980), Souriez, ne bougez plus (Flammarion, 1990), Sorties de secours (Flammarion, 1990), et En dernière analyse (NIL, 1996). Gabrielle Rolin est également appréciée comme traductrice (anglais/américain) de grands auteurs étrangers (Henry James entre autres). Elle est une haute figure des lettres françaises, où elle se distingue par sa
verve, sa culture littéraire tous azimuts, et ses amitiés dans le monde la culture.
Avec Rappels à l'ordre, elle signe un recueil de nouvelles alertes, enlevées, où sa manière s'exprime avec son brio habituel, mais, sous l'humour toujours exactement dosé et à propos, cheminent au long de ces pages une émotion puissante, une nostalgie de la vraie vie, un effroi lucide devant le temps qui passe, l'intolérable solitude, la bêtise humaine, mais aussi une vraie foi
dans la tendresse, dans l'amour des bêtes. Les titres des nouvelles donnent le ton général de l'ouvrage : La Vocation, Rappels à l'ordre, Motus, Maternité, Le Lit, Le Dernier Chien, Crime parfait et Coup de vieux. Est jointe à cette fiche le texte complet de La Vocation, la nouvelle qui ouvre le recueil, tout entière
tirée du monde des lettres et des rapports auteur/éditeur. C'est un modèle du genre, comme, d'ailleurs, la prière d'insérer, ci-dessous, qui accompagnait le manuscrit de Gabrielle Rolin : Comment aimez-vous l'humour ? Bien noir et serré comme un express ? Assaisonné de sourires ambigus ? Dégonflant l'adversaire en trois coups de griffes ? À chacun sa manière de se défendre.
Contre qui ? La vie, bien sûr. Si elle file doux, ouvrez l'oeil, elle a un poignard dans la manche. La victoire lui appartient par votre faute : vous l'aimez trop. Mais tant qu'elle se trouve à votre portée, libre à vous de brouiller les cartes et de la mener en bateau. Comme des petits cailloux blancs, ces nouvelles vous guideront ailleurs ; peut-être à votre propre rencontre...
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Passions ; la princesse de Clèves
Jean-Michel Delacomptée
- Arlea
- Litterature Arlea
- 6 Septembre 2012
- 9782869599901
La Princesse de Clèves, roman de Madame de Lafayette, fut publié en mai 1678, sans nom d'auteur.
En 1558, à la cour du roi Henri II durant la dernière année de son règne. Mlle de Chartres a quinze ans lorsqu'elle paraît au Louvre. Le prince de Clèves, homme d'une grande droiture morale, tombe amoureux d'elle dès qu'il l'aperçoit. Ébloui par sa beauté, il la demande en mariage. Mlle de Chartres n'a aucune expérience de l'amour et l'épouse sans être amoureuse de lui.
Alors qu'elle est mariée, la princesse de Clèves rencontre, à la cour, lors d'un bal, le duc de Nemours. Naît entre eux une passion immédiate et complexe qu'ils vivront l'un et l'autre dans le tourment, et qui tourmentera et éblouira lecteurs et écrivains jusqu'à nos jours.
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Dans sa préface, Martin Page nous prévient, le Traité des excitants modernes est un texte drôle.
Balzac y " présente les condamnés à mort comme cobayes à l'usage des savants. On y apprend beaucoup de choses, fausses ou inventées, et cela est rare car on oublie de nous enseigner les beaux mensonges sous leur vrai jour ; mais peu importe ! les papilles gustatives de la littérature sont incapables de juger de la vérité : elles ne sont sensibles qu'au goût ". Passant à son crible de consommateur et de critique l'eau-de-vie, le café, le thé, le tabac et, plus inattendu dans cette liste, le sucre, Balzac nous révèle les pouvoirs cachés de ces substances, qui viennent palier les défaillances de l'homme de plume et de l'homme tout court.
La loi nous oblige toutefois de préciser qu'il faut user de ce petit livre avec modération.
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Le 27 rue des Fontenelles, déjà évoqué dans Gauchère et Bistros, les deux derniers livres d'Hélène Millerand, devient ici, plus qu'une simple adresse. Pas loin du parc de Saint-Cloud et de Ville-d'Avray, cette maison, loin d'être confortable au début, mais posée dans un jardin enchanteur, sera Le lieu de la famille, son refuge. Comme toutes les maisons de famille, elle gardera dans ses murs, dans ses décors changeant selon les époques, dans son jardin au désordre savamment entretenu, la trace de ceux qui l'ont habitée. Et surtout Jacques et Miquette, les parent d'Hélène Millerand, dont elle fait tour à tour un portait à l'estompe, sensible et plein de tendresse, sans oublier l'humour qui caractérise souvent les textes de l'auteur. Histoire familiale, n'omettant ni les grands bonheurs ni les jours plus sombres, avec, comme des trésors restitués par le menu, des éclats encore vivants d'un quotidien rassurant fait de gestes et d'habitudes, 27 rue des Fontenelles est un hommage vibrant d'une fille à ses parents, maintenant que le temps a passé et que plus rien ne subsiste.
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" Les cloches se sont mises à sonner, des pulsations lourdes dans l'air.
Des gens guettaient devant chez eux le passage du convoi. A mesure, ils se sont joints à nous. Du bistrot, des hommes sont sortis à la hâte pour s'agglomérer pensivement au cortège. Ils avaient dû, d'un revers de la main, s'essuyer lestement la bouche. Leur haleine sentait le vin tout juste supérieur. " Dans un village du Poitou, un vieil homme vient de mourir. A ses obsèques, en même temps que la foule des familiers, se pressent les souvenirs du narrateur, relayé, tout au long du texte, par la voix de sa grand-mère : évocation d'un monde rural en déshérence, légendes familiales, marquées d'incertitudes et de non-dits, paysage investi par le calcaire et l'eau...
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Le jounal impubliable de George Pearl
Eliane Saliba-garillon
- Arlea
- Litterature Arlea
- 26 Mars 2015
- 9782363080752
George Pearl, fameux architecte new-yorkais, décide de vendre son agence et de s'exiler à Rome pour jouir d'une retraite bien méritée. Il est riche, célibataire et ne se fait aucune illusion sur ses frères humains, ce qu'il clame haut et fort d'où son surnom mérité de George Pearl Harbor.
Mais le misanthrope qu'il aspire à être est singulièrement entouré. Il ne se passe pas un jour sans qu'il consigne dans le journal qu'il a entrepris d'écrire les démêlés cocasses qu'il a avec sa soeur, restée aux Etats-Unis, sa nièce, sa vieille amie Kay, ancienne conquête, le locataire de sa maison de Concord, universitaire souffreteux qui fait une thèse sur Henry David Thoreau, philosophe et gloire locale, apôtre du renoncement au monde. Sans compter Benita, sa femme de ménage romaine, une voisine entreprenante et quelques autres personnages hauts en couleurs. Quoi qu'il s'en défende, le monde tourne autour de lui et semble avoir besoin de lui.
Seules les visites de Laurel, un nouvel ami qui s'invite dans son appartement de façon peu orthodoxe, apparaissant et disparaissant de manière brutale et inopinée, le troublent et, peu à peu, lui font fendre l'armure. Quelle est la vraie raison de ces visites surnaturelles et vers quel dénouement semblent-elles le conduire ?
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Suites anglaises ; heureux lecteurs ! de Fielding à Joyce, Stevenson, Orwell et quelques autres
Philippe Arnaud
- Arlea
- Litterature Arlea
- 11 Octobre 2012
- 9782869599925
À l'origine de ce livre, il y a deux passions : la littérature et la culture anglaise.
Car à force d'entendre dire que le français disparaît dans la communication globale anglo-saxonne, on en oublierait l'affinité profonde entre le français et l'anglais. Mallarmé comme Borges - qui furent l'un l'autre professeur d'anglais - disaient que français et anglais étaient en " rapport historique permanent ".
La tentation existe cependant de considérer les classiques de la littérature anglaise, de Swift à Waugh, en passant par Sterne, Fielding, D. H. Lawrence, Stevenson ou Shaw, comme des monuments d'un autre temps. Ces auteurs ont pourtant quelque chose de vital, et peut-être même d'urgent, à nous dire. Orwell, dont il est également question ici, se moquait des livres à " prétentions littéraires ".
Ce travail ne prétend à rien, sinon à distraire le lecteur en l'instruisant un peu. Il ne s'agit pas de faire littéraire, ni de parler sur la littérature, mais de relire tout simplement ces auteurs, en essayant de penser à partir de la littérature, le roman étant, comme chacun sait, la continuation de la pensée par d'autres moyens.
De tous côtés, on nous répète aujourd'hui, pour s'en réjouir ou le déplorer, que le statut " exceptionnel " autrefois dévolu à la littérature n'est plus. Comme si l'on voulait en finir une fois pour toutes avec la question : Qu'est-ce que la littérature ? Quitte à être à contre-courant, le désir de l'auteur est bien de se confronter une nouvelle fois avec cette question, à son avis, loin d'être forclose, et d'exercer son droit de suite, comme l'indique le titre de cet essai. Droit de suite, c'est-à-dire exercice de prérogatives sur la bibliothèque. Grâce aux classiques de la littérature de langue anglaise, que s'agit-il de recouvrer si ce n'est la jouissance ?
Les voies du roman européen passent par l'Angleterre. Et il faut bien l'avouer : la littérature anglaise est la plus riche, la plus universelle, la plus libre, la plus souveraine, la plus merveilleuse, la plus vivante, et la plus drôle du monde.
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Lettres du Sahara Collection Littérature étrangère Alberto Alberto Moravia Traduit de l'italien par Christophe Mileschi Que se passe-t-il dans la tête d'un Lobi, quand il décide de ne plus se construire une demeure de boue séchée en forme de gousse et qu'il préfère une baraque sordide mais plus conforme au " progrès " ? Je voudrais vraiment le savoir, mais il est probable qu'il ne le sait pas, lui non plus : il change, voilà tout. Car il n'y a qu'une chose qui soit plus mystérieuse que la satisfaction, et c'est l'insatisfaction. Ce qui suffisait à la vie n'y suffit plus ; d'une année sur l'autre, un ordre qui durait depuis des siècles est délaissé, par désaffection et par inattention, comme le font les enfants avec leurs jeux.
Moravia était entre 1975 et 1981 l'envoyé spécial du Corriere della Sera en Afrique. Les textes qu'il écrivit en Côte d'ivoire et au Sahara furent réunis en un volume par Bompiani en 1981, sous le titre Lettres du Sahara.
Contrairement aux Promenades africaines, repris en poche chez Arléa, en 2007, ce livre est inédit en français.
Ce sont des récits de voyage - de vie et de mort (l'inoubliable mort d'un enfant) - qui se situent dans la tradition des écrivains et artistes-voyageurs, brassant une mémoire culturelle commune où l'on rencontre Baudelaire et Gauguin, Blixen et Conrad, et où la notation géographique, culturelle ou esthétique conduit toujours à une réflexion anthropologique - ou à une infinie rêverie poétique.
Par contraste, le contact avec les terres d'Afrique rappelle à l'écrivain (et à son lecteur) tout ce que l'Occident a perdu en gagnant le confort de la vie moderne.
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A tu et à toi.
Dans les pays où il existe, le tutoiement relève de conventions ou de choix, et l'on ne passe pas sans risque du "tu" au "vous".
Le tutoiement des militants n'est pas celui des religieux, lui-même différent de celui des amoureux, des policiers ou des pédagogues.
En cinq récits enlevés, Raymond Jean trace avec bonheur le champ d'application du tutoiement "à la française", et nous révèle tout ce que peut sous-entendre l'emploi judicieux d'un pronom de deux lettres.
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Un homme et une femme prennent le train ensemble. Ils ne se connaissent pas, ne se parlent pas. Ils ne partagent que cette habitude hebdomadaire du lundi matin. Ils ne se connaissent pas, mais ils se reconnaissent. Un hasard les fait s'asseoir l'un en face de l'autre. Que se passe-t-il alors entre eux ? Si peu de choses au début. Un frôlement, une jambe contre une autre jambe, un geste à peine ébauché, tout cela existe-t-il vraiment ? Mais cette incertitude du début, cette inadvertance deviennent vite une façon d'être ensemble, différemment, sans paroles, sans langage, hormis celui, ténu mais violent, de deux corps qui ont à se dire.
Quelques voyages suffisent à les lier. L'un et l'autre, seuls et ensemble, dans ce train du matin plein de nuit qui n'en finit pas. Les gestes se font plus précis, les audaces ne sont plus que des jeux entre eux. Ils sont seuls mais le sont-ils ? Les autres voyageurs les entourent. Dorment-ils vraiment ?
Gabrielle Ciam, dit beaucoup, avec très peu. Elle parle du désir brut, violent. Elle dit l'attachement de deux êtres en dehors de tout. Elle saisit la fugace et essentielle étincelle qui met le feu. Elle parle aussi de l'impossibilité terrible de la garder intacte.
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Fille de Jean-François Revel, soeur de Matthieu Ricard, Ève Ricard est atteinte depuis douze ans de la maladie de Parkinson. Refusant de se soumettre à la fatalité, elle se bat contre les atteintes dégénératives, évolutives
et définitives de son mal. Elle réussit même ce qui représente un exploit dans la thérapie de cette maladie cérébrale à se passer de Dopamine, seul édicament censé bloquer la dégénérescence des tissus, et qu'on ne peut prendre que pendant dix années.
Dans ce texte, où est à l'oeuvre une force peu courante face à ce fléau redouté, Ève Ricard affirme que si «elle n'appartient plus depuis longtemps à la famille des gens normaux, elle n'appartient pas plus à celle des parkinsoniens, et ne vit pas comme eux».
Pour elle, «parler de la maladie n'est pas témoigner d'un malheur, mais dire qu'elle n'est pas un malheur serait une tromperie». D'ailleurs son frère Matthieu, que tout le monde connaît grâce à sa place auprès du Dalaï-Lama, précise, en bouddhiste convaincu, dans sa préface : «Le bonheur ne nous est pas donné, ni le malheur imposé. Nous sommes à chaque instant à une croisée de chemins, et il nous appartient de choisir la direction à prendre.»
Il ne fait aucun doute, à la lecture de ce texte à la fois douloureux et fécond d'espoirs, que nous sommes en présence d'un sauvetage par l'art, et que ces quelques pages, qui rendent visible l'invisible, sont le cri d'un poète. «La nuit, je souffre, mais, au petit matin, je suis encore là. Ma vie est sauve. Chaque nuit me fait accoucher de la vie.»
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Le livre des séjours et des lieux
Mathias Rambaud
- Arlea
- Litterature Francaise Arlea
- 19 Mars 2015
- 9782363080790
« Avant de lier aux êtres, l'amour lie aux lieux. Tel horizon marin où se respire l'appel de la vie neuve, telle lumière qui distribue la terre en pleins et vides et permet que soit composé un paysage, tel vent qui se lève soudain, venu de nulle part, telle chambre, tel jardin aussi bien : voilà les vraies, car indéfectibles, ligatures. Ces lieux sont ceux que l'on a quittés, ceux dont on est privé, ceux qui se tiennent désormais dans le lointain et qui causent notre tristesse (aussi les grands nostalgiques sont-ils de grands sensuels par voie de dégradation, le corps présent valant comme ersatz du lieu perdu). » Platon rapporte qu'Aristophane définit l'amour comme séparation.
Ce sont les premières lignes d'un homme hanté par les lieux de l'enfance, par les rêves, par le ressac de la mer - hanté par ce qui demeure. Promenade d'un rêveur solitaire qui parcourt Narbonne, Montpellier, le Languedoc ; rêverie d'un égaré qui se souvient des chiens errants, des étangs, des lisières, des humiliations, des départs ; méditation d'un philosophe qui débusque la lumière dans les livres et l'amour dans l'écriture et qui, s'interrogeant sans cesse sur le lieu et le lien, ouvre avec ce texte une brèche souveraine et merveilleuse dans la littérature.
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Elle s'efforce de vider son esprit. D'oublier ce qu'elle sait. Ce qu'elle a vécu ces derniers jours, ces derniers mois. Elle doit tout effacer. Tout sauf l'enfance, la jeunesse, l'amour, les défis, la folie, ce qui, d'elle, leur sera pour toujours inaccessible. Ce qui la rend invulnérable.
Arrêtée par la Gestapo, en mars 1944 pour ses activités de résistante, une femme tente, dans la solitude de sa cellule, de surmonter sa peur pour affronter l'épreuve de la détention et des interrogatoires, d'accepter la perspective de sa propre mort tout en gardant intactes sa détermination et sa foi en l'avenir.
Aviatrice célèbre pour avoir, dans les années trente, battu de nombreux records internationaux, elle se remémore son enfance, les moments heureux de son existence, les êtres qu'elle a aimés, les exploits accomplis, puisant dans ce passé et dans la résurgence d'émotions anciennes la force dont elle a besoin.
Ce roman est inspiré de la vie de Maryse Bastié, une héroïne de l'aviation, de la résistance à l'occupant et de la cause des femmes, qui a relevé tous les défis de son temps et mené tous les combats pour la liberté. C'est aussi un formidable témoignage de cette époque où des fous volants, de Mermoz à Hélène Boucher, ont laissé, souvent au péril de leur vie, des traces dans le ciel, ouvrant ainsi la voie à l'aviation moderne.
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Madeleine ou l'incandescence
Barbara Lecompte
- Arlea
- Litterature Francaise Arlea
- 24 Mai 2018
- 9782363081612
Une femme brune est assise seule dans la nuit, éclairée par la flamme d'une bougie. C'est Madeleine.
Madeleine au miroir, Madeleine aux deux flammes, Madeleine à la chandelle, ou encore, Madeleine au livre, mystérieuses toiles que ces chefs-d'oeuvre du peintre lorrain, Georges de La Tour.
De la cour du roi Louis XIII au secret de l'atelier de l'artiste, de l'antichambre du cardinal de Richelieu à la Lorraine incendiée et ravagée par les guerres, Barbara Lecompte s'interroge sur l'énigme des Madeleine et le secret de l'obsession de La Tour.
Sortant des sentiers battus, elle propose une analyse sensible autour du personnage biblique de Marie-Madeleine et poursuit le modèle favori du peintre jusqu'à la grotte de la Sainte-Baume, en Provence, où la sainte ermite aurait fini sa vie.
Madeleine ou l'incandescence, un subtil éclairage sur les interrogations du Maître de la nuit.
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Portraits birmans ; dix-neuf vues de la Shwedagon
Sébastien Ortiz
- Arlea
- Litterature Arlea
- 5 Avril 2012
- 9782869599765
Avec Dix-neuf Vues de la Shwedagon, Sébastien Ortiz, attaché culturel à l'ambassade de France en Birmanie (aujourd'hui Myanmar) publie son deuxième roman, qui, à l'instar du premier, Fantômes à Calcutta (Arléa, 2010), est nourri de son expérience à la fois de diplomate, de spécialiste des civilisations asiatiques, mais aussi d'insatiable curieux de la vie quotidienne.
Avant tout, dévoilons le mot mystérieux que Sébastien Ortiz a choisi pour titre de son roman. La Shwedagon (de shwe, " or ", et dagon, " ancien nom de Rangoun ") est le nom de la grande pagode de Rangoun (aujourd'hui Yangon), lieu saint bouddhique le plus important de Birmanie, qui abriterait huit cheveux du Bouddha historique Gautama. Située à deux kilomètres du centre de Rangoun, au sommet de la colline de Singuttara, la grande pagode se dresse au milieu de soixante-douze autres pagodes, pagodons, salles de prières et autres édifices, ainsi que de très nombreuses statues de bouddhas. Son stûpa atteint cent mètres de hauteur, et sa flèche est sommée d'une sphère d'or incrustée de milliers de diamants.
Pour nous, Occidentaux, la Birmanie est un des pays le plus maudits de la Terre, avec ses généraux, la répression constante contre les moines et tous les opposants, mais, aussi, la haute figure de la grande Dame de Rangoun, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991. Les abominables contraintes qui pèsent sur elle et sur tous les Birmans, offusquant les images des tentatives de soulèvement toujours réprimées par une soldatesque brutale, nous empêchent d'imaginer que, malgré la terreur, tout un peuple essaie de vivre au quotidien, se débattant, comme partout ailleurs, avec ses préoccupations vitales - santé, travail, nourriture, et même divertissement.
Tout au long de ces dix-neuf vues (qui sont aussi dix-neuf vies), Sébastien Ortiz nous révèle les mille facettes qui illustrent la vie quotidienne des " vrais gens ", et cet éclairage tout à fait nouveau, s'il nous émeut bien souvent, ne manque pas de nous étonner. On vit, malgré tout, en Birmanie, à Rangoun, et nous le prouvent ces dix-neuf portraits de Birmans et d'expatriés qui se rendent à leur travail, vont en week-end à la campagne, " sortent en boîte ", et, pour certains, recherchent, le soir, la chaleur tarifée et vite éteinte d'une prostituée.
Ce qui lie entre elles ces " vues " et ses vies, c'est bien sûr l'omniprésence de la Shwedagon, fil rouge incontournable au centre de la ville. Mais d'autre part, et même si, cette fois, ce n'est pas dit dans le titre, la grande Dame de Rangoun est elle aussi partout étrangement présente, par allusions discrètes, et l'on devine qu'elle est aussi nécessaire, aussi indispensable aux habitants de la ville que la grande pagode.
Un air un peu plus léger semble souffler aujourd'hui sur ce pays, qui fait entrer la Birmanie dans l'actualité de nos médias. Peut-être est-ce de bon augure à la fois pour le pays, pour la grande Dame, et pour le succès de ce beau roman.
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Manger. Il suffit de prêter attention un instant à la multiplicité des métaphores alimentaires que nous utilisons au quotidien pour nous rendre compte de la puissance anthropologique et culturelle que porte le fait de manger, et de la façon dont se vivent à travers la nourriture des désirs primaires et des émotions profondes. Notre imaginaire est habité par la figure de Chronos dévorant ses enfants, le jeûne du Vendredi Saint, les grandes famines, les tueurs en série qui enfreignent le tabou des tabous en consommant leurs victimes, le visage des enfants affamés, les vampires, l'obésité, la bouffe industrielle et l'exhibition sadique du corps anorexique.
Jouissance raffinée, nécessité dramatique, obsession pathologique : tel est l'univers complexe que Paolo Rossi nous décrit de façon magistrale en suivant les différents modes de conjugaison de ce verbe qui a marqué l'histoire de l'humanité.
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Tous les adolescents rêvent de leur vie future, de l'amour idéal qu'ils rencontreront et qui sera bien sûr absolument différent de celui de leurs parents.
Lidia, fille d'un ouvrier de la Fiat et d'une marchande de quatre saisons dans les années 1970 en Italie, est pleinement adolescente et incomprise de ses parents qui préfèrent acheter un appartement et, pour le payer, lui faire abandonner ses études. Elle aime lire et rêve d'être sculpteur.
Dans une encyclopédie, elle tombe par hasard sur le poème d'un troubadour, Bernart de Ventadorn, qui chante l'amour idéal, l'amour de loin. Elle cherche à comprendre ce que signifie cet amour, en parle avec ses amies aux idées révolutionnaires, mais personne ne la comprend. Seule fille de son âge à ne pas avoir d'amoureux, troublée par les moqueries de ses proches, elle part à la recherche de cet amour sur Pino, le cheval que son père laisse à l'écurie. Commence une véritable marche initiatique à travers l'Italie qui va durer dix ans, émaillée de rencontres merveilleuses.
À la façon de Chrétien de Troyes, Paola Mastrocola décrit, avec une sensibilité heureuse le rêve d'une jeune fille de notre temps et son accomplissement.
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Artiste fier et tourmenté, le pastelliste Maurice Quentin de La Tour, alors au fait de sa carrière, reçoit une commande d'importance, un portrait en pied de la marquise de Pompadour. La favorite, soumise au bon vouloir de l'artiste, devra patienter cinq ans. Mais qui mieux que ce fou de La Tour pour saisir l'âme de ses modèles ? En témoigne sa galerie de portraits prestigieux, ceux du roi, de la reine, de la dauphine, du maréchal de Saxe mais aussi de ses amis philosophes, Voltaire, Rousseau et D'Alembert.
Se dépassant dans la représentation de madame de Pompadour, La Tour dévoile les secrets de son art, le pastel, qu'il élève à la hauteur de la peinture.
Dans Marquise au portrait, Barbara Lecompte tente de percer la carapace d'une personnalité trop crânement affichée. En se glissant dans les méandres de l'esprit tourmenté de La Tour, elle parvient à dévoiler, derrière l'orgueil et la maladresse, la sensibilité et la fragilité qui alimentent sa création.
Caracolant de la cour de Versailles à Paris, Maurice Quentin de La Tour nous emporte dans son sillage, tout en se livrant à une saisissante introspection.