Des voix s'élèvent de la nuit d'Athènes pour célébrer l'amour. Les invités du banquet d'Agathon - ce sont ses talents de tragédien que l'on fête - livrent tout à tour leur version d'Eros. Le vin lourd et épicé délie les langues. L'invention va atteindre des sommets d'extravagance avec le mythe d'Aristophane. L'intensité dramatique, modulée de main de maître, va crescendo. Enfin, Socrate prend la parole, mais plutôt que de pousser son avantage dialectique, il choisit de rapporter les propos que lui a tenus jadis la prêtresse de Mantinée. C'est unique dans l'oeuvre de Platon, et disons-le rarissime dans l'histoire de la pensée occidentale : c'est à une femme que revient la tâche d'initier le philosophe au mystère de l'amour.
Ce que dit Diotime va changer l'histoire de notre sensibilité ; George Steiner le montre dans la préface : "l' 'Eros authentique est une quête de l'immortalité, notre vie n'est valable que si elle aspire à la vision de la beauté absolue, qui est aussi vérité".
Texte établi et traduit par Paul Vicaire, annoté par François L'Yvonnet.
Préface de George Steiner.
Le Gorgias est sans doute le plus animé et le plus féroce des dialogues platoniciens. A la faveur de la discussion qui oppose Socrate au sophiste Gorgias et à l'incroyable rhéteur Calliclès, Platon conduit la philosophie en un lieu où on ne voulait pas l'attendre : au sein des assemblées, des tribunaux et des discussions publiques où la question est posée de la "meilleure manière de vivre". A l'encontre de la rhétorique athénienne, la philosophie revendique la prétention exclusive d'être le seul discours éthique. Qu'il s'agisse des plaisirs, dont on ne peut vraiment jouir qu'à la condition de les maîtriser et de les connaître, ou du soin de la cité, qui exige un gouvernement susceptible d'améliorer les citoyens, la philosophie fait ici valoir sa compétence à ordonner les conduites.
Sans doute écrit au moment où Platon fondait à Athènes l'Académie (autour de 387), le Gorgias veut être le protocole éthique d'un engagement politique ; il débat donc des conditions du gouvernement de soi et des autres.
« L'amour des livres et de la lecture respire à travers ce chef-d'oeuvre. Je suis absolument certain qu'il sera lu même une fois que ses lecteurs actuels seront passés dans l'au-delà. Mario Vargas Llosa Vallejo a judicieusement décidé de se libérer du style académique pour choisir la voix du conteur. L'histoire n'est pas considérée comme une liste d'ouvrages cités, mais comme une fable. Ainsi, pour n'importe quel lecteur curieux, ce charmant essai est accessible et émouvant dans sa simplicité parce qu'il est un hommage aux livres par une lectrice passionnée. » Quand les livres ont-ils été inventés ? Comment ont-ils traversé les siècles pour se frayer une place dans nos librairies, nos bibliothèques, sur nos étagères ?Irene Vallejo nous convie à un long voyage, des champs de bataille d'Alexandre le Grand à la Villa des Papyrus après l'éruption du Vésuve, des palais de la sulfureuse Cléopâtre au supplice de la philosophe Hypatie, des camps de concentration à la bibliothèque de Sarajevo en pleine guerre des Balkans, mais aussi dans les somptueuses collections de manuscrits enluminés d'Oxford et dans le trésor des mots où les poètes de toutes les nations se trouvent réunis. Grâce à son formidable talent de conteuse, Irene Vallejo nous fait découvrir cette route parsemée d'inventions révolutionnaires et de tragédies dont les livres sont toujours ressortis plus forts et plus pérennes. L'Infini dans un roseau est une ode à cet immense pouvoir des livres et à tous ceux qui, depuis des générations, en sont conscients et permettent la transmission du savoir et des récits. Conteurs, scribes, enlumineurs, traducteurs, vendeurs ambulants, moines, espions, rebelles, aventuriers, lecteurs ! Autant de personnes dont l'histoire a rarement gardé la trace mais qui sont les véritables sauveurs de livres, les vrais héros de cette aventure millénaire.
Jamais, peut-être, socrate ne fut aussi tranquille qu'en cette journée particulière qui s'achève par un arrêt de mort .
Le procès, banal par certains côtés (ce n'est ni la première ni la dernière fois que l'on aura la peau d'un homme libre), a pour nous valeur de symbole. il est l'un des événements fondateurs de notre identité intellectuelle : il décidera de la vocation philosophique de platon. l'histoire de la pensée occidentale porte la marque de cette césure : il y a l'avant et l'après socrate. chaque fois qu'une communauté tente, par la censure, l'ostracisme ou le meurtre, de réduire au silence un étranger moral ou intellec tuel à l'intérieur de ses murs, de bâillonner ou d'effacer ses interrogations intolérables, elle vit une heure socratique.
" (george steiner).
« Parmi les royaumes bien organisés et gouvernés de notre temps, il y a celui de France, où l'on trouve une infinité de bonnes institutions, dont dépendent la liberté et la sécurité du roi ; au premier rang desquelles figure le parlement avec son autorité. Parce que celui qui institua ce royaume, connaissant l'ambition des puissants et leur insolence et jugeant nécessaire qu'ils aient dans la bouche un frein pour les corriger, sachant d'autre part fondée sur la peur la haine du populaire envers les grands et voulant rassurer ces derniers, ne voulut pas que ce fût là une attribution particulière du roi, pour lui épargner les éventuels griefs des grands s'il favorisait le populaire et ceux du populaire s'il favorisait les grands ; c'est pourquoi il institua un tiers juge chargé, sans qu'on en fît grief au roi, de battre les grands et favoriser les petits ; institution, celle-ci, qui ne pouvait être ni meilleure ni plus prudente, ni une plus grande source de sécurité pour le roi et le royaume. D'où l'on peut tirer un autre enseignement digne d'être noté, à savoir que les princes doivent faire en sorte que soient administrées par d'autres les choses qui sont matière à griefs, et par eux-mêmes celles qui sont matière à gratitude. Et je conclus une nouvelle fois qu'un prince doit faire cas des grands, mais ne pas se faire haïr du peuple. »
Adam Tooze, dont le dernier livre, Crashed, avait été salué pour la clarté avec laquelle il expliquait la crise de 2008, met le même brio analytique à l'examen de la crise commencée en janvier 2020. En privilégiant la finance et l'économie, il place l'histoire de la pandémie dans un cadre qui jette un éclairage peu flatteur sur l'impréparation institutionnelle et l'irresponsabilité organisée des élites économiques et politiques des pays riches. Tooze montre que les interactions entre l'organisation sociale, les intérêts politiques, les lobbies d'affaires et la politique économique peuvent avoir des conséquences humaines dévastatrices, des services d'urgence aux travailleurs migrants sans droits. Il passe avec agilité de l'impact des fluctuations des monnaies à la mondialisation des chaînes logistiques, en passant par la démolition des services publics menée depuis plusieurs dizaines d'années au nom de la performance et de l'efficacité.
Ce livre est le fruit d'un vieil amoureux de la mer Intérieure qui en dévoile pour nous les balbutiements enrichis d'un savoir encyclopédique. L'historien des grands espaces et des longues durées apporte son métier et sa vision à la préhistoire et aux antiques civilisations qui, jusqu'à l'accomplissement de la conquête romaine, ont bordé et fait la Méditerranée.
Ce texte est le traité de politique par excellence de l'Inde ancienne. Son objet n'est pas de s'interroger sur la meilleure forme de gouvernement. La réponse à cette question est claire : le seul régime valable est la monarchie, le roi doit concentrer tous les pouvoirs et, sans un pouvoir fort, on tomberait dans la violence anarchique. Sur cette base, le texte est rédigé comme un manuel d'instruction princière : comment le souverain doit-il asseoir le pouvoir de l'État, comment doit-il réguler l'économie et comment doit-il se comporter en politique étrangère, avec ses alliés et ses ennemis ? Le titre sanskrit de cet ouvrage pourrait être traduit par « Traité du profit »
Nous ne parlons pas ici d'un art tranquille et pacifique, qui aime la probité et la modération. Cette grande, cette glorieuse éloquence est la fille de la licence, que les sots appellent liberté, la compagne des séditions, l'aiguillon d'un peuple sans frein ; incapable d'obéissance ou de sérieux, opiniâtre, téméraire, arrogante, ce n'est pas dans une société régie par une bonne constitution qu'elle peut prendre naissance. (Tacite)
Dans cet essai somptueusement illustré, la grande médiéviste italienne Chiara Frugoni observe et analyse minutieusement des tapisseries, des miniatures, des mosaïques, des sculptures, des tableaux et des encyclopédies illustrées pour nous montrer les mille facettes de la tradition séculaire, aussi symbolique que réelle, qui liait les hommes et les animaux. Autant d'images commentées qui rendent vivante et palpitante cette époque lointaine dont a hérité notre culture. Chiara Frugoni nous promène dans le bestiaire imaginaire et quotidien des hommes du Moyen Âge, où la crainte se mêle à la fascination.
« J'ai tenu ce journal au début des années 2020, quand on pouvait encore faire la différence entre la parole et la communication. Mais déjà, dans beaucoup de situations, on n'y voyait plus très clair. » Psychanalyste de métier, Yann Diener pioche dans le langage courant des mots et des expressions venus du jargon informatique, tels que « Pendant toute mon enfance j'ai fait l'interface entre mes parents » ; « Je suis déconnecté de ma famille » ; « Je dois me connecter mais je n'ai pas le code pour ouvrir ma session ». Autant de formules utilisées uniquement par des informaticiens il y a quelques années. Yann Diener tente de mesurer les conséquences individuelles et collectives de ce glissement de la parole vers le langage machine, lequel est fondé sur un codage binaire.
Digicodes, codes de messageries, mots de passe, cryptogrammes : nous passons beaucoup de temps à « saisir » des codes. Et quand nous utilisons nos ordinateurs et nos téléphones, nous ne remarquons plus que nous faisons « tourner » des lignes de code.
Cette enquête nous conduit au cas du mathématicien Alan Turing et à la machine utilisée par les nazis pour coder leurs communications militaires. L'auteur propose une hypothèse originale : nous vivons sous le régime d'un trauma nommé Enigma. Nous passons notre temps à répéter une opération de codage et de décodage que la lutte entre Turing et les cryptologistes allemands avait inaugurée - Turing en était sorti vainqueur en inventant l'ordinateur. Le fantôme d'Enigma vient ainsi hanter notre monde numérisé.
En philologue de notre modernité, l'auteur montre les racines communes entre le vocabulaire théologique et la LQI, la langue quotidienne informatisée : au XVe siècle, il était question de « Dieu ordinateur du monde », au sens de Dieu mettant de l'ordre dans le monde. Dans LTI - La langue du IIIe Reich, Victor Klemperer montrait comment la mécanisation de la langue allemande avait permis de mécaniser la pensée et de banaliser des actes déshumanisés ; Yann Diener dévoile dans ce livre comment l'informatisation du langage rend notre pensée toujours plus binaire, ce qui participe de l'actuelle surenchère identitaire.
Livre de référence pour toute réflexion sur la poésie et sur la théorie littéraire en Europe depuis près de vingt-trois siècles. En examinant l'épopée et la tragédie, Aristote en décrit les structures et en explique les origines et les fins. Ce faisant, il se démarque radicalement de Platon, qui avait banni toute forme de poésie de sa cité idéale.
« Être un homme complet, équilibré, c'est une entreprise difficile, mais c'est la seule qui nous soit proposée. Personne ne nous demande d'être autre chose qu'un homme. Un homme, vous entendez. Pas un ange, ni un démon. Un homme est une créature qui marche délicatement sur une corde raide, avec l'intelligence, la conscience et tout ce qui est spirituel à un bout de son balancier, et le corps et l'instinct et tout ce qui est inconscient, terrestre et mystérieux à l'autre bout. En équilibre, ce qui est diablement difficile. » Ces phrases qu'Aldous Huxley fit prononcer par un des héros de Contrepoint, pourraient servir de résumé au livre que voici.
Dans La Fin et les moyens, publié en 1937, Aldous Huxley développe les conditions et les méthodes d'un véritable humanisme. Comprendre l'homme nécessite d'interroger tout ce qui en lui participe au réel, à la vie de l'intelligence et de la sensibilité, à ses conditions de vie sociale et économique, mais aussi à sa spiritualité. Tout ce qui, aussi, nous aide à formuler nos conceptions du bien et du mal et détermine l'ensemble de nos actions.
Quel est donc le but de ce livre ? Réaliser l'homme tout entier, malgré les pressions idéologiques et sociales de son époque. À partir d'une définition de l'homme «sans attache», guidé par sa seule intelligence et son amour d'autrui, Aldous Huxley propose de manière concrète les moyens pour atteindre la finalité de l'effort humain. Ces moyens ne se limitent pas à une prise de conscience individuelle mais résident aussi dans un cadre politique et social plus juste, dans des réformes, des institutions vraiment humanistes, dans une éducation, enfin, qui libère l'être des préjugés de la pensée toute faite. Par être, Aldous Huxley désigne aussi bien l'enfant que l'adulte : il n'est jamais trop tard pour grandir, approfondir les raisons libres de ses croyances, dresser l'inventaire de ce qui nous paraît acceptable ou inacceptable au-delà de ce qui nous est imposé. Marcher à contre-courant pourrait être la devise de cet immense philosophe pacifiste du XXe siècle qui trace les grandes lignes
« Ce livre parle avant tout d'amour : le grec ancien a été l'histoire la plus longue et la plus belle de toute ma vie.
Peu importe que vous connaissiez le grec ou non.
Si c'est le cas, je vous dévoilerai des caractéristiques de cette langue dont personne ne vous a parlé au lycée, quand on vous demandait d'apprendre par coeur conjugaisons et déclinaisons.
Si ce n'est pas le cas, c'est encore mieux. Votre curiosité sera comme une page blanche à remplir.
Qui que vous soyez, cette langue recèle des manières de s'exprimer qui vous permettront de vous sentir chez vous, de formuler des mots et des idées qui ne trouvent pas d'expression exacte dans notre langue. » Le grec est une langue géniale : voici neuf bonnes raisons d'en tomber éperdument amoureux.
L'essai d'Eric Hoffer, publié en 1951 aux États-Unis n'a cessé d'être réimprimé, commenté et débattu depuis.
Il s'affirme comme une référence en pensée sociale, par sa liberté de ton, son originalité d'esprit et la force indéniable de ses arguments. Son auteur y démystifie en autodidacte génial, ce qu'il appelle le « vrai croyant » ou la « foi aveugle », en soulignant certains des traits communs aux mouvements de masse : mouvements religieux, révolutions sociales, campagnes nationalistes, etc.
Le premier et le plus fameux de ses livres enquête en particulier sur la phase active des mouvements de masse, celle dominée par le fanatique prêt à se sacrifier pour une cause sainte ou qui lui paraît telle. Les diagnostics formulés par E. Hoffer sont essentiels pour les hommes d'aujourd'hui qui veulent rester libres, face aux tentations des divers collectivismes.
Ce livre raconte une histoire de l'Allemagne sur cinq cents ans, depuis le Saint-Empire romain jusqu'à la réunification, en faisant apparaître ce qui a permis aux Allemands de se constituer une identité nationale. Outre la publication, dotée d'une abondante iconographie, ce projet a donné lieu à une série d'émissions diffusée sur BBC Radio 4, ainsi qu'à une exposition présentée au British Museum.
En évoquant des monuments, des objets, des personnes et des lieux, Neil MacGregor, historien de l'art, explore comment l'Allemagne a su façonner et refaçonner son identité à travers les divers matériaux que lui a légués le passé. Un passé avec lequel, pour des raisons historiques, les Allemands entretiennent une relation particulière : pendant longtemps les frontières ont été mouvantes, des entités politiques, tels que le Saint-Empire romain et l'Etat prussien, ont totalement disparu, tandis que de nouveaux Etats ont vu le jour dans les années de l'après-guerre.
Allemagne. Mémoires d'une nation offre l'intérêt singulier de proposer un voyage éclairant à travers le temps, que vient documenter une très riche et passionnante iconographie (plus de 400 illustrations), tout en permettant de comprendre l'influence profonde de l'histoire et de la culture allemandes en Europe.
Traduit pour la première fois en France, La Vie dans un château médiéval est un classique qui a initié des millions de lecteurs anglophones aux secrets du monde médiéval. Et qui a profondément inspiré George R. R. Martin, le créateur de A Game of Thrones.
À partir du remarquable château de Chepstow, à la frontière de l'Angleterre et du Pays de Galles, mais aussi des plus admirables châteaux forts français, les grands médiévistes Frances et Joseph Gies nous offrent un portrait saisissant de ce qu'était la vie quotidienne de l'époque et nous montrent l'importance du rôle qu'y jouait le château fort. Les Gies ont le don de rendre à la vie les hommes et les femmes qui vivaient dans et autour du château, le seigneur et la dame, les chevaliers et les soldats, les serviteurs et les paysans, les troubadours et les jongleurs.
Nous y découvrons comment les seigneurs et les serfs se vêtaient et se lavaient, ce qu'ils buvaient et ce qu'ils mangeaient, quels étaient leurs loisirs et leurs occupations, leurs codes de conduite sexuelle, leurs principes d'ordre et de solidarité. Nous y apprenons le rôle essentiel que jouait l'honneur dans la culture médiévale, le processus d'initiation auquel se soumettaient les chevaliers, l'importance des fêtes religieuses et des liens personnels, et pourquoi le château fort était autant un rempart contre les violences qu'une source de conflit et un enjeu de pouvoir.
Remarquablement documenté, et aussi plaisant à lire qu'un roman, La Vie dans un château médiéval est l'ouvrage de référence pour quiconque a envie de se plonger, l'espace de quelques heures, dans cette époque fascinante.
· Un panorama mondial qui envisage les céréales et pseudocéréales dans leur rapport à la sédentarisation de l'humanité, à l'évolution des différentes civilisations depuis le Néolithique, et à l'avenir de nos relations avec toutes les formes du vivant.
· Une étude concrète et abondamment illustrée des différentes espèces de céréales et de leurs usages · Une source de réflexions sur les réponses que les céréales peuvent apporter aux défis alimentaires, environnementaux et spirituels des générations de demain · Une mise en perspective de la portée symbolique et religieuse des céréales à travers les époques et les civilisations · Un compte-rendu complet des échanges biologiques et technologiques qui se sont succédé jusqu'aux enjeux actuels de la mondialisation · Une approche transdisciplinaire, qui combine l'expérience de terrain et les connaissances complémentaires d'Alain Bonjean, généticien des plantes, et Benoît Vermander, enseignant en sciences sociales et religieuses.
Cet ouvrage retrace la longue histoire des interactions entre l'Homme et les céréales.
Depuis les premières tentatives de domestication jusqu'aux applications agronomiques les plus contemporaines de la génomique, depuis les gestes de partage qui scandent le quotidien jusqu'aux rituels agraires les plus élaborés, Alain Bonjean et Benoît Vermander dévoilent la diversité des espèces productrices de grain et celle des sociétés qui s'organisent autour de leur culture.
La domestication des orges, exemplaire du travail poursuivi entre la nature et l'humanité ; la naissance des blés dans le croissant fertile, leur introduction en Europe puis dans le monde entier ; la précoce mise en valeur des millets et l'exubérance du répertoire mythique qui les accompagne ; les transferts et les drames qui ont marqué l'échange colombien, depuis l'introduction du maïs en Europe jusqu'à celle de techniques culturales africaines en Amérique du Nord ; le répertoire élaboré des riz asiatiques et des rituels associés ; la diversité maintenue des céréales africaines, celle des espèces andines trop longtemps négligées, gage d'espoir pour l'humanité... Telles sont quelques-unes des étapes de ce livre, qui ouvre des perspectives inédites sur les rapports entre l'homme et le végétal et sur les crises qui marquent aujourd'hui pareille relation.
Pour faire de la politique en Grèce ancienne, il fallait d'abord avoir la possibilité de parler. Ce n'était a priori possible que dans les cités dont le régime politique permettait aux citoyens de prendre la parole ; c'est-à-dire, en principe, celles où régnait la démocratie. Les textes témoignent du caractère crucial de cette question du droit à la parole pour le peuple dans l'Athènes du Ve siècle.
La première partie de l'ouvrage examine dans les différents régimes politiques en Grèce (tyrannie, royauté, oligarchie et démocratie) la place accordée réellement à la parole par chacun d'entre eux - dans la législation ou dans les faits, dans les assemblées officielles ou dans la rue -, ainsi que les moyens d'expression qui restaient quand la parole était interdite.
La deuxième partie s'attache spécialement aux dangers qui menaçaient les hommes politiques dans la cité qui représente à nos yeux la démocratie idéale, Athènes ; harcèlement de rue, pression de l'administration, mais surtout procès constants intentés par les adversaires politiques ou par n'importe quel citoyen au nom du droit à la parole. Cela débouchant sur des condamnations sévères, confiscation des biens, perte des droits civiques, exil, voire exécutions - mais, curieusement, jamais sur la prison, ou même sur une politique d'assassinat. On peut s'étonner que Périclès soit mort dans son lit, quand on pense à la triste fin d'Alcibiade ou de Démosthène !
Cet ouvrage, qui s'appuie constamment sur les textes abondamment cités, sera utile à tous ceux qui souhaitent mieux connaître le fonctionnement réel de la démocratie athénienne ainsi qu'aux politiques prompts à se référer à ce régime - qui ne fut peut-être pas idéal, mais qui reste admirable à bien des titres.
L'Empire byzantin, qui a duré plus de onze siècles, doit en partie cette longévité à un large consensus idéologique : l'Empereur est le « pieux élu de Dieu », il est au sens étymologique le lieutenant de Dieu sur terre. Il incarne un pouvoir impérial fort, épaulé par une administration performante pour l'époque, notamment grâce à une éducation maintenue aux standards antiques, accessible à qui pouvait se l'offrir. Les hauts fonctionnaires et dignitaires gravitent autour du palais impérial de Constantinople où s'exerce l'essentiel du pouvoir. Les membres de la cour sont ainsi les personnages secondaires ou les simples figurant d'un somptueux mystère costumé, au sens médiéval du terme. Pour autant, l'Empereur n'est pas coupé du peuple ni de la population de Constantinople : il assiste avec sa cour et quelque 40 000 spectateurs (soit plus du dixième de la population de la ville) aux courses de quadriges. Celles-ci se déroulent à l'Hippodrome jouxtant le Palais, depuis lequel l'Empereur et sa cour gagnent directement leurs tribunes.
Au Xe siècle, alors que l'Empire, première puissance de la chrétienté, se trouve à son apogée, l'un des empereurs rassemble la tradition du cérémonial aulique dans un ouvrage connu comme le Livre des Cérémonies.
Nous avons voulu permettre au lecteur de suivre ces cérémonies, de comprendre quelle était la vie de la cour et des courtisans, dans et hors du Palais.
Les visiteurs étrangers amenés à participer à ces cérémonies se trouvaient aussi fascinés que les sujets byzantins. Michel Kaplan laisse entrevoir cette fascination ainsi que les mécanismes de pouvoir qui la sous-tende.
Enfin, ce livre donne accès à une civilisation aujourd'hui disparue, à laquelle nous devons l'essentiel de ce qui nous été transmis de la culture, de la science et de la philosophie grecques.
Introduction Livres I à XII
« Telle est la sombre grandeur proposée désormais à l'historien contemporain : consacrer ses efforts à discréditer les auteurs anciens en montrant à quel point ils avaient été tributaires de leurs aveuglements ; souligner les lacunes, la myopie, l'extravagance de leurs jugements ; débusquer préjugés de classe et stéréotypes de genre ; dresser l'inventaire, la généalogie de leurs successives réinterprétations par chaque génération.
Tenir en revanche leurs oeuvres pour un réservoir d'exemples, de modèles, de situations utiles pour guider notre réflexion, comme le recommandait Plutarque, les considérer même comme des chefs d'oeuvre d'une «inaltérable actualité», parce qu'ils «savent dire ce que l'homme a d'humain» serait rester à la surface des choses, «dans l'éther de la culture classique». Se flatter de poursuivre avec ces vieux morts un dialogue que nos différences et notre éloignement relèguent au rang de vain songe relèverait de la naïveté, de l'amateurisme et de l'outrecuidance.
J'ai écrit ce livre parce que je pense tout le contraire ».
Répudiant tout anachronisme simplificateur, mais refusant aussi de considérer le legs de l'Antiquité comme une beauté morte, inféconde, Michel De Jaeghere mobilise sa formation d'historien des idées, sa longue fréquentation des auteurs antiques, et sa familiarité avec la politique contemporaine pour affronter une redoutable question : les Anciens sont-ils, en politique, encore de bon conseil ?
Frugales croustilles ou bamboches délirantes, les repas de l'Antiquité ont la saveur de la pensée joyeuse, celle qui vient en mangeant. L'important est de savoir le faire ensemble car tel est le sens du mot convivium en latin. Quand l'art des mots se combine avec l'art des mets, le plaisir et l'intelligence se dégustent sans modération : Platon, Sénèque, Ovide, tous les plus grands auteurs grecs et romains ont écrit des propos merveilleux sur leurs tablées, privées ou publiques. D'autres moins connus, comme l'évêque Venance Fortunat ou Méthode d'Olympe, ont trouvé l'inspiration pour nous régaler de pages exquises et inattendues sur le bonheur coupable et délicieux de la chère.
Cette Bibliothèque idéale réunit le meilleur de quinze siècles de propos et de pratiques de table, nous faisant goûter l'évolution et le raffinement inouïs atteints durant la période païenne mais aussi sa condamnation à l'ère chrétienne. Surtout, elle nous invite à interroger nos manières et notre convivialité, notre savoir-vivre, qui se confond bien souvent avec savoir manger. Apprenti gastronome et gourmet confirmé, affamé de traits d'esprit ou gourmand de grands discours, chacun est invité à déguster les mets et les mots de l'Antiquité : venez comme vous êtes, vous serez bien accueillis !
Le 31 mars 1785, Halil Hamid Pacha est révoqué de ses fonctions de grand vizir. Envoyé en exil, ses biens sont confisqués et ses maisons scellées. Nommé gouverneur, il ne rejoint pas son poste : il est exécuté sur l'île de Ténédos (Bozcaada). Rapportée au palais de Topkapi, sa tête est exposée à la vue de tous, sur un plateau d'argent. Pourquoi le sultan a-t-il mis à mort le pacha de la Porte ottomane ?
Halil Hamid avait des enfants. La plupart de leurs descendants vivent en Turquie. Olivier Bouquet a retrouvé leur trace dans un diagramme conservé chez un érudit grec d'Istanbul. Il a rencontré ceux qui administraient la fondation pieuse du prestigieux ancêtre. Ils lui ont confié des documents d'une grande richesse. Dossiers et inventaires sous le bras, l'historien a mené l'enquête à Isparta, ville d'origine du vizir. Il a retrouvé les fontaines, maisons et couvents établis par sa fondation pieuse, à Istanbul, en Anatolie et dans les Balkans. Il a recueilli les empreintes laissées par le dignitaire dans la mémoire du pays, de sa région et de sa lignée.
Voici une biographie d'un genre nouveau. Vie et mort : elles prennent sens l'une par l'autre. Elles s'éclairent par le croisement de trois axes narratifs : le dernier mois de la vie du pacha, entre sa révocation et son exécution ; ses deux années passées dans l'enfer de la Sublime Porte ; ses trois décennies au service du sultan. Jeune scribe, chef de bureau, haut dignitaire, fondateur d'oeuvres pies, Halil Hamid s'élève dans la hiérarchie impériale. Mais provincial d'Anatolie, Stambouliote de vie et de carrière, père de six enfants, chef de maison, familier des soufis et ami des lettrés, il est un homme de son temps et un Ottoman en situation.
Ce n'est pas seulement un grand vizir qui trouve ici sa biographie : c'est l'Empire ottoman du XVIIIe siècle. Sur l'architecture des résidences et le détail des biens, sur la diversité des meubles et la préciosité des tissus, sur la splendeur des armes et des bijoux, le lecteur trouvera dans ce livre la richesse de descriptions détaillées, servies par un ensemble de 382 illustrations.
Il pourra aussi comprendre les projections néo-ottomanes à l'oeuvre dans la Turquie d'aujourd'hui à la lumière du passé impérial. Un passé d'autant plus fantasmé qu'il est peu connu.