Tous les livres que j'ai écrits ont été précédés d'une phase, souvent très longue, de réflexions et d'interrogations, d'incertitudes et de directions abandonnées.À partir de 1982, j'ai pris l'habitude de noter ce travail d'exploration sur des feuilles, avec des dates, et j'ai continué de le faire jusqu'à présent. C'est un journal de peine, de perpétuelle irrésolution entre des projets, entre des désirs. Une sorte d'atelier sans lumière et sans issue, dans lequel je tourne en rond à la recherche des outils, et des seuls, qui conviennent au livre que j'entrevois, au loin, dans la clarté.A. E.Parallèlement à ses romans, Annie Ernaux tient un journal d'avant-écriture; une sorte de livre de fouilles, rédigé année après année, qui offre une incursion rare de «l'autre côté» de l'oeuvre.Plongé au coeur même de l'acte d'écrire, le lecteur devient témoin du long dialogue de l'autrice avec elle-même:la pensée taillée au couteau, des idées en vrac, des infinitifs en mouvement; des associations de mots, de morceaux de temps, et de confidences.Pour la réédition de L'atelier noir, Annie Ernaux a souhaité augmenter l'ouvrage de pages inédites de son journal de Mémoire de fille.
«Trahir qui disparut, dans La disparition, ravirait au lisant subtil tout plaisir. Motus donc, sur l'inconnu noyau manquant - un rond pas tout à fait clos finissant par un trait horizontal - , blanc sillon damnatif où s'abîma un Anton Voyl, mais d'où surgit aussi la fiction. Disons, sans plus, qu'il a rapport à la vocalisation. L'aiguillon paraîtra à d'aucuns trop grammatical. Vain soupçon : contraint par son savant pari à moult combinaisons, allusions, substitutions ou circonclusions, jamais G.P. n'arracha au banal discours joyaux plus brillants ni si purs. Jamais plus fol alibi n'accoucha d'avatars si mirobolants. Oui, il fallait un grand art, un art hors du commun, pour fourbir tout un roman sans ça !»Bernard Pingaud.
«Il y a dans ce livre deux textes simplement alternés ; il pourrait presque sembler qu'ils n'ont rien en commun, mais ils sont pourtant inextricablement enchevêtrés, comme si aucun des deux ne pouvait exister seul, comme si de leur rencontre seule, de cette lumière lointaine qu'ils jettent l'un sur l'autre, pouvait se révéler ce qui n'est jamais tout à fait dit dans l'un, jamais tout à fait dit dans l'autre, mais seulement dans leur fragile intersection.L'un de ces textes appartient tout entier à l'imaginaire : c'est un roman d'aventures, la reconstitution, arbitraire mais minutieuse, d'un fantasme enfantin évoquant une cité régie par l'idéal olympique. L'autre texte est une autobiographie : le récit fragmentaire d'une vie d'enfant pendant la guerre, un récit pauvre d'exploits et de souvenirs, fait de bribes éparses, d'absences, d'oublis, de doutes, d'hypothèses, d'anecdotes maigres. Le récit d'aventures, à côté, a quelque chose de grandiose, ou peut-être de suspect. Car il commence par raconter une histoire et, d'un seul coup, se lance dans une autre : dans cette rupture, cette cassure qui suspend le récit autour d'on ne sait quelle attente, se trouve le lieu initial d'où est sorti ce livre, ces points de suspension auxquels se sont accrochés les fils rompus de l'enfance et la trame de l'écriture.»Georges Perec.
« Légendes saisies en vol, fables ou apologues, ces Nouvelles Orientales forment un édifice à part dans l'oeuvre de Marguerite Yourcenar, précieux comme une chapelle dans un vaste palais. Le réel s'y fait changeant, le rêve et le mythe y parlent un langage à chaque fois nouveau, et si le désir, la passion y brûlent souvent d'une ardeur brutale, presque inattendue, c'est peut-être qu'ils trouvent dans l'admirable économie de ces brefs récits le contraste idéal et nécessaire à leur soudain flamboiement ».
Matthieu Galey
Une embellie perdue est la suite des Mémoires que Gisèle Halimi a entrepris avec La cause des femmes et Le lait de l'oranger. En juin 1981, l'avocate est élue députée. Le «peuple de gauche» rêve de changer la vie; et les femmes de compter, enfin, en politique.Mais l'embellie sera brève. Les socialistes cèdent, assez vite, au «réalisme» et aux délices du pouvoir. «La gauche a-t-elle encore une âme?» s'interroge bientôt Gisèle Halimi. En septembre 1984, elle quitte l'Assemblée. Pendant quarante mois, elle aura vécu une aventure ambiguë:décevante, dans l'univers masculin des politiciens:riche de découvertes, dans sa circonscription.Le Palais-Bourbon sous la vague rose. Le chemin - un temps commun - avec François Mitterrand, Joxe, Rocard ou Bérégovoy. La campagne - hors de tous les partis - des «100 femmes pour les femmes», en 1978. Le suicide tragique de trois amies, «chambardées» par leurs ruptures féministes... Souvenirs mêlés...Ce livre témoigne de l'espérance et du désenchantement de ces dernières années. Il tente aussi une réflexion sur le pouvoir, la démocratie, les contradictions entre vie privée et vie publique.Un récit doux-amer, tourné cependant vers l'avenir où Maud-Tahfouna, la petite-fille lumineuse de Gisèle Halimi, l'entraîne. Avec la force de l'enfance.
«En projetant et en commençant d'écrire mon roman, j'ai bien réalisé autre chose que de projeter et d'écrire mon roman:j'ai organisé en moi le sens et la fonction de la réalité; et une fois que j'ai organisé le sens et la fonction de la réalité, j'ai essayé de m'emparer de la réalité. M'emparer, peut-être, sur le plan doux et intellectuel de la connaissance ou de l'expression; mais malgré tout, essentiellement, brutalement et violemment, comme cela se passe pour chaque possession, pour chaque conquête. [...] Au moment même où je projetais et écrivais mon roman, autrement dit où je recherchais le sens de la réalité et en prenais possession, précisément dans l'acte créatif que tout cela impliquait, je désirais aussi me libérer de moi-même, c'est-à-dire mourir. Mourir dans ma création:mourir comme en effet on meurt, en accouchant:mourir, comme en effet on meurt, en éjaculant dans le ventre maternel.» Pier Paolo Pasolini.
«53 jours» est le roman auquel Georges Perec travaillait au moment de sa mort, survenue le 3 mars 1982. Le livre est publié ici intégralement. Il comprend, d'une part, ce que Georges Perec avait déjà rédigé et qui recouvre onze des vingt-huit chapitres prévus ; d'autre part, un abondant dossier de notes et de brouillons laissés par l'auteur, permettant le déchiffrement du reste du livre.Il a par ailleurs été prélevé dans les notes concernant les dix-sept derniers chapitres celles qui étaient susceptibles de permettre aux lecteurs passionnés par la narration de reconstituer l'ensemble de l'histoire.
Les rêves doivent être enregistrés comme ils viennent, spontanément. J'arrachais du lit ma carcasse lasse et à travers des paupières enflées par le sommeil, je gribouillais au crayon à toute vitesse, dans mon petit carnet à rêves jusqu'à la moindre bribe de souvenir.J. K. Vivre cette odyssée nocturne aux côtés de Jack Kerouac, c'est errer avec lui dans un monde baigné d'étrangeté et d'inconscient, et être emporté dans un voyage sans fin, en quête d'amour, d'aventure et peut-être d'une certaine paix. La forme libre de l'écriture ensommeillée, d'une immédiateté presque idéale, nous projette en plein dans la spontanéité et le rythme beat.Dans les années 70, Book of Dreams avait été publié dans une version amputée de moitié. Ce n'est qu'en 2001, aux États-Unis, que le texte complet a été redécouvert. «L'Imaginaire» propose aujourd'hui cette édition intégrale, comprenant plus de deux cents rêves inédits en français.
Une enfant de huit ans qui engage le combat contre l'institutrice qui la traite de «sale Juive» ou de «sale bicote». Une écolière qui ne se soumet pas au culte rendu à Pétain dans les écoles, du temps de Vichy. Une adolescente qui se révolte contre le Dieu des Juifs, parce qu'il n'accorde pas leur place aux femmes. Une jeune avocate qui refuse de prêter le serment traditionnel, parce qu'elle le juge trop servile... Parcours d'une rebelle, qui permet de retrouver les moments forts d'une vie marquée par des combats difficiles, voire dangereux.
Défense des militants du F.L.N. pendant la guerre d'Algérie, ce qui lui vaut d'être arrêtée par les militaires putschistes. Procès de Bobigny sur l'avortement, cause des femmes, Gisèle Halimi ébauche ici une nouvelle réflexion sur le féminisme, née de la tendresse et des contradictions d'«une jeune mère indigne» à l'épreuve d'«un couple impossible». Bien des hommes et des femmes célèbres traversent cette histoire passionnée. Coty, de Gaulle, Giscard, Mitterrand, Chirac, Simone Veil, Bourguiba ou encore Camus, Sartre, Simone de Beauvoir... Peints souvent avec amitié, quoique toujours sans complaisance et parfois d'une plume acérée. Mais, sans doute, pour cette actrice et témoin privilégiée de quelques événements importants de notre époque, le vrai grand homme a-t-il été Édouard, cette figure paternelle à laquelle elle revient toujours, par-delà la vie et la mort, et qu'elle appelle «le magicien».
La Fée-Cinéma est le récit autobiographique d'Alice Guy:première femme cinéaste du monde.Écrire vite. Raconter son enfance, d'abord:la jeune Alice est élevée entre le Chili, la Suisse et la France. Puis le pensionnat et la vie à Paris. Suivent des études de sténographie, avant qu'elle ne devienne en 1895 la secrétaire de Léon Gaumont au Comptoir général de Photographie. C'est à la suite de la première projection du cinématographe des frères Lumière qu'Alice a l'idée de tourner de courtes fictions pour soutenir la vente des caméras Gaumont. Déjà «mordue par le démon du cinéma», elle n'a qu'une obsession:raconter des histoires en réalisant ses propres films, dont le plus célèbre, La Fée aux choux, considéré comme le premier film de fiction...Longtemps effacée de l'Histoire, Alice Guy décrit ici avec précision les débuts du cinéma, la magie des accidents, des expérimentations et autres bouts de ficelle. Sans détour et sans romance, d'une écriture intime et urgente, elle dit la beauté du 7? art qu'elle a «aidé à mettre au monde»; elle se réhabilite.Elle meurt en 1968 et ses Mémoires, pourtant achevés en 1953, ne seront publiés qu'en 1976.
Trésors à prendre est un authentique journal de voyage, l'imagination n'y a pas de part. Les personnages qui le traversent sont aussi réels que le causse Noir et que la cathédrale d'Albi. Mais Violette Leduc, avec son avidité pour la vie, provoque à tout moment, en tout lieu, les rencontres les plus curieuses et les plus émouvantes.
«À Megara on met encore des oeillets au balcon, et les femmes portent des robes longues; c'est pour cette raison que la simple vision d'une cheville fait littéralement trembler les jeunes gens. Mais ceci arrive rarement, car elles sont prudentes et surveillées; et elles se surveillent elles-mêmes; et s'il pleut, elles préfèrent rentrer à la maison avec l'ourlet de leur robe maculé de boue que d'avoir les bas mordus par des regards chauds comme des baisers.»Admirables portraits de femmes prises aux pièges de l'amour, ces dix-huit nouvelles dessinent les contours de passions faites de promesses et de mélancolie. Avec les paysages lumineux de l'Italie en toile de fond, les femmes des Belles luttent pour échapper aux tragiques carcans de la famille, de la société, et de leurs amants, parfois au péril de leur vie.Dans cet ouvrage, Borgese, au sommet de la forme courte, célèbre les beaux alibis du coeur et l'universalité du mal d'aimer.
«Mon cas n'est pas unique : j'ai peur de mourir et je suis navrée d'être au monde. Je n'ai pas travaillé, je n'ai pas étudié. J'ai pleuré, j'ai crié. Les larmes et les cris m'ont pris beaucoup de temps [...]. Le passé ne nourrit pas. Je m'en irai comme je suis arrivée. Intacte, chargée de mes défauts qui m'ont torturée. J'aurais voulu naître statue, je suis une limace sous mon fumier.»
«QUICHOTTE:Considère bien, Panza, que ce qu'ils appellent folie, moi je l'appelle réalité.»Détournement fantasque, féministe et poétique de Don Quichotte, Le voyage sans fin offre une nouvelle lecture du roman de Cervantès. Ici, Quichotte est une femme chevalier errant, passionnée de livres et d'écriture, en quête de justice et de liberté. Accompagnée de son écuyère, Panza, elle traverse nombre de péripéties et imagine un nouveau monde.Flanquée de ces deux « guerrillères », Wittig trouve une nouvelle occasion de déjouer les marques du genre et d'éclater les conventions. Elle nous offre dans cette courte pièce une expérience hybride, entre théâtre, cinéma et geste d'écriture:une profonde aventure politique.Représenté pour la première fois en 1985 au Théâtre du Rond-Point, coréalisé avec Sande Zeig, Le voyage sans fin avait alors été publié dans le supplément de la revue féministe Vlasta. «L'Imaginaire» souhaite aujourd'hui donner l'occasion aux lecteurs de redécouvrir ce texte d'avant-garde hors du commun.
Version définitive sous-titrée Roman d'aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement authentiques
Une descente dans les abîmes. René Daumal explore ceux du monde matérialiste, et aussi ceux que chacun de nous recèle en lui. Au cours d'une beuverie, l'auteur visite la Jérusalem contre-céleste, où séjournent les Évadés. Artistes, scientistes, faux sages s'y enivrent de paradis artificiels. Puis vient le réveil. L'auteur va apprendre à mieux se connaître, à approfondir la voie introspective. «Alors que la philosophie enseigne comment l'homme prétend penser, la beuverie montre comment il pense.»
«Soudain, elle se jeta sur lui, le coucha à ses pieds avant qu'il ait eu le temps de lutter, puis prenant son cou que le veston de molleton blanc laissait décolleté, elle lui enfonça ses ongles dans les chairs.- Je suis jaloux! rugit-elle affolée. As-tu compris à présent?...Jacques ne bougeait pas, il avait posé ses deux poings crispés, dont il ne voulait pas se servir, sur ses yeux humides. En sentant qu'elle lui faisait mal, les nerfs de Raoule se détendirent.- Tu dois t'apercevoir, dit-elle ironiquement, que je n'ai pas, comme toi, des mains de fleuriste et que, de nous deux, le plus homme c'est toujours moi?»Raoule de Vénérande, jeune femme noble, rejette les valeurs de la société, refuse toute forme de domination et vit au masculin. Elle tombe amoureuse d'un jeune fleuriste et fait de lui sa «maîtresse». Narcissique, violente, elle le soumet et l'entretient, dans une passion à rebours des normes de son temps.En attribuant les moeurs et codes masculins du XIX? siècle à son personnage féminin, Rachilde force la réflexion sur la place des femmes.À sa publication en 1884, Monsieur Vénus fait scandale. Jugé trop érotique, licencieux, il est condamné en Belgique puis repris dans des versions amputées. «L'Imaginaire» propose aujourd'hui la version originale de ce texte, sans aucune censure.
«Ils parlent. Ils tapent sur la table. Ils reniflent. Ils se grattent dans les poils. Ils se grattent la tête. Ils se renversent sur leurs chaises. Ils mettent leurs pouces dans leurs bretelles. Ils font semblant, mais ils ne sont pas bien. Ils griffent de l'ongle le bois de la table. Ils parlent. Ils se comprennent. Et pourtant, c'est quoi 14, c'est quoi l'Armistice, c'est quoi Daladier, c'est quoi les Boches, c'est quoi Hitler, c'est quoi la politique, c'est quoi le Taureau du Vaucluse, c'est quoi Chamberlain, c'est quoi le pape, c'est quoi la guerre?- C'est quoi, la guerre?- Occupe-toi de ta soupe. Mange.»Pendant l'Occupation, Louis Calaferte a onze ans. Il raconte la guerre telle que la vit un enfant, au jour le jour. Lorsque l'on sort à peine de l'enfance, comment comprendre ce que sont l'exode, la Gestapo, les trahisons, la déportation, les arrestations, le marché noir? Peut-être faut-il simplement écrire les choses comme elles viennent sans laisser passer aucun détail.Sans temps mort, dans une langue incisive, Calaferte a écrit un récit de guerre dont on ne ressort pas indemne.
«C'est grâce à un nom de femme, aussi mystérieux que les lettres effacées d'un alphabet ancien, aussi difficile à retenir qu'une langue apprise et jamais parlée, que m'est revenu non le souvenir d'un rêve, mais le souvenir d'avoir rêvé.»Gérard Macé réunit ici deux de ses ouvrages et compose ainsi un bel autoportrait, vu à travers mille vies.Le premier livre, Vies antérieures, nous porte à la rencontre de personnages célèbres et d'inconnus. L'occasion de s'arrêter un moment avec le scribe égyptien, le vitrier de Baudelaire, le poète persan Tarafa, Clérambault le maître déçu de Lacan, un Henri Michaux fantômatique ou Clelia Marchi qui écrivait sa vie sur un linceul...Les trois coffrets, ensuite, nous invite dans l'intimité de l'auteur. On y suit, entre prose et poésie, le destin d'une jeune femme morte à Rome et de Crepereia Tryphaena, la poupée sculptée retrouvée dans son sarcophage. Une aventure «archéologique» qui nous conduit à l'histoire d'un traumatisme, lié au père de «l'écrivain colporteur».
«Un jour, enfin, à l'heure où le soleil oblique de six heures éclairait la salle de bains, un oeuf à demi gobé fut envahi par l'eau et, s'étant empli avec un bruit bizarre, fit naufrage sous nos yeux ; cet incident eut pour Simone un sens extrême, elle se tendit et jouit longuement, pour ainsi dire buvant mon oeil entre ses lèvres. Puis, sans quitter cet oeil sucé aussi obstinément qu'un oeil, elle s'assit, attirant ma tête, et pissa sur les oeufs flottants avec une vigueur et une satisfaction criantes.»Un jeune garçon de seize ans tombe éperdument amoureux de la jeune Simone, s'adonnant à des jeux sexuels inventifs, les deux adolescents emportent dans leur débauche une dénommée Marcelle, facilement influençable. À trois désormais, ils vont toujours plus loin dans la frénésie et la transgression, comme envoutés par leurs sens. Une clé psychanalytique éclairera à la fin, offrant une deuxième lecture de ce texte unique.Publié clandestinement en 1928 sous pseudonyme, cette oeuvre dérange autant qu'elle intrigue. Le lecteur est ébloui et aveuglé par une écriture inclassable : ni érotique, ni pornographique, ni même entre les deux. L'histoire de l'oeil ou qu'est-ce qui sépare l'horreur du sublime ?
Dans Van Gogh le suicidé de la société, publié en 1947, quelques mois avant sa mort, Antonin Artaud rend au peintre un éblouissant hommage. Non, Van Gogh n'était pas fou, martèle-t-il, ou alors il l'était au sens de cette authentique aliénation dont la société et les psychiatres ne veulent rien savoir.«Je vois à l'heure où j'écris ces lignes, le visage rouge sanglant du peintre venir à moi, dans une muraille de tournesols éventrés,dans un formidable embrasement d'escarbilles d'hyacinthe opaque et d'herbages de lapis-lazuli.Tout cela, au milieu d'un bombardement comme météorique d'atomes qui se feraient voir grain à grain,preuve que Van Gogh a pensé ses toiles comme un peintre, certes, et uniquement comme un peintre, mais qui serait,par le fait même,un formidable musicien.»
Une femme qui a perdu son mari et deux de ses fils se cache dans une foret du Pays de Galles avec son dernier enfant Perceval, et essaye, pour le preserver, de l'elever loin de la civilisation, dans l'ignorance complete du monde et de la chevalerie meurtriere. Malgre toutes les precautions de la mere, Perceval rencontre un jour un groupe de chevaliers ala brillante armure. Il en est si enthousiasme qufil quitte aussitot le refuge et sa mere malgre les supplications de celle]ci qui ne voulait pas aussi le perdre. Il se rend ala cour du Roi Arthur.
OEuvre inachevee, Perceval est lfun des plus celebres romans de la matiere de Bretagne.
Rares sont les écrivains qui, parallèlement au roman qu'ils écrivent, tiennent un journal de leur travail et le publient de leur vivant. C'est le cas d'André Gide avec son célèbre roman de l'adolescence perverse, Les faux-monnayeurs.
Le Journal des faux-monnayeurs est le long dialogue de Gide avec ses personnages au fur et à mesure de leur création. C'est ainsi qu'il se familiarise avec l'atmosphère trouble dans laquelle évoluent ses héros : Édouard qui tient son journal, Olivier Molinier, Bernard Profitendieu... Tout au long, Gide apprend à vivre avec eux et il dépasse parfois le cadre du roman proprement dit. Ce Journal, qui est aussi son «cahier d'études», permet de mieux sentir le mécanisme créateur, l'intelligence critique, l'ironie du grand romancier.
Lyon-Vaise, 4 avril 1915. Jour de Pâques. Six heures du soir. Mon petit Lou très chéri. Je t'écris sans savoir si même je dois t'écrire et si mes lettres te font plaisir. Nous sommes en gare de Lyon-Vaise. Je t'écris sur mon sac individuel. Il paraît que nous allons non en Argonne mais à Mourmelon-le-Petit dans le groupe de 90 du 38ème 43e batterie qui a été amochée. Dès que j'ai su que définitivement t'étais plus à moi, en ai eu un peu de peine, peut-être même beaucoup. Je suis fidèle comme un dogue ai-je écrit dans Alcools et tu aurais dû te douter que tout ce que je disais de te tromper était pas vrai. Pour le moment, je préfère mourir et ferai possible pour cela. Si pas possible, on verra. " Cette nouvelle édition est augmentée de plusieurs lettres restées longtemps inédites.