Depuis une dizaine d'années, un nombre considérable de Blancs pensent être les nouvelles victimes d'un « racisme anti-blanc », d'une « discrimination inversée », d'un « remplacement » et pour les plus extrémistes, d'un « génocide blanc ».Ces discours, propres aux sympathisants d'un nationalisme ethno-racial, ont motivé l'élection de Donald Trump à la présidence des EU et menacent d'entériner sa réélection en novembre 2020.Dans de très nombreux ouvrages, cette crispation communautariste blanche est souvent présentée comme une réaction politique à la mondialisation néolibérale et aux inégalités nouvelles qui en résultent, à l'immigration dite « massive » et surtout au développement d'une société multiculturelle en passe d'assurer un bouleversement démographique et culturel.Pourtant, ces discours sur le « déclin » même relatif des Blancs américains ne résiste pas à l'étude des données disponibles sur l'inégalité réelle et les positions de pouvoir entre Noirs, Hispaniques et Blancs.En réfléchissant à la construction historique d'une identité nationale ethno-raciale aux EU, Sylvie Laurent démonte le nouveau mythe du Blanc victime qui a déjà traversé l'Atlantique (Brexit, par exemple) et qui invisibilise des inégalités raciales pourtant toujours criantes.Elle dévoile avec brio que ce discours est en réalité l'ultime tour de passe-passe de la domination blanche aux États-Unis, qui s'approprie la posture de l'opprimé pour préserver un ordre social chahute´ par l'élection de Barack Obama et l'activisme des minorisés.
Selon les sociétés et les époques, la nature des inégalités est d'une diversité extraordinaire. Pour comprendre ce phénomène, l'Histoire et les cultures humaines jouent un rôle central: ces inégalités se rattachent à des trajectoires socio-économiques, politiques, culturelles, civilisationnelles ou religieuses bien distinctes.
En somme, c'est la culture au sens large (y compris, et peut-être avant tout, les mobilisations politiques) qui permet de rendre compte de la diversité, du niveau et de la structure des inégalités sociales que nous observons. À l'inverse, le poids des facteurs dits « naturels » - les talents individuels, les dotations en ressources naturelles ou autres facteurs de ce type - est relativement limité.
Dans cette conférence inédite prononcée au musée du Quai Branly, Thomas Piketty présente une synthèse vivante et engagée de ses travaux. Abordant la question dans son sens le plus large, traitant de thèmes aussi variés que l'éducation, l'héritage, les impôts, les inégalités de genre ou la crise climatique, il apportera aux lecteurs des éléments de réflexion utiles dans ce débat d'une actualité brûlante: y a-t-il des inégalités naturelles ?
L'expression « construction de la paix » évoque un scénario trop bien connu: la violence éclate, les pays étrangers s'en émeuvent, les Casques bleus se précipitent, les donateurs versent des millions de dollars, les belligérants signent des accords, la presse fait ses gros titres sur la paix enfin retrouvée et, quelques mois plus tard, la situation revient à son point de départ, si ce n'est pire. Pourtant, des stratégies ont permis de construire une paix durable dans les zones de conflit, en particulier pour les citoyens ordinaires. Quelles sont-elles? Et pourquoi d'autres citoyens ordinaires, à des milliers de kilomètres de là, devraient-ils eux aussi s'en inspirer?
Dans Sur les fronts de la paix, Séverine Autesserre, chercheuse primée et activiste, examine l'industrie de la paix, si bien intentionnée et pourtant si défectueuse. En s'appuyant sur des cas du monde entier, elle montre que la paix peut se développer dans les circonstances les plus improbables. Contrairement à ce que prêchent la plupart des politiques, sa construction ne nécessite pas des milliards d'aide ou des interventions internationales massives; en réalité, une paix durable exige de donner le pouvoir aux citoyens locaux.
Ce livre raconte l'histoire d'individus et d'organisations ordinaires mais extraordinaires, qui luttent efficacement contre la violence dans leurs communautés. La réussite de la construction de la paix (dans les pays en guerre comme dans ceux qui ne le sont pas) repose sur des initiatives novatrices, menées par les populations locales - parfois soutenues par des étrangers -, et qui usent de méthodes souvent snobées par l'élite internationale. En décrivant de tels succès, Séverine Autesserre nous montre les changements d'approche radicaux à opérer si nous voulons construire une paix durable autour de nous - au Congo, en France ou ailleurs.
Y a-t-il un problème entre les femmes et les sciences, voir entre les femmes et le fait de savoir en général? Non, bien sûr que non. Et pourtant, la rumeur continue à circuler en boucles paresseuses, la misogynie des doctes n'a pas désarmé, l'égalité est loin d'être là et des énoncés assurant que les vraies femmes sont illettrées continuent d'être publiés.
Michèle Le Doeuff entraîne lectrices et lecteurs dans des fouilles archéologiques visant à retrouver l'origine enfouie de réflexes toujours contemporains, dont l'ampleur reste à mesurer: existe-t-il un lien entre la méconnaissance des rapports sociaux entre les sexes, les mécanismes subtils ou grossiers mis en oeuvre par les institutions intellectuelles pour maintenir en leur sein autant de domination masculine qu'elles peuvent et le mode de constitution des savoirs que l'école diffuse ou ne diffuse pas?
Un parcours savant et caustique en compagnie de Platon, Christine de Pisan, Thomas More, Gabrielle Suchon, Bacon, John Stuart Mill, Harriet Taylor... Ou comment, sortant de sentiers battus, il paraît nécessaire de réinventer certaines questions: pourquoi la culture est-elle supposée diminuer le sex appeal? Pourquoi y a-t-il des choses que bien des hommes ne veulent pas comprendre? Et comment l'intuition est-elle venue aux femmes?
Ce n'est ni en défaisant l'État social ni en s'efforçant de le restaurer comme un monument historique que l'on trouvera une issue à la crise sociale et écologique. C'est en repensant son architecture à la lumière du monde tel qu'il est et tel que nous voudrions qu'il soit. Et, aujourd'hui comme hier, la clé de voûte sera le statut accordé au travail.
Face à la faillite morale, sociale, écologique et financière du néolibéralisme, l'horizon du travail au XXIe siècle est celui de son émancipation du règne exclusif de la marchandise. Comme le montre le cas du travail de recherche, les statuts professionnels qui ont résisté à la dynamique du Marché total ne sont donc pas les fossiles d'un monde appelé à disparaître, mais bien plutôt les germes d'un régime de travail réellement humain, qui fasse place au sens et au contenu du travail - c'est-à-dire à l'accomplissement d'une oeuvre.
Titulaire de la chaire État social et mondialisation : analyse juridique des solidarités de 2012 à 2019, Alain Supiot est professeur émérite au Collège de France et membre correspondant de la British Academy.
Depuis les années 1990, des associations, comme Allegro Fortissimo et plus récemment Gras politique, ainsi que des militantes et autrices comme Gabrielle Deydier, ont imposé un nouveau terme pour parler des discriminations liées au poids: la grossophobie. La tendance « body positive », résultat de ces mobilisations contre les normes esthétiques et pondérales dominantes, a renouvelé les problématiques propres aux mouvements féministes et queer, mettant à nouveau la question du corps au coeur des revendication des militantes dans le monde entier.Pourtant, les réseaux sociaux demeurent saturés d'« humour » grossophobe et la tyrannie de la minceur continue de sévir, générant mal-être, troubles du comportement alimentaire ou encore pratiques d'autocensure. Plus grave encore, les études chiffrées sur la grossophobie montrent qu'au-delà d'un certain poids les discriminations se systématisent. Elles ont lieu à l'embauche, au travail, mais aussi sur les applications de rencontre, dans les salles de sport, chez le médecin et même dans l'intimité, avec la famille.Avec cet ouvrage, Solenne Carof, signe une des premières études sociologiques sur la grossophobie en France. Que vivent les personnes très corpulentes dans une société comme la nôtre? Que révèle le stigmate de gros ou de grosse des normes qui pèsent différemment sur les hommes et sur les femmes? Quelles conséquences cette stigmatisation a-t-elle sur les personnes concernées? Au fil de son enquête, l'autrice dévoile les rapports de pouvoir qui se nichent dans la question du poids et structurent les hiérarchies propres à notre société.Une étude décisive pour mettre en évidence l'importance d'une discrimination encore peu condamnée, tant socialement que juridiquement.
Entre 1927 et 1930 à Berlin, puis de 1934 à 1940 à Paris, Walter Benjamin travaille à accumuler des matériaux pour un projet de vaste envergure: retracer, à partir de l'étude des passages parisiens, une « préhistoire du XIXe siècle ». La rédaction du texte est sans cesse différée, tandis que l'immense corpus préparatoire semble voué à croître indéfiniment, devenant une somme composite de citations que double parfois, à la manière d'une note de régie, une réflexion ou une remarque énigmatique.
Au fil de ses recherches, Benjamin se rend à l'évidence: il faudra que son Livre des passages soit enrichi par des images. Une « documentation visuelle » se constitue bientôt, écrit-il, glanée pour l'essentiel dans les recueils du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale où il travaille pendant son exil parisien. Une centaine de notes témoignent de cette collecte et conservent, enfermée dans leurs plis, la mention d'une ou de plusieurs images qui sont restées pour la plupart inconnues jusqu'ici.
Steffen Haug a voulu retrouver cette réserve enfouie. Gravures et dessins de presse, tracts, réclames, affiches et photographies, de Meryon et Grandville à Daumier, en passant par l'infinie cohorte anonyme et le tout-venant de la production visuelle à grand tirage du XIXe siècle: la moisson rapportée ici est surprenante. Elle invite à lire ou relire les Passages en faisant à l'image toute la place qu'elle occupe dans la pensée du dernier Benjamin, à l'heure où s'élaborent, sous la menace de temps assombris, son essai « L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique », le projet de livre sur Baudelaire ou ses Thèses sur le concept d'histoire.
Cap au Nord! Ce troisième ouvrage de la collection « Odyssée, villes-portraits » nous embarque dans des contrées à l'imaginaire aussi riche que puissant avec chiens de traineau, aurores boréales, icebergs, ours polaires. À cela, il faut bien sûr ajouter le père Noël, dont les habitants de Rovaniemi, sur notre itinéraire, vous expliqueront qu'il ne peut habiter au pôle Nord, où il ne trouverait pas de nourriture pour ses rennes, et qu'il ne peut donc résider que dans leur ville, où les touristes, se bousculent pour se prendre en photo à ses côtés.La région bouge. Les grands acteurs de la géopolitique s'y retrouvent et s'y positionnent - on se souvient à l'été 2019 de la proposition de Donald Trump d'acheter le Groenland, pays constitutif du royaume du Danemark, ou en 2007 du sous-marin russe qui avait planté un drapeau de titane au fond de l'océan, au pôle Nord. Le réchauffement climatique impacte fortement la région et ouvre de nouvelles perspectives avec le passage du Nord-Est (permettant de relier Asie et Europe en évitant le canal de Suez) et l'accès à de nouvelles ressources (pétrole, terres rares, uranium...).Dans cet ouvrage, nous partirons des terres glacées du Groenland, pour rejoindre, via l'Islande et les îles Féroé, la capitale danoise, avant d'atteindre le Nord de la Scandinavie et le Svalbard en passant par le grand port russe de Mourmansk sur les bords de la mer de Barents.Les guides qui accompagneront notre périple ont passé des années sur place et nous partagerons leurs expériences, impressions et ressentis pour présenter les espaces au plus près du terrain et de la vie quotidienne. Tous habitués aux grands froids et aux longs hivers polaires, ils sont ethnologue, traducteur littéraire, écrivain, régatier, universitaire et se mettent au service d'une compréhension intime des territoires, de la géographie.Cartes subjectives et illustrations de Nathalie Kopp (nathaliekopp.com) et Amandine Maria (https://www.instagram.com/amandinemaria_cartographies/).
Depuis le milieu des années 1970, des associations défendant les droits des pères - à l'image de SOS Papa ou de Les papas = Les mamans - ont imposé l'idée dans le débat public que les pères séparés seraient éloignés de leurs enfants par une justice favorisant les femmes.Après trois années d'enquête auprès de ces militants, le sociologue Edouard Leport révèle à contrario une réalité sombre: une part non négligeable des pères mobilisés sont accusés de violences conjugales ou de violences envers leurs enfants et tous sont en procédure de divorce conflictuelle. En off, lors des permanences des associations, les langues se délient et le combat de ces pères se révèle finalement très éloigné des préoccupations éducatives et des revendications d'égalité des sexes qu'ils affichent dans la sphère médiatique. Pour payer moins de pensions alimentaires et faire taire les dénonciations de leurs enfants et de leurs ex-femmes, ces hommes sont prêts à tout. Ils demandent notamment la reconnaissance médicale d'un « syndrome d'aliénation parentale » - une dangereuse théorie qui prétend que les accusations des enfants à l'égard de leurs pères sont nécessairement mensongères dans le cadre d'une séparation conflictuelle.En matière de violence ces pères engagés ne sont malheureusement pas des exceptions: le nombre d'accusations les concernant reflète les violences que subissent les femmes et les enfants lors des séparations des parents.Aussi, Edouard Leport nous propose de déconstruire l'argumentaire bien ficelé de ces pères engagés, de sorte qu'il ne puisse plus être invoqué innocemment pour défendre la préséance des hommes.
Faire l'état de la recherche de ces dernières décennies sur les liens entre religions et classes sociales revient pour partie à documenter une absence. Cette éclipse est toutefois relativement récente, car la question a longtemps constitué un classique en sciences sociales. L'articulation entre appartenance religieuse et appartenance de classe est-elle devenue si discrète ou à l'inverse si évidente qu'elle passerait désormais sous nos radars? Les onze enquêtes qualitatives réunies dans cet ouvrage renouent avec ce champ d'investigation. Elles interrogent nos manières de voir (ou de ne pas voir) ces liens et invitent à approfondir l'analyse au-delà des affinités électives apparentes, en portant le regard vers les superpositions, les désajustements et les tensions entre religions et classes sociales. À travers une immersion dans des contextes historiques, des aires géographiques, des traditions religieuses et des groupes sociaux très divers, les contributions démontrent l'actualité de ces questionnements et leur pertinence pour comprendre la fabrique des frontières sociales et la reproduction des inégalités. La finesse des analyses empiriques et la rigueur du cadre théorique font de cet ouvrage un incontournable pour les étudiants et chercheurs en sciences sociales ainsi que pour tous les professionnels qui croisent les questions de religion et de classe dans le cadre de leurs activités.
Saisir les discours de haine, voire les discours de radicalisation, constitue un enjeu majeur dans nos sociétés contemporaines qui doivent à la fois lutter contre le rejet de l'autre et garantir la liberté d'expression. Face à cette tâche complexe, cet ouvrage tente de montrer combien, au-delà d'un discours de haine directe qui s'exprime à travers des actes de langage de condamnation (provocation, menace, insulte par exemple) ou la volonté d'anéantissement d'une altérité, le discours de haine dissimulée est à considérer d'un point de vue des idéologies en circulation, des rapports de pouvoir et des « mémoires discursives ». Il a donc recours à de nombreux procédés rhétoriques qui demandent à être explicités. À partir de données d'actualité, étudiées selon des analyses argumentatives ou discursives qui illustrent les propos théoriques développés, cet ouvrage présente sous forme de fiches un large éventail de notions qui témoignent de la diversité des discours de haine. Ces fiches, qui sont relativement courtes et qui se font écho, donnent à comprendre ce qui se joue au sein même des discours de haine ou de radicalisation.
Forme littéraire consistant à imaginer ce que notre monde, à une époque ou en un endroit donné, aurait pu devenir si l'enchaînement des événements s'était déroulé autrement, l'uchronie a longtemps été considérée comme une catégorie mineure, tour de force narratif apprécié par un petit cercle de connaisseurs. Le changement de millénaire a coïncidé pourtant avec une explosion du genre dans tous les secteurs éditoriaux, le domaine des séries télévisées, du cinéma ou encore des jeux vidéo. D'où l'importance de se demander comment une bizarrerie littéraire a pu devenir en quelques décennies un passage obligé de la production culturelle globale.Pour comprendre un tel phénomène, il semble nécessaire de dépasser la seule sphère des fictions. L'objet de cet ouvrage est donc, pour la première fois, d'inscrire le genre dans la pluralité de ses occurrences, qui engagent notamment:- la réflexion scientifique, en particulier en histoire (où le raisonnement contre-factuel est depuis toujours un outil méthodologique permettant de penser la discipline, de Tite-Live jusqu'à Paul Veyne en passant par Toynbee) ou encore en physique quantique (où le principe de divergence fonde le postulat des univers parallèles)?;- les prises de positions politiques et idéologiques, puisque la démarche uchronique conditionne et nourrit l'ensemble des théories du complot et autres fake news qui abondent aujourd'hui sur les réseaux sociaux?;- le quotidien des individus, dans la mesure où les sciences de la psychè ont pu mettre en évidence à quel point tout sujet tente de contrecarrer les contraintes du principe de réalité par le biais de récits alternatifs (roman familial, rêverie d'évasion, etc.).Repensée à cette aune, l'uchronie - tentation du «?et si???» comme moteur de résistance ou de changement - serait ainsi bien plus qu'une forme littéraire: plutôt cette disposition structurante de la pensée par laquelle l'humanité s'efforce d'élargir ses cadres de référence en les dilatant en autant de mondes possibles par la puissance de son imaginaire.
Durant près d'une centaine d'interventions au microphone sur les antennes de Berlin et Francfort entre 1929 et 1933, Walter Benjamin s'est efforcé de dépasser des formes journalistiques de pur divertissement. Qu'il s'agisse de ses chroniques littéraires ou de ses contes radiophoniques pour enfants, le philosophe berlinois s'efforce de repenser le matériau sonore diffusé sur les ondes.Ce livre comprend en outre les deux seuls témoignages sonores connus à ce jour, extraits de la pièce radiophonique pour enfants Chahut autour de Kasperl, diffusée à la radio de Cologne le 9 septembre 1932, ainsi qu'une interview de Stéphane Hessel réalisée par Philippe Baudouin pour France Culture, dans laquelle il témoigne reconnaître la voix de Benjamin dans le personnage de Kasperl.Ce livre est une réédition augmentée du livre de Philippe Baudouin paru en 2009 aux Éditions de la Maison des sciences de l'homme. Il a reçu le prix Inathèque décerné par l'Institut national de l'audioviosuel.
Quelle place l'Europe occupe-t-elle sur la scène internationale? Et quelle voix est-elle prête à faire entendre pour rester maîtresse de son destin? Alors que la pandémie de Covid-19 rebat les cartes de l'ordre mondial en frappant jusqu'aux plus grandes puissances, l'heure de la métamorphose géopolitique de l'Union européenne semble avoir sonné.Tel est du moins le constat fait par Luuk van Middelaar dans cet ouvrage qui réunit ses quatre conférences prononcées au Collège de France durant le printemps 2021. Après une tentative de définition du concept de « géopolitique », y sont tour à tour analysés les événements survenus depuis 2014 qui ont contribué au « réveil » du Vieux Continent: les crises russo-ukrainienne et turco-grecque, qui ont ébranlé notre vision des frontières; la crise sanitaire, qui a agi en révélateur de l'hégémonie chinoise; la crise transatlantique, qui rend de plus en plus manifestes des divergences entre les intérêts des États-Unis et les nôtres. Interrogeant les réactions de l'Europe face à ces chocs successifs, l'auteur conclut que seul un récit commun, dépassant le cadre des valeurs qu'elle s'est donné pour mission de défendre après 1945, pourra aboutir à une Union confiante et respectée.
Des recueils de fables aux enquêtes de terrain en sciences humaines et sociales, les contes et les légendes d'Afrique captivent depuis longtemps de nombreux lecteurs, qu'ils soient ou non occidentaux. En revanche, les rumeurs, les ouï-dire, les anecdotes et autres commérages qui y ont cours et qui peuvent tout autant nous éclairer sur l'organisation d'une société, ses imaginaires et ses représentations, ont été très souvent relégués au second plan. Dans cette anthologie, l'anthropologue Jean-Paul Colleyn et son collaborateur malien Mingoro Sanogo ont rassemblé une cinquantaine de récits, entendus et collectés au Mali entre les années 1980 et les premières décennies du xxie siècle. Néologisme formé par la combinaison des on-dit et des dictons, les « dit-on » sont à la fois de petits contes sur les origines et de véritables paraboles des temps modernes, mêlant fiction et récit autobiographique. En creux, ces histoires brossent ainsi un portrait aux multiples facettes de la société malienne: l'amour, la vie conjugale, la sexualité, tout comme les cultes, leurs dieux, leurs génies et leurs malédictions, émaillent le quotidien que racontent ces témoignages. Plutôt que de se concentrer sur les illustres cultures de cour africaines, connues pour leurs griots et leurs marabouts, ce livre entend réhabiliter les modes moins prestigieux de l'oralité, tout en montrant que le bouche-à-oreille demeure encore aujourd'hui une source d'information tout aussi instructive que savoureuse.