Traiter les populations autochtones comme des agents efficaces de la construction d'un pays, c'est comme jouer dans un château de cartes: lorsqu'une carte est retirée, les interprétations consacrées et les souvenirs incontestables s'effondrent. A travers neuf études sur les indigènes dans la formation du Brésil, l'auteur propose un regard critique sur les récits et images fondateurs et permet une relecture des conflits et dilemmes contemporains de la nationalité.
Les théâtres communautaires argentins, aussi appelés théâtres de voisins, s'adressent aux habitants d'une localité donnée, quartier ou village. Accueillant aussi bien de jeunes enfants que des personnes âgées, les troupes de voisins-acteurs tentent de recréer du lien social dans des territoires fragmentés. Espaces d'appartenance et d'entraide, ces théâtres de proximité soutiennent une mobilisation collective originale. Formés dans le contexte d'une société meurtrie par la dernière dictature militaire et déstructurée par plusieurs décennies de politiques néolibérales, ils défendent un projet de transformation sociale reposant sur l'expérimentation de nouveaux modes de construction collective. S'appuyant sur une enquête de terrain menée entre 2010 et 2011, Lucie Elgoyhen propose d'explorer les différentes facettes de cette mobilisation, en la replaçant dans le contexte des évolutions récentes de l'Argentine. Elle observe comment les voisins-acteurs, souvent issus des classes moyennes, donnent sens à leur expérience de la précarisation, s'interrogent collectivement sur leur histoire et redéfinissent leur rapport au politique en s'engageant dans le théâtre communautaire. L'auteure analyse également les potentialités et les tensions liées à l'affirmation du local comme support d'action collective. Microentrée stimulante pour aborder une Argentine qui tente de se réinventer depuis la crise de 2001, l'étude du théâtre communautaire invite à repenser la place de l'art dans la société ainsi que les liens entre culture, politique et développement, tandis que le jeu du décentrement ouvre un espace de réflexion plus apaisé sur le concept de communauté. De même que de nombreuses autres expériences d'« utopies concrètes », les théâtres communautaires argentins parcourent un chemin semé d'embûches et sont traversés par de nombreuses contradictions internes. Ces expériences utopiques, qui reposent avec acuité la question du vivre-ensemble, interpellent la sociologie.
Le déplacement forcé en Colombie touche une majorité de femmes et d´enfants qui, pour fuir un conflit armé ravageant leurs campagnes natales, se réfugient dans l´anonymat des périphéries urbaines. Ce travail de recherche, réalisé auprès d´une association
Pourquoi le Mexique a-t-il représenté durant près d'un siècle un modèle pour le « développement » ? Comment expliquer que les populations et les territoires de ce pays aient été mis en scène avant tout par des anthropologues ? Dans quelle mesure, en France, les géographes ont-ils été les principaux organisateurs de la recherche sur l'Amérique latine depuis le milieu du XXesiècle ? Comment, dans le Nouveau Monde, les sciences sociales s'agencent-elles entre elles autrement qu'en Europe ? Que signifie la production de données sur les sociétés des pays latino-américains et comment les transforme-t-on en panoramas organisés ? Autant de questions auxquelles ce livre tente de proposer des réponses, en retraçant la trajectoire universitaire et intellectuelle de l'un des latino-américanistes français les plus féconds des dernières décennies. À partir de souvenirs personnels, de témoignages de collègues et d'amis, d'archives publiques ou privées et de publications diverses, Claude Bataillon dresse pour la seconde moitié du XXe siècle le panorama d'un latino-américanisme auquel il a participé de multiples façons. Si cet ouvrage retrace avant tout un itinéraire personnel, il propose également l'histoire d'une collectivité faite à la fois d'individus et d'institutions. Ces dernières constituent les meilleurs traceurs des évolutions intellectuelles, les meilleurs révélateurs des regards que les latino-américanistes ont échangés avec les Latino-Américains depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les Lacandons, groupe indigène du Mexique méridional, sont considérés parmi les derniers survivants de la civilisation maya. Si les archéologues, ethnologues, peintres ou photographes n´ont jamais cessé d´être présents auprès de ce groupe depuis le début
Ex-ouvrier métallurgiste, leader syndical et fondateur du Parti des Travailleurs - la plus grande formation de gauche d'Amérique latine -, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva n'a jamais eu de relations faciles avec la presse de son pays. Cette dernière a en effet appuyé, en grande majorité, le coup d'État qui a mené à la dictature militaire (1964-1985), et mis, depuis le rétablissement de la démocratie, toute son énergie au service des candidats conservateurs. Cela n'a pas empêché finalement Lula de l'emporter en 2002, et d'être réélu en 2006, les deux fois avec un nombre record de suffrages.
Cet ouvrage met l'accent sur le rôle d'acteur politique que joue la presse au Brésil, avec ses intérêts propres, y compris économiques, même lorsqu'ils sont dissimulés sous le manteau des grands principes démocratiques (« l'indépendance du quatrième pouvoir », « l'intérêt public », etc.). Publiant des témoignages inédits provenant des coulisses du gouvernement et des rédactions, Giancarlo Summa montre comment un leader charismatique, qui gouverne au nom des intérêts matériels et symboliques de la majorité défavorisée de la population, parvient à rompre le blocus des médias traditionnels. Le choix du président d'une communication directe (meetings, messages télévisés, Internet, recours à la presse locale et aux radios communautaires, etc.) lui a permis assurément de contourner le monopole médiatique des grands groupes commerciaux. Cependant Lula a renoncé à mettre sur pied une véritable politique de communication susceptible de remettre en question les intérêts structurels de ces grandes compagnies et de favoriser la création de médias alternatifs d'importance. Tels sont les constats formulés par un auteur qui, outre ses sources personnelles, s'appuie sur une documentation historique et statistique considérable.
Sommaire * Préface * Introduction * Chapitre 1 : Presse et pouvoir d'opinion o Les effets structurants des médias : La communication politique et les mécanismes de persuasion o Tirage, circulation et audience o Les « grands » quotidiens o Les « grands » hebdomadaires d'information o Les journaux télévisés o Encart A : Comment la Rede Globo a dominé la télévision au Brésil La propriété des groupes de presse : une affaire de famille o Encart B : Les politiciens qui contrôlent radios et télévisions o Des choix politiques o La presse comme soutien partisan : de Collor à Cardoso o La presse comme vigie et acteur moral o La théorie du scandale politique * Chapitre 2 : Lula, le PT et les médias (2002-2005) o Nouvelle image et défis politiques o L'élection de « Lula paz e amor » o Organisation et stratégie de la communication de la Présidence o Les médias et Lula : une lune de miel de courte durée o La crise du mensalão o Un système de partis structurellement fragmenté o De Waldomiro Diniz au valérioduto o Journalisme d'investigation ou chasse à l'homme ?
* Chapitre 3 : La presse dans l'élection de 2006 o Une couverture partiale o Le scandale du dossier et le rôle de la Rede Globo o La politisation du discours de Lula au deuxième tour o Des hypothèses sur les raisons de la victoire de Lula Conclusion : Un pouvoir « de fait » aux limites claires Bibliographie Sites Internet Glossaire
Dès les années 1920, le Brésil élabore les outils d'une diplomatie culturelle, suivant ainsi de près la France et devançant bien des pays dont les États-Unis. Il le fait notamment par le biais de l'Institut International de Coopération Intellectuelle, ancêtre de l'UNESCO créé sous les auspices de la Société des Nations.
Le présent ouvrage étudie les modalités de cette participation, ainsi que ses motivations. On découvre un Brésil soucieux de son image à l'extérieur, désireux de briser le cliché d'un pays encore « dans l'enfance de la civilisation ». On retrouve là les termes du débat sur l'identité brésilienne qui agite les milieux intellectuels brésiliens dans l'entre-deux-guerres, désireux de briser l'hégémonie du « modèle » culturel européen. Plus pragmatiquement, l'élaboration d'une image positive à destination de l'extérieur - clé de voûte du soft power - doit permettre à ce pays, secondaire sur la scène internationale, de servir son ambition d'y jouer un rôle plus conséquent, mais aussi de favoriser les intérêts économiques mis à l'honneur par le projet de développement national de Getúlio Vargas à partir de 1930.
La participation du Brésil aux travaux de l'Institut est également pour celui-ci un moyen de ne pas être totalement absent de la scène européenne, malgré son départ de la SDN en 1926. Cela lui permet, d'une part, de garder une certaine autonomie vis-à-vis des États-Unis et, d'autre part, d'offrir des garanties aux démocraties soucieuses de voir le plus grand pays d'Amérique latine développer ses relations avec les régimes d'inspiration fasciste. La collaboration du Brésil avec l'Institut peut donc être comprise comme une illustration de l'« équidistance pragmatique » qui caractérise alors la politique extérieure brésilienne ; mais cette politique est également destinée à acquérir le prestige international nécessaire au leadership régional, dans le cadre des relations interaméricaines.
Les migrations des pays du Sud vers les pays du Nord constituent un enjeu majeur de l'ère globale, marqué par une profonde contradiction entre les logiques des migrants et celles des États qui, refusant de les recevoir, luttent activement contre ces flux. Toutefois ces mesures paraissent peu efficaces car elles ignorent les forces et les réseaux sociaux qui sous-tendent la migration. La migration centraméricaine vers les États-Unis en est un exemple flagrant. Partant de ce constat et s'appuyant à la fois sur un riche corpus bibliographique et sur des enquêtes de terrain durant lesquelles il a suivi un groupe de migrants depuis le Guatemala jusqu'en Floride, l'auteur analyse les effets du décalage entre les logiques des migrants et celles des politiques migratoires et montre comment les obstacles à la migration renforcent les réseaux en générant une structure sociale formée de liens de réciprocité qui permettent d'accomplir la migration.
Cet ouvrage est une analyse des politiques migratoires contemporaines et du lien social qui relie les acteurs au sein des réseaux de migrants.
Les villes de la colonisation espagnole représentent la réalisation d'un projet d'ordre urbain et de prise de contr ôle de l'espace et des hommes. Cette histoire commune marque encore fortement les tissus urbains : une grande partie des villes ont été tracées selon un plan en damier régulier autour d'une place centrale et la répartition des fonctions traditionnelles a suivi un même modèle de structuration de l'espace intra-urbain. Le modèle de centralité et le tracé colonial, qui donnaient une certaine homogénéité au fonctionnement des villes mexicaines, sont, depuis plusieurs décennies déjà, remis en cause par la pression de la croissance urbaine, la dynamique des marchés du logement et l'éclatement des fonctions centrales. Dans la ville contemporaine, la politique du patrimoine a permis l'individualisation d'un sous-espace urbain central, qualifié de « centre historique ». La pratique mexicaine de protection du patrimoine apparaît comme une des rares tentatives systématiques de protection de l'intégralité des espaces urbains de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle. L'intégration des quartiers populaires centraux au sein de zones de protection a sanctionné la fin des grands programmes de rénovation sans toutefois permettre la mise en place de politiques de réhabilitation. Alors que les villes latino-américaines sont souvent caractérisées par la déficience des politiques publiques, par des dynamiques issues du libre jeu d'acteurs individuels dans le cadre de stratégies d'investissement, de spéculation ou de survie, ce travail prend comme objet le rôle des politiques d'aménagement urbain. Les actions des pouvoirs publics et les relations des acteurs privés aux normes et réglementations conditionnent, autant que les héritages historiques et les dynamiques économiques, les évolutions des espaces centraux. L'étude de la spécificité des espaces centraux des villes mexicaines et l'analyse des dynamiques à l'oeuvre dans les quatre principales métropoles (Mexico, Monterrey, Guadalajara et Puebla) permet de rendre compte d'une forme particulière du rapport de la société mexicaine à son historicité et à son devenir.
Cette publication est l'occasion, pour l'Institut des Hautes Études de l'Amérique latine (IHEAL) et pour le CREDAL (Centre de Recherche et de Documentation sur l'Amérique latine), de faire connaître à un public élargi des travaux de recherche menés sur le thème « la géographie humaine des littoraux maritimes » par plusieurs de leurs membres. Il s'agit de proposer aux spécialistes un ouvrage permettant de réfléchir à la fois sur l'organisation spatiale, le poids économique et l'avenir de ces régions littorales qui, malgré tout leur intérêt, occupent une place encore trop réduite dans la littérature scientifique consacrée à l'Amérique latine.
Chronique Pérou : une démocratie sans partis politiques (Francisco Belaunde) Dossier : La frontière Mexique / États-Unis après 15 ans d'Alena Frontière et intégration : pertinence de la frontière Mexique/États Unis après 15 ans d'Alena (Marie-Laure Coubès, Marie-Carmen Macias) Les générations d'entreprises maquiladoras. Une analyse critique (Jorge Carillo) Agriculture pour l'exportation et peuplement rural dans la région frontalière Mexique/ États-Unis San Quintin en Basse Californie (Marie-Laure Coubès) Débat sur la métropole transfontalière : une remise en cause à partir du cas Tijuana/San Diego (Tito Alegria) L'espace frontalier Mexique/États-Unis après le 11 septembre 2001. Entre processus transfontalier et transnationaux (Marie-Carmen Macias) Études Un dialogue sur le Nouveau monde Informations scientifiques Lectures
Dans les années 1990 au Brésil, les premiers textes législatifs encadrant le territoire des populations traditionnelles d'Amazonie brésilienne partaient du postulat que ces populations seraient menacées de disparition si elles venaient à être coupées de leur accès aux ressources naturelles.
De 2009 à 2013, à partir de cinq sites d'étude (Abuí, Cunani, Jarauacá, Campo Alegre et São Francisco do Iratapuru), une équipe de chercheurs s'est efforcée de dégager les enjeux sociaux et spatiaux des populations traditionnelles d'Amazonie. Elle a, pour cela, minutieusement collecté et analysé les informations issues de données GPS, d'entretiens ou de rapports statistiques.
Quels rapports ces sociétés entretiennent-elles avec leur territoire? Qu'entend-on par l'expression « populations traditionnelles »? Comment le savoir territorial, qui fait l'originalité de ces populations, se transmet-il des anciennes aux nouvelles générations? Telles sont les questions auxquelles ont voulu répondre François-Michel Le Tourneau et ses co-auteurs géographes, sociologues et anthropologues.
Travail, jeunesse et migrations à l'heure de la mondialisation est un ouvrage composé de huit études sociologiques réalisées par seize chercheurs français, argentins et uruguayens. Les terrains d'enquête se situent principalement dans ces trois pays, mais également en Espagne et en Amérique centrale. Plusieurs contributions résultent de recherches comparatives et l'ensemble du livre répond à la nécessité de croiser analyses et problématiques issues de diverses régions de la planète dans un monde globalisé. S'agissant de comprendre les transformations des mondes du travail - qu'elles soient saisies à partir des formes de mobilisation sociales de l'entrée difficile des jeunes dans la vie adulte, ou des nouvelles figures de la migration - les notions de précarité d'informalité s'imposent. Mais à quelles conditions sont-elles transposables à d'autres contextes sociétaux que ceux où leur usage s'est imposé, en Europe pour la première, en Amérique latine pour la seconde ? Pour les jeunes français et latino-américains, la longue séquence d'entrée dans les mondes du travail ne présente pas les mêmes enjeux : les premiers mettent l'accent sur la quête de l'emploi stable, les seconds de l'emploi « formel », c'est-à-dire doté de droits sociaux. Mais dans les deux contextes le poids de l'incertitude de l'avenir ne gomme pas les préoccupations tenant au sens du travail as plus qu'elle n'efface les possibilités de résistance et de mobilisation collective, comme l'illustrent, dans la région de Buenos Aires, les exemples de cartoneros - collecteurs de papiers-cartons - et des travailleurs mobilisés pour la « récupération » de leur usine. Quant aux nouvelles figures de mobilité transfrontalière, elles invitent également à prendre en compte les capacités d'initiative et d'émancipation dont témoignent les parcours et les activités des migrants, au-delà et au travers même des formes d'exploitation et d'oppression qui caractérisent leur condition sociale. Cet ouvrage montre tout l'intérêt de sortir d'une vision eurocentrée et datée du travail en mettant l'accent sur les dynamiques, les contradictions et les réversibilités, et en invitant au dialogue entre des sociologies encore trop souvent enfermées dans leur domaine spécialisation, du travail, de la vie quotidienne, ou des mobilisations collectives.
Les représentations littéraires ou cinématographiques et les débats historiographiques sur la décennie 1960 en Amérique latine font essentiellement référence aux mouvements révolutionnaires de gauche et à la remise en cause de l'ordre social et économique. Ainsi, les étudiants, les paysans, les ouvriers, les guérilleros et même les religieux sensibles aux idées de gauche semblent avoir occupé tout l'espace politique disponible à cette époque, ou du moins être à l'origine des propositions les plus radicales et les plus créatives. A la droite du spectre politique, les acteurs sociaux, économiques, culturels et politiques qui se sont opposés à cette évolution des sociétés restent encore très largement méconnus. Ils n'ont souvent été vus que comme des agents de l'impérialisme étasunien et/ou des partisans de régimes autoritaires visant à assurer le maintien au pouvoir d'une classe dominante locale au service du grand capital international. Loin de cette lecture caricaturale, des recherches ont récemment mis en évidence à la fois les difficultés qui existent à définir précisément ce que sont les droites au sud du Río Grande et les expressions plurielles complexes de cette famille politique. Ce dossier explore le sujet en insistant sur une période encore peu travaillée : celle de la Guerre froide (de la Révolution cubaine de 1959 à la fin de la dictature du général Pinochet en 1990).