Si des représentations du profil des montagnes sont attestées dès la Renaissance, il faut attendre la toute fin du XVIIIe siècle pour voir apparaître les premiers « tableaux comparatifs » des données collectées par les explorateurs qui sillonnent le monde: hauteurs des montagnes et des chutes d'eau, longueurs des fleuves, superficies des lacs ou des îles ... Ce type de figuration qui offre « aux hommes qui veulent voir [ ... ] un microcosme sur une feuille », pour reprendre les termes de Humboldt, précurseur en la matière, va connaître un immense succès, et avant de disparaître à l'orée du XX: siècle il donnera lieu à une grande variété de planches étonnantes combinant le raffinement du dessin et de la composition au souci scientifique et didactique.
Le monde sur une feuille. Comparatifs de montagnes et de fleuves dans les atlas du XIX.' siècle est le premier ouvrage, non seulement en français mais dans le monde entier, à proposer un parcours dans ce riche corpus de « tableaux » dédiés aux phénomènes géologiques extraordinaires, allant du graphe austère au paysage fantastique.
Deux réputés historiens de la géographie et de la cartographie, Jean-Marc Besse et Gilles Palsky servent au lecteur de guide et analysent les différents types de représentation adoptés par les éditeurs d'atlas et de « posters» (américains et européens surtout) pour organiser sur une seule feuille toutes les informations topographiques.
Il revient à un troisième auteur lui-même grand amateur de cartes, l'écrivain Jean-Christophe Bailly, d'évoquer le pouvoir de fascination de ces images que l'on dirait d'un monde imaginaire ...
« Peu d'artistes peuvent être qualifiés de génie. Pierre Henry en est un. Plasticien, sculpteur, cuisinier, provocateur, reclus, bougon, maniaque, épicurien et mystique à la fois, il est surtout un aventurier du son comme liturgie, un prophète de la musique, qui aura inventé, engendré, inspiré, pas moins de trois genres et mouvements artistiques majeurs, tout en atteignant à deux reprises - à trente ans d'intervalle - le statut de superstar du hit parade. » Yves Bigot Ce livre invite à pénétrer dans la maison du quartier de Picpus à Paris où le compositeur s'est établi depuis 1971 et à parcourir pièce après pièce cet endroit magique, une « maison de sons » tout à la fois lieu de vie, laboratoire musical et atelier d'artiste. Sur tous les murs, dans les escaliers, la cuisine, la bibliothèque ou la chambre à coucher court une multitude d'objets et de « peintures concrètes », écho ou contrepoint plastique aux pièces sonores en gestation. Une oeuvre d'art totale !
Un CD accompagne le livre. Il est composé de 4 oeuvres inédites de Pierre Henry : Capriccio, 2009 (19'34») ;
Phrases de quatuor, 2000 (17'15») ; Miroir du temps, 2008 (23'22») ; Envol, 2010 (13'45»).
Quelques dates en 2016 :
- En septembre Pierre Henry va participer au Festival Musica de Strasbourg avec une création.
- Dracula par l'ensemble Le Balcon dirigé par Maxime Pascal, création Live avec un ensemble de 20 musiciens + sons de Pierre Henry mixés en direct au Festival Berlioz (Côte Saint-André) avec reprise à Paris au Théâtre de l'Athénée le 27 septembre.
- Nuit Pierre Henry à la Philarmonie le 1er octobre.
« Esther Shalev-Gerz fait parler non des témoins du passé ou de l'ailleurs, mais des chercheurs au travail ici et maintenant. Ceux donc qui viennent d'ailleurs, elle les fait parler du présent comme du passé, d'ici comme de là-bas. Elle les fait parler de la manière dont ils ont pensé et aménagé le rapport entre un lieu et un autre, un temps et un autre. » Jacques Rancière Les oeuvres d'Esther Shalev-Gerz sollicitent une altérité, que ce soient à travers les participants qui peuvent détourner l'espace d'exposition par leurs présences, leurs paroles ou leurs actes, les collaborateurs avec lesquels elle entretient un échange permanent, ou les spectateurs qui perçoivent et connectent par leur parcours des éléments disparates. L'autre apparaît comme un vis-à-vis, comme celui avec et par lequel un partage est en train de se mettre en place.
Esther Shalev-Gerz travaille intuitivement la notion de portrait qu'elle appréhende comme un reflet possible d'une personne, d'un lieu ou d'un événement qui n'est jamais stable, toujours compris dans un devenir-autre.
Ses oeuvres fonctionnent comme des prismes qui réfractent une image donnée en dévoilant des constellations singulières.
L'élaboration de ses projets artistiques est intimement liée aux éléments extérieurs qui en deviennent partie intégrante.
Ainsi, l'espace (institutionnel, politique, historique, géographique) est à la fois occupé par l'oeuvre et reflété ou détourné par elle.
Le dialogue touche à un aspect fondamental de la démarche d'Esther Shalev-Gerz : la constante actualisation de la mémoire.
Esther Shalev-Gerz est née en 1948 à Vilnius, en Lituanie.
Elle vit et travaille à Paris.
Né au Pays-Bas en 1931, proche du groupe Zéro dès 1962 à Amsterdam, Herman de Vries réalise depuis 1999 des oeuvres sur le territoire de la Réserve géologique de Haute-Provence. Méditatives, poétiques, philosophiques, ses oeuvres interrogent le regard de l'homme sur le monde.
Herman de Vries appartient à ces artistes, peu nombreux, qui, au tournant des années 1950 et 1960, en différents pays, ont changé l'art de fond en comble, non pour le détruire, mais pour le ramener à lui-même, à sa fonction la plus haute, dont l'histoire des beaux-art l'avait éloigné. Ce qui fait leur affinité profonde est en effet la conviction que l'art n'a pas l'art pour fin, qu'il n'est pas un domaine spécialisé de l'activité humaine, un métier avec ses techniques artisanales spécifiques destinées à fournir à la sensibilité des objets particuliers. Pour eux, l'art est une manière pour s'orienter dans la vie.
Richement illustrée, cette monographie thématique est consacrée à l'ensemble des réalisations d'Herman de Vries à Digne-les-Bains. Elle a été principalement motivée par l'acquisition en 2007, par le musée Gassendi, du Musée des terres, oeuvre majeure d'Herman de Vries, fruits de collectes réalisées dans le monde et regroupant aujourd'hui 7165 echantillons utilisés par l'artiste pour ses frottages de terre: « Cézanne a peint des impressions de paysage. J'ai collecté la terre de ses paysages. Elles sont plus réelles que les couleurs de ses peintures, elles sont les vraies couleurs. » Le sommaire aborde tous les thèmes du travail d'Herman de Vries à travers les oeuvres conservées dans les collections du musée Gassendi et in situ : Journal de Digne ; Musée des terres ; Sanctuaire de Roche-Rousse ; Cabinet de Botanique du docteur Honnorat ; Jardin des roses ; Traces et points ; Le jardin sans jardinier ; Fenêtres ; Statements.
Innovations techniques de la Révolution industrielle et conquêtes de la France d'outre-mer concourent au développement, des années 185o jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale, de nombreuses expositions universelles. Manifestations populaires teintées de nationalisme, ces expositions sont surtout destinées de célébrer le "génie français", la force de son Commerce, la grandeur de son Industrie, et l'étendue de son empire colonial.
Ce sont donc autant d'occasions d'imposer au reste du monde sa puissance militaire et son pouvoir économique. Après 1872 et 1894, la dernière grande exposition lyonnaise est inaugurée le 22 mai 1914. Elle se veut, comme les précédentes, monumentale. Le site choisi pour accueillir l'exposition n'est plus le parc de la Tête d'Or, mais le quartier de la Mouche, ancienne zone de marais qui tire son nom des bras du fleuve, appelés "mouches".
Sa conception a été confiée à Tony Garnier, architecte proche d'Edouard Herriot, maire de Lyon. Il est notamment le maître d'oeuvre de l'immense halle éponyme, ouvrage dont la construction commence en 1909 et qui doit faire fonction de marché aux bovins et d'abattoir à l'issue de l'exposition. Un stade est conçu autour d'un projet de section "sport et éducation physique" : c'est l'actuel stade de Gerland, ouvert au public en 1914 et inauguré en 1926.
"C'est bien la cité moderne que Lyon a voulu symboliser dans son exposition". Ces mots du commissaire général Jules Courmont, dans le Guide général de l'Exposition de 1914, témoignent de cette volonté de faire date, par la surenchère des prouesses techniques et le recours aux dernières innovations de la modernité. Cet ouvrage abondamment illustré aborde l'histoire, l'architecture et l'urbanisme, la santé publique, l'enseigne-ment, l'industrie (soierie, chimie, imprimerie, horticulture, automobile, cinéma...), le patrimoine, les beaux-arts et les arts décoratifs.
La production de portraits sculptés de Jean-Jacques Rousseau a connu une nette croissance pendant la décennie révolutionnaire les années 1790, en raison de la popularité du modèle et de l'influence des idées de l'auteur du Contrat social au sein du nouveau processus politique.
Les souscriptions, décrets et concours potin une statue monumentale du philosophe, ainsi que les fîtes en son honneur et la translation de ses cendres au Panthéon en 1794, suscitèrent l'activité des sculpteurs jusqu'en 1798. Pour mieux comprendre cet engouement, il est indispensable de revenir aux bustes diffusés, peu après la mort de Rousseau en 1778 par Jean- Antoine Houdon, à partir de son masque mortuaire garantissant une authenticité dont le maure se prévaudra sans cesse.
Ce portrait canonique, multiplié par la gravure à la fin de l'Ancien Régime, a largement préparé les esprits, permettant l'effervescence des années révolutionnaires autour de l'image sculptée de Rousseau sur lequel cet ouvrage fàit le point à l'occasion du tricentenaire de sa naissance.
Joe Downing (1925-2007) appartient à une génération d'artistes américains qui s'établit en France après la seconde guerre mondiale.
Son oeuvre couvrant plus d'un demi-siècle va apporter une contribution essentielle à l'histoire de l'art abstrait et informel après 1950. De ses premiers collages, qui exploitaient les volumes géométriques, aux huiles sur toile, sur bois et sur cuir, qui font littéralement éclater les couleurs, les formes et l'espace, Joe Downing a multiplié les supports pour imposer son instinct plastique dans ses oeuvres d'une abstraction qualifiée de lyrique et dont la récente donation faite au musée d'Unterlinden à Colmar est le témoignage.
Avec une production artistique où la couleur, devenue à la fois forme et sujet, règne en maître absolue, Joe Downing s'est affranchi de l'héritage stylistique de ses prédécesseurs et de ses contemporains pour monter de toutes pièces un style certainement unique dans l'histoire de la peinture abstraite des XXe et XXIe siècles.
Fondé en 1923 par un groupe de jeunes nancéiens séduits par la dynamisme culturel de la capitale, le Comité Nancy-Paris présente à Nancy en mars 1926 une exposition entièrement consacrée aux avants-gardes et dont la section d'architecture est confiée à André Lurçat.
Les choix de Lurçat, à la fois engagés et opportunistes, sont représentatifs du nouveau courant moderne international, tel qu'il se manifeste, depuis le début des années 1920, dans les revues, conférences et expositions.
L'ambition de cet ouvrage est de reconsidérer cet événement provincial et de déterminer sa place réelle dans l'histoire du mouvement moderne. Plus largement, il est question des modes de diffusion de l'architecture internationale dans les années 20.
Nancy-Paris-Nancy, 1925-1926 Organiser une exposition d'architecture moderne : l'expérience d'André Lurçat à Nancy - Nancy 1926, une ville entre-deux - L'architecture nancéienne et le Comité Nancy- Paris, un rendez-vous manqué ? - Les modernes à l'exposition de 1925 et la critique - Après l'exposition de 1925, les avatars du Mouvement.
Les liens tissés en Europe France-Allemagne-France : porosités et étanchéités 1918- 1930 - L'Autriche à l'exposition de Nancy et sa place dans l'avant-garde internationale des années 20 - Quand les modernes belges s'exposent : à propos de la présence de la Belgique à Nancy en 1926 - L'avant-garde tchèque en quête d'un public.
Les supports de la diffusion L'exposition d'architecture : quelques remarques sur ses traces photographiques - Maquettes, l'architecture réduite à l'art - De l'image au plan : exposer l'architecture moderne selon Mart Stam.
Les modes de diffusion parallèles Le film, nouvel outil de promotion - Les conférences :
L'exemple de Le Corbusier - Les revues : esprit moderne et image graphique - La critique architecturale française face à l'architecture internationale - L'architecture ménagère sera moderne !
Daniel Arasse porte au regard parcourt son oeuvre. A travers la fine analyse que les auteurs livrent ici de ces écrits, on perçoit à quel point le dispositif photographique contribua à forger la vision et la pratique de l'image pour l'historien de l'art, et cela dès la rédaction de l'un de ses premiers ouvrages La Guillotine et l'imaginaire de la Terreur.
Le lecteur découvre ainsi l'usage personnel que Daniel Arasse faisait de la photographie à travers une série inédite d'images qu'il réalisa. De proche en proche, on comprend avec surprise la force d'expansion que ces portions de tableaux possèdent. Elles l'emportent sur la construction de l'image pour devenir de véritables signes photographiques.
Avec cette exposition intitulée tout simplement Boire, réalisée avec l'appui d'un comité scientifique national, le musée de Bretagne ambitionne de proposer un parcours muséographique qui s'appuie sur un état actualisé de la recherche : une thématique universelle dont on questionnera les particularismes régionaux à la lumière des collections sélectionnées, dans un souci de pluridisciplinarité.
Boire est un geste quotidien partagé par tous. Cet acte physiologique, mais aussi culturel résonne de façon particulière en Bretagne, où perdurent stéréotypes et représentations du buveur. L'exposition interroge ces pratiques en quatre thématiques, que l'on retrouve dans le présent catalogue : la soif, le goût et le plaisir, la convivialité et les relations sociales, la recherche d'effets.
Photographies, affiches, dessins ou peintures mais aussi objets de la vie quotidienne ou créations artistiques, films et témoignages, les documents et oeuvres présentées témoignent tous d'un rapport au boire : celui de pratiques quotidiennes, occasionnelles ou festives ; celui d'un regard artistique ou documentaire sur une réalité, constatée, grossie ou fantasmée ; celui d'un questionnement, moral, médical, culturel, qu'il soit individuel ou émanant de la société toute entière.
À travers ces multiples prismes et mises en perspective, reliés par un fil rouge proposé par Jochen Gerner venu poser son regard d'artiste sur le propos, chacun est aussi invité à considérer le sujet sous un angle très contemporain, le ramenant sur le terrain de ses propres pratiques.
Située en Moyenne Égypte, la ville d'Antinoé est la capitale de la Thébaïde à l'époque romaine et byzantine. La Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon ayant été le principal financeur, en 1898, de la troisième campagne de fouilles, qui mit au jour les nécropoles de la fin de l'Antiquité, et étant demeuré un partenaire régulier des campagnes suivantes de l'archéologue du site Albert Gayet (1856-1916) jusqu'en 1914, le musée des Tissus a bénéficié de l'envoi d'un considérable matériel archéologique.
Ce dernier se compose de vêtements complets (tuniques, manteaux, chemises, voiles, accessoires, ceintures) et de fragments de vêtements. Ces pièces exceptionnelles révèlent surtout, comme l'avait bien compris Gayet, les modes vestimentaires de la fin de l'Antiquité, le goût des élégants pour les étoffes de luxe, soieries ou lainages, les influences, aussi, d'un Orient mythique, la Perse, dont on adopte alors les typologies de vêtements ou le répertoire ornemental.
Ces étoffes montrent également qu'Antinoé était un centre de production textile de première importance, répondant aux exigences d'une population contrastée, hésitant entre un paganisme crépusculaire et un christianisme de plus en plus officiel. L'exposition, au travers de nombreuses pièces inédites restaurées pour l'occasion, conservées au musée des Tissus et au musée du Louvre, permettra une confrontation originale avec des évocations contemporaines des costumes exhumés des nécropoles antinoïtes.
Elle est aussi l'occasion d'évoquer l'engouement que suscitèrent les fouilles d'Antinoé au début du XXe siècle, orchestré par Albert Gayet et Émile Guimet, et le discrédit dans lequel le caractère littéraire et fantasmé des publications de Gayet plongea son travail scientifique. Aujourd'hui, au vu de ces découvertes, il est possible de réévaluer la pertinence des remarques de l'archéologue, qui exploita le site pendant près de vingt années.
quand jean mohr et moi-même travaillions à ce livre, le septième homme, notre objectif premier était de montrer comment l'économie des nations riches d'europe s'était mise, au cours des années soixante, à dépendre du travail de plusieurs nations plus pauvres.
l'objet du livre, tel que nous le concevions, était avant tout politique. nous espérions lancer un débat et encourager, entre autres choses, la solidarité internationale de la classe ouvrière.
nous ne nous attendions pas à ce qui s'est passé après la publication du livre. la presse l'a presque complètement ignoré. certains critiques ont dénoncé son manque de substance : il ne s'agissait, selon eux, que d'un pamphlet oscillant entre la sociologie, l'économie, le reportage, la philosophie et d'obscures tentatives poétiques, bref de quelque chose de vraiment pas sérieux.
au sud, la réaction a été tout autre.
le livre a été progressivement traduit en turc, en grec, en arabe, en portugais, en espagnol et en punjabi.
dans ces divers lieux, le livre parlait aux lecteurs comme un ami intime. ce n'était plus un traité de sociologie (ni même de politique au premier degré) mais, plutôt, un petit livre composé de vies réelles, d'une série de moments vécus - comme on en trouve dans un album de photos de famille.
On a voulu construire un lieu.
On, c'est-à-dire Auguste, qui alla jusqu'à mettre son corps (cadavre) dans l'affaire. Un lieu qui aura été un symbole (un objet coupé en deux dit l'étymologie du mot grec, et dont le rassemblement seul fera signe). Le symbole ajointait la course du Soleil dans le ciel romain et la paix de l'Empire (indexée au corps mort d'Auguste gisant dans son mausolée et au trône vide de l'Ara Pacis que l'ombre pointait à midi le jour de l'équinoxe d'automne), cet ajointement démesuré, le lieu en question, était un cadran solaire dont le tracé en hyperbole couvrait une partie du Champs de Mars et dont le style était un obélisque de granit rose de vingt-deux mètres de hauteur.
Mais ce lieu était aussi un morceau de la Rome réelle et celle-ci le dispersa en à peine plus de temps qu'il n'en avait fallu pour en joindre les parties Les crues du Tibre le recouvrirent, le détruisirent, le démembrèrent. Il eut, de tous les lieux de la Rome antique, la vie la plus courte qui fût. Nous faisons l'inventaire d'un morceau d'espace. Nous dénombrons, nommons, classifions, datons son mobilier.
Une église, des immeubles d'habitation, des magasins de vêtement, une place, quelques cafés -dont un affiche une reproduction à l'échelle 1 du fragment mis à jour par Büchner -, un kiosque à journaux, et tout ce qu'on ne voit plus, qui fut et qui n'est plus, ou bien qui est encore mais trente pieds sous le sol asphalté; inventaire du réel, du possible, du passé, de l'avenir, du fictif. Ce morceau d'espace comprend la via in Lucina, une portion de la via di Campo Marzio, une partie de l'église San Lorenzo in Lucina et quelques mètres des deux rues adjacentes à la via di Campo Marzio avant quelle ne débouche sur la piazza San Lorenzo in Lucina.
Nous faisons l'inventaire des mots qu'on a écrit sur ce morceau d'espace, très peu (exactement 154) par celui qui, ayant vu le lieu, le décrivit - Pline l'Ancien, mort d'avoir voulu voir de trop près le Vésuve crachant ses cendres- et beaucoup par ceux qui, ne l'ayant pas vu, commentèrent ses mots, reconstruisirent le lieu d'après ces mots, produisirent ainsi à peu près autant de lieux qu'il y a de mots dans le texte de Pline.
Petit fils de Victor Prouvé, l'un des protagonistes de l'Ecole de Nancy, et fils de Jean (constructeur aujourd'hui célèbre), Claude Prouvé, né en 1928 à Nancy, a exercé dès 1954 le métier d'architecte dans l'un des plus anciens et renommés cabinets de la ville, l'étude André qui s'est particulièrement distinguée, dans les années 1990, aux côtés de Laurent Beaudouin, dans la rénovation du musée des Beaux-Arts de Nancy.
Parallèlement à cette activité, Claude Prouvé a pratiqué le dessin en autodidacte, mais plus qu'en amateur, compte tenu des milliers de feuilles qui occupent actuellement son atelier de Nancy. Les dizaines de feuilles de la donation révèle pour la première fois ce travail que traduit un geste libre, ample et informel, et contribue à mieux connaître les modes d'expression et la personnalité de son auteur. L'ensemble proposé ici retrace de manière sommaire un parcours d'un demi-siècle de travail.
Une partie des dessins de Claude Prouvé pourrait se rapprocher des artistes de la seconde moitié du XXe siècle qui décline des signes minima sur les feuilles comme un travail de respiration ou de zen (Degottex, Tal Coat, Michaux) ou un travail « thérapeutique » de l'inconscient projeté et transcrit dans l'oeuvre (Pollock) et impose de la part du spectateur un rapport immédiat à l'oeuvre.
Une deuxième partie s'inscrit dans un travail de repérages, qui se signale par une écriture descriptive plus ou moins libre et détachée d'une transcription fidèle de la réalité, écriture plutôt économe de signes et qui montre l'aisance du tracé du dessin-esquisse.
Enfin un ensemble est constitué essentiellement de grands pastels ou fusain seul, ou techniques mixtes, qui se caractérise par la souplesse d'une écriture au trait large et ample, plus pictural, qui pourrait évoquer les formes organiques des expressionnistes abstraits.
La pratique de dessin de Claude Prouvé s'affirme donc dans sa diversité, faisant mentir l'opposition figuration/ abstraction.