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Au doux pays de Frzangzwe, le fossé entre les nantis et les fauchés ne cesse de se creuser. D'un côté, la baronne, secondée par son équipe de bras cassés : Mo, l'homme de main toujours chargé du sale boulot, Mouna la Souris experte en informatique, Hakkon le Brave inséparable de sa hache bien affûtée, le Toubib réchappé de la justice, Zap le naïf. De l'autre côté, l'archimaréchal règne avec ses zeds de camp et son conseiller Gabriel Pipaudi, premier fifrelin du palais, diplômé de la Grande École - promo Machiavel. Et puis il y a la marjorette, Anne-Sophie-Catherine-Elisabeth dite Aneth. Enfermée dans son vase clos gorgé de paillettes et des ors de la république, Aneth rêve d'amour et d'horizons inconnus. Lorsque sa servante Chantal organise une escapade clandestine dans la jungle du réel, tout bascule. Car les deux mondes vont se croiser, alors que grogne la révolte. Retranchés dans leur manoir, la bande de marginaux fomente un coup d'éclat : occuper la Grande Tour F. Pour quoi faire ? La démonter. Quand ? Le 1er mai. Et si la Révolution était en marche ?
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Qui ne connaît pas un de ces inventeurs géniaux dont la découverte reste à jamais inconnue, empêchée ou censurée ? Phily-Jo est de ceux-là. Sa machine à énergie libre, la FreePow, est révolutionnaire. Si visionnaire et dérangeante que la mort brutale de Phily-Jo demeure un mystère pour ses proches. Meurtre ou suicide ? Est-ce le combat de David contre Goliath, une conspiration du grand capital prompt à freiner tous les progrès humanistes ?
Dans un infernal jeu de poupées gigognes, les héritiers et disciples de Phily-Jo se lancent tour à tour dans une quête de vérité qui les mène au coeur du Texas, ses couloirs de la mort et ses champs pétrolifères. Mais qui croire, à la fin ?
Avec un humour décapant, Qui se souviendra de Phily-Jo ? est le roman de toutes les manipulations -emprise du capitalisme, mensonge, complot, ou pouvoir du récit... Vertigineux et époustouflant ! -
Clemens, jeune Allemand issu de la bourgeoisie cultivée et bientôt à l'abandon, a tout l'air d'un elfe qui parcourt les massifs de la Forêt-Noire, comme dans les légendes. Alors que le régime nazi resserre peu à peu son étau sur l'Allemagne, sa vie d'enfant se trouve bousculée de foyer en institut, avec son violon comme un prolongement de lui-même. La virtuosité prodigieuse et fascinante avec laquelle il s'empare des partitions des plus grands lui permet d'échapper à la tourmente et à l'angoisse des enrôlements forcés dans les Jeunesses hitlériennes. Bientôt, une musique terrible arrive de l'Ouest, celle du déluge des bombes alliées qui s'abat sur les villes et précipite le pays dans l'abîme, emportant le destin de tous dans la guerre...
La Symphonie atlantique nous fait entendre Liszt, Mozart ou Grieg dans le fracas du monde, en un étrange écho avec notre époque. Hubert Haddad ravive avec maestria la culture allemande dévoyée par les nazis et donne la parole aux innocents, aux enfants et aux populations civiles bombardées. Tragique, essentiel et bouleversant. -
Il n'a pas de nom. Il ne parle pas. Le garçon est un être quasi sauvage, né dans une contrée aride du sud de la France. Du monde, il ne connaît que sa mère et les alentours de leur cabane. Nous sommes en 1908 quand il se met en chemin - d'instinct.
Alors commence la rencontre avec les hommes : les habitants d'un hameau perdu, Brabek l'ogre des Carpates, philosophe et lutteur de foire, l'amour combien charnel avec Emma, mélomane lumineuse, à la fois soeur, amante, mère. « C'est un temps où le garçon commence à entrevoir de quoi pourrait bien être, hélas, constituée l'existence : nombre de ravages et quelques ravissements. » Puis la guerre, l'effroyable carnage, paroxysme de la folie des hommes et de ce que l'on nomme la civilisation.
Itinéraire d'une âme neuve qui s'éveille à la conscience au gré du hasard et de quelques nécessités, ponctué des petits et grands soubresauts de l'Histoire, le Garçon est à sa façon singulière, radicale, drôle, grave, l'immense roman de l'épreuve du monde.
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« je suis le rare cadavre ici qui n'ait pas été tué par un coup de magie, un coup de machette dans la nuque ou une expédition vaudou, il n'y aura pas d'enquête, de prestidigitation policière, de suspense à couper le souffle comme dans les films et les romans - et je te le dis tout de suite, ce n'est pas une histoire -, je suis morte de ma belle mort, c'était l'heure de m'en aller, c'est tout ».
La voix qui parle - une voix de femme - monte du fond de l'abîme ou du tréfonds du ventre. Et la voix s'incarne, libre, puissante, en héroïne de sa vie de rien, celle d'avant la mort, d'avant que les siens ne l'abandonnent dans ce village perdu pour tenter leur chance à la ville.
Il y a Toi, la mère, machine à tout subir et à tout faire, Makenzy, en père pire que maudit, Orcel, le frère mutique qui attend devant la mer pour oublier l'homme à la tête coupée, l'Envoyé de Dieu et ses bacchanales infernales, et puis les Loups qui rôdent en mauvais anges expropriateurs.
Un roman âpre et fulgurant, tout entier porté par le souffle d'un verbe incandescent.
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Construit comme une enquête et un réquisitoire, avec une extraordinaire lucidité, le roman de Boubacar Boris Diop nous éclaire sur l'ultime génocide du XXe siècle mieux que tous les essais et témoignages.
Avec une sobriété d'un classicisme exemplaire, l'auteur expose les faits, ses rouages et ses ressorts cachés : quelques personnages en situation, avant, pendant et après le génocide, se racontent et se croisent, s'aiment et se confessent. Jessica, la miraculée qui sait et comprend du fond de son engagement ; Faustin Casana, membre des Interahamwe ; le docteur Joseph Karekezi, notable hutu naguère modéré, qui organisa et coordonna le massacre de Murambi ; le colonel Etienne Périn, officier de l'armée française; Cornelius Karekezi enfin, qui, de retour au pays quatre ans après le drame, découvre l'épouvantable responsabilité de son père.
En vrai romancier, Boubacar Boris Diop nous interdit les faux-fuyants qui voudraient folkloriser les drames africains pour mieux les oublier. En " raconteur d'éternité ", avec toute la rigueur d'un talent sans faille, il nous oblige à regarder en face notre réalité, qu'on voudrait sauve de tout autre désastre humain.
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Troublant, diabolique même, ce manuscrit qu'Alexandre Astrid reçoit par la poste. Le titre: Garden of love. L'auteur : anonyme. Une provocation pour ce flic sur la touche, à la dérive, mais pas idiot pour autant. Loin de là. Il comprend vite qu'il s'agit de sa propre vie. Dévoyée. Dévoilée. Détruite. Voilà soudain Astrid renvoyé à ses plus douloureux et violents vertiges. Car l'auteur du texte brouille les pistes. Avec tant de perversion que s'ouvre un subtil jeu de manipulations, de peurs et de pleurs. Comme dans un impitoyable palais des glaces où s'affronteraient passé et présent, raison et folie, Garden of love est un roman palpitant, virtuose, peuplé de voix intimes qui susurrent à l'oreille confidences et mensonges, tentations et remords. Et tendent un redoutable piège. Avec un fier aplomb.
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Lodz, 1941. Chaïm Rumkowski prétend sauver son peuple en transformant le ghetto en un vaste atelier industriel au service du Reich. Mais dans les caves, les greniers, éclosent imprimeries et radios clandestines, les enfants soustraits aux convois de la mort se dérobent derrière les doubles cloisons... Et parmi eux Alter, un gamin de douze ans, qui dans sa quête obstinée pour la vie refuse de porter l'étoile. Avec la vivacité d'un chat, il se faufile dans les moindres recoins du ghetto, jusqu'aux coulisses du théâtre de marionnettes où l'on continue à chanter en sourdine, à jouer la comédie, à conter mille histoires d'évasion.
Hubert Haddad fait resurgir tout un monde sacrifié, où la vie tragique du ghetto vibre des refrains yiddish. Comme un chant de résistance éperdu. Et c'est un prodige.
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Avec l'Île du Point Némo, Jean-Marie Blas de Roblès nous offre le roman d'aventures total, tourbillonnaire, conquérant, véritable machinerie de l'imaginaire où défilent, s'entrecroisent et se percutent tous les codes romanesques, la littérature populaire, l'actualité convulsive entre passé historique et projection dans le futur, nos hantises programmées et nos rêves d'échappées irrépressibles.
Qu'on en juge : Martial Canterel, richissime opiomane, se laisse interrompre dans sa reconstitution de la fameuse bataille de Gaugamèles par son vieil ami Holmes (John Shylock...). Un fabuleux diamant, l'Anankè, a été dérobé à Lady MacRae, tandis que trois pieds droits chaussées de baskets de marque Anankè échouaient sur les côtes écossaises, tout près de son château. Voilà donc Holmes, son majordome et l'aristocratique dandy, bientôt flanqués de Lady MacRae et de sa fille Verity, emportés - pour commencer - dans le Transsibérien à la poursuite de l'insaisissable Enjambeur Nô.
Par une mise en abyme jubilatoire, cette intrigue rebondissante vient s'inscrire dans les aléas d'une fabrique de cigares du Périgord noir où, comme aux Caraïbes, se perpétue la tradition de la lecture, à voix haute, des aventures de Jean Valjean ou de Monte-Cristo. Bientôt reprise par Monsieur Wang, voyeur high-tech, productiviste à l'ancienne et fondateur de B@bil Books, une usine de montage de liseuses électroniques...
Avec une ironie abrasive, ce roman-tsunami emporte toutes les constructions réalistes habituelles et ouvre d'extraordinaires horizons de fiction. Cette folle équipée romanesque est aussi la plus piquante réflexion sur l'art littéraire, doublée d'une critique radicale des idéologies et de la gouvernance anonyme, tentaculaire, qui nous aliène jusque dans notre intimité.
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Gabriel descend du train un dimanche soir dans la gare d'une petite ville de Bretagne. Il pose son sac dans le premier hôtel venu et va, en quelques jours, par son étrange charisme, tisser autour de lui des liens d'amitié avec des inconnus. Chacun d'eux porte avec plus ou moins de talent son petit fardeau de vie : Madeleine, la réceptionniste de l'hôtel, qui rêve d'une île inaccessible, Marco et Rita, un couple de junkies au bout du rouleau, José, le patron du Faro, un bar portugais, dont l'épouse est à l'hôpital...
Peu à peu, Gabriel devient à leurs yeux une sorte d'ange, de sherpa qui les soulage du poids de leur existence. Pareil au panda en peluche gagné à la fête foraine, qui trône à présent en guise de porte-bonheur sur le comptoir du Faro, il ne juge pas, ne pose pas de question, donne sans rien demander en retour et s'offre à qui veut le prendre.
Le bonheur, Gabriel l'a connu, s'y est brûlé les ailes dans des circonstances dramatiques. Lui survivre c'est entrer au purgatoire. Afin d'éviter à ses amis l'interminable chute d'Icare, il les accompagne, un par un, au-delà du bonheur.
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Là où les tigres sont chez eux
Jean-Marie Blas de Roblès
- Zulma
- Litterature
- 21 Août 2008
- 9782843044571
Eléazard von Wogau, héros inquiet de cette incroyable forêt d'histoires, est correspondant de presse dans la ville fantôme d'Alcântara, au fin fond du Nordeste brésilien. On lui adresse un jour un fascinant manuscrit, biographie inédite d'un célèbre jésuite de l'époque baroque. Commence alors une enquête à travers les savoirs et les fables qui n'est pas sans incidences sur sa vie privée. Comme si l'extraordinaire plongée dans l'univers d'Athanase Kircher se répercutait à travers les aventures croisées d'autres personnages, tels Elaine, archéologue en mission improbable dans la jungle du Mato Grosso, Moéma, étudiante à la dérive, ou bien Nelson, jeune gamin infirme des favelas de Pirambu qui hume le plomb fondu de la vengeance. Nous sommes au Brésil, dans le pays des démesures. Nous sommes aussi dans la terra incognita d'un roman monstre, dont chaque partie s'ouvre sur un chapitre de la biographie de Kircher, « le maître des cent arts », ancêtre de l'égyptologie et de la volcanologie, inventeur du microscope ou de la lanterne magique. On songe au réalisme magique des Borges et Cortazar, à Italo Calvino ou Umberto Ecco, ou encore à Potocki et son Manuscrit trouvé à Saragosse, sans jamais épuiser la réjouissante singularité de ce roman palimpseste qui joue à merveille des mises en abyme et des vertiges spéculaires. Un site dédié à l'univers de Là où les tigres sont chez eux sera mis en ligne dès la parution du roman.
Il arrive qu'après mille lectures obligées, un éditeur tombe sur un phénomène littéraire, vrai prodige qui vous coupe le souffle pour vous le rendre bientôt, ample comme doit l'être la traversée d'un univers de fiction unique dans sa conception et son écriture. Là où les tigres sont chez eux, de Jean Marie Blas de Roblès, est le fruit de dix ans de travail, roman somme qui interroge le genre avec une formidable érudition mise au service d'un sens merveilleux de la narration.
Eléazard von Wogau, le héros inquiet de cette incroyable forêt d'histoires savamment enchevêtrées, est un français, obscur écrivain, vague correspondant de presse domicilié au fond du Nordeste brésilien, dans la ville fantôme d'Alcantara, relique des fastes de l'Empire portugais. Spécialiste à ses heures de l'encyclopédiste allemand Athanase Kircher, sorte de Vinci de l'époque baroque, on lui adresse un jour à des fins d'édition une fascinante biographie de Kircher écrite en français par un de ses disciples. Ce manuscrit autographe totalement inédit, -exhumé lors d'un récent récolement à la bibliothèque nationale de Palerme- est l'oeuvre, remarquable en tout point malgré certaines invraisemblances, de Caspar Schott, un obscur jésuite allemand.
Commence alors pour Eléazard une enquête à travers les savoirs et les fables qui n'est pas sans incidences sur sa vie privée. Comme si l'extraordinaire plongée dans l'univers baroque d'Athanase Kircher dont on découvre peu à peu la fantastique quête cachée, se répercutait par anamorphoses dans l'espace et le temps à travers les aventures croisées d'autres personnages, entre autres Elaine, l'ex-épouse du narrateur archéologue en mission improbable en territoire indien, Moéma, sa fille toxicomane, Nelson, jeune gamin infirme des favelas de Pirambu qui fomente une vengeance (son père ayant chu dans la cuve d'une fonderie, ses employeurs, avant de chasser, lui ont offert un rail de la fournée macabre en le lui présentant comme son père).
Nous sommes en Amérique, au Brésil, dans le pays des pâmoisons et des démesures. Nous sommes aussi dans la terra incognita d'un roman monstre construit en 32 parties, chacune s'ouvrant sur un chapitre de la biographie inédite d'Athanase Kircher et flanqué de plusieurs récits qui s'entrecroisent et se succèdent sans liens apparents, celui d'Elaine en expédition dans la jungle découvrant une tribu vierge du monde depuis des siècles mais qui use du latin dans ses rituels, de Moéma la jeune fille suicidaire livrée à un affabulateur, du gouverneur diabolique de Maranao. Peu à peu, au fil d'aventures palpitantes qui se conjuguent à tous les temps, tandis que la biographie d'Athanase Kircher, le "maître des cents savoirs", ancêtre de l'égyptologie et de la vulcanologie, inventeur du microscope et de la lanterne magique, géomètre qui calcula les dimensions de l'arche de Noé, de la tour de Babel ou du Temple de Salomon, linguiste polyglotte et astronome, grand voyageur devant l'éternel, se déroule de chapitre en chapitre, se dessine à nos yeux comme à nos esprits la figure impensable, pur joyau baroque, qui relierait fatalement la vie et les savoirs, la vérité et les fables, l'attente et le mystère, comme si l'univers entie - celui d'Eléazar von Wogau -, était en état précipité de big-bang dans ce roman fabuleusement audacieux et drôle.
On songe tour à tour au réalisme magique sud-américain des Borges et Cortázar, aux Italiens Calvino ou Eco, ou encore à Potocki et son Manuscrit trouvé à Saragosse, sans jamais épuiser la réjouissante singularité de ce roman palimpseste qui joue à merveille des mises en abyme et des vertiges spéculaires.
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C'est au fin fond de la contrée d'Atôra, au nord-est de l'île de Honshu, que Matabei se retire pour échapper à la fureur du monde. Dans cet endroit perdu entre montagnes et Pacifique, se cache la paisible pension de Dame Hison dont Matabei apprend à connaître les habitués, tous personnages singuliers et fantasques.
Attenant à l'auberge se déploie un jardin hors du temps. Insensiblement, Matabei s'attache au vieux jardinier et découvre en lui un extraordinaire peintre d'éventail. Il devient oi le disciple dévoué de maître Osaki.
Fabuleux labyrinthe aux perspectives trompeuses, le jardin de maître Osaki est aussi le cadre de déchirements et de passions, bien loin de la voie du Zen, en attendant d'autres bouleversements.
Avec le Peintre d'éventail, Hubert Haddad nous offre un roman d'initiation inoubliable, époustouflant de maîtrise et de grâce.
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Un matin comme un autre, après avoir avalé une gorgée de thé et un morceau de galette, Abdelkrim traverse les étroites ruelles du village de la Source des Chèvres et s'éloigne sur la piste de terre pour aller en ville. Le long de l'oued asséché, la route au-delà de la montagne pelée se perd dans les sables alentour. Mais le car ne viendra pas. Des soldats bloquent l'accès : la route est coupée, le village isolé, rentrez chez vous.
Les villageois stupéfaits accueillent la nouvelle avec fatalisme, ce jour-là comme les suivants, sans plus même vérifier si les soldats sont toujours en poste. Ils consentent à cet enfermement, persuadés peut-être de l'avoir mérité. Oubliés des dieux.
Entre le café et la mosquée, la petite place résonne encore du dernier passage des commerçants itinérants, du porteur d'eau et des conteurs, mais le fragile équilibre vacille. Le maire se débat dans des fonctions devenues obsolètes, l'imam et doyen tente d'apaiser les colères, le riche Abbas fomente une prise de pouvoir à l'ombre de la palmeraie. Bientôt ils vont désigner un coupable, puisqu'il en faut un, et s'en débarrasser comme d'un mauvais sort.
Une voix s'élève pourtant. Celle de Ziani le fou. Pieds nus et cheveux hirsutes, il a beau crier ses prophéties, il reste celui dont on se moque et se méfie. Qu'on préfère faire taire.
D'où naîtra l'espoir ? D'où, sinon de celles qui luttent en silence contre l'oppression et la convoitise, contre l'obscurantisme et la résignation. Avec Zohra, Setti, Fatiha, Alia, Aïcha, bientôt toutes les femmes du village, se lève le vent de la révolte.
Le Silence des dieux est une magnifique et délicate allégorie, face à tous les enfermements, de la liberté, du choix et de la réconciliation.
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Quelque part en Cisjordanie, entre la Ligne verte et la « ceinture de sécurité », une patrouille israélienne est assaillie par un commando palestinien. Un soldat tombe sous le feu, un autre est enlevé par le commando bientôt en pleine déroute. Blessé, sous le choc, l'otage perd tout repère, en oublie son nom. C'est, pour lui, la traversée du miroir. Seul survivant, sans papiers, en vêtements civils et keffieh, le jeune homme est recueilli, soigné puis adopté par deux Palestiniennes. Il sera désormais Nessim, frère de Falastìn, étudiante anorexique, et fils d'Asmahane, veuve aveugle d'un responsable politique abattu dans une embuscade. C'est ainsi que Nessim découvre et subit les souffrances et tensions d'une Cisjordanie occupée... Dans ce bouleversant roman, Hubert Haddad transfigure avec Falastìn - moderne Antigone - toute l'horreur du conflit en une tragédie emblématique d'une grande beauté.
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« Ah Sin, jadis coolie à Canton, plus tard batelier et pirate sur la rivière de la Perle, mineur en Australie, puis jardinier, était actuellement cuisinier de John Iredale, le propriétaire de la station de Tilfara. » On est en Nouvelles-Galles du Sud. En plein bush australien. Sur une station, comme on dit, c'est-à-dire un vaste territoire d'environ 400 000 hectares où se pratique l'élevage extensif. Ah Sin s'apprêtant à rejoindre sa terre natale, une gouvernante est envoyée d'Adélaïde. Avec cette nouvelle housekeeper, ambitieuse et jolie, le jeune boss de Tilfara introduit dans sa maison les ingrédients d'un drame qui va s'envenimer et peu à peu empoisonner toute une vie...
Les « bons sentiments » chez Wenz n'empêchent pas la bonne littérature. Mais par la grâce de son humour, confronté à la rude immensité du bush, ils concrétiseraient même, au contraire, un regard quasi ethnologique sur une humanité constituée d'aventuriers et d'anciens bagnards.
Avec une puissance expressive, un style râpeux, étrillé de métaphores dignes de Jules Renard, les romans de ce tondeur de laine reflètent l'héroïque, tangible et très onirique appropriation d'un paysage hors normes, solaire et infini, contre lequel l'homme solitaire bute à chaque seconde de l'éternité parmi les eucalyptus géants, les tueurs de lapins ou les acrobaties fantasques du kangourou et de l'émeu.
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« Bondissant sur ses jambes, l'Églantine va s'arc-bouter au grand mât et, aux lueurs fulgurantes, apparaît son visage diaboliquement radieux et ses grands yeux écarquillés. Les rires délirants de la mer et du ciel entourent sa joie vierge. » La Niña Estrellita, reine du Sensation Bar, héroïne sublime de l'Espace d'un cillement, a tourné le dos, sans roulement de hanches, à sa première vie, à son amour dévorant pour El Caucho. La revoilà Églantine, dans une pension à la quinzaine, en quête de rédemption. Célie, résidente des lieux, a du caractère et de belles perspectives : c'est dans le sel qu'il faut investir. Les deux associées de fortune affrètent un voilier, le Dieu-Premier, pour rejoindre la Grande-Saline. Mais c'est la tempête. Une tempête de tous les diables et de tous les dieux vaudous...
Roman convulsif, secoué d'apocalypse, l'Étoile absinthe brûle d'une cohue d'images où les éléments, les sens, les visions, tout est exacerbé. Le voici tel qu'il nous est parvenu par miracle - inachevé : son auteur avait à faire ailleurs, dont il n'est pas revenu vivant. Il faut lire Jacques Stephen Alexis.
L'Étoile absinthe, roman mythique jusqu'à ce jour totalement inédit, est enfin publié - d'après le seul manuscrit disponible.
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On a envie de dire : Entrez, entrez vite, cher lecteur, dans la baraque enchantée du conteur. Maintes époques sont brassées, maintes civilisations, des grands mythes affolants de l'humanité jusqu'à la plus brûlante actualité qui secoue Maghreb et Makrech, avec une prédilection pour l'orient des Mille et Une Nuits. Machineries diaboliques, pantins articulés, leurres et aberrations piègent chaque récit et le lecteur, littéralement sous le charme, découvre tour à tour des paysages marins fabuleux, des personnages éternels, des spectacles hallucinants et des univers hantés. Forgées par une science quasi picturale de la description et conduites tambour battant par le bonheur de raconter, ces vingt-deux fictions de Blas de Roblès sont un moment de grande littérature d'aujourd'hui, sur le versant flamboyant de l'imaginaire.
Si ce n'était déjà acquis avec son époustouflant Là où les tigres sont chez eux (prix Médicis 2008), les vingt-deux nouvelles de la Mémoire du riz révéleraient le génial conteur d'histoires qu'est Jean-Marie Blas de Roblès, dans cette orbe envoûtante du réalisme magique exalté tant par les sorcelleries de l'écriture que par les vertiges de l'érudition, et qui conduit, par une sorte de prodige renouvelé, d'un Potocki à un Borges.
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Violoniste virtuose, fervent de musique kleizmer autant que du répertoire classique, Hochea Meintzel accepte l'invitation d'un festival de musique carnatique à Chennai, en Inde du Sud. Blessé dans sa chair par un attentat, c'est avec l'intention de ne plus revenir qu'il quitte Jérusalem.
Comme aimanté par les circonstances, après une cahotante équipée qui le mène de Pondichéry à la côte de Malabar, en passant par un ranch de montagne aux frontières du Kerala, il finit par trouver refuge à Fort Cochin, non loin de l'antique synagogue bleue. Un soir de tempête, parce que la grande prière exige un minyan, quorum de dix fidèles, ceux qui sont restés supplient Hochea d'être le dixième. Avec la promesse de lui raconter l'histoire ancestrale des juifs de Kochi...
Porté par les figures de Samra, sa fille adoptive, et de Mutuswami, la jeune musicienne qui le guide et l'accompagne, Hochea s'en remet à un enchaînement de hasards, quitte à affronter une part occultée de sa vie - et l'intuition d'un autre monde, d'une autre histoire, d'un autre exil.
En un tour de force romanesque, Premières neiges sur Pondichéry nous plonge dans un univers sensoriel extrême, exubérant, heurté, entêtant, à travers le prisme d'un homme qui porte en lui toutes les musiques du monde, et accueille l'inexorable beauté de tous ses sens.
« La nuit cette fois était entière, emplie d'étoiles dédoublées par des voiles de brume. Et le bouquet final, après les dernières salves, retombait en neige éparse sur la mer. »
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C'est l'histoire d'un vieil homme, au matin de Pessah, la Pâque juive, qui se remémore cette nuit si particulière qui a ponctué sa vie. Mais cette nuit-là est vraiment différente, car pour la première fois, la fête se fera sans son épouse, décédée il y a peu. Les souvenirs s'enchaînent, entremêlant ces nuits... nous emportant dans cette famille haute en couleur qui chaque année rejoue à huis clos et à guichet fermé une comédie drolatique dont elle a le secret - avec ses coups d'éclat et ses invités surprise, mention spéciale à la correspondante allemande ou au cousin un brin psychopathe.
Il y a Michelle, la cadette qui enrage au quart de tour et fait peur à tout le monde, à commencer par le très émotif Patrick, le père de ses enfants, et puis Denise, l'aînée un peu trop discrète et son mari Pinhas, bâtisseur de châteaux en Espagne et de palais au Maroc. Et bien sûr Salomon, le patriarche rescapé des camps, et son humour d'un genre très personnel qu'il qualifie volontiers de « concentrationnaire », lequel lui vaut, on s'en doute, quelques revers et pas mal d'incompréhension.
Mais en ce matin de Pessah, à l'heure des préparatifs, Salomon, pour la première fois, est privé de sa femme, sa merveilleuse Sarah...
Un roman au charme irrésistible, drôle, émouvant - et magnifiquement enlevé.
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C'est l'histoire de ce qui se passe dans la tête d'un homme. Ou le roman vrai de Manuel Cortès, rêvé par son fils - avec le perroquet Heidegger en trublion narquois de sa conscience agitée -, Manuel Cortès dont la vie pourrait se résumer ainsi : fils d'immigrés espagnols tenant bistrot dans la ville de garnison de Sidi-Bel- Abbès, en Algérie, devenu chirurgien, engagé volontaire aux côtés des Alliés en 1942, accessoirement sosie de l'acteur Tyrone Power - détail qui peut avoir son importance auprès des dames...
Et puis il y a tout ce qui ne se résume pas, tous ces petits faits vrais de la mythologie familiale, les manies du pêcheur solitaire en Méditerranée, les heures douloureuses du départ dans l'urgence, et celles, non moins dures, de l'arrivée sur l'autre rive de la mer, de cette famille rapatriée.
Dans l'épaisseur de la chair est un roman ambitieux, émouvant, admirable. Qui s'ancre d'abord dans l'amour, l'estime infinie d'un fils pour son père.
En bref... C'est, à travers l'histoire personnelle d'un homme, tout un pan de l'histoire de l'Algérie, depuis l'arrivée des grands-parents, venus d'Espagne, jusqu'au retour en France, au début des années 60. Et ça commence par une apostrophe terrible, lancée par le père à son fils - Tu n'as jamais été un vrai pied-noir ! - doublée d'une question en écho : Qu'est-ce qu'un vrai pied-noir ?
Le récit est enlevé, brillant, philosophique, drôle (on y retrouve Heidegger, le perroquet de Là où les tigres sont chez eux), émouvant bien sûr, sur une période encore peu explorée dans le roman contemporain...
Et avant tout, le magnifique hommage d'un fils à son père.
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Tout commence avec l'innocente Marie Granville, servante d'une riche ferme du Cotentin, qui se laisse entraîner dans le bois par un soldat allemand. L'admirable portrait de cette ingénue et de son enfant maudit ouvre un roman gigogne qui se déploie de chapitre en chapitre, à la manière des grandes sagas.
C'est ainsi qu'on découvre les Villars et les Livory, le procureur Darban, l'avocat Laribière et ses réceptions tristes sous l'Occupation. D'étonnants portraits de femmes, adolescentes éperdues, épouses confinées dans la désolation du désamour, ou célibataires aux superstitions maniaques en quête d'un rêve fuyant de beauté.
D'une famille à l'autre, du destin collectif brassé par les événements tragiques de l'histoire au drame des individus confrontés au simple égarement du temps qui passe, le roman se construit par bonds et retours, comme pour tout saisir du secret des générations, de l'appel désespéré du désir, de la sexualité plus ou moins blessée, tandis que le bonheur se dérobe comme un rêve d'enfance.
Saisissant et nostalgique, proche de l'univers balzacien et du désenchantement flaubertien, Mai en automne renfloue tout un monde oublié qui se remet à vivre et palpiter.
En lectrice compulsive et éclairée, en clinicienne des passions humaines, Chantal Creusot se penche avec perspicacité sur les mystères de l'état amoureux et de ses revers. Cet unique roman, elle l'écrivit dans la prémonition de ses dernières années. Elle s'est éteinte en février 2009 sur les lieux mêmes où se déroule son roman, entre la Pointe d'Agon, Caen et Cherbourg. Mai en automne est le livre d'une vie, l'inoubliable testament romanesque d'une femme du vingtième siècle.
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C'est un sujet fascinant dont s'empare ici Hubert Haddad. Un célèbre neurochirurgien s'apprêterait à effectuer une greffe inouïe : transplanter la tête d'un homme sur le corps d'un autre.
Journaliste engagé, en lutte ouverte contre les trusts pharmaceutiques et les mafias de la finance, Cédric Allyn-Weberson vit avec Lorna une passion entière, charnelle, amoureuse. Jusqu'au jour où il se trouve confronté à une violence radicale, celle de perdre accidentellement l'usage de son corps. Se met alors en branle une machine infernale .
Roman au suspense continu, Corps désirable captive par la magie d'une écriture lumineuse qui donne à éprouver intimement les sensations les plus subtiles des personnages - questions lancinantes de l'amour, de l'incarnation du désir et des illusions de l'identité.
Face aux questions éthiques et existentielles soulevées par une actualité brûlante, entre extravagances de la science et quête d'identité, Hubert Haddad pousse la fiction-vérité dans ses ultimes retranchements.
Plus que jamais, avec Corps désirable, l'auteur de Palestine ou du Peintre d'éventail nous bouleverse et nous emporte. Et c'est sans doute la marque de son oeuvre que de recourir aux pouvoirs de l'imaginaire pour saisir sur le vif la complexité et les ambiguïtés d'une époque.
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Des Kurdes à l'Ukraine : désapprendre la peur
Gérard Challiand, Delphine Durand
- Zulma
- Litterature
- 25 Mai 2023
- 9791038701977
À travers les combats kurde et ukrainien, Gérard Chaliand nous rappelle avec une force de conviction exemplaire qu'avant de devenir un privilège, « la liberté est un choix, une exigence et un combat ». Sa lucidité, fondée sur l'expérience du terrain et l'analyse, est indissociable d'une exigence éthique sans faille : il nous exhorte à la prise de conscience et au courage face à la démission de chacun et au lâche opportunisme des élites.
En témoignant des luttes acharnées pour la liberté au coeur brûlant de notre actualité, Des Kurdes à l'Ukraine :
Désapprendre la peur pointe remarquablement les enjeux mondiaux concernant l'avenir imminent des peuples et des nations. Et célèbre le droit de résistance à l'oppression de tous ceux qui aujourd'hui nous donnent une leçon de bravoure et de dignité.