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Nouvelles Lignes
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Le corps utopique, les hétérotopies
Michel Foucault
- Nouvelles Lignes
- 20 Septembre 2019
- 9782355261954
Réédition du volume épuisé paru en 2009. Un autre ton de Foucault.
Un autre Foucault. Plus près de l'aveu de soi. Plus près de la littérature.
Deux conférences de 1966 : totalement inédite pour l'une (Le Corps Utopique) ; inédite sous cette forme pour l'autre (Les Hétérotopies).
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Dans ce recueil paru pour la première fois en 2012, dont il avait lui-même imaginé le contenu peu de temps avant sa disparition en 1992, Félix Guattari en appelle à une pratique de la cure psychiatrique au sein d'institutions qui sauraient renouveler leurs instruments et faire preuve, vis-à-vis de leurs patients, d'une créativité comparable à celle de l'artiste. Renouvellement qu'il souhaiterait voir étendu à d'autres secteurs de la société. Dans un sens élargi qui n'est pas sans rappeler Les Hétérotopies de Michel Foucault, Guattari en vient à affirmer : « [...] l'on se prend à rêver de ce que pourrait devenir la vie dans les ensembles urbains, les écoles, les hôpitaux, les prisons, etc., si, au lieu de les concevoir sur le mode de la répétition vide, l'on s'efforçait de réorienter leur finalité dans le sens d'un re-création permanente interne. »
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Sur le sens et l'usage du mot "gauche"
Dionys Mascolo
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 4 Mars 2022
- 9782355262074
Être de gauche, affirme Mascolo, c'est «?refuser?». Refuser?; quand être de droite, c'est accepter. Il n'y a qu'une seule forme - ou presque - d'acceptation, quand il y a tant de formes possibles du refus. «?C'est par rapport au projet révolutionnaire que la gauche laisse voir son sens, et non par rapport à la droite - posture où l'on peut se fixer, comme au bord d'un vide où l'on sait bien qu'on ne se jettera pas, quand même on s'obstinerait à en savourer l'attirance sa vie durant.?»
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Universel, le racisme l'est, tel que Jean-Loup Amselle l'interprête et l'analyse dans ce livre. Moins ancien qu'on ne le pense et plus partagé qu'on ne le croit. Partout le même, c'est-à-dire ne souffrant pas les différences de nature dont on voudrait l'affubler (à ce titre, affirme-t-il, l'antisémitisme est un racisme parmi les autres). Parce que la matrice en est la même, que l'Europe colonisatrice a mis à l'essai en Afrique (où il sévit sans faillir) avant de le répandre dans toute l'Europe.
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« [.] il est nécessaire à la vie de se tenir à hauteur de la mort », écrit Bataille dans La Limite de l'utile.
Commandement où se lit certes l'influence persistante de Hegel sur lui et le projet d'une histoire universelle qui portera bientôt le titre de La Part maudite ; commandement que Bataille déshégélianise cependant aussitôt en apportant cette précision : « Une communauté ne peut durer qu'au degré d'intensité de la mort, elle se décompose dès qu'elle manque à la grandeur particulière au danger. » Par quoi l'on voit que la question, dès lors, n'est pas pour lui qu'ontologique, mais sociologique aussi, et économique.
Certainement, l'une des singularités les plus grandes de son génie se mesure-t-elle au fait d'avoir su, durant les mêmes années du début de la guerre, mener de front l'écriture de L'Expérience intérieure et du Coupable, livres d'une expérience authentiquement intérieure, et celle de La Limite de l'utile, où l'expérience qui est entreprise est celle de l'universalité des formes de l'histoire.
Première version abandonnée de La Part maudite, La Limite de l'utile est aussi la seconde de « La Notion de dépense », écrit dix ans plus tôt. Mathilde Girard, qui postface cette édition, a raison d'y insister : il faut ne pas davantage séparer entre les textes qu'entre les expériences, il faut au contraire associer La Part maudite et La Limite de l'utile à L'Expérience intérieure, au Coupable, à la Méthode de méditation, rédigés dans les mêmes années. Ne pas les séparer pour mesurer que la recherche qui les soutient veut être menée par un fou, un saint (c'est ainsi que Bataille entend s'emparer des conclusions de la science). La proposition de l'économie générale est impossible mais elle est seule à pouvoir soutenir l'expérience d'une connaissance liée à la perte de sens. La Limite de l'utile serait ainsi la version souveraine de La Part maudite - son revers, son ombre. Les arguments sont là, la généalogie de la gloire, de sa déchéance, mais comme portés par rien - rendus inutiles exactement.
À cet endroit, cette « version abandonnée » de La Part maudite fait ressusciter un appel, une exigence, qui sont autant ceux d'une économie qui ne mépriserait pas la vie (jusque dans la mort), que d'une pensée qui contredit la promesse de toute consolation dans la spéculation capitaliste. Se soustraire à l'utilité - des activités, de la pensée - est un processus infini que commande une écriture infinie qui attend d'être communiquée.
Mathilde Girard : « À quoi reconnaît-on aujourd'hui une conduite glorieuse - une conduite glorieuse humainement, c'est-à-dire qui n'attendrait ni de l'au-delà ni de l'argent les bénéfices de sa dépense ? Cela se peut-il encore que des êtres, des groupes ou des communautés s'entendent à ne rien vouloir gagner - à pouvoir perdre ?
Avec la «notion de dépense», Georges Bataille nous parle de quelque chose qui n'a peut-être jamais existé et qui s'éloigne toujours davantage de l'horizon de notre économie. Ce n'est pas que le capitalisme ne sache pas gaspiller et détruire, c'est qu'il a depuis longtemps dépassé ses capacités réelles - il les a même troquées pour une activité imaginaire (une spéculation) qui a le pouvoir de faire apparaître de nouveaux territoires à coloniser. Il se passe de nous.
Ce qui brille, alors, et qui nous attire, qu'est-ce que c'est ?
Bataille répondra : ce n'est rien. »
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La pensée dispersée ; figures de l'exil juif
Enzo Traverso
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 18 Janvier 2019
- 9782355261916
Hannah Arendt, Siegfried Kracauer, Walter Benjamin, Hermann Broch, Theodor W. Adorno...
Ces grands penseurs judéo-allemands ont pour point commun d'avoir dû fuir leur pays après l'accession au pouvoir de Hitler en 1933.
Dès lors, c'est seuls, errants, étrangers, apatrides, que ceux qui ont survécu à cette fuite ont produit quelques-unes de leurs oeuvres majeures. Quelle influence l'exil a-t-il eue sur celles-ci, quelle place leur pensée a-t-elle prise dans leur pays d'accueil ?
Enzo Traverso traite de cette rupture tragique au travers de leurs oeuvres d'exil et des correspondances échangées avec les amis éloignés.
OEuvres et correspondances où les questions de la non-appartenance nationale et du « monde perdu » sont abordées en tant que questions non pas seulement existentielles, mais surtout intellectuelles Publié une première fois en 2004, La Pensée dispersée reparaît ici considérablement augmenté de deux textes, pour l'un sur Kracauer, pour l'autre sur Adorno ; et d'une très longue étude sur l'exil des intellectuels juifs italiens.
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La méthode de la scène
Jacques Rancière, Adnen Jdey
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 17 Mai 2018
- 9782355261848
« Scène ». Il n'est pas exagéré de dire qu'aucune catégorie n'est davantage associée à la philosophie de Jacques Rancière. L'impulsion fondamentale de son travail, depuis ses folles nuits prolétaires, a toujours été d'interroger la manière dont les partages de la pensée reconduisent, sous la distribution des corps en communauté, une division entre ceux à qui le logos est reconnu et ceux à qui il est nié. Et si le travail du partage ne pouvait s'identifier comme l'objet de la pensée sans être en même temps la mise en oeuvre de sa méthode ? L'un des aspects les plus saillants de ce rapport très étroit entre objet et méthode, dans la philosophie de Jacques Rancière, est le rôle qu'y joue la « mise en scène ». Contre la hiérarchie des niveaux de réalité et des régimes de discursivité, la méthode de la scène se dote en effet d'une double valeur. Polémique, elle construit une différence dans un champ d'expérience ; et assertative, elle trace une transversale aux frontières des savoirs ainsi qu'aux contextualisations historiques. Induite ou construite, identifiée ou en puissance sous d'autres scénarios, la scène permet de mettre au jour ce qui travaille l'identité contrariée des productions de l'art et des fictions politiques. Ce que la méthode de la scène dit en creux de cette logique du dissensus, c'est la possibilité de constituer une puissance subjective qui renvoie à la condition politique de l'égalité.
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La Souveraineté est l'un des livres les plus importants de Georges Bataille, en même temps que l'un des moins connus.
Il devait tenir lieu de tome II de l'ensemble regroupé par lui sous le titre de La Part maudite (le troisième et dernier tome étant L'Érotisme). Abandonné, bien que presque achevé, il n'a jamais fait l'objet d'une publication séparée. La Souveraineté est aussi l'un de ses projets les plus ambitieux, dans lequel il oppose sa conception de la souveraineté - soit "l'emploi des ressources à des fins improductives" - aux conceptions passées (religieuses) et récentes (le communisme) de la souveraineté.
"Bien entendu la souveraineté ne peut être donnée pour le but de l'histoire. Je représente même le contraire : que si l'histoire a quelque but, la souveraineté ne peut pas l'être". "Le monde souverain a sans doute une odeur de mort, mais c'est pour l'homme subordonné ; pour l'homme souverain, c'est le mode de la pratique qui sent mauvais ; s'il ne sent pas la mort, il sent l'angoisse, la foule y sue d'angoisse devant des ombres, la mort y subsiste à l'état rentré, mais elle l'emplit".
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La tradition allemande dans la philosophie
Alain Badiou, Jean-Luc Nancy
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 11 Septembre 2017
- 9782355261749
Y a-t-il une philosophie allemande ? Ou y a-t-il des moments de la philosophie, tantôt française, tantôt allemande, tantôt même française et allemande ? Le xviie constituerait le moment français, le xixe le moment allemand ; et le xxe, le moment franco-allemand - selon Badiou du moins. Nancy pense plutôt que la philosophie allemande a cessé au xxe siècle avec l'exil de ses plus éminents représentants : « ou bien ils ont émigré, ou bien ils ont quasiment tous fait silence quand ils n'ont pas suivi le régime ; un seul [Heidegger] est devenu «archifasciste» » Les grands philosophes allemands sont amplement évoqués, de Kant à Adorno ; Kant, le premier, qui occupe une part non négligeable du dialogue, qui n'est d'ailleurs pas le même pour Badiou et Nancy, que Badiou, dit-il, admire mais n'aime pas, que Nancy, qui lui a consacré sa thèse, lit avec une mansuétude et un intérêt beaucoup plus grands.
Hegel ensuite, que l'un comme l'autre tiennent pour essentiel, quoiqu'ils ne le lisent pas pareillement (leçon qui vaut pour la lecture que chacun fait en général des grandes oeuvres de la philosophie) ; que Nancy lit pour elle-même (dans le texte) mais aussi à la lumière des innombrables interprétations que cette oeuvre a suscitées (de l'histoire de sa réception) ;
Qu'au contraire Badiou lit en quelque sorte à la lettre, « naïvement » dit-il lui-même, comme il dit lire toutes les grandes oeuvres. Question de contemporanéité :
L'un voulant rester leur contemporain, l'autre voulant l'être et d'elles et de ce qui est né d'elles. Nancy :
« [...] nous ne pouvons pas nous rapporter à eux comme à nos contemporains. Nous sommes forcément après, nous les relisons [...] » ; Badiou : « [...] tu dis : les interprétations successives modifient tout ça. Eh bien non, ça ne modifie pas les assertions explicites des philosophes quant à ce qu'est réellement leur projet. »
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L'une des oeuvres maîtresses de la critique communiste, écrite au sortir du parti par celui qui, associé à Blanchot, Antelme et Duras, mènera de 1955 à 1970 les actions intellectuelles-politiques les plus marquantes (le « Manifeste des 121 », entre autres).
Publié en 1953 chez Gallimard, Le Communisme n'a jamais été réimprimé, et est introuvable depuis.
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REVUE LIGNES n.71 : Jean-Luc Godard : encore et après
Michel Surya
- Nouvelles Lignes
- Revue Lignes
- 19 Mai 2023
- 9782355262135
Peu de figures en même temps intellectuelles, artistiques et culturelles auront donné autant que la sienne à penser (auront « aidé à vivre » non moins).
Jean-Luc Godard est mort le 13 septembre dernier, volontairement, laissant inachevé le dernier film auquel il travaillait.
Il s'était plaint un jour d'être connu plutôt que reconnu. Connu ou reconnu, son nom ou sa signature le sont quoi qu'il en soit davantage que son oeuvre, qu'ils recouvrent trop souvent - cependant que cette dernière, paradoxalement, doive peut-être à ce nom et à cette signature ses conditions d'existence. oeuvre qui n'a pas fini de se déployer et de se réaliser, de cheminer malgré l'inévitable destin de trésor national qui lui est réservée. Il serait certes impossible d'en faire le tour dans le seul espace d'un numéro de Lignes. C'est à partir d'elle cependant, de ses mille et une formes ou déclinaisons que nous vous invitons à faire le point -
Presque inconnues, ces « adresses » de Georges Bataille à André Breton sous forme de « Lettres ouvertes à des camarades » marquent l'apogée de la très violente altercation des deux hommes au tournant des années trente. Le motif : Sade, et l'usage qu'on en fait. Un usage de fou, selon Breton parlant de Bataille ; d'hypocrite, selon Bataille parlant de Breton. Ceci cependant en résulte qui identifie exemplairement Bataille : c'est dans ces textes qu'apparaît et se constitue le concept d' « hétérologie ».
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Pourquoi la guerre aujourd'hui ?
Jean Baudrillard, Jacques Derrida
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 8 Avril 2015
- 9782355261435
Début 2003, un impressionnant dispositif de guerre a pris position dans le Golfe. On soupçonne le dirigeant de l'Irak, Saddam Hussein, de disposer d'armes de destruction massive et de s'apprêter à en faire usage contre les États-Unis d'Amérique. On lui prête même, contre toute évidence, des liens étroits avec Oussama Ben Laden, le commanditaire présumé des attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington. Le président des États-Unis, George W. Bush, dont l'élection avait été contestée en l'an 2000, réunit autour de lui une équipe de « néo-conservateurs » qui, de longue date et bien avant qu'elle soit au pouvoir, n'a pas caché sa volonté de rompre avec toute politique de containment (retenue), préconisée par le précédent gouvernement, pour s'en prendre de manière radicale aux États qu'elle considérait comme des « États voyous » (Rogue States).
Bien que la commission d'enquête des Nations Unies ne parvienne pas à trouver trace en Irak d'armes chimiques, biologiques ou nucléaires, le département d'État américain s'évertue à tenter de convaincre, aussi bien le peuple que les représentants des États membres des Nations Unies, du réel danger que représente l'Irak. Plus encore que d'avoir percé le bouclier de son invulnérabilité, avec l'effondrement des tours jumelles, le 11 septembre lui laisse entrevoir le spectre, bien pire encore, d'un attentat bactériologique ou nucléaire.
C'est dans ce même mois, le 19 février 2003, alors que s'intensifient les préparatifs de guerre, que René Major et l'Institut des hautes études en psychanalyse ont l'idée d'organiser cette rencontre publique inédite (il faut y insister), et hélas unique (Jaques Derrida décédera l'année suivante), de deux des plus grands intellectuels français (sans doute des deux intellectuels français les plus connus à l'étranger), pour débattre de la situation. Débat intense, où chacun confronte ses analyses, moins à son interlocuteur qu'à la situation, teste leur validité théorique (qu'est-ce qu'un événement ?
Qu'est-ce qui résiste du réel quand le virtuel lui dispute l'hégémonie de la représentation ?
Qu'y entre de l'inconscient ? Quelle autorité a encore le droit, même international ?, etc.) René Major, qui alimente brillamment ce dialogue, présente et conclue, longuement, en 2014, cet échange que leurs auteurs s'étaient accordé à publier.
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Le radeau démocratique ; chroniques des temps incertains
Sophie Wahnich
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 8 Février 2017
- 9782355261657
Chroniques vives et sensibles, écrites au plus près des faits, dans le but de protéger ceux qui viennent d'ailleurs et à qui on refuse d'être d'ici ; de défendre un désir d'égalité jamais atteinte, et qui régresse au contraire ; de sauver la mémoire des morts mis en danger par la falsification de l'histoire ; de raviver un vécu, celui de tout un chacun quand il foule un certain sol touristique européen, fait de guerres et de dénis de leurs traces physiques et psychiques ; de conforter l'idée de peuple ; de comprendre d'où vient notre rapport au partage droite/gauche, à l'universel, et comment ces mots simples et forts sont devenus confus et indisponibles ; d'analyser comment la démocratie ne nous est pas seulement confisquée par la dette et les financiers de la BCE, mais par une langue qui falsifie la perception du monde et fait oublier la grandeur de la démocratie, fait oublier la voix de la vérité comme voix du peuple, fait oublier que le peuple n'est pas une collection d'habitants en colère, mais une institution de l'être au monde politique qui vise la liberté réciproque, les conditions d'un bonheur commun et la félicité individuelle.
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L'oeuvre théorique de Jean-Paul Curnier est la mieux connue, parmi les plus singulières, et les plus remarquables. Pensée et écrite par une sorte d'Alceste politique, dont il ne suffit pas de dire qu'il n'a pas fait tout ce qu'il fallait pour qu'elle soit plus connue, dont il faut au contraire dire qu'il a beaucoup fait pour qu'elle le soit moins, en tout cas pas de n'importe qui, de peur de ressembler à tous ceux qui se font trop connaître pour de mauvaises raisons. On dira en langage d'époque que Jean-Paul Curnier fut un « radicalchic », quand il faudrait dire qu'il était simplement mais impérieusement jaloux de sa liberté, laquelle ne se négociait pas. Incompromis, « incompromissible » si le mot existait (mais il n'existerait que si la chose elle-même existait).
On connaît moins son oeuvre littéraire. Du moins n'en a-t-on rien pu lire depuis l'admirable - et admiré - Peine perdue (éditions Léo Scheer, 2002). Un fort volume (350 pages) où il était enfin rendu possible de la découvrir. Une tout autre oeuvre, qui nous a découvert un tout autre auteur, peut-être, même aux meilleurs de ses amis, un tout autre homme (mais non, le même, mais intime). Rien là de sa tonitruance politique : à l'opposé, des mélodies douces-amères, des variations infimes mais infinies sur la peine de vivre, sur le malentendu d'amour, sur les mécomptes de soi, amusés et pas même amers, sur le rien qu'on ne sait pas comment fuir, mais qu'on ne fuit pas sans risque, parce que la déception est inhérente à toute fuite, et parce que le malentendu alors n'en est que plus épais. Tout y est d'un humour modeste et triste, léger et incrédule, sans reproche aucun, sans plainte non plus - délicat à l'extrême. La vie est comme on dit : le fait est, dont il faut rire. Rire (d'un rire léger) du fait qu'il faille être deux dans l'amour et qu'il y en ait toujours un de trop : soit qu'il n'y trouve pas sa place soit que l'autre ne la lui reconnaît pas. Rire de ce qu'il n'arrive rien (constante de cette mélodie) ou que ce qui arrive soit arrivé pour rien (sinon pour se retrouver vite un peu plus seul). Et que ce que retrouve alors celui qui est plus seul qu'avant, ce n'est pas lui, ou lui seul, mais lui en pire. Rire de ce que chacun soit deux, deux au moins, ce qui complique tout de même considérablement l'équation amoureuse.
Heureusement, écrit-il, mais est-ce que ça suffit à rendre « heureux » : « Rien n'arrive ! Et ça arrive souvent ! » Et s'il arrive tout de même quelque chose, qui sait par quelle mégarde, « Ce qui arrive/ est nécessairement rien du point de vue du futur,/ car rien ne saurait mettre fin au rien/ sans à son tour être promis à rien.// Vu de cette façon,/ ce qui arrive peut être regardé avec un grand soulagement. » Si rien n'arrive, partir serait la solution (autre constante de ce livre). Sauf que tout départ avorte, parce que tout départ, par le fait, est un faux départ (« Le faux départ est faux partout, parce que sans être parti/ on voudrait surtout ne pas avoir à être là/ et c'est un faux rester. »).
Par-dessus tête est constitué de tous les textes « littéraires » introuvables de Jean-Paul Curnier (parus si confidentiellement) ou inédits. De deux longs récits, (« Ici et ailleurs » et « La vie recommencée »), des sortes de nouvelles, et de... quels noms leur donner ?
Des chansons ou des poèmes de la vie ordinaire, (« L'extrême ordinaire » est le titre de l'un d'eux - sous-titre programmatif : « De l'incommunicabilité heureuse ») où ce qui se passe ne se passe pas dans un faste d'opéra, mais plutôt entre supérette et cafétéria.
Lieux des vies où (presque) rien n'arrive.
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L'idéal et la cruauté ; subjectivité et politique de la radicalisation
Fethi Benslama
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 16 Novembre 2015
- 9782355261480
Quels sont les ressorts subjectifs du processus de radicalisation et du passage à l'action violente ?
Quels enseignements peut-on tirer au regard de la clinique et de l'étude des trajectoires individuelles ?
Comment penser ce problème au carrefour de la psychologie individuelle et collective ? Ce livre, qui réunit les contributions de psychanalystes, de psychiatres, d'anthropologues, vise à éclairer les articulations à travers lesquelles des jeunes peuvent être saisis par un discours guerrier et, dans certains cas, les autorisent à devenir « tueur au Nom de. ». Les cristallisations existentielles qui conduisent vers de tels engagements n'obéissent pas à un modèle aussi univoque et déterministe qu'on le prétend généralement.
Une cartographie reste à établir, mais ici l'entrée par la coordonnée de l'idéal permet de lire comment, par le jeu de l'offre et de la demande autour de la figure de la victime et du vengeur, peuvent se déclencher des mises à disposition intimes à des souverainetés cruelles.
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Paru en 1963 dans la revue Critique, une année après la mort de Georges Bataille, ce texte d'hommage du jeune Michel Foucault inaugure la postérité de Georges Bataille en tant que philosophe.
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L'idée du communisme ; conférence de Londres, 2009
Collectif
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 21 Janvier 2010
- 9782355260438
Une quinzaine de philosophes parmi les plus importants se sont réunis à Londres, en mars 2009, pour une conférence organisée à l'initiative d'Alain Badiou et de Slavoj Zizek, intitulée " On the idea of Communism ".
Par-delà leurs différences spéculatives et politiques, tous y ont affirmé leur attachement inentamé au mot et à l'Idée du "communisme". Seul mot, seule idée à pouvoir selon eux désigner et penser les conditions d'une " alternative globale à la domination du capitalo-parlementarisme " (A. Badiou), d'une " réforme radicale de la structure même de la démocratie représentative" (S. Zizek). Le présent volume réunit la totalité des interventions prononcées à l'occasion de cette conférence, qui connut un succès considérable.
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L'édition n'est plus l'activité artisanale et « héroïque », concentrée dans le Quartier latin de Paris, que l'on se plaît à figurer.
Martine Prosper, secrétaire générale du Syndicat national Livre-Édition CFDT, propose ici l'examen critique d'un secteur d'activité globalement profitable, qui s'est progressivement soumis au règne des « petits hommes gris », les contrôleurs de gestion. S'attachant en particulier aux aspects structurels et quantitatifs trop souvent confinés dans les rapports officiels, elle dénonce l'hypocrisie d'une situation dans laquelle, sur fond de crise économique, de « révolution numérique », et sous couvert de « prestige du métier », des pratiques sociales rétrogrades se donnent libre cours.
En cette période de déréglementation systématique du droit du travail, il lui a en outre paru utile de rappeler les principales dispositions légales relatives au travail à domicile, à l'emploi des stagiaires, etc. ? dispositions que ce volume résume en annexes.
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Le sens de cet ouvrage de philosophie fort singulier se déploie dans l'exercice de la chasse à l'arc. Aussi, très vite, la pensée dont il est question est celle à la fois du fait de devoir tuer pour manger et celle de savoir qui tue qui étant donné l'expérience particulière de la chasse à l'arc. Pourtant cette expérience est celle de l'homme qui nous a précédés.
Elle implique une confusion, une sorte d'osmose entre la proie et le chasseur dont la trace dans les civilisations contemporaines n'a pas totalement disparu.
Inversement, cette expérience implique un rapport de fraternité avec la matière du monde (avec la « chair » des êtres du monde) qui ne permet pas de penser le rapport aux animaux ni à la prédation en général de la même façon que celle que nous connaissons et qui élargit notre sensation d'appartenance au vivant et à l'humain d'une manière considérable. Non seulement les notions de bien et de mal n'y sont plus les mêmes, mais l'éthique qui règle les rapports entre les êtres ne se fonde pas sur les mêmes assurances.
Venant comme en prolongement de cette osmose dans le rapport de vie et de mort pour la nutrition, la chasse à l'arc, du fait de la courte portée des flèches, implique un rapprochement maximal avec les proies.
Cela signifie d'une part une connaissance approfondie et presque intime des animaux mais aussi une faculté commune à une très grande partie des êtres vivants qui prend tout son sens ici pour le chasseur : celle du camouflage, du brouillage des apparences, de la discrétion absolue de soi. Jusqu'à ne plus exister que comme un animal, précisément.
Se camoufler, ce n'est pas se cacher, c'est jouer avec les perceptions de l'autre, c'est troubler ses habitudes, introduire de l'incongru dans sa connaissance, souvent très étendue, de l'homme comme prédateur. Alors, l'expérience de l'arc devient une expérience décisive qui ne permet plus de retour en arrière et ne peut plus se contenter de faux-fuyants.
Ici commence une forme de réflexion sur les questions qui agitent notre époque et qui, c'est le sens de cette soirée de présentation et de discussion, ouvre sur trois questions essentielles :
- celle de la morale que l'homme voudrait s'imposer vis-à-vis de la Terre et vis-à-vis de l'environnement, - celle de la propriété comme règle générale de l'existence des hommes sur Terre et des droits et devoirs qu'elle implique, - celle du pouvoir comme forme de mise en suspens de la guerre de tous contre tous, mais avant tout comme émanation de la guerre et évocation constante de la guerre.
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Dans ce sixième volume de la série "Circonstances", Alain Badiou examine en philosophe les derniers bouleversements du monde : révolutions arabes (Tunisie, Egypte), révoltes européennes (Espagne, Grande-Bretagne) et crise financière généralisée.
C'est pour lui l'occasion de mettre à l'épreuve ses théories de l'événement et de l'Idée communiste. Prenant le contre-pied du motif de la fin de l'Histoire qui a accompagné la chute du mur de Berlin, Alain Badiou réaffirme le caractère toujours neuf et enthousiasmant de la volonté d'émancipation dont témoigne exemplairement l'actuel "temps des émeutes". Ce temps, qui annonce selon lui un "réveil de l'Histoire", il incombe maintenant à la philosophie de l'accompagner et de le penser.
"De même que les révolutions de 1848, au-delà de leurs échecs circonstanciels, ont sonné pour un siècle et demi le retour de la pensée et de l'action révolutionnaires, de même les soulèvements en cours dans le monde arabe, au-delà des replâtrages que va tenter de leur imposer la "communauté internationale" sonnent, à l'échelle mondiale, le retour de la pensée et de l'action des politiques émancipatrices".
"Une politique tient pour éternel ce que l'émeute a mis au jour sous la forme de l'existence d'un inexistant, et qui est le seul contenu d'un réveil de l'Histoire".
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En 1998 paraissait un essai singulier et prophétique, au titre sans appel: Vivre et penser comme des porcs.
Celui-ci connut alors un retentissement considérable. L'année suivante, son auteur, Gilles Châtelet, se donnait la mort. L'un des premiers, le mathématicien et philosophe qu'il était avait su analyser avec rigueur le processus de domestication généralisée imposé par ce qu'il était alors convenu de nommer le " nouvel ordre mondial ". Ordre de la " démocratie-marché", qu'il qualifiait de "cyber mercantile" et contre lequel il appelait à la constitution d'un front du refus.
Vivre et penser comme des porcs avait été précédé de nombreuses interventions, conférences et articles inédits ou devenus introuvables, sans lesquels il n'eût pas été possible. Nous les réunissons ici sous le titre de l'un d'entre eux: " Les Animaux malades du consensus". Il en résulte un recueil flamboyant, qui frappe par la pertinence et l'actualité de ses analyses.
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L'explication
Alain Badiou, Alain Finkielkraut, Aude Lancelin
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 22 Mai 2010
- 9782355260520
Les deux « adversaires » ici en présence témoignent, dans le débat d'idées, de deux visions irréconciliables. Tout, dans leurs prises de positions respectives, les sépare : Alain Badiou comme penseur d'un communisme renouvelé ; Alain Finkielkraut comme observateur désolé de la perte des valeurs. La conversation passionnée qui a résulté de leur face-à-face - organisé à l'initiative de Aude Lancelin - prend souvent la tournure très vive d'une « explication », aussi bien à propos du débat sur l'identité nationale, du judaïsme et d'Israël, de Mai 68, que du retour en grâce de l'idée du communisme. Mais le présent volume ne se réduit pas à la somme de leurs désaccords. Car ni l'un ni l'autre ne se satisfont, en définitive, de l'état de notre société ni de la direction que ses représentants politiques s'obstinent à lui faire prendre. Si leurs voix fortes et distinctes adoptent, un moment, une tonalité presque semblable, c'est sur ce seul point.
Ce face à face exceptionnel rend saillantes les principales lignes de fracture de la politique et de la pensée française, que le jeu politico-médiatique n'expose le plus souvent que pour les brouiller un peu plus. C'est ici le double sens du titre « L'Explication » : une vive conversation où s'opposent des points de vue éloignés ou irréconciliables, en même temps qu'un effort commun de clarification.
Alain Badiou et Alain Finkiekraut incarnent deux visions politiques et théoriques diamétralement opposées. Leurs rencontres, intervenues à l'invitation d'Aude Lancelin pour le Nouvel Observateur puis pour préparer le présent volume, portèrent en premier lieu sur la décision du gouvernement de faire une nouvelle fois de « l'identité nationale » un thème de campagne (décision portée par Éric Besson qui donna lieu, comme on le sait, à des rencontres organisées dans les préfectures à la fin de l'année 2009 et au début de l'année 2010). Au sujet de l'identité, Alain Finkielkraut appartient au camp de ceux qui considèrent que la France ferait face à une crise profonde, qui prendrait la forme, selon lui, d'une « exécration [...] de la France dans une fraction non négligeable des nouvelles populations françaises », ajoutant préventivement : « Il faut vivre à l'abri du réel pour considérer que cette francophobie militante est une réponse au racisme d'État ou à la stigmatisation de l'étranger. » Pour Alain Badiou c'est bien au contraire la captation par le gouvernement, d'un débat sur « l'identité nationale » qui inquiète. Il y voit l'application d'une politique injustifiable, nauséabonde, qui validerait la dénomination de « pétainisme transcendantal » utilisée par lui dans dès 2007 dans son ouvrage De Quoi Sarkozy est-il le nom ? pour qualifier la politique de Nicolas Sarkozy. Car, affirme-t-il aujourd'hui, « une discussion organisée par le gouvernement sur 'l'identité française' ne peut qu'être la recherche de critère administratifs sur 'qui est un bon Français qui ne l'est pas' ».
La suite de leur conversation met en évidence le fait que le référent identitaire, même lorsqu'il est éloigné de la question circonstancielle de ce fameux « débat national » (qui a depuis fait long feu) continue d'opposer vivement les deux adversaires. Cela, sur chacune des autres thématiques politiques abordées dans le volume : Mai 68 ; le judaïsme et Israël ; l'idée du communisme. La réflexion d'Alain Finkielkraut s'organise en effet autour de sa fidélité affichée à une appartenance singulière transmise par l'héritage culturel ou par l'École républicaine (une identité unifiée, fondée sur la perpétuation de référents traditionnels et le respect d'un certain nombre de symboles qui seraient aujourd'hui bafoués : le drapeau, l'hymne national, l'autorité professale, etc.). À cette conception qu'il juge « étriquée », Alain Badiou oppose la conception suivante : l'identité (en supposant que l'on en accepte la catégorie) doit, selon lui, être immédiatement transmissible de façon universelle, résultant d'un choix personnel et surtout : maintenue à l'écart de l'État. En substance, la politique doit pouvoir se satisfaire d'identités multiples, et s'organiser indépendamment des frontières nationales. Quand Alain Finkielkraut s'emploie à déplorer « la perte des choses » (et donc à souhaiter le retour à un ordre ancien), mais aussi à s'affliger de « la dévastation de la terre, [du] progrès de la laideur, [de] la destruction de la faculté d'attention, [de] la disparition du silence, [et de] l'entrée dans l'âge technique de la liquéfaction de tout », Alain Badiou avance quant à lui la conception d'un monde ouvert où le phénomène nouveau serait que le « la prolétarisation générale du monde s'est étendue au-delà de notre continent [.] alors que le monde est aujourd'hui partout aux mains d'oligarchies financières et médiatiques extrêmement étroites qui imposent un modèle rigide de développement, qui font cela au prix de crises et de guerres incessantes. » Dans ce monde-là, affirme-t-il, « considérer que, le problème c'est de savoir si les filles doivent ou non se mettre un foulard sur la tête, paraît proprement extravagant. »
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Rêve diurne, station debout et utopie concrète
Ernst Bloch
- Nouvelles Lignes
- Lignes
- 18 Octobre 2016
- 9782355261626
En 1974, le grand philosophe Ernst Bloch (1885-1977), auteur du Principe espérance, se prête à un long entretien réalisé par José Marchand pour la télévision française (et qui ne sera jamais diffusé). Passionnant entretien, où le philosophe âgé de 89 ans revient dans le détail sur la vie qui fut la sienne.
Sur son enfance, longuement : milieu familial modeste, acculturé, ville natale ouvrière - Ludwigshafen : « ville laide, marquée par ce que le capitalisme moderne a de dur et d'impitoyable, et où vivait un prolétariat affamé, exploité, en haillons », dont le hasard veut qu'en face il y ait Mannheim, la ville de résidence du Palatinat. « D'un côté le lumpenprolétariat et de l'autre la bourgeoisie. » Sa pensée et sa politique s'enracinent dans ce paysage frontal là.
Sur la formation de sa pensée, ensuite.
Schopenhauer, pour commencer, essentiel ;
Schelling ensuite (« que probablement personne au monde ne connaît mieux que moi ») ; mais, simultanément, secrétaire du parti communiste de la RDA et président du Conseil d'État, en l'exhortant à « démissionner », « dans l'intérêt du peuple, de la démocratie et du socialisme », ce qui lui vaut d'être arrêté le lendemain. Le 13 août 1961, la nouvelle de la construction du mur de Berlin le décide à ne plus jamais retourner en RDA et à s'installer à Tübingen. En 1968, il salue avec enthousiasme le soulèvement du peuple tchèque. Ses oeuvres complètes, en 15 volumes, sont publiées de son vivant et sous son contrôle chez Suhrkamp.
Une erreur. Le Parti a formulé sa propagande dans un langage qui n'atteignait pas les couches sociales qu'il voulait atteindre. Il aurait fallu intégrer l'enivrement, le montage et l'expressionnisme dans le mouvement communiste. [...] Les nazis n'ont pas cessé de nous dépouiller ; ils tiraient le plus grand profit du fait que nous avions abandonné ces territoires de la grande tradition révolutionnaire, et n'en utilisions plus, au mieux, que les noms - par exemple : Spartacus. » Les livres aussi sont longuement évoqués et explicités. D'Héritage de ce temps (célébration de l'expressionnisme) à l'oeuvre maîtresse, Le Principe Espérance.
Et évoqué le dur travail sur le concept : de « matière », par exemple, et des paradoxes par lesquels il faut en passer selon lui - le paradoxe de l'idéalisme. De même sur le concept de « morale » dans le matérialisme. De même du « non-encore-conscient », et de son corollaire objectif-réel, le « non-encore-devenu », La biographie, dans cet entretien, n'est jamais distincte de l'analyse ; elles s'entremêlent. Ainsi, fin novembre 1956, Ernst Bloch interpelle personnellement Walter Ulbricht, le premier Bloch parle ensuite de ceux grâce auxquels cette formation s'est affinée : Georg Simmel, en tant que professeur, mais par qui il se lia d'amitié avec Lukács. Puis, plus tard, après 1918, et après avoir publié son premier livre, L'Esprit de l'utopie :
Benjamin, Kracauer, Adorno, Klemperer, Weill et Brecht, dont il fait autant de portraits vivants, et beaux. Benjamin : « [...] un peu bizarre, excentrique, mais son excentricité était extrêmement productive. » Adorno : « [...] ses yeux d'un noir très dense, étrangement privés d'arrière-fond, exprimaient la tristesse, d'une façon que je n'ai jamais vue chez aucun autre homme. » Brecht : « [...] il n'est ni quelqu'un qui dit oui, ni quelqu'un qui dit non, ni non plus quelqu'un qui dit peut-être », qui, s'il avait vécu plus longtemps « aurait ouvert la voie à une forme de connaissance très différente ». Les échanges intellectuels avec chacun sont minutieusement restitués ; les motifs d'affinités établis, et les raisons des brouilles éventuelles rendues sans procès, attribuées aux seules évolutions des oeuvres et de la vie de chacun (l'orthodoxisation de Lukács, le conservatisme final d'Adorno, par exemple).
Bloch s'attarde aussi, bien sûr, sur la politique ;
Sur les rapports du communisme au nazisme :
Ce que le Parti communiste a fait avant l'accession d'Hitler au pouvoir était juste et bon ; ce qu'il n'a pas fait, par contre, relève de l'erreur. Le fait qu'il n'ait pas remarqué l'enivrement et qu'il ne se soit pas inspiré du montage qui captive l'imagination était Luxemburg, Marx et Engels, premières lectures politiques. La lecture de Hegel surtout sera essentielle, à une époque où celui-ci « était considéré comme un chien galeux dans toutes les universités allemandes ».
Résumé de cette formation peu orthodoxe : « Les Mille et une nuits, Fidelio et la Phénoménologie de l'Esprit sont les oeuvres qui ont, dès mes années de jeunesse, exercé sur moi une influence décisive. »