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Croquant
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Palestine : Vérité et justice
Azmi Bishara
- Croquant
- Societes Et Politique
- 10 Décembre 2024
- 9782365124546
Paru en anglais en 2022, cet ouvrage constitue une analyse majeure de la genèse et de l'évolution du conflit israélo-palestinien, écrit par l'un des intellectuels palestiniens qui connaît le mieux la scène politique israélienne. Il offre ainsi des outils de compréhension des logiques structurelles du conflit encore à l'oeuvre aujourd'hui. En partant des paradigmes de settler colonialism (colonialisme de peuplement) et d'Apartheid, Bishara examine la manière dont Israël est parvenu, depuis 1948, à imposer sa politique du « fait accompli ». Il décrypte les stratégies discursives, coercitives, diplomatique, économique, qui ont permis à Israël de s'imposer par la force. Il renverse ensuite l'intégralité des récits, aussi bien des mythes fondateurs d'Israël que des discours militaires et diplomatiques, pour analyser le traité Trump-Netanyahou et d'examiner le rôle de l'administration américaine dans cette politique du « fait accompli». Azmi Bishara illustre parfaitement ce tournant sémantique et analytique qui consiste à bouleverser les récits dominants et sortir la question Israélo-palestinienne de son prétendu exceptionnalisme, en la comparant avec d'autres situations coloniales. Cette grille de lecture comparatiste reste pourtant à la marge en France, à rebours des évolutions en cours dans notre société, qui continue de privilégier des lectures présentistes focalisées sur l'« affrontement » et le « processus de paix » entre Israéliens et Palestiniens. Cet ouvrage permet de répondre à une demande sociétale de renouvèlement analytique. En ce sens le livre d'Azmi Bishara offre une utile synthèse pour tous ceux qui souhaitent saisir les ressorts de la domination israélienne y compris sur le temps long.
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Des élèves qui accusent leurs professeurs de racisme, une classe où le groupe des « Français » et celui des « musulmans » se font face... ce genre de constat a conduit Aurélien Aramini et Chloé Santoro à mener une enquête dans un lycée professionnel, situé au sein d'une grande cité scolaire comme il en existe beaucoup d'autres dans la France des sous-préfectures, marquée à la fois par la désindustrialisation, la disparition des services publics et l'héritage des vagues migratoires successives. À la croisée de la sociologie et de la philosophie, cette étude qui plonge dans le quotidien d'une classe de seconde professionnelle ne cherche pas aÌeuros défendre une vision rigide de la mission de l'école mais à comprendre les difficultés concrètes auxquelles les enseignants et leurs élèves sont confrontés afin de déceler ce qui, dans les pratiques mêmes des acteurs de terrain, pourrait contribuer à réduire ces fractures qui divisent la communauté scolaire et, au-delà, le corps civique.
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Les psychiatres sont des lanceurs d'alerte car ce qui est dit dans le cadre intime de la consultation devient un phénomène de société peu de temps après. Depuis plusieurs années j'alerte sur les discours haineux venant d'une minorité très audible qui divisent une majorité qui cohabite et aux yeux de laquelle le métissage est une évidence en France, de plus, un Français sur trois a un lien direct avec l'immigration, apurement dit avec l'altérité. Et cela malgré des discriminations ethniques qui existent depuis la colonisation et persistent car les politiques ne se sont jamais emparés sérieusement de cette question pour faire de tous les Français des citoyens égaux sans exceptions, malgré la mobilisation de bon nombre d'entre eux. Réduire les inégalités, répondre aux crises économiques est travail de très longue haleine et qui nécessite intelligence, connaissance et efforts. Or, la bêtise a été banalisée tout autant que la réflexion. Alors, il est plus aisé pour les responsables de trouver un bouc émissaire. Ce sera l'étranger. Certains politiques et médias ont alors imposé le sujet de l'immigration à travers des stratégies insidieuses mais sûres qui aboutissent à la situation paradoxale dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui : c'est-à-dire une division des Français alors que nous sommes tous conscients que nous ne pouvons nous passer les uns des autres. Les expressions de haine étant plus faciles à exprimer, car primaires et moins élaborées que celle de la fraternité, de la solidarité ou de l'amour, elles sont aujourd'hui exprimées de façon décomplexée et blessent les personnes attaquées. Mon métier de psychiatre me donne l'avantage d'une écoute particulière qui libère souvent des paroles et permet des associations d'idées, qui, autrement, n'auraient jamais été prononcées. Les individus agressés se demandent : Pourquoi tant de haine, pourquoi être considérés comme un problème alors qu'ils font partie de la solution ? Depuis quand ? Comment se sortir de ce cercle pervers qui parfois poussent les concernés à se détester eux-mêmes, à douter de leur valeur ? Comment réagir ? Je suis tenue, par mon métier de thérapeute, à la neutralité bienveillante, mais avec l'expérience, je réalise que dans certaines circonstances, il faut s'avouer qu'il est impossible de toujours garder une distance émotionnelle. Je pense même que ce serait faire preuve de manque d'empathie et de courage en tant que citoyenne que de rester passive. Beaucoup d'écrits académiques ont été rédigés sur toutes les formes de discriminations les mécanismes, l' histoire. Ils m'ont nourrie dans ma réflexion pour écrire ce manifeste qui se veut être un ouvrage qui parle au coeur des gens, à cette pépite d'humanité que nous avons tous en commun pour donner des solutions et répondre à des situations humiliantes et déshumanisante afin d'en sortir Debout, tête haute !Â
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Le 14 juillet 1953, la gauche communiste et syndicale célèbre,
comme c'était alors la tradition, la fête nationale par une manifestation à
Paris. Y participent, à la fin du cortège, plusieurs milliers de
militants du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), le
parti nationaliste algérien. Quand ils arrivent place de la Nation, des heurts
se produisent et les policiers tirent froidement sur les manifestants algériens.
Six d'entre eux sont tués, ainsi qu'un militant de la CGT. Et on compte des
dizaines de blessés par balles. Pendant un demi-siècle, ce drame va
être effacé des mémoires et des représentations, en France comme en Algérie.
Pour comprendre les raisons de cette amnésie et faire connaître les
circonstances de l'événement, Daniel Kupferstein a conduit une longue enquête,
pendant quatre ans. Elle lui a permis de réaliser en 2014 un film que ce livre
prolonge et complète. On y découvrira les témoignages inédits de beaucoup
d'acteurs de l'époque, ainsi que les ressorts de l'incroyable mensonge d'État
qui a permis d'occulter ce massacre. Et on comprendra le rôle essentiel de «
déclic » joué par ce dernier dans le déclenchement par le FLN de la guerre de
libération en 1954. Daniel Kupferstein, réalisateur et
documentariste, est l'auteur de nombreux films, notamment Dissimulation d'un
massacre sur la sanglante répression de la manifestation du FLN du 17 octobre
1961 à Paris et de Mourir à Charonne, pourquoi ? (2010) sur la répression de la
manifestation du 8 février 1961 à Paris. Ce livre est une réédition
de celui paru en 2017, rendue possible grâce à l'amabilité des éditions La
Découverte. L'image de couverture reprend l'affiche du film de 2014. -
Les Éditions du Croquant, qui s'inscrivent dans une démarche critique des phénomènes de domination, proposeront dès septembre, une nouvelle collection. Constituée de textes relativement brefs (autour de 60 000 signes), incisifs, dans le genre « coups de poing » ou « coups de gueule ». Le titre de la collection en donne l'esprit et le ton : Halte là ! Trop c'est trop ! Stop ! Carton rouge ! Il s'agit de faire part de nos indignations, de nos colères. Non pas de façon négative, mais en privilégiant l'expression argumentée d'une prise de conscience de l'intolérable. Nous solliciterons les autrices et auteurs du Croquant. Mais aussi de nouveaux témoins et/ou analystes des phénomènes sociaux. À charge pour eux de dire de façon ramassée l'objet de leurs révoltes, de dénoncer les phénomènes, procédures, décisions politiques et sociales qui portent atteinte à la dignité humaine, à la justice. Certains feront connaître de façon adaptée au format de la collection les résultats de leurs recherches, d'autres choisiront de partager des expériences collectives ou sensibles, à la fois emblématiques d'une époque et riches de leur singularité. Sortons les Cartons Rouges devant l'intolérable, disons l'émotion ressentie - sans la dissocier de la pensée. Cette réaction est plus que jamais nécessaire pour construire les résistances, pour croire en l'avenir." Selon les sinistres statistiques publiées chaque année par l'OIM, en dix ans pas moins de 28854 personnes en migration contrainte ont trouvé la mort en tentant de chercher un refuge dans l'un des pays de l'Union européenne, hommes, femmes et enfants. Quant aux autres, quand elles ne sont pas les victimes de rejet en particulier vers les campements de concentration de la Libye, elles sont classées dans la catégorie floue, dépréciative et discriminatoire du « migrant ». Mais pourquoi ces migrations sous la contrainte ? Pourquoi ces personnes forcées à l'exil qui, en majorité, émigrent d'ailleurs dans les pays limitrophes à leur région d'origine? En cause le processus de la mondialisation économique et financière qui est parvenu à asservir les pays des Suds aux pays riches du Nord, animés par l'idéologie néolibérale, avec les destructions humaines, sociales, culturelles et environnementales que l'on sait. Sans égard ni à leur origine, ni à leur culture, sans tenir compte de situations de précarité matérielle et psychique extrêmes, sans prendre en compte les traumatismes subis dans des parcours migratoires plus qu'aléatoires, les pays de l'UE sont coupables, vis-à-vis de celles et ceux qu'ils rejettent dans la catégorie du migrant, d'un véritable déni d'humanité. Et ce déni d'humanité se décline en différentes formes de crime contre l'humanité. À nous de réagir, autant pour le soutien humain que dans l'action politique.
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Pour une écologie de rupture
Martine Billard, Pascal Gassiot, Jean-Marie Harribey
- Croquant
- Les Partis Pris De La Fondation Copernic
- 7 Mars 2024
- 9782365124140
Pour une écologie de rupture Cet ouvrage de la collection « Les partis pris de la fondation Copernic » regroupe différents textes qui, à l'image de la diversité des engagements des militant·es de la fondation, multiplient les points d'entrée sur le thème de l'écologie :
1. réchauffement et dérèglement climatiques, destruction de la biodiversité, extractivisme ;
2. besoins et biens communs, rapports nature/culture ;
3. marchandisation généralisée des échanges, économie, finance ;
4. décroissance, démondialisation, libre échange, néocolonialisme, migrations ;
5. rapports de domination, démocratie, auto-organisation, souveraineté populaire, écoféminisme .
Derrière les textes, un fil-à-plomb se fait jour. C'est l'analyse du capitalisme (sous toutes ses formes), du productivisme et de l'extractivisme comme moteurs essentiels de l'ère géologique dans laquelle nous sommes aujourd'hui : l'anthropocène ; que beaucoup préfèrent d'ailleurs qualifier de capitalocène.
Mais, un autre constat se dessine aussi : la nécessaire, l'urgente bifurcation écologique, obligatoire pour garder une Terre habitable pour tou·tes, va demander, générer de facto des basculements, d'ordre anthropologique, qui vont impacter toutes nos manières de faire Monde.
Pour le meilleur comme pour le pire. -
L'extrême droite nourrit une obsession souvent méconnue pour la question scolaire. C'est là, selon Éric Zemmour, que « la bataille culturelle et politique se joue avant tout ».
Retour à l'ordre, roman national, élitisme, haine de l'égalité, rééducation de la jeunesse, mise au pas des personnels... au fil des polémiques sur le « grand endoctrinement » et des campagnes de délation des enseignant·es « déviant·es », la droite de la droite impose sa rhétorique et déroule son programme pour l'école : Autorité, Inégalité, Identité.
En remontant le fil de l'histoire, en allant voir du côté de l'étranger (Brésil, États-Unis, Hongrie, Turquie) ou en étudiant les villes laboratoires de l'extrême droite française, se lisent les dynamiques et les enjeux de cette contre-révolution scolaire conservatrice qui accompagne et inspire également l'agenda éducatif d'un néolibéralisme de plus en plus autoritaire.
Au-delà de la simple posture dénonciatrice, l'ambition de cet ouvrage est de doter d'outils historiques, pédagogiques et politiques celles et ceux qui n'entendent pas abandonner la critique du système éducatif aux seuls discours réactionnaires ni surtout laisser l'extrême droite faire école. -
Des États généraux en juillet 1945 ? L'ouvrage revient sur une expérience démocratique oubliée de la Libération, période riche en initiatives et réformes audacieuses. Sous l'égide du CNR et des comités de libération, ils furent l'une d'elles et, pourtant, aujourd'hui, l'une des plus méconnues. Tiré de la consultation d'archives disponibles depuis peu, ce livre aide à leur reconnaissance. Les États généraux de la Renaissance française furent davantage qu'un substitut à l'expression du suffrage universel dans l'attente d'élections qui, quelques mois plus tard, légitimeront ses voeux et résolutions. Leur préparation donna lieu à des milliers d'assemblées tenues à l'échelon élémentaire des villages et des quartiers et contribua grandement à la popularisation du programme du CNR. Elle l'enrichit et le précisa, aussi, par la rédaction, sur le modèle du célèbre précédent révolutionnaire, de milliers de cahiers de doléances, occasion d'une remarquable plongée à la rencontre des sentiments, préoccupations, certitudes et aspirations de Français à la croisée des chemins au sortir des années noires. Ils éclairent, encore, les consensus, débats et tensions publics du moment, au sein d'institutions « provisoires » comme entre acteurs politiques et sociaux en voie de reconstitution, d'affirmation ou d'émergence. Si l'expérience de 1945 ne fut plus jamais renouvelée, la procédure suivie dans les conditions de l'époque fournit d'utiles éléments de réflexion pour un présent conscient des limites du système représentatif et qui s'interroge sur les modalités d'une démocratie participative.
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Le désir d'autorité émerge sur fond de « crises érosion » qui caractérisent le monde contemporain : la conjonction des diverses crises qui se suivent, qui se recoupent et qui se conjuguent depuis des décennies. Les sujets ont l'impression d'être emportés par le mouvement de la société comme par une érosion de terrain ; ils sont les objets impuissants de ces mouvements qui s'imposent à eux pour des raisons inconnues, incompréhensibles et de ce fait non-maîtrisables. Plus rien n'est fiable et sûr ; on est impuissant face aux crises qui s'abattent sur nous. La normalité de la société s'effrite dans le tourbillon des crises érosion. Les références normatives vacillent ; l'existence devient incertaine, imprévisible et angoissante. Elle est d'autant plus angoissante que cette situation est incompréhensible et, pour cette raison, elle est également non-maîtrisable. Le manque de (capacité de) compréhension et de maîtrise de la réalité est un autre facteur qui produit le désir d'autorité. Ce désir ne connait pas de raisons et pas d'arguments. Il est le souhait, en général irrationnel et obsessionnel, de vivre heureux grâce à la subordination à l'autorité. Cette relation est plus fantasmagorique que réelle mais elle peut porter un projet de société autoritaire. « C'est le désir qui crée le désirable, et le projet qui pose la fin » (Simone de Beauvoir). Néanmoins, le vécu de l'effritement des liens et des contraintes est aussi le vécu d'être « condamné à être libre » (Jean-Paul Sartre), entre autres, de prendre ses responsabilités et de créer l'avenir dans une situation qui s'est imposée aux acteurs, qu'ils ne comprennent pas et, par conséquent, qu'ils ne peuvent pas maîtriser. Cette liberté est trop lourde à porter et elle est angoissante. La « peur de la liberté » (Erich Fromm) pousse les sujets vers des fuites, entre autres, des fuites vers la subordination à une nouvelle autorité qu'ils désirent car elle leur promet de la certitude, de la sécurité, le calme et un avenir assuré. Il existe cependant également des critiques radicales selon lesquelles la normalité représentée par l'autorité établie est impossible et indésirable. On doit changer la réalité afin d'établir une normalité désirable. Ces critiques ne sont pas à confondre avec les multiples dénonciations de l'autorité et la demande anti-autoritaire de l'effacer dans un geste de négativité abstraite. L'expérience de la non-identité peut mener à la découverte du potentiel d'une autre réalité, un potentiel qui existe dans le monde « faux » (Adorno) et qui permet d'imaginer une normalité de la liberté à réaliser : un nouveau projet de société où l'autorité serait raisonnable, critiquable et modifiable. Ces critiques peuvent développer le potentiel pour créer une autre normalité grâce aux expériences des acteurs et à leur imagination mais elle est peu développée dans la société actuelle. Afin de mieux comprendre le cercle vicieux de la vie dans une société profondément marquée par des crises érosion et les avenirs possibles portés par le désir d'autorité, nous reprenons le fil des théories critiques. Ce sont elles qui dégagent, à partir de la réalité, le potentiel de dépassement du cercle vicieux mais également les forces qui entravent ce possible dépassement.
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Iran : De l'exil des élites à l'exil populaire
Nader Vahabi
- Croquant
- Actualite Politique Et Sociale
- 3 Octobre 2024
- 9782365124577
Où en est l'exil iranien 44 ans après l'arrivée au pouvoir des fondamentalistes religieux à Téhéran ? Que nous apprennent les récits de vie de ces exilés ? Ce livre étudie la diversité du phénomène de l'exil, dans sa dimension anthropo-sociologique, sur plusieurs générations, dans différents contextes nationaux, à travers les parcours de resocialisation et d'intégration. L'enquête réalisée de 2015 à 2022 auprès de 60 exilés commence à la suite d'une rencontre en 2015 dans une annexe d'hôpital de Montmorency, dans le Val d'Oise. Les vingt récits de vie représentatifs du corpus sont au coeur de l'analyse. Ils ont l'ambition de montrer le passage des exilés issus de la classe moyenne aisée des années 1980 aux exilés venant de couches sociales variées des années 2000, ce qu'on peut qualifier de démocratisation de l'exil.
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Le nouvel esprit du service public
Romain Pudal, Jérémy Sinigaglia
- Croquant
- Champ Social
- 6 Juin 2024
- 9782365123785
Au cours des dernières décennies, les multiples réformes des services publics ont transformé le travail des agents de la fonction publique. Présentés sous la forme d'entretiens, une succession de portraits sociologiques de fonctionnaires titulaires ou non, permettent d'éclairer les transformations saillantes du travail dans la fonction publique d'aujourd'hui : dégradation des conditions de travail et d'emploi, dilution des identités professionnelles, altération du « sens » du métier, perte d'autonomie et confrontation à des logiques hétéronomes, etc. Ces portraits permettent d'expliquer en quoi consiste le « nouvel esprit du service public » que véhiculent ces réformes et que les agents sont sommés, plus ou moins directement, de mettre en oeuvre. Qu'ils adhèrent, qu'ils résistent ou qu'ils « fassent avec », ces logiques qui transforment les fonctionnaires en prestataires et les usagers en clients, font que le sens même du service public et des métiers correspondants est bouleversé.
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Israël, le Hamas et la question de Palestine
Jacques Fath
- Croquant
- Actualite Politique Et Sociale
- 16 Mars 2024
- 9782365124324
Dans l'histoire du conflit israélo-palestinien, c'est la première fois qu'une confrontation armée entre Israël et le Hamas à Gaza prend une telle dimension de violence meurtrière et destructrice.
Ce choc majeur aura des suites inédites. Il change la donne internationale. La question de l'après se pose avec une grande complexité. Les objectifs des uns et des autres, les conséquences prévisibles, les antagonismes ancrés dans l'histoire ne permettent pas d'entrevoir la nature d'une issue à construire.
Cet ouvrage cherche à répondre à ces interrogations, à analyser les causes et les responsabilités, à expliciter des enjeux déterminants. Il formule des options politiques souhaitables pour que la gravité de ce moment de guerre puisse au moins contribuer à une démarche éthique et politique positive, et à penser une solution de justice et de paix durable. -
Presque rien : Une ethnographie carcérale des inégalités, des injustices et de la radicalisation
Bartolomeo Conti
- Croquant
- 7 Mai 2024
- 9782365124102
Pourquoi et comment des jeunes se radicalisent, tandis que d'autres, exposés aux mêmes conditions sociales et partageant un sentiment d'injustice, ne se radicalisent pas ? Pourquoi et comment certaines trajectoires aboutissent à l'extrémisme violent, alors que d'autres ne franchissent pas le seuil de la violence ? Cet ouvrage tente de répondre à ces questions à partir d'une recherche ethnographique réalisée durant trois ans dans une prison française. Évitant de porter une attention exclusive à des jeunes dits radicalisés, cette recherche prend en compte une ample variété de profils et de trajectoires de détenus, et ce afin de décrire et d'analyser également des trajectoires de « non-radicalisation ». C'est notamment en raison de cette focalisation conjointe sur ces diverses trajectoires et leur articulation avec les inégalités et le sentiment d'injustice que ce livre se distingue des nombreuses études sur la radicalisation et l'extrémisme violent, réalisées en France depuis la série d'attentats djihadistes de 2015. Par la voix des personnes détenues, ce livre propose ainsi un autre regard sur l'espace carcéral et nous invite à penser autrement la radicalisation et le basculement dans l'action violente.
Présentation de l'auteur
Bartolomeo Conti est sociologue, chercheur associé à l'École des Hautes Etudes en Sciences
Sociales. Il a été aussi chercheur à l'Institut Universitaire Européen et à l'Université de Berkeley, avant de faire partie du Panel international sur la sortie de la violence à la Fondation Maison des Sciences de l'Homme. Ses recherches portent sur l'Islam dans l'espace public et sur les processus d'entrée et sortie de la violence. Auteur du livre « L'islam en Italie : les leaders musulmans entre intégration et séparation », il a participé au projet européen Dialogue about Radicalisation and Equality, un des projets phares sur la question de la radicalisation en Europe. -
Le marché des idées : Les sciences humaines et leurs lecteurs
Louis Pinto
- Croquant
- 21 Mars 2024
- 9782365124218
Le marché des idées Les sciences humaines et leurs lecteurs Louis Pinto Les sciences humaines (philosophie, histoire, sociologie, ethnologie, économie, géographie, etc.) sont d'abord des disciplines savantes, matière à enseignement et recherche. Hors des circuits universitaires, elles sont en général abordées à travers des auteurs, des figures illustres célébrées dans les médias.
Mais elles n'ont guère été envisagées en fonction de leurs lecteurs. Qui sont ces gens ? Que lisent-ils et comment lisent-ils ?
Pour répondre à ces questions, une enquête a été nécessaire qui repose sur des questionnaires et surtout sur des entretiens approfondis. Elle vise d'abord à comprendre les différences entre lecteurs savants et lecteurs profanes, leurs choix et leurs critères de jugement.
Alors que les premiers sont redevables de la discipline qui les a formés et qui guide leurs pratiques professionnelles, les seconds sont disponibles pour des lectures qu'on peut appeler libres, dans la mesure où elles sont déliées des règles scolaires. Les lecteurs profanes apprécient des livres qui ne sont ni trop commerciaux (ceux des « intellectuels médiatiques ») ni trop « universitaires » et qui sont censés apporter une « rupture », un « ébranlement » dans les façons de penser : c'est précisément ce que proposent ou promettent éditeurs, libraires et critiques de livres. Les lectures libres permettent à la plupart des lecteurs d'accéder, hors du cadre des disciplines, à ce qui constitue, à leurs yeux, les marques de la condition d'intellectuel : la « pensée » (attribut, par excellence, du philosophe) et les causes intellectuelles (des thèmes de débats politico-idéologiques ayant accédé au statut d'objet intellectuel).
L'enquête sur les lecteurs est l'un des moyens de mettre en lumière le fonctionnement d'un marché des idées soumis au poids croissant d'autres univers, ceux de l'édition, de la presse et de la politique. -
Ce que l'école devrait apprendre à tous : Se connaître s'ouvrir se relier
Denis Paget
- Croquant
- 6 Juin 2024
- 9782365124379
Partant de son expérience d'enseignant, de syndicaliste, d'expert, l'auteur revient sur l'histoire récente de notre système éducatif. Il formule des critiques de notre école et propose de nouvelles voies pour qu'elle s'ouvre enfin à la prise en considération de tous les élèves qui ne se retrouvent pas dans les contenus qu'on leur enseigne. Il propose des pistes pour que notre école tienne compte des bouleversements de la société française et du monde. Il aborde la nécessité de mener un travail sur les finalités éducatives, sur la sélection des savoirs et sur l'exigence d'une éducation plus attentive aux processus de formation de la personne. Devant l'ampleur des problèmes que nous devons affronter, l'école ne peut se contenter d'enseigner ce qu'elle enseigne depuis un siècle. Ces analyses et propositions se résument dans le titre : se connaître répond au processus d'individuation qui permet à la personne de grandir en comprenant qu'elle n'est rien sans les autres et donc sans construire en chaque jeune un processus inséparable de socialisation qui s'incarne dans l'ouverture aux autres et au monde. S'ouvrir et se relier, c'est répondre aux défis nouveaux qui inquiètent les jeunes générations à juste titre : l'état de la nature, de la planète terre, le retour des nationalismes qui engendrent la guerre, les défis d'un développement moins fondé sur l'exploitation de la planète et des hommes. Présentation de l'auteur Denis Paget a enseigné pendant plus de 40 ans. Il a assumé en parallèle diverses fonctions au sein du SNES-FSU comme responsable des contenus d'enseignement et de la pédagogie et a déjà écrit plusieurs ouvrages sur ce que l'école française enseigne et/ou devrait enseigner. En 2013 le ministre de l'éducation nationale de l'époque l'a nommé membre qualifié au Conseil Supérieur des Programmes pour cinq ans. Il a également travaillé comme expert en curriculum, dans divers pays d'Afrique, pour France Education International (FEI). Confronté au travail même d'écriture des programmes scolaires et du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, chargé ensuite de mettre en oeuvre divers programmes pilotés par l'UNICEF de rénovation des curricula à l'étranger, sa pensée sur l'école s'est progressivement enrichie. Ce livre en est le témoignage.
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Les grands discours à l'ONU. De Harry Truman à Greta Thunberg
Chloé Maurel
- Croquant
- 9 Avril 2024
- 9782365124300
L'ONU est souvent vue comme une grande bureaucratie inefficace, un « machin » ainsi que la qualifiait le général de Gaulle en 1960... Mais ce livre entend montrer que l'ONU, c'est aussi la plus grande tribune mondiale, la « voix du monde », avec son Assemblée générale où les 193 Etats membres sont représentés, et où les grands leaders politique du monde peuvent s'exprimer devant tous les représentants des Etats membres. C'est la plus grande enceinte internationale, la porte-voix des peuples. Cette Assemblée générale, l'enceinte mondiale la plus démocratique puisque chaque Etat, riche ou pauvre, y est doté d'une voix, constitue un formidable forum pour les grands dirigeants, et elle a, au fil de l'histoire, permis à des personnages historiques de prononcer des discours marquants, qui ont eu un impact déterminant sur les relations internationales : guerre froide, conflit israélo-palestinien, attentats du 11 septembre 2001...
Ce livre mettra en lumière l'importance de ce forum mondial, en présentant pour la première fois une sélection des grands discours prononcés dans l'enceinte de l'ONU. En effet, cette organisation internationale, universelle, a accueilli des hommes et femmes politiques et personnalités célèbres, du dirigeant soviétique Khrouchtchev qui, lors de son discours en 1960, n'a pas hésité à taper sur la table avec ses chaussures, à Dominique de Villepin en 2003 dans son flamboyant plaidoyer contre la guerre en Irak, ou encore de Fidel Castro qui a fait en 1960 le plus long discours de l'histoire de l'ONU (d'une durée de 4h30 sans pause!) au leader palestinien Yasser Arafat en 1974, ou encore au pape François prononçant un émouvant discours à l'ONU en 2015, et jusqu'à la jeune Greta Thunberg, égérie des militants pro-climat, en 2019.
Les discours seront sélectionnés en fonction de l'importance internationale des orateurs, et de l'impact qu'ils ont exercé dans les médias et sur les relations internationales.
Ce ne sera pas un simple recueil de discours : chaque discours sera précédé d'un paragraphe introductif, présentant le contexte historique, le personnage, analysant des passages précis de chaque discours, et sera suivi d'un ou deux paragraphes d'analyse, examinant la portée, les répercussions de ces mots prononcés dans l'enceinte onusienne.
Caractère novateur du livre :
Un tel recueil commenté des discours prononcés à l'ONU n'a jamais été fait, et cette manière originale d'aborder l'histoire des Nations unies intéressera le public, car elle est vivante et centrée sur des personnages, elle a donc une dimension humaine, elle humanise cette institution internationale.
Public visé :
Ce livre intéressera tout d'abord le grand public amateur d'histoire et de relations internationales, car il permettra de revisiter toute l'histoire du XXe siècle, en rappelant les grands discours qui ont marqué la mémoire collective.
De plus, il pourra être très utile aux professeurs et étudiants d'histoire, de science politique, aux élèves de lycée, des classes préparatoires littéraires aussi bien que commerciales, ainsi qu'aux étudiants et enseignants de Sciences Po. -
Crise écologique, inégalités : la faute au marché ! Il faut donc planifier. Mais comment planifier une société qui est pour l'essentiel à inventer ? Au terme d'un bilan assez détaillé tant du libéralisme que des modèles de socialisme cherchant à le dépasser positivement, à l'exemple de l'expérience yougoslave, la thèse développée dans ce livre à la suite de Rudolf Bahro et d'Otto Neurath est que l'enjeu est moins de planifier ou de socialiser le marché que de maîtriser les modes de vie, pour permettre aux humains de faire l'histoire qu'ils font. Ceci suppose de sortir de « l'économisme », qui réduit la discussion aux prix et/ou aux quantités, pour saisir de façon dialectique le devenir les trajectoires collectives et explorer l'avenir ; et, dans ce but, de s'appuyer sur la recherche matérialiste et collective de la vérité, dans la complexité de ses trois dimensions, contre les trois grandes formes de fétichisme et de rapports de force que sont la domination, l'exploitation et l'aliénation. Il apparaît alors clairement qu'un changement d'identité engage des actions très différentes d'un changement politique (prendre le pouvoir) ou d'un changement économique (affecter des ressources). De là une vision renouvelée d'une dialectique matérialiste, émancipatrice.
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Pierre Bourdieu en Algérie (1956-1961) : témoignages
Tassadit Yacine
- Croquant
- 21 Juin 2022
- 9782365123518
Ce livre retrace, sans se vouloir exhaustif, la période algérienne de Pierre Bourdieu : celle qui va de 1956, date de son arrivée dans le Cheliff, région inhospitalière chaleur torride en été et froid glacial, en hiver, à 1961, date de son départ précipité d'Alger, devenue la proie du terrorisme urbain. Il vise cependant à éclairer le lecteur, fût-ce partiellement, à partir de témoignages oraux, véritables archives vivantes, émanant de collègues et d'étudiants qui l'ont côtoyé et partagé avec lui moult angoisses, espoirs et désespoirs dans un climat de tensions politiques dans un conflit de guerre ayant gagne tant le monde rural que dans le monde urbain, à l'instar de la bataille d'Alger, en 1957.
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La faute à Lénine ?
Le 24 janvier s'éteignait Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine. Pratiquement inconnu sept ans auparavant, il fut en 1917 le grand artisan du basculement de la Russie vers un système sociopolitique inédit, qui marqua toute l'histoire du XXe siècle.
Il fut un « magicien » pour ses partisans, un monstre pour les plus acharnés de ses détracteurs, une énigme pour le plus grand nombre. Un géant de la révolution ? Le précurseur du « totalitarisme »Â ? L'initiateur de Staline ou son contraire ? Un siècle plus tard, les polémiques battent toujours leur plein.
Ce livre essaie de faire le point sur un homme clé de toute notre histoire contemporaine. Mais son parti pris est de considérer que réfléchir sur Lénine, c'est prendre la mesure de 75 ans de soviétisme et, sans doute, de 77 ans d'un « court XXe siècle » (1914-1991).
Historien du communisme, Roger Martelli a longtemps exploré les effets du « moment Lénine » sur l'histoire mondiale. Il offre ici un nouveau regard global. -
Education prioritaire : une politique féconde pour le système éducatif
Collectif
- Croquant
- 9 Janvier 2025
- 9782365124201
Dans le contexte morose du système éducatif d'aujourd'hui, le collectif Langevin Wallon souhaite porter un message d'espoir pour une réelle démocratisation de l'école et montrer qu'il est possible de réformer réellement le système scolaire sans brutaliser ses personnels, sans juger les parents ni accabler les élèves.
Loin des recettes supposées providentielles et courtermistes, ce livre est nourri par la solide expérience professionnelle de ses auteurs, notamment en matière de conception et d'animation nationale de la politique de l'éducation prioritaire menée lors de sa refondation (2013-2017), par les données de la recherche et par les acquis des réussites de terrain. Il met ainsi à la disposition des lecteurs une somme importante de connaissances sur cette politique et ouvre la réflexion sur les questions éducatives essentielles pour contrer les inégalités sociales face à l'apprentissage scolaire.
Souhaitant dépasser l'insincérité récurrente des débats sur l'école, le collectif Langevin Wallon, convaincu que la grande inégalité scolaire n'est pas une fatalité, fait le pari que l'Ecole est encore capable de porter la réussite des enfants des milieux populaires si la coopération de tous avec chacun triomphe sur la compétition de chacun contre tous, si le sens du collectif reprend l'ascendant sur l'individualisme, si l'intérêt général redevient l'alpha et l'oméga de notre démocratie. -
La famille, la cité, l'école et la mosquée : Sociogenèse de la religiosité d'un jeune musulman d'aujourd'hui
Frédéric Gautier
- Croquant
- Champ Social
- 7 Mars 2024
- 9782365124133
La famille, la cité, l'école et la mosquée
Sociogenèse de la religiosité d'un jeune musulman d'aujourd'hui
Frédéric Gautier
L'islam - l'« islam des quartiers » en particulier - interroge et inquiète. Attentats et assassinats terroristes, violences d'État (Iran, Afghanistan...), « radicalisation », ou encore « atteintes à la laïcité » entretiennent ces interrogations et inquiétudes. Une partie du champ politico-médiatique y trouve prétexte pour affirmer son existence en relançant régulièrement une parodie de « débat public ». Mobilisant le plus souvent des représentations caricaturales, des « diagnostics » hâtifs et des « explications » dérisoires, sommant les interlocuteurs de « choisir leur camp » - celui des « islamophobes » ou celui des « islamo-gauchistes » - ce genre de « débat » interdit toute approche rationnelle de l'islam. Ce livre fait, a contrario, le pari de l'enquête sociologique, refusant délibérément de s'ériger en juge, ne cherchant ni à condamner, ni à réhabiliter, justifier ou excuser, mais à expliquer et comprendre. Il brosse le portrait d'un individu singulier. Tarik, né en France dans une famille originaire du Maghreb, a grandi dans une cité d'une banlieue populaire de la région parisienne. Il se réclame d'un islam « authentique », qu'on pourrait associer aux figures-repoussoirs de l'islam « radical », de l'« intégrisme » ou du « fondamentalisme ». Pourtant, diplômé de l'Université, aujourd'hui enseignant, il se reconnaît dans les « Valeurs de la République » et dans le principe de laïcité. En cherchant à rendre compte des logiques sociales qui ont produit cet individu singulier, cette enquête mobilise une démarche et des schèmes d'interprétation qui, au-delà du cas particulier, peuvent contribuer à une meilleure intelligibilité du regain de religiosité observable chez les jeunes de culture musulmane. -
Gouverner les exilés aux frontières : Pouvoir discrétionnaire et résistances
Annalisa Lendaro
- Croquant
- 29 Février 2024
- 9782365124263
Coordinatrice de l'ouvrage :
Annalisa Lendaro, sociologue, chargée de recherches au CNRS (Certop) ; E-mail : annalisa.lendaro@univ-tlse2.fr Titre de l'ouvrage :
Gouverner les exilé.e.s aux frontières. Pouvoir discrétionnaire, résistances, controverses Calais, frontière franco-britannique, octobre 2016 ©.
Présentation et argumentaire La frontière contemporaine tue, blesse, enferme, et éloigne une partie des candidat.e.s à la migration. Qu'elle soit maritime, terrestre, ou alpine, elle est un outil déstiné à trier les personnes migrantes selon leur (in)désirabilité. La condition d'indérisable, en dépit de critères juridiques inscrits dans le droit national et international, est le produit de pratiques discrétionnaires d'agents de police, de fonctionnaires préfectoraux, et autres « faiseurs de frontières ». De ce fait, la frontière contemporaine est à la fois un territoire, et un dispositif de gouvernement des populations, où l'effectivité des droits fondamentaux (à une vie digne, à l'éducation, à la justice, à la santé, etc. ) est quotidiennement mise à mal.
Sur la base d'enquêtes qualitatives menées à trois frontières françaises (la frontière franco- britannique, la frontière franco-italienne, et la frontière basque) dans le cadre d'un projet financé par l'ANR (DisPow 2019-2022), cet ouvrage collectif se propose d'apporter un éclairage résolument pluridisciplinaire (sociologie, géographie, philosophie, droit, science politique) sur les différentes facettes du gouvernement des exilé.e.s en France et sur ses effets socio-politiques. Pour cela, il s'intéressera tout d'abord à la densité des normes et consignes, parfois contradictoires, qui régissent les territoires frontaliers (partie I), puis aux marges de manoeuvre, dilemmes moraux, et contraintes organisationnelles de groupes d'acteurs qui disposent d'un pouvoir décisionnaire sur ces mêmes territoires (policiers, cheminots...) (partie II).
L'ouvrage entend enfin éclairer les formes de contestation et de résistance à ce pouvoir discrétionnaire (III), considéré par certains acteurs et groupes comme étant proche de l'arbitraire et de l'abus : avec quelles attentes, de quelles façons, et avec quels résultats l'arme du droit peut-elle être mobilisée par les bénévoles pro-migrants et par les exilé.e.s eux-mêmes contre l'Etat ou les pouvoirs locaux ? Comment les associations et les collectifs, mais aussi les professionnels du droit tels que les avocat.e.s, tentent-iels de sensibiliser, d'alerter, de contester les décisions ou d'obtenir justice au nom des exilé.e.s, et pourquoi certains « cas judiciaires » deviennent emblématiques et font débat dans l'espace public à un moment donné (et d'autres non)? En cela, les contributions de l'ouvrage fournissent des pistes pour analyser les controverses socio-juridiques en lien avec le gouvernement des exilé.e.s, et pour comprendre leurs origines, les différentes conceptions de la justice qu'elles symbolisent, la façon dont elles questionnent les politiques migratoires contemporaines et les principes qui les sous-tendent et justifient.
La problématique et l'originalité du projet D'un point de vue juridique, le pouvoir discrétionnaire relève d'une action entreprise à l'appréciation d'une administration et/ou d'un agent public, sans que sa conduite ou décision ne lui soit dictée clairement ou de manière univoque par le droit (Spire 2008, Dubois 2009). En principe, ce pouvoir est donc exercé par les détenteur·rice·s d'une autorité publique (centrale ou décentralisée, de maintien de l'ordre ou administrative) et se manifeste par leur liberté d'action lorsque les décisions qu'iels ont à prendre ne sont pas encadrées de façon stricte par des règles de droit et/ou des procédures détaillées (Van der Woude et Van der Leun 2017). Cette « compétence discrétionnaire » est alors accordée par la loi aux agents de l'Etat, tels que les fonctionnaires administratif·ve·s (Laurens 2008, Miaz 2019). Elle permet, du moins en théorie, de distinguer « pouvoir discrétionnaire » et « mesures arbitraires », les dernières renvoyant à des pratiques abusives car prises manifestement en décalage par rapport aux textes juridiques, aux procédures, ou aux compétences attribuées aux agents concernés (Chauvet cit.). Néanmoins, les textes peuvent se prêter à des interprétations tellement différentes (ou rentrer en conflit entre eux) que la frontière entre discrétionnaire et arbitraire est parfois difficile à tracer (Fassin 2014, Campbell 1999, Laurens cit.).
Aussi, il serait réducteur de concevoir ce pouvoir comme uniquement le fait d'acteurs publics : dans le cadre du projet DisPow, auquel ont participé les auteur.e.s de cet ouvrage, les enquêtes menées ont exploré les multiples facettes du pouvoir discrétionnaire en pratique(s) en se focalisant à la fois sur des territoires spécifiques, les frontières, et sur un champ juridique particulier, le droit des étranger·e·s ; en effet, ces deux focales permettent de montrer à quel point l'imprécision des critères législatifs ou règlementaires laisse la possibilité - ou impose la responsabilité - aux acteurs publics mais aussi privés de choisir comment interpréter les règles ou consignes et donc comment agir face à une situation concrète, avec comme conséquences principales, d'une part, des pratiques très disparates selon le territoire, l'organisation du service, les enjeux réputationnels au sein du groupe, etc., et d'autre part, un accès des étranger·e·s à leurs droits très aléatoire. Ainsi, nous avons étudié les formes et les effets d'un pouvoir discrétionnaire qui désigne la sphère d'autonomie à l'intérieur de laquelle les agents de l'administration (Spire 2008, Dubois 2009), mais aussi les « faiseurs de frontière » (transporteurs, contrôleurs, agents de sécurité etc.) (Guenebeaud 2019) et les accompagnant·e·s (juristes bénévoles, avocat·e·s, activistes) (Lendaro 2021) peuvent prendre différentes décisions au sujet des personnes en situation de migration, et ce, pas forcément en l'absence d'une règle mais plus souvent en présence d'une multiplicité d'injonctions ou de suggestions dont le degré de contrainte varie (Parrot 2019).
L'ambition de cet ouvrage est de contribuer à la compréhension des origines socio-juridiques, morales, et organisationnelles, et des effets sociaux et politiques, de cette porosité entre discrétionnaire et arbitraire aux frontières.
Son originalité est de vouloir le faire à la lumière, d'une part, des pratiques des acteurs aux prises avec la mise en oeuvre des politiques migratoires en France, et d'autre part, des actions et stratégies entreprises par les individus et groupes qui essayent de les contester, de déjouer leurs contraintes, de dénoncer leurs effets, voire d'attaquer en justice les responsables de violences et/ou violations de droits. L'ensemble des contributions partent du principe que le droit, loin de constituer une matière figée dont l'application serait homogène et capable d'orienter dans un seul et même sens les pratiques individuelles et collectives, est d'une part le produit de phénomènes sociaux et de rapports de forces en évolution, et d'autre part, contribue évidemment aussi à cette même évolution des rapports sociaux (Calavita 2016, Ewick et Silbey 1998, Bourdieu 1990).
Pensées pour se faire écho et s'articuler à la problématique générale de l'ouvrage, les contributions se proposent de répondre aux questions suivantes : quelles sont les manifestations de ce pouvoir discrétionnaire aux frontières et que nous disent-elles de phénomènes sociaux plus globaux tels que l'évolution des inégalités entre groupes sociaux, l'effectivité des libertés publiques, ou encore la place du droit dans les mouvements sociaux ? En quoi les formes et les effets du pouvoir discrétionnaire en pratique(s) nous renseignent-ils sur les rapports au droit et à la légalité des acteur·rice·s qui l'exercent (Ewick et Silbey 1998, Pélisse 2005) ? Quels apprentissages du politique (Soss 1999) apparaissent via la rencontre avec le droit et ses marges d'interprétation ? Quels sont les dilemmes moraux auxquels sont confrontés les acteur·rice·s pouvant exercer un certain pouvoir discrétionnaire (Fassin et Eideliman 2012)? Quels usages stratégiques et/ou militants du droit sont mis en oeuvre en réaction à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire considéré comme arbitraire et donc injuste (Israël 2009, Lendaro 2021)? Quelles luttes sont davantage investies par la judiciarisation (Commaille 2008) et à quelles conditions le droit peut-il être considéré par les acteur·rice·s comme un outil de changement social (McCann 2006, Galanter 1974) ?
Bibliographie Bourdieu, P. (1990) « Droit et passe-droit. Le champ des pouvoirs territoriaux et la mise en oeuvre des règlements », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 81-82 86-96.
Calavita, K. (2016) Invitation to Law and society. An introduction to the study of real Law. Chicago University Press.
Campbell, E. (1999) « Towards a sociological Theory of discretion », International Journal of the Sociology of Law 27, PP 79-101.
Chauvet, C. (2009) « Arbitraire et discrétionnaire en droit administratif », Gilles J. Guglielmi éd., La faveur et le droit. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, p. 335-355.
Commaille, J. (2008). 13. La judiciarisation : nouveau régime de régulation politique. Dans : Olivier Giraud éd., Politiques publiques et démocratie (pp. 305-319). Paris: La Découverte.
Dubois, V. (2009), Le paradoxe du contrôleur. Incertitude et contrainte institutionnelle dans le contrôle des assistés sociaux, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 178, 28-49.
Ewick P., Silbey S. (1998) The Common Place of Law. Stories from Everyday Life, Chicago and London, The University of Chicago Press.
Fassin D. (2014) « Pouvoir discrétionnaire et politiques sécuritaires. Le chèque en gris de l'État à la police », Actes de la recherche en sciences sociales, 201-202(1) 72-86.
Fassin, D. & Eideliman, J. (2012). Economies morales contemporaines. Paris: La Découverte.
Galanter, M. (1974). Why the 'Haves' Come out Ahead : Speculations on the Limits of Legal Change.
Law and society review, 9(1), 95-160.
Guenebeaud, C. (2019), "Nous ne sommes pas des passeurs de migrants": le rôle des transporteurs routiers et maritimes dans la mise en oeuvre des contrôles à la frontière franco-britannique. Lien social et Politiques, 83, 103-122.
Israël, L. (2009). L'arme du droit. Presses de SciencesPo.
Laurens S. (2008) « Les agents de l'État face à leur propre pouvoir. Éléments pour une micro-analyse des mots griffonnés en marge des décisions officielles », Genèses, 72(3) 26-41.
Lendaro, A. (2021). Défendre les « délinquant·e·s solidaires ». Quelles sont les limites de l'engagement des avocat·e·s de la cause des étranger·e·s ?. Droit et société, 107, 67-82.
McCann M. (Ed.) (2006), Law and Social Movements, Ashgate.
Miaz J. (2019). Le Droit et ses médiations : Pratiques d'instruction des demandes d'asile et encadrement institutionnel des décisions, Politique et Sociétés, 38 (1) 71-98.
Parrot, K. (2019). Carte blanche. L'Etat contre les étrangers, Paris, La Fabrique.
Pélisse, J. (2005). A-t-on conscience du droit ? Autour des Legal Consciousness Studies. Genèses, n° 59(2), 114-130.
Soss, J. (1999), « Lessons of Welfare : Policy Design, Political Learning, and Political Action », American Political Science Review, 93 (2), p. 363-380.
Spire, A. (2008). Accueillir ou reconduire - Enquête sur les guichets de l'immigration, Éditeur Raisons d'agir.
Van der Woude M., Van der Leun J. (2017), « Crimmigration Checks in the Internal Border Areas of the EU: Finding the Discretion that Matters », European Journal of Criminology, 14 (1), 27-45.
Titre (provisoire) Gouverner les exilé.e.s aux frontières. Pouvoir discrétionnaire, résistances, controverses.
Avant-propos : Iker Barbero, juriste et philosophe, Professeur à Université de Bilbao (ES). (environ 10 000 signes) Introduction (environ 25 000 signes) La frontière comme dispositif de gouvernement des exilé.e.s : enjeux et méthodes, Annalisa Lendaro, CR CNRS, Certop Partie 1 Que fait le droit à la frontiere (et viceversa)? (chapeau d'environ 6 000 signes) 1.La condition migrante: gouverner les corps par l'ineffectivité des droits (environ 45 000 signes/chaque chapitre).
Hourya Bentouhami, MCF Philosophie 2.Des solidarités et dé-solidarité dans l'Union européenne en matière de migration. Mehdi Mezaguer, MCF Droit Partie 2 Tous 'faiseurs de frontiere'? Policiers et transporteurs face au contrôle des mobilités (chapeau d'environ 6 000 signes) 1.Ethos professionnels et dilemmes moraux des forces de l'ordre à la frontière franco-britannique. Camille Guenebeaud, MCF Géographie 2.Les cheminots à la frontière basque : dynamiques organisationnelles et pratiques individuelles de résistance.
Bénédicte Michalon (DR CNRS Géographie) et Thomas Sommer-Houdeville (post-doc Sociologie) 3.La frontière brûle. Résistances et mal-être des cheminots dans les Alpes Maritimes. Annalisa Lendaro, CR CNRS Sociologie 4.'Je ne suis pas un collabo' : marges de manoeuvre et contraintes des conducteurs de bus dans le briançonnais.
Annalisa Lendaro (CR CNRS Sociologie) et Oriana Philippe (Doctorante Droit et Géographie) Partie 3 Mobiliser le droit en faveur des exilé.e.s (chapeau d'environ 6 000 signes) 1.L'arme du droit et ses coûts : experts et profanes à Calais.
Karine Lamarche (CR CNRS Sociologie), Annalisa Lendaro (CR CNRS Sociologie) 2.Dénoncer, faire du plaidoyer, monter un recours. Les registres de la résistance par le droit à la frontière franco-italienne (Vintimille et Briancon).
Oriana Philippe (Doctorante Droit et Géographie) et Daniela Trucco (Post-doc Science Politique) 3.Face au pouvoir discrétionnaire de l'Etat aux frontières, adaptations et stratégies des mineurs non accompagné (MNA) et de leurs soutiens.
Soline Laplanche-Servigne (MCF Science Politique), Bastien Roland (Doctorant Sociologie) et Thomas Sommer-Houdeville (post-doc Sociologie).
Conclusion (environ 25 000 signes) Mobiliser le droit et après ? Faire circuler les expériences de lutte aux frontières, Annalisa Lendaro Postface (environ 15 000 signes), Alexis Spire, DR CNRS.
Information sur les auteur.e.s et sur la coordinatrice Coordinatrice : Annalisa Lendaro est chargée de recherches en sociologie politique au CNRS (France). Ses principaux intérêts portent sur les politiques migratoires, leurs applications sur les territoires frontaliers et leurs effets sur les demandeurs d'asile, sur les mineurs non accompagnés, et sur les groupes d'accompagnement à l'accès aux droits (avocats de la cause, juristes bénévoles). En utilisant des méthodes ethnographiques et en s'inspirant des travaux du courant Law and society, ses études essaient de mettre en lumière les processus et les justifications qui transforment le contournement du droit en une pratique ordinaire. Annalisa est la coordinatrice de l'ANR DisPow (2018-2022 https://dispow.hypotheses.org/). Elle est également la responsable pour la France du projet MiCREATE - Migrant Children and Communities in a Transforming Europe (programme Recherche et Innovation H2020, volet Migration et Intégration, jan. 2019-juin 2022 => http://www.micreate.eu/).
Auteur.e.s :
Les courtes biographies des contributeur.e.s sont consultables via le carnet Hypothèses du projet DisPow => https://dispow.hypotheses.org/category/lequipe-de-recherche Pages personnelles :
•Bénédicte Michalon : https://www.passages.cnrs.fr/membres/nom/benedicte- michalon/ •Camille Guenebeaud : https://ladyss.com/guenebeaud-camille •Hourya Bentouhami : https://transmis.hypotheses.org/hourya-bentouhami •Karine Lamarche : https://www.univ-nantes.fr/karine-lamarche-1 •Soline Laplanche-Servigne : http://www.ermes-unice.fr/?q=node/291 •Daniela Trucco : https://www.efrome.it/les-personnes/membres-et-personnel- scientifique/personne/daniela-trucco •Mehdi Mezaguer : https://unice.fr/medias/fichier/cv-mehdi-mars- 2022_1647250358354-pdf •Thomas Sommer-Houdeville : https://certop.cnrs.fr/sommer-houdeville-thomas/ •Oriana Philippe : https://migrinter.cnrs.fr/membres/oriana-philippe/ •Bastien Roland : https://dispow.hypotheses.org/357. -
Pourquoi tant de votes RN dans les classes populaires
Gérard Mauger, Willy Pelletier
- Croquant
- 23 Mai 2023
- 9782365123891
Ce livre est une version actualisée, augmentée et remaniée, de l'ouvrage publié en 2016 aux éditions du Croquant1. Cette initiative était une conséquence de l'inquiétude suscitée par l'ascension du Front National (FN), non seulement chez les militants et les intellectuels « de gauche », mais aussi chez les chercheurs en sciences sociales. Les résultats des élections présidentielles et législatives de 2022 n'ont fait que la renforcer : d'où cette réédition actualisée et complétée par de nouvelles enquêtes. Mais cette nouvelle version ne vise pas tant (en tout cas pas seulement) à alerter qu'à tenter de rendre compte sociologiquement de l'essor du RN (Rassemblement National) avec la conviction qu'une meilleure connaissance du phénomène peut aider à en déjouer les mécanismes.
Une ascension inexorable ?
Rompant avec une « neutralité axiologique » souvent revendiquée, mais sans doute plus stratégiquement « opportune » qu'épistémologiquement fondée2, cette inquiétude doit évidemment quelque chose à la progression électorale du FN. Elle peut, en effet, sembler inexorable depuis le début des années 1980. Lors des élections législatives de mai 1981 consécutives à l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République, le score du FN était encore, en effet, celui d'un groupuscule : 0,18 %. Mais, aux élections régionales de 2015, le FN obtenait 6,8 millions de voix au second tour, soit 30 % des suffrages et arrivait en tête au premier tour dans la moitié des régions et dans plus de la moitié des communes. En 2017, Emmanuel Macron obtenait deux fois plus de votes que Marine Le Pen. En 2022, l'écart s'est réduit à 16% des votants. Au deuxième tour des élections législatives de 2022, le RN obtenait, à la surprise générale, 89 députés, trois fois plus qu'en 1986, un véritable « tsunami » selon Jordan Bardella, alors président par intérim du RN. Il consolidait, en effet, son implantation dans l'ancienne France industrielle du Nord et du Nord-Est et dans la France du Sud-Est jusqu'aux Pyrénées orientales et il étendait son ancrage territorial. Avec ses 89 députés crédités d'une « image rassurante » (56 hommes, 33 femmes, 46 ans en moyenne, 42 titulaires de mandats électifs, 44 cadres et professions intellectuelles supérieures) et deux vice-présidences à l'Assemblée nationale, le RN, qui refuse désormais d'être classé « à l'extrême-droite », accélère sa « normalisation » et consolide sa « respectabilité »3.
Un parti d'extrême-droite ?
L'inquiétude suscitée par cette ascension est inséparable de l'hystérésis d'une représentation du FN. En mai 1981, son label « d'extrême droite » n'était guère discutable. Le FN de Jean-Marie Le Pen, antisémite, sinon négationniste, raciste et hostile à la démocratie, se recrutait chez d'anciens pétainistes, miliciens retraités, collaborateurs et vétérans de la Légion des Volontaires Français, chez des anciens de l'OAS et leurs sympathisants, chez des catholiques traditionnalistes4. L'inquiétude persistante suppose donc que le RN d'aujourd'hui n'est au fond pas très différent du FN d'hier. Mais cette pérennité de la représentation pose le problème de la « normalisation » du FN. Outre que l'actuelle direction du RN a travaillé à sa « dédiabolisation », les partis de droite « classique » (l'UMP puis LR), en reprenant à leur compte des thèmes de prédilection du FN comme « l'immigration », « l'assistanat » ou « l'insécurité », ont objectivement contribué à leur « banalisation » et, ce faisant, à celle du RN. Par ailleurs, la campagne d'Éric Zemmour pour les élections présidentielles de 2022 a contribué à la « dédiabolisation » du RN en permettant son « recentrage »5. Mais, à l'inverse, les « partis de gouvernement » (du Parti Socialiste - PS - à La République En Marche - LREM), dont « l'épouvantail Le Pen » est devenu l'ultime argument électoral (« faire barrage au RN »), soulignent, non sans quelques arguments, la continuité entre le RN et le groupuscule d'extrême-droite des années 19706.
La question du classement politique du RN se pose d'autant plus que l'invention d'un nouveau label politique - le « populisme » - plus proche, selon Annie Collovald, d'une nouvelle « insulte politique » ou d'une « injure polie »7 que d'un concept, permet d'assimiler La France Insoumise (LFI) au RN et de disqualifier LFI par « contagion » (« le danger populiste »). En fait, Daniel Gaxie montre que le programme du RN est caractérisé par ses ambiguïtés, sinon ses incohérences8. Ils constituent autant d'atouts pour un « catch large party » où peuvent se reconnaître à la fois des militants d'extrême-droite (« faute de mieux »), des catholiques traditionnalistes (« pour défendre la famille »), des « rapatriés d'Algérie » (« pour endiguer l'immigration »), des professionnels du maintien de l'ordre (« pour lutter contre la délinquance »), des indépendants de toutes sortes (« contre la fiscalité et les charges ») et diverses fractions des classes populaires (« des fâchés pas fachos », dont on s'efforcera ici d'élucider « les raisons »). Dans cette perspective, il faudrait prolonger l'enquête en analysant le RN comme « un champ » (où s'affrontent diverses tendances), lui-même pris dans un « champ politique » où chaque parti doit se démarquer de ses concurrents pour conquérir « le monopole de l'usage légitime des ressources politiques objectivées (droit, finances publiques, armée, police, justice, etc.) »9. À l'issue des élections de 2022, le RN est l'un des quatre pôles d'un champ politique structuré par quatre blocs à peu près équivalents : en substance et dans l'ordre, celui d'Emmanuel Macron, celui de l'abstention, celui de Marine le Pen et celui de Jean-Luc Mélenchon10. Le RN y apparaît, selon Daniel Gaxie, comme « un parti marginal, reconnu et stigmatisé » ou « un parti marginal ascendant »11. Mais l'abstention reste le premier « parti » de France12, obérant, scrutin après scrutin, la légitimité des élus. En dépit des appels de la NUPES (Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale), 67 % des ouvriers et 64 % de ceux dont le revenu mensuel est inférieur à 1250 euros se sont abstenus (IPSOS). La Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) cumule 142 députés, ébauchant ainsi la renaissance d'une « gauche de gauche » dans l'espace politique laissé vacant par la décomposition de « la gauche PS-PC », mais sans pour autant reconquérir l'adhésion des classes populaires13 à l'exception des banlieues des grandes villes. Au deuxième tour des élections législatives, la remobilisation espérée des abstentionnistes n'a pas eu lieu, l'abstention - 53,77 % - a même progressé par rapport au premier tour14.
Un parti populaire ?
Le désarroi provoqué par la progression électorale du RN est également lié aux questions que posent à la fois cette extension de l'abstentionnisme des classes populaires et celle des votes populaires en faveur du RN.
Jusqu'à une date récente, l'abstention était restée un phénomène relativement secondaire (autour de 20 % des inscrits) et, de ce fait, peu étudié. En avril 1848, alors que la population était encore pour moitié analphabète, la participation à l'élection de l'Assemblée constituante (au suffrage universel masculin) atteignait 83,6 % des inscrits. Et lors des élections de mai 1936, où le Front populaire l'avait emporté, le taux d'abstention était l'un des plus faibles de toute l'histoire des élections législatives : 15,6 %. De nouveaux records de participation sont atteints au cours des années 1970 où la gauche dispute le pouvoir à la droite : l'élection présidentielle de 1974 où s'affrontent François Mitterrand et Valéry Giscard d'Estaing mobilise près de 9 électeurs sur dix (87,3 %) et, lors du second tour des élections législatives de 1978, 84,9 % des électeurs inscrits se rendent aux urnes. Mais, à partir de la deuxième moitié des années 1980, l'abstention s'envole : au deuxième tour des élections législatives de 2007, près de quatre inscrits sur dix s'abstiennent. Aux élections européennes de 2014, on compte 56 % d'abstentions, 50 % aux élections régionales et départementales de 2015, 25 % d'abstentions au deuxième tour de l'élection présidentielle de 2017, 52 % d'abstentions au premier tour des élections législatives de 2017. Ce désintérêt voire cette aversion à l'égard de la vie politique15 revêtent différentes formes : non-inscription, mal inscription, abstention, inégalités croissantes de politisation, votes sans conviction, etc.16 De sorte qu'une « démocratie de l'abstention »17 semble s'être mise en place où c'est l'inégale distribution du vote et de la non-inscription (massivement populaires) qui met en évidence la persistance des clivages de classe18.
Comment rendre compte, par ailleurs, de l'essor du vote RN dans les anciens bastions ouvriers du Nord et de l'Est désindustrialisés ou dans « le Midi rouge »Â ? Si nul ne s'étonne de voir un petit commerçant (supposé « naturellement poujadiste ») ou un bourgeois catholique traditionnaliste voter FN, le vote populaire en faveur du RN interpelle à la fois « ceux pour qui le peuple est une cause à défendre »19, ceux qui tendent à « accorder au peuple la connaissance infuse de la politique »20 et, plus encore, sans doute, ceux qui persistent à croire à la vision messianiste de la « classe ouvrière ». Le vote populaire en faveur du RN les confronte à un paradoxe du même genre que celui qu'a étudié Thomas Frank aux États-Unis : Pourquoi les pauvres votent à droite ?21. La déconvenue et la perplexité sont d'autant plus grandes que ce vote populaire en faveur du RN semble valider le point de vue de « ceux pour qui le peuple est un problème à résoudre »22 et consolider le « racisme de classe » de ceux qui assimilent les ressortissants des classes populaires à des « beaufs » machistes et homophobes, racistes et xénophobes, etc.23 La controverse suscitée par le vote populaire en faveur du RN réactive l'alternative classique entre « misérabilisme » et « populisme »24, deux formes de l'ethnocentrisme des classes dominantes25. Seule l'enquête peut dénouer ce genre de controverse en tentant à la fois de cerner l'ampleur, la distribution et l'évolution du vote populaire en faveur du RN, d'en comprendre « les raisons » socialement diversifiées et d'en élucider « les causes », c'est-à-dire de rendre compte de l'ancrage - socialement différencié - de ces diverses « raisons » de voter FN.
Objectiver le vote populaire en faveur du RN Mais comment cerner l'ampleur, la distribution et l'évolution du vote populaire en faveur du RN ? Toute tentative de mesure est confrontée à la difficulté d'étudier les rapports entre deux entités mal définies. Dans la mesure, d'une part, où le RN est un « parti attrape-tout », cerner « ce qu'est le RN » au regard de ceux qui votent en sa faveur - « un conglomérat » plutôt qu'un « électorat »26 - est un objet d'enquête. La question renvoie ainsi à l'inventaire des « raisons » de voter RN. Dans la mesure, d'autre part, où « le populaire » n'est plus ce qu'il était encore dans les années 1970, délimiter les contours des classes populaires dans la société française contemporaine rencontre également de nombreuses difficultés27. « La classe ouvrière » a subi une véritable éclipse consécutive à la fois à la désindustrialisation massive, à l'affaiblissement intellectuel et politique du marxisme, à l'effondrement du socialisme « réellement existant », à la débâcle électorale du PCF (« le parti de la classe ouvrière ») et au déclin de la CGT28. Mais si la vision d'un espace social divisé en classes antagonistes s'est progressivement défaite, on peut, néanmoins, mettre en évidence des critères qui justifient le regroupement des ouvriers et des employées au sein des « classes populaires ». Ce label démarque le groupe ainsi constitué des autres groupes sociaux : petitesse du statut professionnel ou social, étroitesse des ressources économiques, éloignement par rapport au capital culturel29.  Certes, ces classes populaires ne sont pas ce que la classe ouvrière n'a jamais été ailleurs que dans l'imagination des intellectuels. Mais, ouvriers et employées (il s'agit de femmes pour 80 % de l'effectif) représentent plus de la moitié de la population active. Relativement cohérentes, ces classes populaires sont néanmoins traversées par de nombreux clivages à commencer par celui entre « established » et « outsiders »30 que creusent l'effritement de la condition salariale, l'extension du chômage de masse, de la précarisation et de l'insécurité sociale qui en résultent31. Force est alors de supposer que les différentes composantes des classes populaires n'ont ni les mêmes raisons de s'abstenir, ni les mêmes représentations du RN, ni les mêmes raisons de voter en sa faveur.
Ainsi peut-on comprendre le caractère rudimentaire de données statistiques fondées sur la distinction entre « CSP + » et « CSP - » ou, dans le meilleur des cas, celle entre ouvriers et employées, pour tenter d'objectiver le vote populaire en faveur du RN. En l'état des données disponibles, Patrick Lehingue avait montré en 2016, que, même si les votes d'ouvriers et employées représentaient plus de la moitié des suffrages obtenus par le FN, ce vote FN ne concernait qu'un ouvrier sur sept et que c'était l'abstention - et de très loin - qui était alors le « premier parti ouvrier »32. Outre le progrès spectaculaire du RN aux élections présidentielles, les élections de 2022 montrent que le vote populaire exprimé en faveur du RN se situe entre un peu moins d'un tiers et un peu plus d'un quart des votants de la catégorie et mettent en évidence un ancrage du RN dans les fractions les plus démunies (scolairement et économiquement) des classes populaires33. Quant aux « raisons » de voter RN dans les classes populaires (sans grande compétence ni intérêt politique), on peut supposer que le RN est parvenu à inculquer, outre l'hostilité à des partis politiques interchangeables (« l'UMPS »), une vision du monde qui oppose les « nationaux » aux « étrangers ». Ce clivage « ethno-racial » occulte ainsi les divisions internes au groupe national (la lutte de classes) et fait de « l'immigration » la source de tous les maux (le chômage, la délinquance, le terrorisme) et des immigrés, de « mauvais pauvres » associés à la délinquance et à l'assistance.
« Ce que voter RN veut dire » Pour tenter de cerner plus précisément « ce que voter RN veut dire » dans les classes populaires, il faut rompre d'abord avec la convention du sens commun savant qui voudrait que le vote exprime le « choix » d'un programme et de représentants politiques et que, de ce fait, les électeurs pensent ce que pensent leurs représentants qui, eux-mêmes, expriment leur point de vue. L'enquête montre, en effet, que la connaissance des programmes, du personnel et des idées politiques est très inégalement distribuée : y compris chez ceux qui participent aux élections. Plus spécifiquement, l'abstention pose le problème des conditions sociales de possibilité d'une « opinion politique », c'est-à-dire de la compétence sociale et technique que suppose la participation à la vie politique34 : ainsi met-on en évidence une « logique censitaire » de fait35. De façon générale, l'enquête montre non seulement l'inégale distribution de la participation électorale et des compétences politiques, mais aussi celle de « l'intérêt » pour la politique36. Plus précisément, elle établit la relation très étroite entre le capital scolaire et les chances d'avoir une opinion. En fait, la propension à prendre la parole est proportionnelle au sentiment d'avoir droit à la parole37 : elle suppose à la fois une « compétence technique », c'est-à-dire à la capacité de comprendre le discours politique, mais aussi une « compétence sociale », c'est-à-dire le sentiment d'être statutairement fondé à s'occuper de politique. En outre, la professionnalisation du métier politique - maîtrise d'un corpus de savoirs spécialisés et d'un lexique (qui emprunte de plus en plus souvent à la « science » économique) et d'une rhétorique spécifiques - implique une dépossession politique croissante des classes populaires. C'est dire qu'on ne peut pas déduire, par exemple, du vote RN d'un cariste ou d'une femme de ménage leur adhésion au programme du RN. Si ces votes RN n'ont évidemment pas « rien à voir avec le RN », il faut tenter de cerner leurs représentations du vote RN dont le degré de conformité au programme du RN peut être très approximatif : que veut dire celui ou celle qui vote RN ? L'enquête met en évidence la grande dispersion sociale et la volatilité des votes FN : celles et ceux qui votent FN ne constituent pas un « électorat » mais, selon l'expression de Daniel Gaxie, « un conglomérat »38. Contre le racisme de classe et l'ethnocentrisme populiste, ce livre rassemble pour l'essentiel des enquêtes qui, dans différents registres, tentent d'élucider les « raisons » et les causes des votes RN au sein des classes populaires.
Ordre d'exposition Dans la première partie, Patrick Lehingue met en évidence deux ou trois « idées reçues »Â sur l'électorat du Front National, Daniel Gaxie souligne les contradictions de sa « résistible ascension » du FN. Julian Mischi montre ce que l'essor du FN doit à « la décomposition de la gauche ».
La deuxième partie aborde la question très controversée de la géographie du vote FN, opposant métropoles et périphéries, à travers deux enquêtes ethnographiques : celle d'Emmanuel Pierru et Sébastien Vignon s'intéresse aux territoires ruraux, celle de Violaine Girard aux zones périurbaines. L'enquête menée par le collectif « Focale » met en évidence les effets à long terme des héritages politiques de gauche et des sociabilités syndicales : longtemps après, ils font toujours obstacle au vote FN.
La troisième partie, la plus développée, est consacrée aux « raisons » des votes FN des classes populaires. Stéphane Beaud et Michel Pialoux, mettent d'abord en évidence les effets de « l'exacerbation des luttes de concurrence » au sein des classes populaires. Louis Pinto montre comment la promotion d'un « nouvel ordre moral » assure une cohérence implicite du « conglomérat RN ». Stéphane Beaud et Michel Pialoux étudient ensuite le cas d'un couple d'ouvriers confronté aux « désordres du quartier ». Gérard Mauger montre ce que le vote FN peut devoir au « souci de respectabilité » dans la situation de procès où sont prises les fractions « établies » et « marginales » des classes populaires. Romain Pudal, tente d'élucider « l'attrait » qu'exerce le FN sur les sapeurs-pompiers. Enfin, Lorenzo Barrault-Stella et Clémentine Berjaud, s'intéressent aux votes FN de deux jeunes de Lycée Professionnel.
La quatrième partie montre qu'en dépit des apparences (Jordan Bardella en « fils du peuple », « immigré » de surcroît), le RN, si l'on s'en tient à la composition de son appareil, est loin d'être un parti « populaire ». Safia Dahani montre qu'il est investi par les cadres du secteur privé (« en haut à droite » de l'espace social) et Guillaume Letourneur que « les petits moyens » échouent à s'y faire une place à la mesure de leurs ambitions.
En conclusion, Willy Pelletier témoigne de « l'ethnocentrisme militant » des groupuscules antifascistes et Gérard Mauger et Willy Pelletier s'interrogent sur les conséquences politiques à tirer des enquêtes rassemblées dans ce livre. -
L'État social à distance : Dématérialisation et accès aux droits des classes populaires rurales
Clara Deville
- Croquant
- Action Publique
- 22 Juin 2023
- 9782365123877
Cet ouvrage présente les résultats d'une enquête empirique portant sur le rapport aux administrations des classes populaires rurales. Il s'adresse toute personne intéressée par l'analyse des effets de la dématérialisation sur l'accès aux droits sociaux.
L'utilisation des outils numériques est de plus en plus répandue dans les administrations de l'État social. Alors qu'ils sont censés simplifier les démarches d'accès aux droits et lutter contre le non-recours, ils produisent, en pratique, des effets inverses à ceux escomptés. Ceci est d'autant plus problématique en milieu rural, où la dématérialisation s'accompagne de mouvements de retrait de l'État. Or, loin des centres urbains, les classes populaires sont confrontées, plus qu'ailleurs, aux effets des crises économiques et sociales, précarisant leurs conditions de vie et accroissant leurs dépendances vis-à-vis des droits sociaux.
Cet ouvrage donne à voir en quoi les réformes de dématérialisation entravent l'accès aux droits sociaux des classes populaires rurales. Reposant sur une monographie, l'enquête menée retrace leurs parcours d'accès au minimum social (le RSA, Revenu de solidarité active). Observant ce qui se joue en amont des guichets, elle met en évidence qui parvient à accéder à une prise en charge administrative et qui n'y parvient pas. L'un des principaux résultats est de montrer que, à rebours des discours politico-médiatiques portant sur l'assistanat et la fraude sociale, avant de devenir bénéficiaire du RSA, les demandeurs font l'objet de mécanismes de tris et de sélection. Ces mécanismes sont le résultat des normes imposées par les fonctionnements administratifs : normes de déplacements urbains, qui impliquent le franchissement de distances spatiales et sociales ; normes administratives, liées à la division du travail de l'accès aux droits et à la délégation d'une part des tâches aux demandeurs ; ou encore normes de comportement, liées aux représentations de ce qu'est un « bon » ou un « mauvais » pauvre. Dès lors, pour accéder au RSA, il faut suivre des chemins du droit au cours desquels on apprend à devenir un bénéficiaire de l'État social. Ce sont alors les plus précaires qui parviennent le plus difficilement à faire valoir leurs droits. Ainsi, cet ouvrage éclaire la manière dont l'action publique peut se transformer en un mécanisme de renforcement des inégalités sociales.