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Si l'on prête l'oreille à ce que dit lautréamont, les chants de maldoror restent aujourd'hui encore une fausse note dans la grande symphonie du nouveau monde.
Cette fresque hallucinée et hallucinante, qui porte à son paroxysme parodique le système d'exagération des vices du romantisme, peut être lue comme la préfiguration de ce que nous voyons se dérouler sous nos yeux dans les domaines de la culture. mais elle laisse deviner une autre voie ouverte à la révolte, à contresens de la modernité, et ce courant a trouvé son chemin dans l'histoire. c'est pourquoi certains chants, de nerval au surréalisme, ont conservé leur magnétisme, alors que d'autres ont été démagnétisés à jamais, pour s'être trop bien accommodés de tous les modes d'emploi et de tous les usages.
Recomposons la généalogie d'une révolte qui ne risque plus de prêter à confusion.
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« Le point aveugle ou l'angle mort de l'histoire des États-nations européens est d'être construite sur l'ignorance de leur généalogie sauvage. Tout particulièrement, la France est née avec les barbares Francs. » Tel est le fil conducteur du nouvel essai de Thierry Galibert qui propose, avec La sauvagerie, le fondement de son analyse de l'élitisme occidental. Au croisement de plusieurs sciences humaines (histoire, anthropologie, littérature, politique, biologie...) qui permettent d'en cerner toutes les implications, il démontre que la fracture historique entre la sauvagerie et la barbarie conditionne le destin libéral des sociétés occidentales. Depuis la Renaissance, notamment avec Michel de Montaigne, la sauvagerie est considérée comme le meilleur antidote contre la barbarie, jusqu'à devenir, avec Jean-Jacques Rousseau, un référent de l'alternative au libéralisme et au capitalisme. Son enjeu est donc très actuel. Si le sauvage sert de point d'appui à ce livre, par opposition à un barbare de type féodal qui initie pour sa part le libéralisme, c'est afin de trouver en lui le fondement commun des êtres humains et ainsi mieux justifier la nécessité d'un régime politique répondant à la logique du vivant. Notamment, au travers de leur pratique de la coopération et du fédéralisme, les sauvages promeuvent une organisation fondée sur la responsabilité individuelle et la participation commune. Ajoutons la dimension écologique qui s'y rattache et, à l'ère ou l'écologie dite politique réinvente le fil à couper le beurre, l'auteur reprend, à mi-chemin entre essai et anthologie, des écrits datant - mais non datés - de lanceurs d'alerte constructifs qui incarnaient les vraies Lumières : Montaigne et Rousseau, mais aussi La Boétie, Descartes ; puis Leroux, Marx, Artaud...
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Certaines époques ont montré qu'elles croyaient fortement dans la puissance de la pensée critique.
Notre époque, au contraire - les dernières décennies en Europe occidentale - a tenu ses penseurs, non sans raison, pour des gens totalement inoffensifs. Parmi les rares personnes considérées comme tout à fait inacceptables, on trouve assurément Guy Debord.
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Défenseur obstiné d'un « Marx critique du marxisme » dressé contre les systèmes d'oppression qui se réclamaient de son nom, Louis Janover brosse le tableau de l'oeuvre au noir des avant-gardes du XXe siècle, pleines de bruit et de fureur soigneusement dosés. Et il met en lumière ce paradoxe : comment les mouvements les plus novateurs, les plus subversifs, alors même qu'ils croyaient en finir avec le jugement de la culture bourgeoise et enterrer tous les conformismes, ont-ils apporté du sang frais à un système ankylosé ? Défile sous nos yeux le roman politique d'un siècle où l'intelligentsia est devenue l'esprit du capital flexible.
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L'empire des signes s'est lancé dans le flux de l'image-mouvement à corps perdu. Que l'on évoque les plans de cinéma, les dispositifs de mise en image télévisuels, la nouvelle iconographie cybernétique, il s'agit d'un unique flux continu qui entraîne tous les êtres « regardants » et « montrés » dans un maelstrom cinétique qui n'est qu'apparent et qu'apparences ; l'empire des signes, des signes vides, non centrés et exempts de sens n'y a trouvé qu'un terrain d'application ludique de plus pour son système de pouvoir déjà vieux de plusieurs millénaires.
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" la liberté, avec toutes ses contradictions dans l'ordre moral, avec tous ses maux dans l'ordre physique, est pour les nobles âmes un spectacle infiniment plus intéressant que le bien-être et le bon ordre sans la liberté, qu'une société réglée comme un troupeau, où les moutons suivent docilement le berger, qu'une machine où la volonté autonome si réduit au rôle officieux d'un rouage de montre.
Cette régularité fait de l'homme un simple produit [. ], et c'est tout : la liberté fait de lui le citoyen d'un monde meilleur où il a part au gouvernement d'une société dans laquelle il est infiniment plus honorable d'occuper la dernière place que de tenir le premier rang dans l'ordre physique. " (schiller) traduit de l'allemand par adolphe régnier. ce volume reprend notre édition précédente : du sublime, fragment sur le sublime, du pathétique, augmentée des deux dissertations suivantes : des limites qu'il faut observer dans l'emploi des belles formes, de l'utilité morale des moeurs esthétiques.
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" si vous vous contentez d'observer tranquillement, en sceptique convaincu; si vous restez en dehors des luttes qui vous paraissent secondaires, ou si, même étant d'une factions, vous osez constater les défaillances et les folies de vos amis, on vous traitera comme une bête dangereuse ; on vous traquera partout ; vous serez injurié, conspué, traître et renégat ; car la seule chose que haïssent tous les hommes, en religion comme en politique, c'est la véritable indépendance d'esprit.
" guy de maupassant. cette indépendance d'esprit, maupassant l'exerce, de 1881 à 1889, dans les chroniques écrites pour les grands journaux de l'époque. elles éclairent un angle de découverte d'une brûlante actualité, toute moderne, avec des analyses quotidiennes qui ne cessent de mettre en valeur la vie parlementaire, la vie sociale, toute la perspective d'une pensée libre et ouverte, un regard implacable sur la vie politique d'une société.
cet intérêt nouveau d'un journaliste-chroniqueur pour un monde dont il dénonce les tares et les faux semblants, précise une couleur d'époque où s'exaspèrent l'affairisme et la dégradation morale. la société a perdu ses plus solides repères et ceux qui la dirigent sombrent dans la médiocrité. la parole polémique du chroniqueur devient alors parole politique, celle d'un homme qui ose prendre parti, aller à contre-courant des idées toutes faites, vers un nihilisme grandissant.
regroupées pour la première fois, les chroniques politiques de maupassant sont présentées par gérard delaisement auteur, en 1956, de maupassant journaliste et chroniqueur (albin michel), d'éditions de bel-arni (garnier), de fort cantine la mort (gallimard), des contes et nouvelles (albin michel) et qui a consacré sa vie à rassembler les chroniques de maupassant dont il a réalisé l'édition critique.