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Éditeurs
Heros Limite
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Le chemin étroit vers les contrées du Nord
Matsuo Bashô
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 14 Juin 2024
- 9782889551033
Selon Nicolas Bouvier, il y a des pays de poésie. Comme l'Iran qu'il décrit dans L'usage du monde et qu'il traverse en compagnie de Thierry Vernet en 1953-1954, ou encore le Japon où il réside une première fois entre octobre 1955 et octobre 1956. C'est précisément lors de ce séjour qu'il vient à la poésie. Une poésie, selon ses propres mots, « très visuelle, très laconique, très courte ».
Vingt années s'écoulent entre la rencontre avec la poésie de Matsuo Bashô, dans ce « Premier Japon » du printemps 1956, et le travail de traduction de l'oeuvre maîtresse du poète. A quarante-six ans, fort de presque quatre années passées dans le monde japonais, Nicolas Bouvier vient de publier à l'Age d'Homme Chronique japonaise, un ensemble de textes revu et augmenté paru huit ans auparavant aux Éditions Rencontre sous le titre de Japon.
Lorsque s'échafaude le projet de publier le Oku no hosomichi de Bashô, dont la version anglaise de Dorothy Britton vient de sortir à Tokyo, les conditions apparaissent comme réunies. A l'automne 1976, le Voyage poétique à travers le Japon d'autrefois paraît. Y trouvent place une sélection de haïku, le récit La Route étroite vers les Districts du Nord, ainsi que des photographies de Dennis Stock. Dans ses « Réflexions sur l'espace et l'écriture », Nicolas Bouvier reprend sensiblement ce titre pour lui donner sa forme finale, adoptée ici : Le Chemin étroit vers les contrées du Nord.
Tiré de la préface d'Alexandre Chollier
Le Chemin étroit vers les contrées du Nord a paru initialement aux éditions de l'Office du livre en 1976. Publié en 2006 en grand format aux éditions Héros-Limite, il est réédité dans la collection poche, Feuilles d'herbe. -
Nanao Sakaki est aujourd'hui encore l'un des secrets les mieux gardés de la beat generation. Contemporain de Kerouac, le poète japonais est le compagnon de route d'Allen Ginsberg, mais surtout de Gary Snyder, qu'il rencontre à Kyoto en 1963 et dont il traduira les oeuvres en japonais. Un compagnon de route au sens propre : pour lui, la marche fait partie intégrante du processus de création artistique, renouant en cela avec la tradition japonaise des poètes vagabonds. Ses pas infatigables l'amènent à traverser les États-Unis, en Mongolie, au Mexique ou encore en Australie, profitant de rencontres et se mêlant aux différentes cultures autochtones. De sa poésie émane tout ce savoir glané au cours de ses longues pérégrinations.
Aller léger - go light - rassemble près de 130 poèmes de Nanao Sakaki, issus de ses trois principaux recueils de poésie : Real Play,Break the Mirror et Let's Eat Stars, publiés entre 1981 et 1997 et pour la plupart inédits en français. On y retrouve fortement imprégnée sa conscience écologiste, qui le porte à s'engager pour la préservation des forêts ancestrales du Japon et de la barrière de corail bleu autour de l'île d'Ishigaki. Véritable incarnation de la sobriété heureuse, il détonne joyeusement, fait preuve d'un humour à la légèreté salutaire. -
Infini présent fait écho à Jeux d'oiseaux dans un ciel vide (Héros Limite, 2011). Une encyclopédie poétique du vivant en a appelé une autre : au monde des oiseaux succède le monde des insectes. L'insecte a imposé au livre sa propre chorégraphie, sa propre syntaxe, chaque poème inventant sa forme, sa circulation. Les insectes devenant tour à tour ces êtres qui méritent une attention globale ou particulière, car il importe de rendre leur habileté, leur drôlerie, leur grâce, leur étrangeté, leur solitude, leur sociabilité, leur adresse... S'approcher de l'insecte en poète, c'est le reconnaître, l'accueillir, le louer, le pleurer, tenter l'interaction ; petit à petit les choses se ramifient, se complexifient : qui reconnaît, qui protège qui ?
On trouvera dans ce livre 73 poèmes classés selon l'ordre des insectes, des Thysanoures aux Mécoptères ; le tout comprenant quelque 300 espèces ou individus cités. -
On a récemment pu écrire de l'oeuvre poétique de Maya Abu Al-Hayyat : « Depuis 20 ans, ses poèmes semblent vivre sur un carrousel : avec le temps ils reviennent pour raconter la même histoire ». L'anthologie qu'elle a composée à partir de ses trois derniers recueils procure exactement cette sensation d'un temps cyclique, voire immobile - celui de la situation des Palestiniens en Palestine. La vie pourtant quand même passe, « Oh merveille » écrit-elle, avec ses petits bonheurs, ses peurs abyssales, ses révoltes rentrées, ses accès de panique. Encore et encore.
À l'enseigne du titre qu'elle donne à l'anthologie, ses raccourcis ressemblent souvent à des litotes qui tournent mal. Quand par exemple elle demande « comment tu as traversé la rue », elle se doit de préciser « à ta sortie de prison ». Une poésie de la douche froide, comme sans y toucher. Le premier vers du poème Nous sommes tombés nous rassure, « Nous sommes tombés amoureux », et se poursuit plus loin par « Et nous ne savions pas que tu allais mourir / D'une balle côté gauche ».
Le recueil est une anthologie, composée par l'autrice Maya Abu Al-Hayyat, à partir de ses livres Ce sourire... ce coeur (2012), Robes d'intérieur et guerres (2015) et La peur (2021). La traduction s'efforce de respecter la limpide architecture formelle des poèmes et de perpétuer l'espèce de flottement d'une sensibilité à la fois toujours aux aguets et réceptive aux signaux faibles de la vie ordinaire pourtant presque impossible à vivre dans un tel contexte. -
55 poèmes, c'est le premier Zukofsky. C'est d'abord son premier livre de poèmes, publié aux États-Unis en 1941 par les presses de James A. Decker à Prairie City, Illinois. Il n'avait auparavant travaillé que sur des recueils collectifs ; là, c'est sa propre poésie. Un recueil tardif malgré tout si l'on veut, puisqu'il rassemble des oeuvres écrites entre 1923 et 1935. Le livre sort donc six ans après la composition du dernier poème, et presque vingt ans après les débuts de Zukofsky en poésie. Il a alors 37 ans.
55 poèmes, c'est aussi le Zukofsky première manière. C'est le recueil de la période la plus strictement « objectiviste » du poète new-yorkais, celle où il bousculait le milieu de la nouvelle poésie américaine par des manifestes flamboyants, âprement discutés dans les revues de l'avant-garde - celle où il apparaît comme l'héritier d'Ezra Pound. C'est dans 55 poèmes qu'apparaissent la plupart des oeuvres les plus connues de Zukofsky hors du grand-oeuvre « A » : « Poem beginning "The" » ou « Mantis » par exemple, textes d'un jeune homme infiniment ambitieux, invoquant toute l'histoire de la littérature occidentale, de la pensée juive, retravaillant des formes fixes complexes héritées de Dante et des troubadours, dialoguant avec la poésie de son temps et des autres.
Et puis, c'est aussi la période la plus explicitement politique de Zukofsky. Ici on croise Marx, Lénine, la classe laborieuse et l'horizon révolutionnaire. Après la Seconde Guerre mondiale, Zukofsky ne formulera plus les choses tout à fait ainsi, même si la politique restera toujours au coeur de son travail sur la langue anglaise. Ce sera peut-être alors un autre Zukofsky.
Note du traducteur -
Voici des vagabonds, demi-fous, demi-dieux, c'est-à-dire les premiers venus, aux prises avec le chamanisme modeste du souvenir. Ce sont des images-talismans qu'on a roulées comme des phrases, depuis toujours, sans avoir su, pendant longtemps, que c'étaient des poèmes.
L'incendie de l'Alcazar trace des portraits, tout d'abord celui de l'auteur métamorphosé en poète, et ceux de peintres. David Bosc évoque des moments de l'enfance, le désoeuvrement et la mélancolie adolescente, alors que l'étonnement a passé, et que le passage à l'âge adulte est venu. Il décrit de manière intime le lien au vivant, animal et végétal, par le truchement de détails, de paysages. Certains poèmes disent le rapport à l'autre, la solitude, l'utopie et le rêve de la collectivité. Au fil des poèmes se dessine une autre façon de vivre, de regarder le monde, sans nostalgie et avec constance. -
Croyons à l'aube de la saison froide
Forough Farrokhzad
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 21 Avril 2023
- 9782889550821
Quel que soit leur âge, il n'est pas rare que des Iranien.ne.s connaissent par coeur des vers de Forough Farrokhzâd. Sa poésie, émaillée d'allusions à sa vie amoureuse mouvementée, à ses aventures ouvertement vécues, échappe heureusement à la mise en scène complaisante du scandale à laquelle aimaient la rabaisser certains de ses contemporains.
Croyons à l'aube de la saison froide est le dernier recueil de Forough Farrokhzâd. Publié de manière posthume en 1974, après la mort accidentelle de la poète iranienne en 1967, ce recueil inachevé commence par un long poème qui lui donne son titre. Il met en scène « une femme seule », hantée par son passé, regardant devant elle cette autre saison de sa vie qui s'annonce. Elle évoque ce réel qui toujours lui échappe, ces relations courtoises et distantes qui ne font que souligner sa solitude. Le « seul et unique ami », déjà au coeur de son précédent recueil, reste une figure ambivalente, tantôt source de joie et d'espoir pour celle qui l'appelle, tantôt cet adversaire qui la retient « au fond d'un océan ». Les souvenirs d'enfance, chargés de désirs et ponctués parfois de gifles, sont aussi présents dans ces poèmes. Ils sont aussi l'occasion pour Forough Farrokhzâd de se moquer de ses parents, de ses frères et soeurs, de leur comportement égocentrique, autoritaire ou nihiliste, se sentant étrangère à ce qui les préoccupe. Elle préfère contempler ce jardin à la beauté fragile, qui hélas se meurt, tout comme se meurt ce « lien vivant et lumineux / entre nous et l'oiseau ». La poète lutte pour demeurer « l'intime du soleil », contemplant la lignée sanglante de fleurs à qui elle doit la vie, tiraillée sans cesse par des émotions contradictoires. Cette tension est devenue ici plus douloureuse que celle qui traverse déjà son précédent recueil Une autre naissance (1964) paru aux éditions Héros-Limite en 2021. -
En 1912, la poétesse russe Anna Akhmatova, 23 ans voit paraître Le soir, son premier cycle de poèmes. Constituant l'une des oeuvres fondatrices du mouvement littéraire acméiste, le recueil est composé de brefs tableaux précis où l'état d'âme n'est souvent que suggéré. Les objets concrets y jouent un rôle essentiel?; ils deviennent les vecteurs des sentiments et des idées.
L'esthétique acméiste s'oppose radicalement au lyrisme musical des symbolistes qui dominent alors la poésie russe. Les acméistes revendiquent l'utilisation d'un langage simple et concret, censé porter à son apogée la dimension poétique du quotidien. Le soir d'Akhmatova frappe justement par l'absence de tout arrière-plan mystique.
La présente traduction se réfère à l'édition soviétique de 1976, à la fois par l'ordre des poèmes et l'établissement du texte. Six poèmes n'ont pas été retenus, que ne pouvait rendre la transposition en français. -
C'est en 1911 que parut, au Dreililien Verlag à Karlsruhe et Leipzig, le cycle intitulé Mes merveilles. Ce recueil reprend trente-trois poèmes qui avaient déjà été publiés dans un livre antérieur, Le septième jour, auxquels viennent s'ajouter vingt-cinq autres - dont la plupart avaient déjà paru dans des journaux et revues. Deux styles venus de deux époques différentes s'y mêlent : d'un côté se retrouve l'influence prégnante de la Bible, des textes écrits dans une langue où le néo-romantisme de la fin du XIXe siècle se montre encore très présent. De l'autre, on découvre des poèmes plus brefs, à la langue précise et limpide, bien que non dénuée de lyrisme. Des « poèmes-visages » (Gesichte) écrits à la gloire de quelques hommes et femmes de son époque, dont Lasker-Schüler nous a livré les portraits par dizaines.
Stylistiquement, Lasker-Schüler pousse un peu plus dans ce recueil ses expérimentations poétiques : le verbe se resserre, les adjectifs se font plus rares, comme si de la pureté même d'une syntaxe la plus souvent réduite à sa portion congrue devait naître l'intensité poétique de la langue. Rares sont les vers qui ne peuvent se lire de plusieurs manières ; rares sont les verbes dont les particules ne peuvent se rattacher à plusieurs verbes en même temps, faisant naître ainsi des polyphonies au sein du texte. Ce ne sont pas des poèmes, mais des chants, voire des cantiques, adressés à ce « tu » mystérieux qui nous hante de sa présence étoilée, et dont on ne sait jamais chez elle s'il s'agit de Dieu ou du bien-aimé. Nous avons entendu restituer dans ce livre la langue schülerienne dans toute sa dimension, à la fois noble et surannée. -
Quel que soit leur âge, il n'est pas rare que des Iranien.ne.s connaissent par coeur des vers de Forough Farrokhzâd. Sa poésie, émaillée d'allusions à sa vie amoureuse mouvementée, à ses aventures ouvertement vécues, échappe heureusement à la mise en scène complaisante du scandale à laquelle aimaient la rabaisser certains de ses contemporains.
Née dans une famille de militaires à Téhéran en 1934, Forough Farrokhzâd a été de son vivant, une poète très controversée. Non seulement par les thèmes progressistes qu'elle traite dans sa poésie, mais aussi pour ses revendications de femme. Alors qu'elle a tout juste vingt ans, elle apprend la peinture, divorce d'un mariage imposé, publie son premier recueil de poésie et part étudier le cinéma en Angleterre. Personnalité iconoclaste de la culture iranienne, figure de l'artiste libre et indépendante au sein d'une société patriarcale, elle connaît une réhabilitation posthume, à laquelle le présent ouvrage tient à contribuer.
Une autre naissance est le recueil le plus célèbre de Farrokhzâd, le dernier publié de son vivant. Avec lyrisme, ses poèmes dénoncent sans fard l'hypocrisie d'une société en quête de modernité factice, porte en éloge les émotions et le ressenti, voix de femme dans un monde qui leur est sourd. Les conflits, les doutes, mais aussi l'élan amoureux en forment le terreau fertile. Ses vers, faisant parfois référence à la poésie persane classique, ont aussi l'allure d'un chant de prisonnière où le désir ne cesse de chercher des brèches, des échappées dans un quotidien oppressant.
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Dernier recueil de poésie publié avant la mort de Jim Harrison, La positions du mort flottant (en anglais Dead man's float) est un livre qui aborde de front les grands thèmes de la mort, de la vieillesse, du Temps... Son titre fait référence à une position utilisée par les nageurs pour se préserver lors de longues courses. S'il s'agit bien d'une technique de survie - pour Harrison, celle qui lui permet d'affronter la maladie, les séances de chirurgie, mais aussi d'appréhender l'approche de la mort et la perception de son corps vieillissant, toujours plus faible - les poèmes, pourtant, font bien plus que flotter.
Car Harrison trouve, par l'écriture, un moyen de transformer le négatif en une opportunité d'introspection, de retour à la vie - ce qui le rapproche encore et toujours de l'enfance, les souvenirs, et ce qui reste, encore, au quotidien, pour lui qui sait qu'il n'a plus d'avenir à construire. Alors que la mort approche, il se concentre sur les petites choses de son monde quotidien, sur les souvenirs toujours vivaces qui le séparent, à peine, de son enfance.
Comme s'il pouvait toujours, "soixante-huit ans plus tard (...) habiter le corps de ce garçon sans penser au temps écoulé depuis". Et comme si la vieillesse, au final, ne faisait rien d'autre que rejoindre l'enfance.
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Signes des temps est une expérience d'autobiographie collective. C'est-à-dire que la plupart des éléments convoqués sont susceptibles d'appartenir à chacune ou chacun d'entre nous, dans un mouvement qui, selon Georges Perec, « partant de soi, va vers les autres », et inversement. L'écriture ici tient du montage au sens cinématographique. Ainsi le rapprochement, soit par contrastes, soit par de troublantes affinités, de citations, d'expressions du quotidien, de moments d'intime sensualité, de souvenirs ou de références à des circonstances historiques, a pour effet d'éveiller un sentiment d'insolite familiarité.
Ces brefs chapitres, qui sont autant de poèmes en prose, disent l'urgence du souvenir afin de conjurer l'apparente normalité du temps qui passe. S'y déploient en motifs obsessionnels la stupeur d'être au monde, la mort, l'amour, la toute-puissance du désir, la joie et le désarroi. Il en résulte un chant au rythme à la fois souple et irrégulier qui, tout en exprimant l'impermanence des êtres, s'efforce au bout du compte de rendre justice à l'intensité des événements et de célébrer la grâce de vivre. -
Riprap est le premier recueil de poèmes de Gary Snyder. Il paraît en 1959 à Kyoto, alors que le poète réside temple Daitoku-Ji de la secte rinzai zen et suit les enseignements du maître Oda Sesso Roshi. Quelques années plus tôt, en 1955, Gary Snyder travaille comme garde forestier, préposé à l'aménagement et l'entretien des sentiers de Piute Creek dans le parc national de Yosemite, en Californie. Cette expérience de vie sera au départ de l'écriture de Riprap. Durant cette période, il traduira brillamment les poèmes du moine vagabond chinois Han-Shan. Gary s'inscrit à l'American Academy of Asian Studies et y rencontre son professeur Alan Watts. Kenneth Rexroth le présente à Allen Ginsberg et Jack Kerouac, lequel s'inspirera de leur ascension du Pic Matterhorn au Parc national de Yosemite pour écrire The Dharma Bums.
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Atemnot (Souffle court) est un recueil composé de vers brefs et incisifs, écrits en français et en allemand.
Chaque poème se tient au seuil de l'autre langue. La langue est à la fois limite et lieu de réinvention. Comme à travers un miroir vacillant, les poèmes en montrent l'instabilité. Un corps se heurte à d'autres corps. Le corps traverse des langues et des territoires. Chaque langue est étrangère. Une voix tente de lier. Alors que l'air manque, violence intime et fracas extérieur se font écho. Les poèmes marquent la quête d'un territoire respirable. Comme un souffle tenu, un mince filet d'air sinuant entre les langues. -
À la saison des abricots (paru au Caire en 2019) est un cycle poétique de Carol Sansour dont le pouvoir réside dans la façon dont il subvertit, sans effort, les représentations attendues tant de la cause palestinienne que de la féminité arabe.
Par une sincère, rafraîchissante et non affectée vision de soi et de sa patrie, Carol Sansour, originaire de Beit Jala, montre à quel point le discours littéraire moderne sur ces deux sujets s'est révélé peu convaincant et contre-productif. Pour cela, elle ne recourt ni à la contestation ni à la confrontation mais utilise la langue la plus organique - sans aucune distinction entre le dialecte palestinien et l'arabe standard, ou entre les registres poétiques et prosaïques - pour exposer les choses les moins rhétoriques.
Elle peut écrire : « Il se pourrait que l'idée de nationalisme arabe soit précisément l'idée de l'État d'Israël. » Mais c'est en remplaçant, par une présence sensuelle et physique, la patrie idéalisée et absente que les poètes arabes ont déplorée et à laquelle ils aspirent depuis la Nakba, qu'elle nous rend émotionnellement, intellectuellement, et peut-être même politiquement conscients de ce que signifie être une femme laïque, indépendante et socialement engagée en Palestine.
À la place d'un paradis qui n'existe pas, Sansour nous offre une terre brute où mères, filles, épouses et soeurs s'affrontent au quotidien et à l'universel. Et au lieu d'un « féminisme » occidental non situé qui recycle déclarations de l'onu et affirmations politiquement correctes d'une identité dépourvue de tout contexte arabe, elle nous propose une perspective féminine émancipée.
Tour à tour lyriques, narratives et polémiques, ces pièces intenses et concises traversent non seulement l'occupation et le patriarcat - que Sansour présente rarement sous leur nom - mais aussi bien la beauté, l'amour et l'impératif de rester un agent humain par opposition à un rouage dans la machinerie de quelque grand récit idéologique. Le résultat, pour rester fidèle à soi-même, n'en est pas moins « engagé » et éloquent.
Youssef Rakha, Al Ahram, 20 décembre 2019 -
L'hybridité est une caractéristique majeure de Loránd Gáspár, qui mena sa vie durant une activité de médecin-chirurgien en même temps que de poète, traducteur et photographe. Son oeuvre ne cesse de circuler du domaine médical au domaine littéraire, d'un genre à un autre. Dès 1960, il a tenu des cahiers de notes, contenant ses réflexions, griffonnées sur papier, parfois sur une ordonnance entre deux patients, formant tour à tour des observations sur la médecine, la douleur ou encore la poésie. Une pensée divagante, passant sans peine du philosophique au poétique, du personnel au scientifique.
Feuilles d'hôpital, resté inédit à la mort du poète, est sans doute l'exemple le plus représentatif de ce dialogue entre les disciplines. Reprenant l'essence de Feuilles d'observation (éd. Gallimard, 1986) sous une forme plus construite et mûrie par l'expérience, cet ouvrage commencé dans les années 1980, en continuel chantier depuis lors, affirme et revendique son caractère composite, mêlant le style poétique et l'essai, la réflexion philosophique et le développement scientifique.
Il condense les principales thématiques présentes dans l'ensemble de l'oeuvre poétique de Gaspar: pour le médecin-écrivain, la poésie est susceptible d'investir en tant que langage de la vie toutes les dimensions de l'existence humaine, y compris dans ses moments limites, la souffrance, la maladie, la guérison.
Danièle Leclair, qui a édité et annoté le manuscrit de Feuilles d'hôpital, a également conçu et présenté l'exposition «Loránd Gáspár, chirurgien et poète», en compagnie de la médecin et poétesse Julie Delaloye. Une exposition dévoilée lors du Printemps de la poésie 2019 au CHUV et aux HUG. -
L'argument du rêve est un ensemble de poèmes documentaires ou poèmes-essais qui, en trois temps, posent la question du corps. Entre l'intime et le politique, le corps biologique et le corps social, les poèmes témoignent de la manière dont les idéologies nous conditionnent et dont les corps sont possédés par des mots d'ordre.
A chaque fois, les images proposent au lecteur un voyage temporel et une confrontation avec les faits qui font voix. Il s'agit de susciter une participation active de celui qui lit en soulevant des questions, attendu que la véritable question de ce volume, dont l'ambition est aussi didactique, peut être formulée ainsi : comment regardons-nous les victimes ? Et, à son revers, depuis les traces : comment nous regardent-elles ? Les kamikazes d'Okinawa, les naturistes d'Orplid, les migrants comme les ermites du Dodécanèse sont des documents humains. Les uns pris dans la Guerre du Pacifique et l'idéologie militaire, les autres dans une idéologie du retour à la nature, dont l'utopie a suscité bien des opportunismes et les derniers dans une catastrophe, dont la vision oscille ici entre mythe religieux et réalité migratoire du troisième millénaire.
Chaque poème est conté par une voix soeur, transportée par le rêve jusqu'aux évènements et jusqu'à nous, en collectant des éclats de mots et d'images. Ce sont des fantômes de l'étonnement, bienveillantes présences qui encouragent à cheminer entre les corps pulvérisés : la poétesse japonaise Sei Shônagon, la poétesse allemande Annette von Droste-Hülsshof, les poètes Robert Lax et Loránd Gáspár, qui prêtent également leurs photographies, le dernier volet du recueil débouchant sur le contemporain.
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Traduit et présenté par Ange S. Vlachos, ce recueil rassemble les 154 poèmes écrits par Constantin Cavafy. L'ensemble de son oeuvre. Le célèbre poète grec nous emmène à travers eux en voyage, au sein de son art comme de son pays. Des Thermopyles à Sparte, d'Achille à Jason, c'est une bonne part de l'histoire, de la Grèce qui ressort au travers des pérégrinations littéraires de l'auteur, comme des vestiges du passé surgissant dans le présent.
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Georges Bataille converse sur l'amour et la jouissance avec Timothy Leary et Edith Piaf, Rosa Luxemburg avec Nelson Mandela, Victor Hugo avec Nina Simone, Maya Deren avec Mahatma Ghandi. L'atmosphère libre et fantastique de ce livre, composé de dialogues des morts et de récits de rêves, est celle des contes, dont le gai savoir se transmet de bouche à oreille. Dans les paroles que s'échangent les défunts comme dans les proses de la nuit, les traits sont brefs et clairs, les chutes parfois absurdes dans leur morale, cruelles aussi, souvent tendres. Les récits de rêves traduisent par la fable des sensations, des lectures et des expériences : rêve de la maison de poussière, rêve du chien de Goya, rêve de la vipère noire, rêve de Robert Walser, rêve de Franz Kafka. L'appropriation joue avec le dilemme qui s'installe entre rêvé de et rêvé par, invitant le lecteur à s'inclure dans cette situation onirique, au fil d'anecdotes révélatrices et d'historiettes.
Cela étant, le livre propose de jouir pleinement de notre faculté d'imaginer et de raconter face à ce qui nous inquiète: l'amour et le genre, les relations sociales et les émotions, la mort et notre place dans l'univers, la folie et la logique du progrès, la vérité du langage et le chaos du monde. -
Les poèmes réunis sous le titre de « Résistance » ont été écrits en 1933 à Orenbourg dans l'Oural, où Victor Serge, dissident russe, se trouvait en exil. Témoignant des conflits politiques et culturels de la première moitié du 20e siècle, ces textes sont un éloge à ses proches amis et camarades, et rendent compte de la vie des exilés dans les steppes. Ils se font la voix des sans-voix, des humiliés, des offensés, des hérétiques et appellent à la résistance permanente ainsi qu'au refus de l'oubli.
Initialement parus en 1938 dans la revue Les Humbles, les poèmes de Victor Serge ont été publiés par les éditions François Maspero, dans la collection « voix », sous le titre Pour un brasier dans le désert. En 1998, les éditions Plein Chant publient une nouvelle fois ces poèmes dans la collection « Type-Type ».
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XAIPE : mot grec pouvant se traduire par « réjouis-toi ». Ce recueil de 71 poèmes d'E.E.Cummings publié en 1950 aux États-Unis, n'avait jamais fait l'objet d'une traduction en français. Et pour cause : son style poétique déstructuré représente une performance en soi. Les mots, la ponctuation, des lettres isolées parfois surgissent et s'entrechoquent pour évoquer une pensée, une ellipse, une nouvelle signification par les mots, offrant une expérience de lecture à nulle autre pareil. Un défi de style pour rendre à l'exercice poétique sa fonction de réflexion sur la langue et son sujet.
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Rythmes I & II, Poèmes sont les trois premiers recueils de poèmes de Charles Reznikoff. Tout d'abord publiés et imprimés à compte d'auteur, ils furent réunis en un seul volume en 1920 à New York et constituent le premier ouvrage du poète à être sorti chez un éditeur.
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Le présent recueil est constitué de seize textes pour la plupart inédits en français.
Ces petites proses à caractère autobiographique ont été publiés dans divers journaux entre 1915 et 1939.
Au travers de souvenirs d'enfance et d'adolescence, de souvenirs de guerre, ou encore de sa passion pour le théâtre yiddish, Joseph Roth retracent dans ses récits la nostalgie de l'origine et du pays perdu. Un paradis souvent imaginaire où le souvenir se mêle à la fiction, parfois se déguise en fable. Si ces textes sont souvent empreints d'un humour noir voire d'un cynisme désespéré, ils sont toujours rattrapés par une tendresse chaleureuse.
Le dernier texte du recueil, « Le chêne de Goethe à Buchenwald », écrit quelques jours avant sa mort, annonce son échappée finale devant le nazisme dont le monde ne veut pas encore croire à la monstruosité.
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Au paroxysme d'une époque de terreur (les années 30 en Russie), Harms publie un grand nombre de comptines et poèmes pour enfants dans diverses revues destinées à la jeunesse. Ces textes seront à peu près les seuls, du vivant de l'auteur, a échapper à la censure officielle. Dans ces petites proses, le poète pousse néanmoins à son terme les thèmes et principes chers à l'avant-garde russe : autonomie de l'art, humour noir, cruauté et indifférence face au sort de l'autre, impossibilité de la communication et éclatement de la vie. Dans ces poèmes, les lions sont pris pour des serins, à moins que ce ne soit l'inverse, des cochons dansent la polka dans un cirque loufoque où les représentations de mouches savantes le disputent à une succession de numéros extravagants. Pour la première fois traduits en français, ces poèmes raviront les lecteurs.