Kime
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A travers le judaïsme : Buber, Levinas, Simone Weil
Jean-Marc Ghitti
- Kime
- 15 Novembre 2024
- 9782380721522
Ce travail part d'une généalogie du sionisme suscitée par les doutes que fait naître en nous la guerre au Proche-Orient. Il étudie sa naissance chez Herzl, son interprétation par Buber, ainsi que son dévoiement actuel (première partie). Au-delà du sionisme, il est une apologie du judaïsme de la diaspora, étudié à travers Levinas et ses contradictions (deuxième partie). Enfin, il envisage le judaïsme assimilé, à travers la figure moins attendue et très paradoxale de Simone Weil, ici traitée comme une figure du judaïsme (troisième partie).
Au fil de ces trois études, certains concepts sont élaborés pour éclairer des questions qui vont au-delà du judaïsme : le territoire, la guerre, la relation entre État et nation, l'identité et l'impolitique. Ce sont ces concepts qui sont rassemblés en cohérence dans la conclusion (quatrième partie).
Il ne s'agit pas d'une étude strictement universitaire, bien que la pensée des trois philosophes de référence soient exposée et interprétée de manière comparative. Il ne s'agit pas non plus d'un essai militant, bien que des positions claires soient prises sur des sujets sensibles. Le texte est plutôt une tentative pour modifier les catégories idéologiques et mentales par lesquelles nous avons l'habitude d'approcher les problèmes ici abordés.
Après un travail d'orientation écologique sur l'aménagement du territoire dans un texte à paraître, qui poursuit ma réflexion philosophique sur les lieux, j'ai été interpellé par la guerre au Proche-Orient et j'ai voulu éclaircir la question du territoire à travers le sionisme. Resituant celui-ci dans l'histoire du judaïsme, j'ai été amené à donner une nouvelle interprétation de l'oeuvre de Simone Weil à partir de sa relation complexe à ses origines juives. Le positionnement de cette philosophe, à qui j'ai précédemment consacré un ouvrage (2021), s'est éclairé différemment à partir d'une comparaison que j'ai tenté d'établir entre ses écrits et ceux de Buber et de Levinas. Mais, ce que j'ai cherché, à travers ces trois philosophes et l'image qu'ils donnent du judaïsme, c'est l'approfondissement du concept d'impolitique que j'avais introduit dans mon dernier essai publié (2023). L'impolitique est ici présentée comme une réponse possible à la territorialisation de la politique, aux guerres qui en résultent et au règne géopolitique du modèle des États-nations. -
Quel artiste Proust a-t-il été et comment a-t-il trouvé son écriture ? L'enquête de l'auteur comporte trois volets : Proust, Contre-enquête (Éditions Classiques-Garnier, 2018) pose l'hypothèse d'un trauma et de traits autistiques. Proust, Voir l'invisible (Éditions Kimé, 2023) interroge la place de la médiumnité et de la voyance dans sa démarche artistique. Dans ce troisième volume Proust, Écrire le vivant, explore le dialogue que l'artiste tisse avec le vivant en montrant la manière singulière dont il le traduit dans sa langue.
La pierre de touche de l'oeuvre est ce défi à l'intelligence et à la rationalité, une valeur sacrée dans son milieu, à laquelle pourtant il résiste. Malgré l'excellence de ses dons, il peine à devenir quelqu'un, adopte un mode de vie intuitif et désintéressé dans le défi de la non-puissance.
Cette écriture du vrai comme vivant entre en résonance avec la crise écologique que nous vivons. Simplement et dans la plus grande humilité, Proust nous invite à changer notre regard, à résister aux sirènes pour entrer dans la vraie vie. -
Nouvelles méditations métaphysiques : Les existences imaginaires
Jean-Clet Martin
- Kime
- Bifurcations
- 22 Janvier 2025
- 9782380721614
Pour Descartes la réalité vaut mieux que nos rêves trop mal enchaînés, incapables dit-il d'adopter le cours d'une chaine cohérente. Ces « Nouvelles méditations métaphysiques » proposent l'hypothèse inverse. C'est le réel qui se montre plus absurde et plus illusoire que la moindre scène onirique. On peut compter ainsi sur le rêve pour une association créatrice des choses de l'avenir non moins que du passé. Un agencement sans doute plus courageux que l'ordre des raisons. Aussi, les vécus que la phénoménologie borne aux dimensions de la chair, ne sont eux-mêmes jamais exempts de surprises. D'où cette rectification patiente de L'imaginaire sartrien, lecteur de Descartes, cette enquête vers des sources aussi ensorcelées que les « Expériences d'un psychiste », de William James, ou les intrigantes recherches de Taine, les rêveries de Stevenson, voire les fantômes de Stanislas Lem dans une inversion étonnante du cartésianisme. Une explosion généralisée de l'opinion selon laquelle ne nous attendrait « rien de nouveau sous le soleil ». Les spectres et les revenants veillent de nuit pour dérouter les chemins de l'Être..
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Vivre dans un monde numérisé : Bernard Stiegler et l'écologie de l'esprit
Fred Poché
- Kime
- Philosophie En Cours
- 17 Mai 2024
- 9782380721461
Depuis toujours, les sociétés humaines vivent des mutations. Au fil des siècles se développent, en effet, des outils propres à changer les relations sociales, à transformer les interactions. Mais celles que nous voyons émerger aujourd'hui se révèlent profondes, radicales et irréversibles. Elles captent notre attention et changent nos manières de vivre, de nous rencontrer ou de nous rapporter à la réalité. Nous vivons, ainsi, dans un monde marqué par un processus d'accélération technologique vertigineux. Les objets qui, dorénavant, accompagnent chaque instant de notre vie (ordinateurs, mobiles, tablettes, robots) altèrent ou modifient radicalement les catégories avec lesquelles nous pensions et agissions jusque-là?: le temps, l'espace, le pouvoir, la vérité, la communication, les identifications... Depuis seulement quelques décennies, la numérisation de notre univers sociétal engendre une explosion combinatoire provoquant ce que certains appellent une disruption. Celle-ci bouleverse les cadres d'à peu près tous les domaines et remet en question la puissance publique. Face à ce monde aux multiples transformations, la pensée du philosophe Bernard Stiegler nous offre des clés essentielles pour développer une posture critique. Elle donne au citoyen des outils propres à sortir des inclinations à la fascination autant que du penchant à la technophobie. Si ce monde numérisé étend sa toile sur toutes les ramifications de nos existences, il convient, alors, de l'appréhender en ne lâchant jamais les questions de la finalité et du sens du vivre ensemble.
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Les cahiers noirs de Heidegger : un guide de lecture des Réflexions
Etienne Pinat
- Kime
- 16 Février 2024
- 9782380721324
En 2014 parurent en allemand les volumes 94, 95 et 96 des oeuvres complètes de Martin Heidegger édités par Peter Trawny, qui donnaient à lire pour la première fois quatorze des cahiers noirs, ces carnets à couverture de moleskine noirs dans lesquels Heidegger, à partir de 1932, consignait les pensées qui lui venaient à la volée. Dès la fin 2013 avaient commencé à circuler des extraits contenant des propos antisémites, et l'éditeur des volumes accompagnait leur parution d'un essai de son cru portant sur ces extraits, livre rapidement traduit en français. S'en suivit une large polémique à ce propos dans la presse internationale qui éclipsa tout autre aspect du contenu des cahiers noirs.
Etienne Pinat, spécialiste de la pensée de la pensée de Heidegger, se propose d'introduire le lecteur francophone à la lecture de ces trois volumes, intitulés Réflexions, en repartant de la polémique sur l'antisémitisme afin de statuer sur cet antisémitisme heideggérien. Il s'efforce de monter que ces passages antisémites ont éclipsé bien d'autres aspects intéressants de ces cahiers, et au premier chef l'explication de Heidegger avec le nazisme, et avec l'erreur que constitue à ses yeux son engagement de 1933-34. S'y révèle le développement progressif d'un véritable antinazisme heideggérien à partir de 1934, puis l'apparition de propos antisémites à partir de 1938, cet antisémitisme n'étant alors pas celui du nazisme, de sorte qu'il faut en penser la spécificité. -
L'espace numérisé : Défis éthiques et politiques d'une métamorphose
Fred Poché
- Kime
- 22 Janvier 2025
- 9782380721607
Du logement constitutif d'un « chez soi » à la rencontre d'autrui au sein de la Cité, nos existences ne cessent de parcourir et d'investir des espaces. Nous y expérimentons, alors, une familiarité apaisante, des manières communes de nous rapporter au monde (culture partagée), des pratiques sociales, ainsi que des expériences de solidarité. Cependant, traversés par des choix idéologiques et politiques, nos espaces de vie se posent aussi comme des terrains de luttes ou de conflits : squats, occupations d'usines, « accueil » des gens du voyage par les municipalités, « gestion » des sans-abri au coeur des villes, désaccords à l'occasion de constructions ou de démolitions de lieux de culte... Dans le même temps, la numérisation du monde bouleverse toutes les dimensions de notre existence. Les corps continuent, certes, de se croiser ou de se rencontrer dans les différents espaces. Mais la possibilité offerte en permanence, par l'intermédiaire du smartphone, de dépasser la présence corporelle dans un lieu pour communiquer avec l'absent constitue une métamorphose sans précédent. Cette nouvelle situation interroge les notions même de présence, d'identité et de socialité. En quel sens la digitalisation de nos vies change-t-elle notre condition spatiale ? Et quelle forme pourrait prendre une politique soucieuse de ces profondes transformations ? Prendre au sérieux les grandes mutations de nos espaces (matériels et virtuels) constitue une voie nécessaire pour penser des formes d'émancipation propres à articuler liberté et production du commun au sein de nos fragiles démocraties.
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Georges Bataille. L'expérience et la pensée : Philosophies et rhétoriques de l'excès
Olivier Capparos
- Kime
- 14 Février 2025
- 9782380721645
Dans le « théâtre » de Georges Bataille, le rideau se lève sur une scène peu éclairée, livrée aux expériences-limites de la pensée, des voix, du corps, des affects et attracts premiers (désir, joie, effroi...) Le théâtre se joue de ses contradictions internes, revendiquant même jusqu'à la dissolution des corps, du langage.
Cet essai propose de confronter les approches batailliennes de la souveraineté et de l'extase à d'autres traditions philosophiques et mystiques. À ce jeu d'ombres et d'indices luminescents participent Maître Eckhart, N. de Cues, G. W. F. Hegel, E. Husserl, saint Anselme de Cantorbery, F. Nietzsche, F. von Baader, P. Klossowski, S. Freud, le bouddhisme tibétain et le zen.
Là où le néant et la dissolution semblent l'emporter, une « philosophie de la lumière » se dégage et s'exprime. Le « style » d'une philosophie de la lumière privilégie une logique des analogies et des correspondances qui permettra peut-être de tisser un langage neuf, linguistique et figural, transgressant les dialectiques bien construites.
Georges Bataille, tout en renforçant la contestation de toute « servitude dogmatique », prône un renouvellement de plusieurs voies poétiques et spirituelles en quête de l'ineffable. -
La notion de défaillance est essentielle à l'existence humaine, qui ne pourrait s'apparaître à elle-même si l'excès de son épreuve du réel ne la confrontait à des situations critiques. Ces moments critiques lui confèrent en effet un relief nouveau et exacerbent les mouvements de fond qui la traversent, selon un paradigme qui permet également de comprendre l'écriture poétique ou les formes plastiques. Il s'agit ainsi de penser la défaillance comme une dimension constitutive de l'existence, qui ne peut plus être comprise selon les logiques du projet, de la réussite et du résultat qui saturent nos environnements d'existence.
Un corpus restreint de philosophes - Søren Kierkegaard, Simone Weil, Emmanuel Levinas, Louis Lavelle, Henri Maldiney et Jean-Louis Chrétien - et une poignée d'artistes - Josef Sudek, Jean Bazaine, Jean-Luc Godard - conduisent à faire le constat qu'une faille traverse toute expérience sensible et permettent d'établir que notre être au monde doit être compris à l'aune d'un déséquilibre impossible à résorber. Ces analyses ouvrent sur une philosophie du témoignage, qui implique ce déséquilibre comme sa condition de possibilité. Elles viennent également nourrir l'horizon d'une vie en commun susceptible d'accueillir toutes les singularités humaines et de les articuler à une exigence de justice qui irrigue la pensée utopique. -
Portrait du philosophe en grand vivant. Jean-Luc Nancy
André Hirt
- Kime
- 13 Septembre 2024
- 9782380721478
Penser à mort la vie, quelle qu'elle soit, partout, solitaire comme partagée, dans ses poussées d'énergie et de sexualité, de la veille au sommeil et au rêve. Penser l'existence jusqu'au bout, même le mort dans la mort et dans son espace la résurrection pour y apercevoir dans sa tenue propre l'être cher. Éprouver les séparations comme les partages. Toucher l'autre, être touché par lui, et être habité par le coeur qu'il a donné. Sentir néanmoins l'étreinte de l'union de l'âme et du corps. Travailler, enseigner et écrire à perte de vue, aimer de même. Exister et agir. Garder et protéger la raison, et être ivre d'infini depuis le fond de la finitude. Se défier des significations établies, déjà mortes. Penser désormais le sens qu'il y a, qui est le monde et rien d'autre, au présent, contre toutes les formes de nihilisme.
Telle fut la tâche que se donna le philosophe Jean-Luc Nancy, en grand vivant.
L'ouvrage parcourt son oeuvre grâce à des approches successives et des voies souvent moins empruntées, en les accompagnant de souvenirs et de prolongements, par conséquent non pour en faire une fois de plus l'exégèse, mais pour en reconnaître la concrétude, et pouvoir ainsi, qu'il s'agisse des grandes comme des petites choses, s'il y en a, approcher de ce que être homme, philosophe et penser tout ensemble veulent dire. -
Dans une lettre de 1987, Maurice Blanchot revient dans un post-scriptum essentiel sur son rapport à l'oeuvre du philosophe : « Grâce à Emmanuel Levinas, sans qui, dès 1927 ou 1928, je n'aurais pu commencer à entendre Sein und Zeit, c'est un véritable choc intellectuel que la lecture de ce livre provoqua en moi. Un événement de première grandeur venait de se produire : impossible de l'atténuer, même aujourd'hui, même dans mon souvenir »1 . Ce choc intellectuel se produit quelques années avant le commencement de l'oeuvre critique de Blanchot et demeure en sa force jusqu'à la fin. Si, du vivant de l'auteur, le lecteur avait pu voir le nom de Heidegger réapparaître dans bien des articles, ce qui lui permettait de savoir cet intérêt, c'est seulement la mort de l'auteur qui révéla, dans ses archives, aujourd'hui déposées à la Houghton Library de Harvard, plus trois cent pages pour l'essentiel tapuscrites du travail que Blanchot aura consacré de la fin des années 40 au début des années 60 à l'étude de l'oeuvre de Heidegger et de la maigre bibliographie secondaire alors existante.
Excellent germaniste, Blanchot lit tout ce qui paraît en allemand, et se confronte à la difficulté de faire passer en français le travail de Heidegger sur la langue allemande, une lettre inédite de 1959 à un destinataire inconnu révélant que c'est là, à ses yeux, « l'amitié intellectuelle » que nous devons au philosophe. -
L'originalité parfois surprenante et les qualités créatrices d'Oscar Wilde en tant que poète, romancier, dramaturge, sont à juste titre largement reconnues : mais il n'en est pas forcément de même quant à ses réflexions et à ses prises de position dans les domaines de la philosophie, de la morale, de la vie sociale et politique, réflexions pourtant bien repérables dans l'ensemble de son oeuvre, même si L'Âme de l'homme sous le socialisme reste le texte de référence. Pourquoi ce moindre intérêt ? Parce qu'il a violemment dénoncé la société victorienne, parce qu'il a entrepris cette « extravagante croisade celtique contre la stupidité anglo-saxonne », selon le mot de Yeats : et surtout parce que son attitude critique le conduit à affirmer que les temps doivent changer. En effet, le moment semble venu de construire une société nouvelle qui permettra à chacune et à chacun de s'épanouir pleinement, plein épanouissement qu'Oscar Wilde appelle « l'individualisme véritable » : point de vue perspicace et audacieux fondé sur la reconnaissance, dans le prolongement de la pensée de Marx, de l'existence d'un lien constitutif entre individualisme et socialisme.
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Le conflit politique est, depuis les années 2010, marqué par un retour des peuples. Chez les modernes, c'est toujours un symptôme de crise politique majeure, dont l'enjeu est la démocratie elle-même. Non pas comme régime stable, celui du gouvernement représentatif, mais comme processus associant le grand nombre à la délibération publique. Or, le peuple n'existe pas comme donnée sociologique pérenne : il est constitué ou se constitue dans l'histoire comme sujet ou acteur politique. Ce qui est appelé tel se différencie selon les circonstances. Comment un peuple se forme-t-il ? Sous quelles conditions cette notion peut-elle mobiliser aujourd'hui les subalternes dans le conflits politiques d'émancipation ? Telles sont les questions que ce livre veut aborder. L'hypothèse examinée : un peuple est une manière d'être d'une multitude, déterminée par la médiation d'une scène où elle apparaît unifiée, agissant comme une, selon un mot de René Char. En fait, non pas une mais trois scènes, engageant trois expériences collectives par lesquelles les individus ne se reconnaissent ou non de ce peuple. Celle du pays, communauté imaginée à travers l'histoire, réunissant les vivants et les morts, au risque de devenir une communauté de sang, sclérosée, pouvant, à l'opposé, être vivifiée par les migrations sur son sol, inventant un droit de l'hospitalité. Celle des urnes et du parlement, faisant des individus éduqués des citoyens élisant leur représentants détenant le pouvoir dont le Peuple souverain est le titulaire. Par où le peuple devient sujet obéissant à la loi dont il est, par principe, auteur. Enfin celle de la rue, sans laquelle la démocratie ne serait qu'un vain mot, scène publique plébéienne, lieu d'expériences collectives périodiques à la fois de la puissance collective et de l'égalité de chacune avec chacun, d'une souveraineté populaire pouvant contester les décisions du Souverain ou de l'exécutif le dominant : scènes des peuples acteurs se différenciant des foules consuméristes. Ces trois scènes où trois dramaturgies, trois types de récits se déploient, se tissent différemment selon les conjonctures, déterminant le conflit politique actuel, moins entre peuple et élites qu'entre différentes manières d'être peuple. Non pas un peuple, mais des peuples. Au-delà de la description, le livre prend parti en soutenant que les politiques d'émancipation s'appuient sur la troisième scène, celle où se nouent les expériences de la démocratie par le bas.
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Dans cet ouvrage, qui a fait l'objet aux États-Unis d'une réception importante à sa parution, Kathryn Belle analyse la position problématique, pour ne pas dire choquante, que Hannah Arendt a défendue sur ce qu'elle appelle elle-même la « question noire », en particulier dans ses « Réflexions sur Little Rock ». Cet article d'Arendt a suscité une vive polémique dès sa parution en 1959, celle-ci s'opposant au fameux arrêt Brown de la Cour suprême qui avait mis fin à la ségrégation dans l'enseignement public. Ce faisant, Arendt manifeste à l'évidence une profonde incompréhension de la lutte des Noirs américains pour leur émancipation. Kathryn Belle montre que le conservatisme d'Arendt s'explique non seulement par ses préjugés à l'endroit des Africains et des Afro-américains, mais aussi par certaines distinctions au coeur de sa théorie politique, notamment celle entre le social, le politique et le privé : tandis que pour Arendt la sphère politique se caractérise en principe par l'égalité entre les citoyens, la sphère sociale, dont relèvent selon elle les établissements scolaires, implique un droit de discriminer, c'est-à-dire de fréquenter et d'exclure les personnes de son choix, qui ne saurait être limité par la loi. Par ailleurs, les thèses d'Arendt sur la violence sont reconsidérées à l'aune de sa tendance à discréditer la violence des opprimés plutôt que celle des oppresseurs, aussi bien dans le contexte de la lutte contre le racisme et la ségrégation que dans celui de la décolonisation.
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Cet essai de philosophie définit l'écologie comme l'engagement pour sauver la Terre, lieu par lieu. Par souci du concret, il se consacre à la Camargue, en tant qu'elle est à la fois un pays menacé par le réchauffement climatique et l'exemple d'une réussite de l'écologie française. Sur ce cas singulier, il oppose l'écologie et la politique : il n'y a pas d'écologie politique. Sur fond de la crise de la représentation politique, il élabore autrement le concept de représentation. Il propose une écologie élargie, complète, entre anthropologie générale, théologie et psychanalyse. Avec et par delà l'écologie, il soutient qu'on ne peut sauver chaque lieu de la Terre que si on leur rend leur pleine valeur. Aussi l'écologie doit-elle s'appuyer sur une poétique de la célébration des pays et sur une réévaluation de la littérature. C'est pourquoi cet essai étudie la Camargue à travers ses représentations littéraires chez Mistral, Barrès, Baroncelli et Montherlant. Dans ce corpus poétique de la Camargue, le présent essai dessine le partage entre la politique et l'écologie. Il met particulièrement en évidence la figure de Folco de Baroncelli comme celle d'un guide et d'un précurseur d'une écologie d'avenir, à la fois concrète et spirituelle. Il s'efforce de tenir ensemble une enquête monographique sur l'histoire écologique d'un pays aimé de tous et une construction conceptuelle générale, pertinente pour tout autre lieu. * Le corps du texte se présente comme une succession de paragraphes dont le titre indique le concept général mis au travail. La méditation se construit au fil d'une étude des oeuvres littéraires qui servent d'appui. Ce corps principal de la recherche est enserré entre une introduction et une conclusion évoquant la catastrophe qui menace la Camargue, notre objet d'étude. Enfin, l'ensemble est précédé d'un préambule et suivi d'un épilogue qui posent les questions les plus générales de notre approche philosophique.
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Le cosmos de Walter Benjamin : un communisme du lointain
Frédéric Neyrat
- Kime
- 15 Avril 2022
- 9782380720594
Ce livre propose de relire la philosophie de Walter Benjamin à partir de sa cosmologie. Le cosmos de Benjamin n'est pas un univers ordonné, composé de corps célestes identifiables, mais l'occasion d'une expérience fulgurante : dans l'univers post-copernicien de Benjamin, l'intériorité du désir et l'extériorité des étoiles, le politique et le théologique, le présent et le distant passé se rencontrent sans fusionner. Situant Benjamin dans la tradition philosophique (G. W. Leibniz, K. Marx, F. Hegel) tout en s'appuyant sur des pensées contemporaines (J. Butler, S. Hartmann, M. Löwy), ce livre crée une « correspondance » entre Benjamin et notre actualité. Dans un monde soumis aux replis nationalistes, aux virus destructeurs d'altérité et à l'intrusion technologique, le lointain semble s'évanouir. En prise avec l'histoire la plus récente, celle du New Space et de la Sixième Extinction, de Black Lives Matter et des Communes éphémères, ce livre soutient qu'aucune transformation politique radicale, aucune émancipation, aucun communisme n'est possible, et souhaitable, sans relation avec un lointain - telle l'Étoile du Nord que les esclaves en fuite suivaient dans le ciel nocturne pour les guider vers la liberté.
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Proust dans la pensée contemporaine
Annamaria Contini, Marco Piazza, Sofia Sandreschi de Robertis
- Kime
- 15 Novembre 2024
- 9782380721591
Le centenaire de la mort de Proust (1922-2022) a été l'occasion de réfléchir à nouveau pas seulement sur l'oeuvre de Proust elle-même, mais aussi sur les nouvelles perspectives qu'elle a ouvertes dans la pensée et la culture du XXe siècle, en particulier celles qui apparaissent aujourd'hui les plus originales et les plus prometteuses.
Le volume que nous proposons considère les nouvelles voies théoriques suggérées par Proust à partir de la contamination entre différents genres (traité philosophique, roman, essai critique) et entre différents champs disciplinaires (philosophie, psychologie, sociologie). L'intention des auteurs est d'identifier les sollicitations que l'oeuvre de Proust peut encore offrir au débat contemporain (par exemple à la recherche philosophique, à la psychologie, aux neurosciences, à la sociologie).
Dans le domaine de la recherche philosophique, Gérard Bensussan propose une comparaison originale du texte proustien avec la philosophie de l'altérité de Levinas. Les essais de Patrick Bray et Andrea Nicolini abordent la relation entre la philosophie et la littérature, à partir des lectures que Roland Barthes et Gilles Deleuze ont fait de la Recherche. Annamaria Contini analyse l'interprétation de Paul Ricoeur du lien entre le temps perdu et le temps retrouvé, en se concentrant sur les stimulations théoriques que le texte proustien offre à Ricoeur lui-même. Marco Piazza, reprenant l'interprétation du critique catalan Joan Sacs, propose un aperçu de la possibilité d'attribuer un certain « réalisme » à la poétique de Proust. Stefano Poggi et Sofia Sandreschi de Robertis, dans leurs deux textes, approfondissent les relations que la Recherche établit avec la peinture d'une part, et avec le théâtre de l'autre part (en particulier celui de Samuel Beckett). Ludovico Monaci, avec une démarche sociolinguistique, se concentre sur la contribution de Proust au débat contemporain sur la conception de l'individu et de la société. La contribution conjointe d'Emanuela Piga Bruni et de Ruggero Ragonese suit une ligne sémiotique, en observant comment l'oeuvre de Proust, dépassant les limites du texte, correspond à un parcours d'inférentialité sémiotique. Enfin, l'essai de Marisa Verna et Antonella Marchetti, consacré au rapport entre la mémoire et l'odorat, s'inscrit dans le débat contemporain influencé par les recherches de psychologie, de neuropsychologie et de psychobiologie. -
Une société de contrôle ? enfermements, surveillance électronique, gestion des risques et gouvernementalité algorithmique
Olivier Razac
- Kime
- 17 Février 2023
- 9782380720921
Nous serions ainsi passés dans une société de contrôle. Un nouveau monde dominé par des technologies nouvelles permettant d'inventer des manières de gouverner et d'être gouverné inédites. Ces changements radicaux impliqueraient un renouvellement total de nos catégories de pensée qui resteraient construites sur des concepts dépassés. La question politique ne serait plus celle de la loi, ni celle de la norme, mais celle de la régulation en temps réel des comportements dans une grande boucle cybernétique de rétroaction. Dit comme cela, la notion de contrôle provenant des philosophies de Deleuze et de Foucault a l'apparence d'un « mythe » politique qu'il serait urgent de déconstruire. Nous proposons ici autre chose. Ne pas céder à la séduction du « plus jamais comme avant », pas non plus à la facilité du « rien de nouveau sous le soleil », mais proposer de mettre le concept de contrôle au travail, au service d'une « analytique critique de la politique ». À partir d'une distinction conceptuelle de trois technologies politiques - la souveraineté, la discipline et le contrôle - nous montrerons comment elles s'articulent toujours dans des dispositifs de pouvoir concrets : d'enfermement, de surveillance électronique, de gestion des risques criminels et de gouvernementalité algorithmique. Dans ces configurations, notre problème n'est donc pas d'être gouvernés « au contrôle », mais d'être à la fois punis, normés et régulés. Éclectisme qui dessine un régime de domination proprement postmoderne caractérisé par la saturation et les injonctions contradictoires entre nouvelles et anciennes manières de gouverner.
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Rosa Luxemburg et Antonio Gramsci actuels
Marie-claire Caloz-tschopp
- Kime
- 19 Avril 2018
- 9782841748907
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L'immense Système de politique (1851-1854) de plus de 2000 pages en 4 volumes est moins connu que la philosophie des sciences du fondateur du positivisme. Celle-ci n'a été qu'un préalable au questionnement que le philosophe a initié dans sa jeunesse : quelle politique pour l'âge de la science et de la révolution industrielle ? N'y a-t-il pas changement dans la nature du pouvoir ? Convient-il de mettre les savants et les ingénieurs à la tête de la société ? Que retenir de la philosophie politique ancienne et moderne, d'Aristote à Hobbes ? Comment terminer, c'est-à-dire à la fois accomplir et clore la Révolution française ?
La philosophie politique comtienne est résolument novatrice : séparation des pouvoirs spirituel et temporel, place de la morale, dépérissement de l'État, rôle des prolétaires et des femmes dans la vie politique.
Une postface fera le tableau des postérités contrastées de cette philosophie politique. En effet s'en réclament les éducateurs laïques de la IIIe République (Littré, Ferry), l'ultra droite maurrassienne, les États d'Amérique latine au XIXe siècle, en particulier le Brésil (qui a mis sur son drapeau la devise de Comte, Ordre et progrès), le radicalisme philosophique (Alain) et le républicanisme français en général. -
Le véritable artisan de la droite : Martin Heidegger après les cahiers noirs
Alfred Noll
- Kime
- 13 Septembre 2024
- 9782380721362
Juriste, avocat, philosophe politique et homme politique viennois, Alfred J. Noll a publié un ouvrage salutaire sur Martin Heidegger en réponse à la publication des premiers volumes des Cahiers noirs. Son livre ne s'adresse pas seulement aux spécialistes mais aussi, et plus encore, à tous les esprits désireux de comprendre ce que la publication de ces Cahiers a modifié ou confirmé dans l'évaluation de la pensée de Heidegger. La première partie de l'ouvrage propose une fine analyse critique du langage indirect de Heidegger, ses obscurités dévastatrices et ses procédés proches de la langue nazie. De simples manipulations de mots tiennent lieu d'arguments. Noll revisite ensuite le maître-livre de Heidegger, Être et temps pour en montrer la signification radicalement fasciste, puis, dans la troisième partie de l'ouvrage, il analyse, à partir d'amples citations commentées des Cahiers noirs précisément traduites par Sandrine Aumercier, la façon dont celui-ci est resté jusqu'au bout fidèle au « national-socialisme spirituel » qui constitue la fond de sa pensée. L'ouvrage synthétise en outre tout un ensemble d'études critiques en langue allemande, jusqu'à présent inaccessibles au lecteur francophone. Ces différents apports font du livre de Noll un instrument désormais indispensable à toute étude critique avertie de Heidegger.
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Le nazisme dans l'histoire des violences collectives : violences et meurtres de masse
François Jacquet-Francillon
- Kime
- 20 Janvier 2023
- 9782380720891
A l'origine de ce livre, il y a la volonté de ne plus considérer le nazisme et la Shoah comme un phénomène absolument singulier, unique en son genre et d'une insurmontable opacité. C'est pourquoi François Jacquet-Francillon, d'une part situe le nazisme dans la longue histoire des violences collectives (et meurtrières), et d'autre part entend saisir des points communs entre l'action des militants nazis et, par exemple, les meurtres commis par les catholiques parisiens lors du « massacre de la Saint-Barthélemy » (en 1572), les diverses tueries auxquelles participèrent les foules révolutionnaires de 1789 ou 1792, l'assassinat par les « gardes rouges » de la « révolution culturelle » chinoise, à la fin des années 1960, des éléments soi-disant « révisionnistes » de la société et du Parti communiste, ou encore les attentats suicides commis ces dernières années dans de nombreux pays par les groupes jihadistes se réclamant d'un islam traditionnel des plus rigoureux. Si ce livre s'efforce de montrer que la violence nazie a de nombreux antécédents, ceci, affirme l'auteur, ne conduit pas à en nier le caractère exceptionnel et paroxystique. Quelle est alors la différence entre le nazisme et les situations dispersées dans l'histoire et la géographie qui surviennent en écho ou comme des précurseurs non génocidaires du génocide nazi ? La différence tient à ce que le nazisme a fait de la violence, toujours pratiquée sur un mode de vengeance, un système d'État durable, là où il n'y avait que des explosions sporadiques et limitées (sans parler des conflits guerriers engagés par un État à l'égard d'un autre État). François Jacquet-Francillon affirme aussi que l'abord du cas nazi exige une investigation renouvelée de la violence. Et pour donner corps à ce principe, il s'intéresse non pas aux individus violents et à leur psychologie ou leur inspiration personnelle (idéologique, etc., et... pathologique sans aucun doute) mais avant tout aux collectifs humains enclins à la violence et dans lesquels de tels individus se rassemblent. Ceci mène à un premier constat : ces groupes, ou groupements, au cours de leur vie normale, élaborent et diffusent des pratiques et des croyances spéciales que l'auteur qualifie d'agonistiques. Seules de telles pratiques et de telles croyances expliquent que des individus furieux, grâce à des circonstances favorables, transforment un désir de mort (répandu quand on admet que tout irait mieux si les Juifs n'existaient pas), en volonté de tuer (suivie par la création et la mise en oeuvre de moyens humains et matériels, notamment de dispositifs d'exécution - chambres à gaz au bout du compte). Cette volonté passe, souvent inchangée, des donneurs d'ordre aux exécutants. Il est à noter que l'auteur a utilisé un vocabulaire approprié. D'une part il a défini des « groupements agonistiques » d'autre part, il a caractérisé la mentalité originale de ces groupements en parlant d'« effervescence mentale » et de « désignation de l'ennemi » - ennemi auquel ces groupements (et eux seuls) confèrent un statut de personnes, instances, populations, etc., à abattre. Si la notion des ennemis est ici centrale, elle ne réfère cependant pas à la théorie de Carl Schmitt, qui n'a pas accordé d'attention aux croyances circulant à l'intérieur de ces groupements, des « croyances agonistiques » - dont les récentes « théories du complot », comme on dit aujourd'hui, pourraient n'être que le dernier avatar.
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Commun-commune ; penser la Commune de Paris (1871)
Jean-François Dupeyron
- Kime
- 19 Février 2021
- 9782841749959
Cet ouvrage renvoie tout d'abord les « légendes » de la Commune à leurs insuffisances et à leur rapport biaisé aux faits. Puis il examine, sans préférence affirmée, la pensée des actrices et des acteurs, en s'efforçant d'en restituer aussi fidèlement que possible la pluralité. Trois principales conceptions de la Commune se combinèrent souvent au sein du mouvement pour définir celle-ci : soit comme un simple conseil républicain garant des franchises municipales de Paris, soit comme un gouvernement révolutionnaire central de la France, soit comme le complément politique des organisations de travailleurs dans la restructuration socialiste de la société.
Pour ne pas réduire la Commune à un appendice meurtrier du passage de l'Empire à la République d'ordre, il faut réhabiliter la révolution théorique inachevée et la quête d'une alternative à la République bourgeoise qui mirent une population en mouvement autour de ces trois axes politiques.
Dans cet esprit, la modeste mais ferme ambition de cet ouvrage est de contribuer à l'exploration de la philosophie politique et des pratiques politiques qui circulèrent dans le Paris libre du printemps 1871 et qui, aujourd'hui encore, portent des enseignements pour les révolutions contemporaines du Commun.
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Lumières arabes et lumières modernes ; au miroir de l'utopie insulaire d'Ibn Tufayl, expérience de soi et dissidence médiévale
Eric Marion
- Kime
- 9 Février 2016
- 9782841747382
Le présent essai se propose de montrer, en prenant pour fil directeur l'expérience de soi dans l'allégorie philosophique d'Ibn Tufayl, Hayy lbn Yaqzân, que la philosophie arabe, du IXe siècle au XIIe siècle, forme une tradition de pensée vivante et unifiée, trop souvent négligée, s'inscrivant pleinement dans le destin de la métaphysique occidentale et permettant de ressaisir une époque distincte de l'être, qui n'a pas été jusque-là considérée comme telle.
D'autre part et inséparablement, il s'agira d'établir que cette tradition philosophique des Lumières médiévales arabes est à la source des Lumières modernes, tout en se distinguant radicalement de celles-ci, et que cet héritage est resté jusqu'alors insuffisamment pensé. La diffusion effective de cette oeuvre charnière au XVIIe en Europe, et l'expérience décisive qu'elle propose, le confirme : Yaqzàn est bien ce philosophe autodidacte qui pense soi-même, sinon par soi-même. Nous espérons ainsi contribuer à ce que Christian Jambet appelle de ses voeux :
« l'étude des philosophes 'arabes' serait à faire dans le cadre de l'histoire de la raison, qui est l'histoire de la raison occidentale ».
Enfin, mettre en évidence ce rapport entre la falsafa d'un côté, elle-même étant étroitement liée à la révélation coranique, et d'un autre côté ce qui est proprement moderne, pourrait aider à dissoudre bien des préjugés concernant l'lslam. Comme le soutient P.
Mégarbané dans ses ouvrages sur deux immenses poètes arabo-musulmans, Al Mutanabbî et Al Ma'arrî : « depuis deux siècles, on discute de savoir si l'islam est compatible avec la modernité.
Le verdict de l'époque voudrait que le monde arabo-musulman n'ait de choix qu'entre une modernité étrangère à sa tradition et une fidélité ombrageuse à son archaïsme. La réalité pourrait s'avérer bien différente ». L'étude de la philosophie arabe, non moins que celle de la poésie arabe, nous semble être en mesure de confirmer ce jugement salvateur.
Ces motifs et ces raisons nous conduisent à cet essai : esquisser, tenter de proposer une définition des Lumières arabes, définition dont l'élaboration suppose conjointement une élucidation de l'économie de la présence à laquelle elles appartiennent.
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De la barbarie ordinaire : Essai sur le totalitarisme contemporain
Patrice Guillamaud
- Kime
- 19 Janvier 2024
- 9782380721287
Ce livre est certes un manifeste fustigeant l'idéologie dominante de la contemporanéité comme progressisme et post-modernité. Il montre en effet en quoi cette même idéologie, alors même qu'elle veut déconstruire toutes les formes d'autorités et dénoncer toutes les formes d'enfermements totalitaires dans les préjugés idéologiques, est elle-même justement source d'un nouveau totalitarisme. C'est ainsi que, par-delà les totalitarismes nazi et stalinien, il y a paradoxalement le totalitarisme libéral. Il reste que, si ce même livre est original, c'est surtout par son analyse philosophique des deux principes du totalitarisme. Il s'agit d'une part de la pensée et d'autre part de la société. Si ces deux principes du totalitarisme relèvent par ailleurs de l'essence de l'humanité, s'ils sont par là-même, tous les deux, sources d'une barbarie très commune ou très ordinaire, cela se révèle être d'une gravité anthropologique extrême. C'est la gravité de ce défi que Guillamaud tente d'affronter et de relever. Il soutient cette gageure en exploitant des penseurs aussi différents qu'Hannah Arendt, Emmanuel Lévinas, Emile Durkheim, Karl Marx et surtout Jacques Ellul et Michel Henry.