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Grasset
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« Tant de fois je me suis tenue avec des mourants et avec leurs familles. Tant de fois j'ai pris la parole à des enterrements, puis entendu les hommages de fils et de filles endeuillés, de parents dévastés, de conjoints détruits, d'amis anéantis... » Etre rabbin, c'est vivre avec la mort : celle des autres, celle des vôtres. Mais c'est surtout transmuer cette mort en leçon de vie pour ceux qui restent : « Savoir raconter ce qui fut mille fois dit, mais donner à celui qui entend l'histoire pour la première fois des clefs inédites pour appréhender la sienne. Telle est ma fonction. Je me tiens aux côtés d'hommes et de femmes qui, aux moments charnières de leurs vies, ont besoin de récits. » A travers onze chapitres, Delphine Horvilleur superpose trois dimensions, comme trois fils étroitement tressés : le récit, la réflexion et la confession. Le récit d' une vie interrompue (célèbre ou anonyme), la manière de donner sens à cette mort à travers telle ou telle exégèse des textes sacrés, et l'évocation d'une blessure intime ou la remémoration d'un épisode autobiographique dont elle a réveillé le souvenir enseveli.
Nous vivons tous avec des fantômes : « Ceux de nos histoires personnelles, familiales ou collectives, ceux des nations qui nous ont vu naître, des cultures qui nous abritent, des histoires qu'on nous a racontées ou tues, et parfois des langues que nous parlons. » Les récits sacrés ouvrent un passage entre les vivants et les morts. « Le rôle d'un conteur est de se tenir à la porte pour s'assurer qu'elle reste ouverte » et de permettre à chacun de faire la paix avec ses fantômes... -
Il n'y a pas de Ajar : monologue contre l'identité
Delphine Horvilleur
- Grasset
- Litterature Francaise
- 14 Septembre 2022
- 9782246831563
L'étau des obsessions identitaires, des tribalismes d'exclusion et des compétitions victimaires se resserre autour de nous. Il est vissé chaque jour par tous ceux qui défendent l'idée d'un « purement soi », et d'une affiliation « authentique » à la nation, l'ethnie ou la religion. Nous étouffons et pourtant, depuis des années, un homme détient, d'après l'auteure, une clé d'émancipation : Emile Ajar.
Cet homme n'existe pas... Il est une entourloupe littéraire, le nom que Romain Gary utilisait pour démontrer qu'on n'est pas que ce que l'on dit qu'on est, qu'il existe toujours une possibilité de se réinventer par la force de la fiction et la possibilité qu'offre le texte de se glisser dans la peau d'un autre. J'ai imaginé à partir de lui un monologue contre l'identité, un seul-en-scène qui s'en prend violemment à toutes les obsessions identitaires du moment.
Dans le texte, un homme (joué sur scène par une femme...) affirme qu'il est Abraham Ajar, le fils d'Emile, rejeton d'une entourloupe littéraire. Il demande ainsi au lecteur/spectateur qui lui rend visite dans une cave, le célèbre « trou juif » de La Vie devant soi : es-tu l'enfant de ta lignée ou celui des livres que tu as lus ? Es-tu sûr de l'identité que tu prétends incarner ?
En s'adressant directement à un mystérieux interlocuteur, Abraham Ajar revisite l'univers de Romain Gary, mais aussi celui de la kabbale, de la Bible, de l'humour juif... ou encore les débats politiques d'aujourd'hui (nationalisme, transidentité, antisionisme, obsession du genre ou politique des identités, appropriation culturelle...).
Le texte de la pièce est précédé d'une préface Delphine Horvilleur sur Romain Gary et son oeuvre. Dans chacun des livres de Gary se cachent des « dibbouks », des fantômes qui semblent s'échapper de vieux contes yiddish, ceux d'une mère dont les rêves l'ont construit, ceux d'un père dont il invente l'identité, les revenants d'une Europe détruite et des cendres de la Shoah, ou l'injonction d'être un « mentsch », un homme à la hauteur de l'Histoire.
« J'avais 6 ans lorsque Gary s'est suicidé, l'âge où j'apprenais à lire et à écrire. Il m'a souvent semblé, dans ma vie de lectrice puis d'écrivaine que Gary était un de mes « dibbouks » personnels... Et que je ne cessais de redécouvrir ce qu'il a su magistralement démontrer : l'écriture est une stratégie de survie. Seule la fiction de soi, la réinvention permanente de notre identité est capable de nous sauver. L'identité figée, celle de ceux qui ont fini de dire qui ils sont, est la mort de notre humanité. » -
« La voix des femmes est un manifeste féministe, et aussi une forme d'autobiographie. J'y explique comment et pourquoi, par la chance ou les circonstances, j'ai rencontré le féminisme à l'âge de vingt ans, avec le MLF. Et comment il a changé ma vie, engagé mes combats, et demeure, encore aujourd'hui, la cause démocratique et intellectuelle la plus importante.
Le texte est divisé en trois parties : le corps des femmes ; la puissance des femmes ; et la révolte des femmes. Il est constitué d'analyses, de lectures et de rencontres. Il se veut aussi un hommage à toutes celles qui en France s'occupent des femmes - par exemple le MLAC à Perpignan, la Maison des femmes en Seine-Saint Denis, la VIDIL à Villeurbanne, ou l'aide aux victimes à Avignon. Ces lieux sont invisibilisés et font un travail remarquable.
La voix des femmes s'inscrit dans le sillage de ma « maîtresse de pensée », Michelle Perrot, avec son livre Le temps des féminismes, où elle développe l'idée d'un féminisme ouvert, pluriel, tranquille et fier de l'être - à condition de respecter l'universalisme, de ne pas se déchirer entre factions et de lutter pour l'essentiel : l'égalité femme - homme ; la lutte contre toutes les violences sexuelles ; et la montée des extrêmes, qui développe le mépris voire la haine du féminisme. »
Laure Adler -
Le labyrinthe des égarés : l'Occident et ses adversaires
Amin Maalouf
- Grasset
- Essais Grasset
- 4 Octobre 2023
- 9782246830436
Une guerre dévastatrice vient d'éclater au coeur de l'Europe, qui ravive les pires traumatismes du passé ; des menaces de cataclysme nucléaire sont constamment agitées, alors qu'on les croyait définitivement écartées ; un bras de fer planétaire se déroule, opposant l'Occident à la Chine et à la Russie... Il est clair qu'un bouleversement majeur est en train de se produire, qui affecte déjà notre mode de vie, et qui remet en cause les fondements mêmes de notre civilisation. Chacun en a conscience, mais personne encore n'a contemplé cette crise avec la profondeur de champ qu'elle mérite.
Comment en est-on arrivé là ? Amin Maalouf remonte, dans ce livre, aux origines de ce nouvel affrontement entre l'Occident et ses adversaires, en retraçant l'itinéraire de quatre grandes nations : d'abord le Japon de l'ère Meiji, qui fut le premier pays d'Asie à défier la suprématie des nations « blanches », et dont la modernisation accélérée fascina l'humanité entière, notamment les autres pays d'Orient, qui tous rêvèrent de l'imiter ; puis la Russie soviétique, qui constitua, pendant trois-quarts de siècle, une formidable menace pour l'Occident, son système et ses valeurs, avant de s'effondrer ; ensuite la Chine, qui représente en ce vingt-et-unième siècle, par son développement économique, par son poids démographique et par l'idéologie de ses dirigeants, le principal défi à la suprématie de l'Occident ; et enfin les Etats-Unis, qui ont tenu tête à chacun des trois « challengers », et qui sont devenus, au fil des guerres, le chef suprême de l'Occident et la première superpuissance planétaire.
L'ensemble de ces récits constitue une grande fresque historique qui éclaire, comme on ne l'avait jamais vu jusqu'ici, les enjeux des conflits en cours, les motivations des protagonistes, et les étranges paradoxes de notre époque.
En exergue du livre, l'auteur cite cette parole si pertinente de Faulkner : « Le passé ne meurt jamais. Il ne faut même pas le croire passé. » -
Une vie heureuse
Ginette Kolinka, Marion Ruggieri
- Grasset
- Essais Grasset
- 25 Janvier 2023
- 9782246832386
Ginette Kolinka, qui va fêter ses 98 ans, habite le même appartement depuis qu'elle a dix ans.
Elle a toujours vécu là, rue Jean-Pierre Timbaud, au coeur de Paris, à l'exception de trois ans : de 1942 à 1945.
Cet appartement, c'est sa vie qui défile devant nos yeux. Il y a les portraits de ceux qui ne sont pas revenus de Birkenau : son père, son petit frère, son neveu.
Les disques d'or de son fils unique, Richard, batteur du groupe Téléphone.
Les photos de ses cinq soeurs, Ginette est la cadette, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants.
Les dessins des écoliers, à qui elle raconte désormais son histoire, tous les jours, aux quatre coins de la France.
Et même les meubles qu'ont laissés les « collabos ».
Ginette nous fait la visite.
On traverse le temps : l'atelier de confection de son père, la guerre, ce mari adorable et blagueur. Les marchés, qui l'ont sauvée. Et les camps qui affleurent à chaque page, à chaque pas.
Mais Ginette, c'est la vie ! Le grand présent. « On me demande pourquoi je souris tout le temps, mais parce que j'ai tout pour être heureuse ! » -
Le Vertige MeToo : Trouver l'équilibre après la nouvelle révolution sexuelle
Caroline Fourest
- Grasset
- Essais Grasset
- 11 Septembre 2024
- 9782246825661
« Nous vivons une nouvelle révolution sexuelle. Après la libération, voici venu le temps du respect. Sept ans après MeToo, pas jour sans que l'arène publique ne soit secouée par des révélations qui rencontrent enfin l'écoute. Revers de la médaille, des hommes et quelques femmes sont mis dans le même sac MeToo pour des accusations très différentes, allant de graves agressions sexuelles à des malentendus sexistes. Il y a ceux qu'on soupçonne d'avoir employé la force ou exercé leur emprise, et parfois de simples éconduits, à qui l'on reproche une maladresse isolée. Il y a les prédateurs que plusieurs dénoncent, et ceux qu'une seule femme accuse. Il y a les relaxés faute de preuves, et les blanchis qui vivent toujours à l'ombre du doute... Dans cette liste, beaucoup de coupables, enfin exposés, et quelques innocents, brûlés vifs sur le bûcher médiatique. La honte a changé de camp, mais la meute aussi. Et sa guillotine est à géométrie variable, selon qui accuse et la notoriété de l'accusé.
Comment reconnaître le faux MeToo du vrai ? Faut-il se fier uniquement à la presse ou attendre la justice ? Croire l'accusation sur parole ou respecter la présomption d'innocence ? Bannir à vie ou préférer une riposte graduée ? Ce livre a pour but de retrouver un équilibre, féministe et juste, après le vertige. »
C. F.
Du Mouvement de libération des femmes à l'après MeToo, de l'affaire Weinstein aux mille autres secouant le cinéma et les médias, jusqu'à son intime expérience, Caroline Fourest dissèque les ombres et lumières d'un séisme qui a changé nos vies. Un éclairage indispensable pour ne pas transformer une révolution en terreur, et garder le cap : celui de la lutte contre les abus de pouvoir. Cinquante nuances en zone grise. Pour sauver MeToo de ses excès -
Après Le droit d'emmerder Dieu, éloge du droit au blasphème, Richard Malka revient sur l'origine profonde d'une guerre millénaire au sein de l'Islam : la controverse brûlante sur la nature du Coran.
Plus qu'une plaidoirie, ces pages mûries pendant des années questionnent ce qu'il est advenu de l'Islam entre le VIIème et le XIème siècle, déchiré entre raison et soumission.
Les radicaux ont gagné, effectuant un tri dans le Coran et les paroles du Prophète, oppressant leurs ennemis - au premier rang desquels les musulmans modérés, les musiciens, artistes, philosophes, libres penseurs, les femmes et minorités sexuelles.
Plonger avec passion dans cette cassure au sein d'une religion n'est pas être « islamophobe », c'est regarder l'histoire en face.
Traité sur l'intolérance est une méditation puissante, un appel aux islamologues du savoir et de la nuance - pour qu'enfin chacun sache, comprenne, échange, s'exprime. -
Le temps des féminismes
Michelle Perrot, Eduardo Castillo
- Grasset
- Document Grasset
- 18 Janvier 2023
- 9782246830276
On ne naît pas féministe, alors comment le devient-on ? Précurseure de l'histoire des femmes, Michelle Perrot, 94 ans, livre ici un magnifique texte à la fois intime et théorique, livre d'histoire et autobiographie. Celle à qui son père conseillait de ne pas se mettre trop tôt un homme sur le dos, qui se rappelle avoir toujours voulu être comme les autres, abolir les différences avec les hommes, aborde son cheminement, de l'engagement chrétien au féminisme en passant par le communisme. Son itinéraire intellectuel, depuis sa thèse où elle voit rétrospectivement un regard presque masculin sur les femmes, donne à voir un siècle de changements sociétaux et la profondeur historique des luttes qui agitent aujourd'hui nos sociétés.
Première historienne à enseigner l'histoire des femmes en France, en 1973, Michelle Perrot nous emmène dans une épopée au féminin en explorant toutes ses ramifications : l'histoire de l'accession à l'égalité, l'histoire du patriarcat, l'histoire du mouvement féministe et des grands débats qui l'ont parcouru et structuré, sur le corps, le genre, l'universalisme contre le différentialisme, la sororité, MeToo. Dans ces pages, la grande histoire se mêle au destin des femmes qui ont porté leur cause et l'on voisine avec Artemisia Gentileschi, Olympe de Gouges, Lucie Baud, Christine Bard, Hubertine Auclert ; l'on dialogue avec Monique Wittig, Arlette Farge, Yvette Roudy, Antoinette Fouque...
La pensée lumineuse de Michelle Perrot, sans rien omettre des sujets les plus épineux, permet de déconstruire et parfois même de dépasser les clivages du féminisme contemporain. Le livre essentiel d'une pionnière, témoin d'un siècle de féminisme, dont l'engagement n'a d'égal que sa hauteur de vue. -
Gisèle Halimi : Soixante-dix ans de combats, d'engagement au service de la justice et de la cause des femmes. Et la volonté, aujourd'hui, de transmettre ce qui a construit cet activisme indéfectible, afin de dire aux nouvelles générations que l'injustice demeure, qu'elle est plus que jamais intolérable. Gisèle Halimi revient avec son amie, Annick Cojean, qui partage ses convictions féministes, sur certains épisodes marquants de son parcours rebelle pour retracer ce qui a fait un destin. Sans se poser en modèle, l'avocate qui a toujours défendu son autonomie, enjoint aux femmes de ne pas baisser la garde, de rester solidaires et vigilantes, et les invite à prendre le relai dans le combat essentiel pour l'égalité à l'heure où, malgré les mouvements de fond qui bouleversent la société, la cause des femmes reste infiniment fragile.
Depuis l'enfance, la vie de Gisèle Halimi est une fascinante illustration de sa révolte de « fille ». Farouchement déterminée à exister en tant que femme dans l'Afrique du Nord des années 30, elle vit son métier comme un sacerdoce et prend tous les risques pour défendre les militants des indépendances tunisienne et algérienne et dénoncer la torture. Avocate plaidant envers et contre tout pour soutenir les femmes les plus vulnérables ou blessées, elle s'engage en faveur de l'avortement et de la répression du viol, dans son métier aussi bien que dans son association « Choisir la cause des femmes ». Femme politique insubordonnée mais aussi fille, mère, grand-mère, amoureuse... Gisèle Halimi vibre d'une énergie passionnée, d'une volonté d'exercer pleinement la liberté qui résonne à chaque étape de son existence.
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque » : ces mots de René Char, son poète préféré, pourraient définir Gisèle Halimi, cette « avocate irrespectueuse », et sa vie de combats acharnés pour la justice et l'égalité. -
Depuis que j'ai quitté le Liban pour m'installer en France, que de fois m'a-t-on demandé, avec les meilleures intentions du monde, si je me sentais plutôt français ou plutôt libanais . Je réponds invariablement : L'un et l'autre ! Non par quelque souci d'équilibre ou d'équité, mais parce qu' en répondant différemment, je mentirais. Ce qui fait que je suis moi-même et pas un autre, c'est que je suis ainsi à la lisière de deux pays, de deux ou trois langues, de plusieurs traditions culturelles. C'est cela mon identité ?
Partant d'une question anodine qu'on lui a souvent posée, Amin Maalouf s'interroge sur la notion d'identité, sur les passions qu'elle suscite, sur ses dérives meurtrières. Pourquoi est-il si difficile d'assumer en toute liberté ses diverses appartenances ? Pourquoi faut-il, en cette fin de siècle, que l'affirmation de soi s'accompagne si souvent de la négation d'autrui ? Nos sociétés seront-elles indéfiniment soumises aux tensions, aux déchaînements de violence, pour la seule raison que les êtres qui s'y côtoient n'ont pas tous la même religion, la même couleur de peau, la même culture d'origine ? Y aurait-il une loi de la nature ou une loi de l'Histoire qui condamne les hommes à s'entretuer au nom de leur identité ?
C'est parce qu'il refuse cette fatalité que l'auteur a choisi d'écrire les Identités meurtrières, un livre de sagesse et de lucidité, d'inquiétude mais aussi d'espoir.
Amin Maalouf a publié les Croisades vues par les Arabes, ainsi que six romans : Léon l'Africain, Samarcande, les jardins de lumière, le Premier siècle après Béatrice, le Rocher de Tanios et les Echelles du Levant. -
La civilisation du poisson rouge ; petit traité sur le marché de l'attention
Bruno Patino
- Grasset
- 10 Avril 2019
- 9782246819295
« Le poisson rouge tourne dans son bocal. Il semble redécouvrir le monde à chaque tour. Les ingénieurs de Google ont réussi à calculer la durée maximale de son attention : 8 secondes. Ces mêmes ingénieurs ont évalué la durée d'attention de la génération des millenials, celle qui a grandi avec les écrans connectés : 9 secondes. Nous sommes devenus des poissons rouges, enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de nos messages instantanés.
Une étude du Journal of Social and Clinical Psychology évalue à 30 minutes le temps maximum d'exposition aux réseaux sociaux et aux écrans d'Internet au-delà duquel apparaît une menace pour la santé mentale. D'après cette étude, mon cas est désespéré, tant ma pratique quotidienne est celle d'une dépendance aux signaux qui encombrent l'écran de mon téléphone. Nous sommes tous sur le chemin de l'addiction : enfants, jeunes, adultes.
Pour ceux qui ont cru à l'utopie numérique, dont je fais partie, le temps des regrets est arrivé. Ainsi de Tim Berners Lee, « l'inventeur » du web, qui essaie de désormais de créer un contre-Internet pour annihiler sa création première. L'utopie, pourtant, était belle, qui rassemblait, en une communion identique, adeptes de Teilhard de Chardin ou libertaires californiens sous acide.
La servitude numérique est le modèle qu'ont construit les nouveaux empires, sans l'avoir prévu, mais avec une détermination implacable. Au coeur du réacteur, nul déterminisme technologique, mais un projet qui traduit la mutation d'un nouveau capitaliste : l'économie de l'attention. Il s'agit d'augmenter la productivité du temps pour en extraire encore plus de valeur. Après avoir réduit l'espace, il s'agit d'étendre le temps tout en le comprimant, et de créer un instantané infini. L'accélération générale a remplacé l'habitude par l'attention, et la satisfaction par l'addiction. Et les algorithmes sont aujourd'hui les machines-outils de cette économie...
Cette économie de l'attention détruit, peu à peu, nos repères. Notre rapport aux médias, à l'espace public, au savoir, à la vérité, à l'information, rien n'échappe à l'économie de l'attention qui préfère les réflexes à la réflexion et les passions à la raison. Les lumières philosophiques s'éteignent au profit des signaux numériques. Le marché de l'attention, c'est la société de la fatigue.
Les regrets, toutefois, ne servent à rien. Le temps du combat est arrivé, non pas pour rejeter la civilisation numérique, mais pour en transformer la nature économique et en faire un projet qui abandonne le cauchemar transhumaniste pour retrouver l'idéal humain... »B.P. -
Il faut prêter attention aux analyses d'Amin Maalouf : ses intuitions se révèlent des prédictions, tant il semble avoir la prescience des grands sujets avant qu'ils n'affleurent à la conscience universelle. Il s'inquiétait il y a vingt ans de la montée des Identités meurtrières ; il y a dix ans du Dérèglement du monde. Il est aujourd'hui convaincu que nous arrivons au seuil d'un naufrage global, qui affecte toutes les aires de civilisation.
L'Amérique, bien qu'elle demeure l'unique superpuissance, est en train de perdre toute crédibilité morale. L'Europe, qui offrait à ses peuples comme au reste de l'humanité le projet le plus ambitieux et le plus réconfortant de notre époque, est en train de se disloquer. Le monde arabo-musulman est enfoncé dans une crise profonde qui plonge ses populations dans le désespoir, et qui a des répercussions calamiteuses sur l'ensemble de la planète. De grandes nations « émergentes » ou « renaissantes », telles la Chine, l'Inde ou la Russie, font irruption sur la scène mondiale dans une atmosphère délétère où règne le chacun-pour-soi et la loi du plus fort. Une nouvelle course aux armements paraît inéluctable. Sans compter les graves menaces (climat, environnement, santé) qui pèsent sur la planète et auxquelles on ne pourrait faire face que par une solidarité globale qui nous fait précisément défaut.
Depuis plus d'un demi-siècle, l'auteur observe le monde, et le parcourt. Il était à Saigon à la fin de la guerre du Vietnam, à Téhéran lors de l'avènement de la République islamique. Dans ce livre puissant et ample, il fait oeuvre à la fois de spectateur engagé et de penseur, mêlant récits et réflexions, racontant parfois des événements majeurs dont il s'est trouvé être l'un des rares témoins oculaires, puis s'élevant en historien au-dessus de sa propre expérience afin de nous expliquer par quelles dérives successives l'humanité est passée pour se retrouver ainsi au seuil du naufrage. -
C'est sur un paquebot trop confortable, en route pour l'Amérique du Sud, que Stefan Zweig eut l'idée de cette odyssée biographique. Il songea aux conditions épouvantables des voyages d'autrefois, au parfum de mort salée qui flottait sur les bougres et les héros, à leur solitude. Il songea à Magellan, qui entreprit, le 20 septembre 1519, à 39 ans, le premier voyage autour du monde. Un destin exceptionnel...
Sept ans de campagne militaire en Inde n'avaient rapporté à Magellan le Portugais qu'indifférence dans sa patrie. Il convainc alors le roi d'Espagne, Charles-Quint, d'un projet fou ; Il existe un passage conduisant de l'océan Atlantique à l'océan Indien. Donnez-moi une flotte et je vous le montrerai et je ferai le tour de la terre en allant de l'est à l'ouest (C'était compter sans l'océan Pacifique, inconnu à l'époque..). Jalousies espagnoles, erreurs cartographiques, rivalités, mutineries, désertions de ses seconds pendant la traversée, froids polaires, faim et maladies, rien ne viendra à bout de la détermination de Magellan, qui trouvera à l'extrême sud du continent américain le détroit qui porte aujourd'hui son nom.
Partie de Séville avec cinq cotres et 265 hommes, l'expédition reviendra trois ans plus tard, réduite à 18 hommes sur un raffiot. Epuisée, glorieuse. Sans Magellan qui trouva une mort absurde lors d'une rixe avec des sauvages aux Philippines, son exploit accompli.
Dans ce formidable roman d'aventures, Zweig exalte la volonté héroïque de Magellan, qui prouve qu' une idée animée par le génie et portée par la passion est plus forte que tous les éléments réunis et que toujours un homme, avec sa petite vie périssable, peut faire de ce qui a paru un rêve à des centaines de générations une réalité et une vérité impérissables . -
Et maintenant, que faisons-nous ?
Flore Vasseur
- Grasset
- Document Grasset
- 2 Octobre 2024
- 9782246840312
« - Et toi, maman, tu fais quoi pour que la planète ne meure pas ? ».
Telle est la question d'un fils de sept ans, des questions que nous redoutons tous. Six des neuf limites planétaires sont franchies, annonçant des effondrements psychiques, économiques, sociaux et démocratiques en rafale. C'est une pensée impossible, comme une barrière infranchissable à la conscience... Alors que dire à nos enfants ? Comment leur donner envie de vivre ? Et nous, comment rester dignes ?
Pour tenter de répondre à son fils, Flore Vasseur est partie à la recherche de jeunes engagés à travers le monde, à peine plus âgés : à 15, 18 ou 25 ans, ils agissent là où adultes et autorités ont déserté. Droits des femmes au Malawi, liberté d'expression au Brésil, sauvetage des réfugiés en mer Méditerranée... Flore Vasseur a rassemblé leurs actions dans un documentaire exceptionnel, « Bigger than us », qui interpelle chefs d'entreprises et jeunes de toutes origines, confronte les uns à leurs décisions et (in)conséquences, et sensibilise à ce monde en pleine redéfinition.
Dans ces pages sans concession, d'une écriture libre, parfois vive, aussi tendre, Flore Vasseur ouvre de nouveaux chemins. Oui, le capitalisme et notre croyance folle en une croissance érigée en projet de société nous condamnent. Mais il y a quelque chose à tenter. À chaque instant, l'autrice cherche à convaincre, à lutter contre les préjugés ou les pensées limitantes. Et offre enfin, comme un espoir, des pistes humanistes, morales et politiques. En nos temps de fragmentation extrême, la seule réponse à la peur, c'est l'amour. -
« C'est un carnet de voyage au pays que nous irons tous habiter un jour. C'est un récit composé de choses vues sur la place des villages, dans la rue ou dans les cafés. C'est une enquête tissée de rencontres avec des gens connus mais aussi des inconnus. C'est surtout une drôle d'expérience vécue pendant quatre ans de recherche et d'écriture, dans ce pays qu'on ne sait comment nommer : la vieillesse, l'âge ?
Les mots se dérobent, la manière de le qualifier aussi. Aurait-on honte dans notre société de prendre de l'âge ? Il semble que oui. On nous appelait autrefois les vieux, maintenant les seniors. Seniors pas seigneurs. Et on nous craint - nous aurions paraît-il beaucoup de pouvoir d'achat - en même temps qu'on nous invisibilise. Alors que faire ? Nous mettre aux abris ? Sûrement pas ! Mais tenter de faire comprendre aux autres que vivre dans cet étrange pays peut être source de bonheur...
Plus de cinquante après l'ouvrage magistral de Simone de Beauvoir sur la vieillesse, je tente de comprendre et de faire éprouver ce qu'est cette chose étrange, étrange pour soi-même et pour les autres, et qui est l'essence même de notre finitude.
« Tu as quel âge ? » Seuls les enfants osent vous poser aujourd'hui ce genre de questions, tant le sujet est devenu obscène. A contrario, j'essaie de montrer que la sensation de l'âge, l'expérience de l'âge peuvent nous conduire à une certaine intensité d'existence. Attention, ce livre n'est en aucun cas un guide pour bien vieillir, mais la description subjective de ce que veut dire vieillir, ainsi qu'un cri de colère contre ce que la société fait subir aux vieux. La vieillesse demeure un impensé. Simone de Beauvoir avait raison : c'est une question de civilisation. Continuons le combat ! »L.A. -
Nous y étions : 18 vétérans racontent heure par heure le D-Day
Annick Cojean
- Grasset
- Document Grasset
- 15 Mai 2024
- 9782246838746
« Au printemps 1994, alors que se préparait la célébration du 50e anniversaire du Débarquement allié en Normandie, j'ai voulu essayer de rencontrer, au fil de mes reportages pour Le Monde, quelques vétérans du fameux 6 juin 1944. Je ne savais pas encore ce que je ferais de ces entretiens, mais je voulais les voir, les entendre, leur exprimer aussi ma gratitude. C'est étrange pour une journaliste d'avouer un tel sentiment, mais mon histoire y était pour beaucoup. Bien que Bretons d'origine, mes grands-parents, ma mère, ma tante, mes oncles avaient émigré à Caen. C'est là que le 6 juin 1944 les avait surpris, heureux, soulagés, excités, puis effrayés par la violence de l'opération et le bombardement de la ville (et de leur maison), et bientôt sur le chemin de l'exode.
Lorsque j'ai commencé à voir des vétérans américains, ils m'ont stupéfiée. Leurs souvenirs étaient d'une précision inouïe, leur envie de témoigner intense. Mes connaissances étaient balbutiantes, alors au restaurant, pour figurer les obstacles dressés par Rommel sur les plages normandes, ils prenaient des fourchettes et des couteaux, des stylos et des bouchons, et je les voyais, fascinée, me raconter Omaha la sanglante ou la prise héroïque de la pointe du Hoc.
Après toutes ces rencontres, j'ai proposé au directeur du Monde de raconter le 6 juin 1944, heure par heure, avec les différents acteurs de ce jour historique : les combattants des différentes armées, américaine, canadienne, anglaise, allemande. L'aumônier grande gueule du Commando Kieffer. Un résistant du maquis normand. Le plus jeune correspondant de guerre du D-Day, Charles Lynch, qui m'a bouleversée en racontant comment il avait sauté dans la mer, sous la mitraille, en tenant au-dessus de sa tête, sa machine à écrire et sa cage de pigeons voyageurs. Le speaker de la BBC qui avait la tâche, au petit matin, d'annoncer au monde entier l'opération Overlord...
Le journal m'a donné 18 pages, et je n'ai plus pensé qu'à ça. Reconstituer cette journée et donner corps au récit de ces hommes qui, pour la plupart, n'avaient à l'époque qu'une vingtaine d'années et ont vécu en terre normande les heures les plus folles, les plus tragiques de leur vie.
18 interlocuteurs, tous disparus aujourd'hui, 18 récits à la première personne pour revivre le Jour le plus long. »
A.C. -
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« Enfant, je m'imaginais en garçon. J'ai depuis réalisé un rêve bien plus grand : je suis lesbienne. Faute de modèles auxquels m'identifier, il m'a fallu beaucoup de temps pour le comprendre. Puis j'ai découvert une histoire, une culture que j'ai embrassées et dans lesquelles j'ai trouvé la force de bouleverser mon quotidien, et le monde. » Journaliste dans un quotidien pendant plusieurs années, la parole d'Alice Coffin, féministe, lesbienne, militante n'a jamais pu se faire entendre, comme le veut la sacrosainte neutralité de la profession. Pourtant, nous dit-elle, celle-ci n'existe pas.
Dans cet essai très personnel, Alice Coffin raconte et tente de comprendre pourquoi, soixante-dix ans après la publication du Deuxième sexe, et malgré toutes les révolutions qui l'ont précédé et suivi, le constat énoncé par Simone de Beauvoir, « le neutre, c'est l'homme », est toujours d'actualité. Elle y évoque son activisme au sein du groupe féministe La Barbe, qui vise à « dénoncer le monopole du pouvoir, du prestige et de l'argent par quelques milliers d'hommes blancs. » Elle revient sur l'extension de la PMA pour toutes, sur la libération de la parole des femmes après #Metoo ; interroge aussi la difficulté de « sortir du placard ». Et sans jamais dissocier l'intime du politique, nous permet de mieux comprendre ce qu'être lesbienne aujourd'hui veut dire, en France et dans le monde.
Combattif et joyeux, Le génie lesbien est un livre sans concession, qui ne manquera pas de susciter le débat. -
De Gaulle, une vie Tome 1 : l'homme de personne, 1890-1944
Jean-luc Barré
- Grasset
- Essais Grasset
- 18 Octobre 2023
- 9782246834175
L'auteur s'est fondé en grande partie sur les archives du Général, qu'il a été le premier historien à pouvoir exploiter et sur quantité d'écrits inédits tirés de sa correspondance ou exhumés des manuscrits de ses Mémoires. Il s'est appuyé également sur des fonds d'archives publics ou privés en France et à l'étranger, dont certains accessibles depuis peu. Un salutaire retour aux sources.
Loin de tout esprit hagiographique, Jean-Luc Barré s'est attaché à saisir l'homme du 18 juin dans toute sa complexité. Il n'occulte rien de ses aspects les plus contestables. En privilégiant une approche critique et équilibrée, il bouscule bien des contrevérités ou idées toutes faites sur sa vision de l'Histoire, de la France, de l'Europe et du monde, sa conception de l'Etat, des institutions, de l'exercice du pouvoir, de l'action politique, sociale et économique, de ses choix diplomatiques. Il révèle ainsi un de Gaulle guidé très tôt et avant même son entrée dans l'histoire par une vision, des principes et des convictions qui expliquent la cohérence de sa politique et n'ont rien à voir avec le seul pragmatisme qu'on lui a prêté. Il montre ainsi comment le Général eut, dès les années 30, l'intuition de la fin du système colonial, comment il Inventa les institutions de la Cinquième république en 1941 ; en quoi il fut dès cette époque un européen conscient des limites du nationalisme ; et ce qui fit de lui, réputé de droite, un contempteur souvent féroce des valeurs bourgeoises et du monde de l'argent.
On trouvera aussi dans ce premier volume des éléments nouveaux sur la part déterminante que son apprentissage du théâtre a joué dans l'élaboration de son personnage et son sens de la communication ; sur la véritable tragédie personnelle que représenta pour lui sa longue période de captivité durant la Grande Guerre, tournant majeur de son existence qui marque la fin prématurée de ses rêves de soldat et la naissance de l'homme d'Etat ; sur sa conversion de monarchiste en républicain de raison; sur ses relations avec Pétain, la résistance et les communistes ; son rôle dans l'assassinat de l'amiral Darlan ; son affrontement avec l'administration américaine; sa vision révolutionnaire d'un nouveau modèle de civilisation... Sa vie familiale, conjugale et sentimentale est ici traitée comme elle ne l'a jamais été auparavant, ainsi que ses relations avec les écrivains et intellectuels de son temps. -
Sartre avait montré dans Réflexions sur la question juive comment le juif est défini en creux par le regard de l'antisémite. Delphine Horvilleur choisit ici de retourner la focale en explorant l'antisémitisme tel qu'il est perçu par les textes sacrés, la tradition rabbinique et les légendes juives.
Dans tout ce corpus dont elle fait l'exégèse, elle analyse la conscience particulière qu'ont les juifs de ce qui habite la psyché antisémite à travers le temps, et de ce dont elle « charge » le juif, l'accusant tour à tour d'empêcher le monde de faire « tout » ; de confisquer quelque chose au groupe, à la nation ou à l'individu (procès de l'« élection ») ; d'incarner la faille identitaire ; de manquer de virilité et d'incarner le féminin, le manque, le « trou », la béance qui menace l'intégrité de la communauté.
Cette littérature rabbinique que l'auteur décortique ici est d'autant plus pertinente dans notre période de repli identitaire que les motifs récurrents de l'antisémitisme sont revitalisés dans les discours de l'extrême droite et de l'extrême gauche (notamment l'argument de l'« exception juive » et l'obsession du complot juif).
Mais elle offre aussi et surtout des outils de résilience pour échapper à la tentation victimaire : la tradition rabbinique ne se soucie pas tant de venir à bout de la haine des juifs (peine perdue...) que de donner des armes pour s'en prémunir.
Elle apporte ainsi, à qui sait la lire, une voie de sortie à la compétition victimaire qui caractérise nos temps de haine et de rejet. -
La rafle du Vel d'Hiv. Paris, juillet 1942
Laurent Joly
- Grasset
- Document Grasset
- 25 Mai 2022
- 9782246827795
La rafle dite du Vel d'Hiv est l'un des événements les plus tragiques survenus en France sous l'Occupation. En moins de deux jours, les 16 et 17 juillet 1942, 12 884 femmes, hommes et enfants, répartis entre Drancy (près de 4 900) et le Vel d'Hiv (8 000), ont été arrêtés par la police parisienne à la suite d'un arrangement criminel entre les autorités allemandes et le gouvernement de Vichy. Seule une petite centaine de ces victimes survivra à l'enfer des camps nazis.
Cette opération emblématique et monstrueuse demeure pourtant relativement méconnue. L'arrière-plan administratif et la logistique policière de la grande rafle n'ont été que peu étudiés, et jamais dans le détail. Légendes (tel le nom de code « opération Vent Printanier ») et inexactitudes (sur le nombre de personnes arrêtées ou celui des effectifs policiers) sont répétées de livre en livre. Et l'on ignore que jamais Vichy ne livra plus de juifs français à l'occupant que le 16 juillet 1942 !
D'où l'ambition, dans cet ouvrage, d'une histoire à la fois incarnée et globale de la rafle du Vel d'Hiv. Une histoire incarnée, autrement dit au plus près des individus, persécutés comme persécuteurs, de leur état d'esprit, de leur vécu quotidien, de leurs marges de décision. Mais aussi une histoire globale, soucieuse de restituer la multiplicité des points de vue, des destinées, et attentive au contexte de la politique nazie et de la collaboration d'État.
Une recherche largement inédite, la plus riche et variée possible, de la consultation de centaines de témoignages à une exploitation inédite des « fichiers juifs » de la Préfecture de police de Paris. Mais la partie la plus importante de l'enquête a consisté à rechercher des « paroles » de policiers : 4 000 dossiers d'épuration des agents de la préfecture de police ont été dépouillés. Parmi eux, plus de 150 abordent la grande rafle et ses suites. Outre les justifications de policiers, ces dossiers contiennent des paroles de victimes, des témoignages (souvent accablants) de concierges, et surtout des copies de rapports d'arrestation, totalement inédits.
Fruit de plusieurs années de recherche menées par l'auteur, où les archives de la police et de l'administration auront été méticuleusement fouillées, La Rafle du Vel d'Hiv apporte une lumière nouvelle sur l'un des événements les plus terribles et les plus difficiles à appréhender de notre histoire contemporaine. -
Au XIX siècle, lorsque l'homosexualité est inventée comme crime et maladie mentale en Europe, l'écrivain Karl Heinrich Ulrich est le premier à se déclarer « uraniste » et à affirmer les droits de « ceux qui aiment différemment ». Après lui, Preciado refuse le protocole médico-légal de changement de sexe et entreprend un projet de transformation de son corps et de sa subjectivité via l'auto-administration de testostérone. Il relate cette traversée, ce devenir « homme-trans », au fil de chroniques dans Libération entamées comme Beatriz et poursuivies une fois devenu Paul.
Il y développe une philosophie politique dépassant les questions de sexualité et évoque des questions politico-sociales comme le devenir néo-fasciste en Europe, la crise grecque, les luttes zapatistes au Mexique, le conflit en Catalogne.
Car la dualité sexuelle et son l'épistémologie binaire sont le cadre général de nos sociétés « technopatriarcales et hétérocentrées ». La masculinité s'y définit par le droit des hommes à donner la mort et la féminité par l'obligation des femmes à donner la vie. L'hétérosexualité est à la fois une politique du désir et un régime de gouvernement imposant un système de violence et de domination. Face à ce régime, la culture queer et trans est celle du l'expérimentation du genre et de la non-naturalisation des positions de pouvoir. Les corps sont équivalents, le pouvoir est redistribué.
En devenant Paul, Preciado, « dissident du système genre-genre », met en pratique la révolution sexuelle et politique qu'il appelle de ses voeux. Il propose ainsi une cartographie de technologies du pouvoir aussi bien qu'une guide des nouvelles stratégies de résistance à la norme. -
Notre homme à Washington : Trump dans la main des Russes
Régis Genté
- Grasset
- Document Grasset
- 16 Octobre 2024
- 9782246836681
Le 5 novembre prochain, Donald Trump sera de nouveau candidat à la présidence des Etats-Unis. Or il semblerait que l'homme soit depuis des décennies sous l'influence de Moscou. La première puissance occidentale sera-t-elle bientôt dirigée par un président « tenu » par une Russie en plein bras de fer avec l'Occident ?
Dans les années 1970, le KGB constate son retard dans le recrutement de sources. Aux Etats-Unis, il repère puis cultive un jeune développeur immobilier new yorkais ambitieux et sans scrupules : Donald Trump. Une cible toute désignée pour en faire un agent d'influence, objectif probablement atteint lors d'un premier voyage à Moscou, en 1987. A son retour, Trump prend des positions publiques critiquant l'OTAN, tout à fait dans la ligne du Kremlin.
Les services russes lui apportent des soutiens financiers discrets mais salutaires, par une ribambelle de mafieux soviétiques, d'espions et d'oligarques. Tous soutiennent Trump, souvent sans que l'intéressé comprenne les raisons de cette sollicitude. A chaque fois qu'il frôle la faillite, de généreux mafieux achètent des appartements dans ses Trump Towers ou investissent dans ses projets immobiliers. Ces sauvetages occultes laissent des traces d'argent russe, notamment à travers le rôle trouble de la Deutsche Bank.
L'incroyable campagne électorale de 2016 confirme les soupçons d'accointance du candidat avec le Kremlin : membres de son entourage en contact étroit avec les Russes, financements douteux, plus-value de 56 millions de dollars sur la vente de sa demeure à Palm Beach à l'oligarque Dmitry Rybolovlev, piratage de milliers d'emails de la candidate Hillary Clinton, etc. De fait, le président Trump se montre conciliant avec Moscou : il flatte Poutine, réitère sa volonté d'anéantir l'OTAN, prend des positions illibérales... La campagne actuelle va dans le même sens, Trump se déclarant prêt à cesser tout soutien à l'Ukraine.
A travers de solides recherches documentaires et des interviews sur le terrain, Régis Genté passe au crible les nombreux indices qui tendent à prouver que Trump est l'homme des Russes. Avec son élection, Poutine peut espérer l'arrêt du soutien américain à Kiev. Il en découlerait une victoire russe en Ukraine aux conséquences incalculables pour le monde libre. Si Trump est l'homme des Russes, il pourrait bien être le fossoyeur de l'Occident démocratique. -
La vie spectrale : penser l'ère du métavers et des IA génératives
Eric Sadin
- Grasset
- Essais Grasset
- 18 Octobre 2023
- 9782246831358
Le métavers n'est pas une fantasmagorie, c'est une réalité qui déjà nous environne autant qu'un puissant mouvement, celui de la pixellisation croissante de nos existences. Travail, enseignement, médecine, achats, loisirs et interactions ont lieu en ligne - et derrière nos écrans. Un seuil a été franchi avec l'apparition de l'intelligence artificielle générative dont le rôle n'est plus de gérer nos tâches mais de produire du langage, des images, du son... Nos facultés fondamentales sont en passe d'être déléguées à des machines. Bientôt, c'est la voix de ces robots qui nous guidera dans nos cavernes de pixels, à chaque étape de nos vies vouées à être sans trêve analysées, marchandisées, désincarnées.
Face à cette rupture sans précédent, une philosophie s'impose pour comprendre et agir. Mises en perspectives historiques, analyses des systèmes technologiques, décryptages des intérêts économiques et des conséquences civilisationnelles, La vie spectrale est autant une phénoménologie contemporaine que la pensée du monde qui vient. Un essai magistral et capital.