Retraçant un parcours de recherche qui l'a mené de l'Afrique du Sud au Maroc en passant par l'Éthiopie, François-Xavier Fauvelle fait ressortir les enseignements d'une histoire qu'il n'est plus permis de nier ou d'ignorer.
Il pointe les défi s d'une documentation fragmentaire qui suppose d'employer fouilles archéologiques et écrits anciens, traditions orales et usages contemporains du passé, tout en déconstruisant les représentations héritées des siècles de la traite des esclaves puis du colonialisme.
Apparaissent alors les richesses d'une histoire marquée par une singulière diversité d'économies, de langues, de croyances religieuses et de formations politiques.
Réinscrite dans ses interactions avec les mondes extérieurs, cette histoire renouvelle notre compréhension des mondes africains anciens et permet de repenser les phénomènes globaux, tels ceux du Moyen Âge, à partir de l'Afrique.
La France, tôt confrontée à l'immigration, et marquée aussi par son passé colonial, a vu monter la prégnance de la figure de l'Autre dans la vie de tous les jours, comme au coeur du discours politique.
Qu'il soit issu du regroupement familial, étudiant, travailleur qualifié ou non qualifié, travailleur temporaire, frontalier, réfugié, demandeur d'asile, sans papiers, le migrant incarne souvent une figure menaçante, toujours sujette aux mêmes stéréotypes. Au fil des diverses vagues d'immigration, les critères de l'altérité demeurent intacts?: la religion (des Polonais «?bien trop catholiques?» dans la France laïque de la Troisième République aux musulmans «?islamistes?» ), la violence (du «?couteau facile?» des Italiens dans les années 1890 au terrorisme importé de Syrie), la concurrence déloyale sur le marché du travail (du «?un million de chômeurs, c'est un million d'immigrés de trop?!?» des années 1970 au plombier polonais).
En se basant sur les articles de journaux, les proclamations politiques, les ouvrages de sciences sociales, mais aussi les romans et films, Catherine Wihtol de Wenden montre comment la mémoire collective concernant l'image de l'Autre s'est construite de 1870 à nos jours. Et propose quelques pistes pour en finir avec la figure péjorative du migrant?: une citoyenneté inclusive, la lutte contre les discriminations, la construction d'une mémoire du vivre ensemble par la mise en musées.
Camicera nera des fascistes italiens ou chemises brunes des nazis, veste Mao ou béret étoilé du Che, foulard rouge des Komsomols en URSS ou bleu des Pionniers en RDA, krâma cambodgien : tous ces vêtements sont emblématiques des totalitarismes du XXe siècle. Symboles politiques, ils ont convoqué des imaginaires et véhiculé des idéologies.
L'attention souvent scrupuleuse portée par les différents régimes - fascistes ou communistes - à la codification et à l'uniformisation des apparences invite à explorer toutes les facettes de ce langage du pouvoir.
Témoin et instrument d'une volonté prométhéenne d'emprise et de contrôle, signe d'appartenance et de solidarité mais aussi de hiérarchie et de soumission, d'assujettissement et d'exclusion, le vestiaire a permis d'encadrer toutes les sphères de la vie sociale, d'exalter les valeurs et idéaux politiques, de donner à voir une communauté unie derrière son chef.
Comment les populations ont-elles vécu l'obligation de porter telle ou telle pièce d'étoffe ? Quels furent les effets réels du port de ces vêtements ? Autant de questions permettant de comprendre davantage les processus d'embrigadement et d'oppression des populations, ainsi que leurs limites.
« L'énigme, c'est précisément qu'il semble évident que le monde existe pour nous » : c'est à cette énigme que se confronte Kant dès ses premiers écrits. Tout au long de son oeuvre, le philosophe ne cesse de spécifier le rapport au monde, que ce soit du point de vue de la sensibilité, de la connaissance ou de la morale. Il ouvre ainsi un nouvel horizon pour l'homme, comme « habitant du monde ».
Dans cet ouvrage, Michaël Foessel revisite la « maison Kant » dans ses coins et recoins, et met à l'épreuve la rationalité de l'édifice, dans une confrontation féconde entre Kant, Husserl et Heidegger.
Une lecture forte et vivifiante.
Dans la société française contemporaine, la ménopause apparaît comme une étape-clé du vieillissement des femmes, souvent vécue avec angoisse, et prise en charge par la médecine. On pourrait penser que c'est une façon universelle de considérer un événement qui, après tout, l'est aussi. Il n'en est rien. Selon les sociétés, l'arrêt des menstruations peut être un accroissement des possibles et des pouvoirs, l'avènement d'une sexualité enfin libérée de la fertilité, ou même un non-événement, ne faisant pas l'objet d'une attention particulière, au point qu'il n'existe pas de mot pour le désigner.
Ce livre offre un point de vue original, celui des sciences sociales, d'autant plus précieux que les représentations de la ménopause se nourrissent presque exclusivement des discours médicaux, qui la considèrent comme une carence, associée à un ensemble de troubles et de risques. Le phénomène naturel devient alors une « maladie » qu'il faut traiter. Face à ce discours « savant » alarmiste, les expériences des femmes apparaissent plurielles et les liens sociaux se révèlent aussi importants que le vécu corporel.
Une belle enquête sur un sujet tabou.
En imaginant, l'homme peut rendre possible l'impossible : dans les mythes ou les religions, ce qui est imaginé n'est jamais pensé ni vécu comme imaginaire par ceux qui y croient. Cet imaginé-là, plus réel que le réel, est sur-réel.
Si Lévi-Strauss affirme que « le réel, le symbolique et l'imaginaire » sont « trois ordres séparés », Maurice Godelier montre au contraire que le réel n'est pas un ordre séparé des deux autres. Les rites, objets et lieux sacrés ne témoignent-ils pas de la réalité de l'existence de Dieu, des dieux ou des esprits pour une partie de l'humanité ? Le symbolique déborde la pensée, envahit et mobilise le corps tout entier, le regard, les gestes, les postures mais aussi l'ensemble du monde : il est le réel.
L'ouvrage nous entraîne au coeur stratégique des sciences sociales, car s'interroger sur la nature et le rôle de l'imaginaire et du symbolique, c'est vouloir rendre compte de composantes fondamentales de toutes les sociétés et d'aspects essentiels du mode d'existence proprement humain, des aspects qui forment une grande part sociale et intime de notre identité.
Comment et pourquoi 75?% des juifs ont-ils échappé à la mort en France sous l'Occupation, en dépit du plan d'extermination nazi et de la collaboration du régime de Vichy?? Comment expliquer ce taux de survie inédit en Europe, dont les Français ont encore peu conscience??
Jacques Semelin porte un regard neuf et à hauteur d'hommes sur les tactiques et les ruses du quotidien qui ont permis aux persécutés d'échapper aux rafles et déportations. Au-delà du contexte international et des facteurs géographiques, politiques, culturels, il montre que les juifs ont trouvé en France un tissu social complice pour les aider, surtout à partir de l'été 1942, malgré l'antisémitisme et la délation.
Entre arrestations et déportations d'une part, gestes d'entraide et pratiques de solidarité d'autre part, ce livre est tout sauf une histoire édulcorée des quelque 220?000 juifs toujours en vie en France à la fin de l'Occupation. C'est une histoire au plus près des réalités quotidiennes des persécutés juifs, français et étrangers, illustrée par les trajectoires d'individus ou de familles, dont le lecteur suit l'évolution de l'avant-guerre aux années noires.
Retracer six siècles d'histoire de l'Europe en quelque 120 dates et plusieurs centaines de documents : tel est le défi que relèvent ces Chroniques.
Loin d'inventorier les " grandes dates qui ont fait l'histoire ", cet ouvrage préfère mettre en lumière celles que l'on connaît moins. On y découvre, entre autres, l'adoption de l'écriture romaine dans l'imprimerie dès 1470, l'entrée de la tomate dans la cuisine européenne en 1613, l'exécution de la dernière sorcière en 1782, les luttes pour la diminution du temps de travail en 1817, le vote des femmes en Finlande en 1906, la première victime du mur de Berlin le 22 août 1961, le lancement de la fusée Europa II en 1971.
Les historiennes et historiens - des techniques, du politique, de l'environnement, des idées, du genre, des arts, de l'économie - ici réunis, ont bien voulu se prêter à un exercice original : choisir un événement qui fait sens à l'échelle de l'Europe, puis, documents et repères chronologiques à l'appui, en faire le récit et rendre compte de ses résonances à travers le temps et l'espace.
Une formidable plongée dans l'histoire longue de l'Europe à travers des figures marquantes, la circulation de savoirs, des innovations techniques ou artistiques, des tensions, conflits ou convergences. Une nouvelle façon de questionner ce qui fait date en histoire et de raconter l'Europe.
L'intime est au coeur de l'histoire du sujet en Occident. Fruit de conquêtes individuelles ou collectives, il devient depuis la Révolution française un enjeu politique majeur, considéré comme une menace par le pouvoir en place ou la société dominante. Ceux-ci entendent limiter et modeler cet espace privé selon des normes conformes à leurs valeurs, bien conscients des risques de développement de ces « jardins secrets ».
Au cours des années 1970, l'intime, symbole de l'émancipation et de l'autonomisation des individus, devient un nouvel espace de lutte pour défaire l'étau qui a longtemps enserré nos corps. Revendiquer une intimité, c'est affirmer un moi et s'affranchir des tutelles et des mécanismes d'assignation. De la chambre conjugale aux cheveux, du rêve au tatouage, du journal personnel au clitoris, l'intimité n'a cessé de se reconfigurer en fonction de l'évolution des modes de vie. Mais l'émergence récente de technologies inédites bouleverse aujourd'hui le rapport au privé et à l'exposition de soi. L'ère du smartphone n'a-t-elle pas sonné le glas de l'intime ?
Pierre Bourdieu (1930-2002) est le sociologue le plus important de la seconde moitié du xxe siècle. Son oeuvre demeure pourtant mal comprise, surtout en France, où elle fait l'objet de controverses toujours vives.
Pour lui redonner toute sa portée et éclairer les débats, Marc Joly procède en trois temps. Il montre comment Bourdieu, dès le début des années 1960, s'est donné les moyens de refonder théoriquement la tradition sociologique européenne. Il interprète ensuite la puissance du cadre conceptuel « bourdieusien » - la triade habitus-champ-capital - à l'aune des caractéristiques historiques et épistémologiques de la sociologie entendue comme science sociale par excellence. Il examine, enfin, les résistances théoriques, idéologiques et politiques que la démarche scientifique de Bourdieu n'a cessé de susciter.
De là une introduction originale au travail de Pierre Bourdieu autant qu'un plaidoyer vigoureux pour une épistémologie sociologique.
Édition remaniée et mise à jour de Pour Bourdieu (2018).
Chateaubriand, Hugo, Rimbaud, Flaubert, Mallarmé, Zola, Proust, Valéry... Publié pour la première fois en 1936, le chef-d'oeuvre d'Albert Thibaudet revisite un siècle et demi de littérature française à la lumière de la notion de génération.
Loin de tout académisme, le grand critique de La Nouvelle Revue française tisse un réseau de relations d'une oeuvre à l'autre et dialogue avec les auteurs. Il combine cultures littéraire, philosophique et historique aujourd'hui trop souvent séparées. « Personne n'était mieux doué que lui pour l'art de créer des perspectives dans l'énorme forêt des Lettres », disait Paul Valéry.
Ouvrage de référence pour de nombreux étudiants et lettrés, ce guide subtil est aussi une histoire de la France, nation littéraire.
Le 28 octobre 2008, la multinationale Molex Inc. annonce l'arrêt prochain de la production de connectique sur le site Villemur-sur-Tarn (acheté quatre ans plus tôt) et la délocalisation de l'activité en Asie du Sud-Est. En cette année marquée par la crise financière, 2 000 usines ferment leurs portes en France. Aussitôt, les salarié·es se mettent en grève, entamant un long conflit social, poursuivi ensuite sur le terrain judiciaire, qui parvient à capter l'attention des médias et des politiques.
Cette enquête au long cours menée auprès des ouvriers et ouvrières, techniciens et administratives, contremaîtres et cadres de management français ou anglo-saxons aborde de front une question souvent laissée de côté : en quoi une telle mobilisation révèle, met en jeu et par certains aspects bouscule les masculinités et les féminités des actrices et des acteurs, ainsi que les relations nouées entre eux ? L'imbrication du genre et des classes sociales est ainsi mise en lumière, entre normes partagées, modèles convergents ou opposés, affirmation et transformations des rapports de pouvoir.
À rebours des lectures qui voient dans l'attention aux rapports de genre une prise de distance avec les analyses en termes de classes, ce livre démontre combien elle peut au contraire enrichir l'explication sociologique - tant le genre construit la classe, et vice-versa.
Considéré comme un des grands anthropologues français du XXe siècle, Philippe Descola réalise son premier terrain en Amazonie. En ethnographe, il vit des années durant au sein de la tribu des Jivaros Achuar, et observe les relations que ces Amérindiens entretiennent avec les êtres de la nature. En ethnologue, il montre que l'opposition traditionnellement établie en Occident entre nature et culture ne se vérifie pas chez les Achuar, qui attribuent des caractéristiques humaines à la nature. En anthropologue enfin, il définit quatre modes de rapport au monde que sont le totémisme, l'animisme, le naturalisme et l'analogisme permettant de rendre compte des relations de l'homme à son environnement.
En un texte clair et didactique, Philippe Descola nous restitue les grandes étapes de son parcours et nous introduit de manière vivante à la pratique de l'anthropologie et à une « écologie des relations ».
La mondialisation, malgré ses promesses techniques infinies, n'a pas réduit nos difficultés à communiquer. Perdu dans les solitudes interactives, chacun cherche l'Autre, hélas, rarement au rendez-vous. Négocier. Cohabiter. Tout pour éviter l'échec de l'acommunication et le risque de guerre. L'Europe en est la paradoxale illustration. Jamais d'accord, mais toujours ensemble. La communication, on l'a rêvée parfaite, technique et immédiate, elle se révèle fragile, politique et humaine. La communication, au fond, c'est toujours le risque de l'Autre.
À l'automne 1879, le jeune Frank Hamilton Cushing (1857-1900) est envoyé par le Bureau of Ethnology de la Smithsonian Institution de Washington auprès des Zuñi, population indienne située à la frontière de l'Arizona et du Nouveau-Mexique. En fait des quelques mois d'études envisagés, il décide de rester sur place : son séjour durera en tout quatre ans. Autant que possible, il se fait Zuñi, intégrant par le corps leurs manières de faire, d'être et de penser. Adopté et initié, renommé Tenatsali (« Fleur médecine »), il devient l'un des chefs militaires du groupe et signe désormais fièrement ses courriers « 1st War Chief of Zuni, US Assistant Ethnologist ».
Cette expérience ethnographique extrême, sans équivalent - relatée dans plusieurs des textes ici réunis -, débouche sur une ethnologie « totale » : conduite avec les ressources de la théorie et de l'imagination tout autant que celles de la pratique et de l'expérimentation, elle se montre non moins attentive aux objets et aux gestes qu'aux mythes et aux catégories de pensée. De Durkheim à Lévi-Strauss, en passant par Mauss et Herz, l'anthropologie française n'a cessé de s'y abreuver comme à celle d'un grand précurseur, assemblage improbable entre H. D. Thoreau, le hippie des sixties et l'homme de science. Cette oeuvre inventive et novatrice est rendue accessible en français pour la première fois.
Textes choisis, présentés et commentés par les anthropologues Patrick Pérez (†), maître de conférences à l'École nationale supérieure d'architecture de Toulouse, et Frédéric Saumade, professeur à Aix-Marseille Université (Institut d'ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative, CNRS).
La condition des femmes : ce titre souligne qu'à partir d'un donné biologique, ces dernières ont été réunies dans une catégorie sexuée, impliquant des effets sociaux, politiques et culturels contraignants. Ce dossier analyse la complexité de cet «être femme», montre les Françaises en prise avec les grands enjeux de leur temps et propose de comprendre l'histoire des femmes en France depuis la Révolution jusqu'à nos jours, dans leur quotidien comme dans leurs combats.
Yannick Ripa Professeure en histoire des femmes et du genre à l'université Paris 8.
Françoise Thébaud Professeure émérite à l'université d'Avignon, revue Clio, Femmes, Genre, Histoire.
La RÉvolution bouleverse la vie des femmes Être une femme en 1789 L'irruption des femmes dans la Révolution Le refus d'une citoyenneté passive La citoyenneté féminine controversée L'institutionnalisation de la différence des sexes Le XIXe siÈcle, entre traditions et mutations Des femmes assignées aux normes de genre Éveil et affirmation de la conscience de genre Le modèle féminin malmené La Commune était-elle féministe ?
Des femmes contre la domination masculine «L'universalisme» républicain en question D'une guerre à l'autre 1914-1918 : mobilisation, épreuves, engagements «Années folles» : des femmes émancipées ?
L'échec du suffragisme Les années noires au féminin Enfin électrices, mais...
Sept dÉcennies glorieuses pour les femmes ?
Les deux visages du baby boom Moulinex libère-t-il la femme ?
Filles diplômées et femmes actives Le nouveau féminisme et ses combats L'Europe, une chance pour les femmes ?
À l'assaut du politique Et maintenant...
Seuls quelques peuples au monde, devenus nations, peuvent se prévaloir d'une longévité multimillénaire, de l'Antiquité à nos jours?: ce sont les Chinois, les Indiens, les Iraniens, les Grecs, les Juifs et les Arméniens. Malgré des conquêtes, des assimilations partielles, ou des dominations coloniales, ces six peuples-monde de la longue durée ont réussi à maintenir - ou à restaurer - leur langue, leur culture et/ou leur spécificité religieuse, et à reconstituer un État indépendant. Chinois ou Iraniens se sont appuyés sur un vaste socle territorial et des dynasties successives. Grecs ou Indiens ont alterné morcellement politique récurrent et périodes d'unification impériale. Juifs ou Arméniens se sont très tôt dispersés dans l'espace méditerranéen et eurasien, puis mondial. Contrairement aux Égyptiens, aucun d'entre eux ne s'est transformé au contact de ses conquérants.
Quels sont les facteurs qui contribuent à expliquer une telle longévité, un tel rayonnement et une telle résilience chez ces six peuples?? Une emprise territoriale, une masse démographique, une capacité à s'insérer au sein de réseaux d'échanges mondiaux?? Quel rôle ont pu jouer les religions, les structures sociétales, les institutions politiques, ou encore les langues dans la capacité qu'ont eue ces peuples à perdurer sur près de trois millénaires?? Leur comparaison devrait permettre de mieux appréhender la signification géohistorique de ce concept de «?peuple-monde de la longue durée?».
Postface de Christian Grataloup.
Les mèmes, ces images ou séquences d'images fixes ou animées, transformées et détournées, inondent le web et nos messageries. Personne n'y échappe. Ils circulent sur Internet, à la portée de tout un chacun, pour nous faire rire, pour critiquer ou donner à penser.
Parfois regardée avec mépris, cette nouvelle manifestation de la pop culture recèle un monde complexe, qu'il faut pénétrer pour en saisir toute la richesse. Car si les mèmes sont des formes humoristiques, ils disent beaucoup sur le monde, l'actualité et sur nous-mêmes. Pas seulement pour se moquer, mais aussi pour dénoncer, pour soutenir une cause ou, tout simplement, exprimer nos peurs, comme on l'a vu pendant la pandémie.
Populaire, proliférante et massive, la culture du mème méritait un décryptage. Avec son regard de sémiologue, François Jost en décortique la mécanique, nous en révèle les ressorts, les usages et leurs rôles social et politique.
Une excursion passionnante dans notre quotidien numérique.
Le boulangisme naît de la rencontre entre la droite monarchiste et l'extrême gauche radicale, unies derrière un général puis ministre rendu populaire par sa démagogie pittoresque, Georges Boulanger. Ce mouvement hétérogène et populiste, protestataire et antiparlementaire, menace sérieusement la Troisième République avant de s'effondrer.
Cette période agitée de la fin du XIXe siècle présente d'étranges ressemblances avec la nôtre?: une situation de grande défiance de la base envers les élites, une conjoncture économique incertaine, une vive contestation du système dominant par ses exclus, des partis politiques divisés et paraissant impuissants. Le boulangisme lui-même s'avère plein d'enseignements sur l'efficacité de la démagogie, le pouvoir pervers de la communication politique quand la forme efface le fond, l'ascension aberrante d'un individu sans principes poussé par un clan d'arrivistes, le rôle ravageur de l'argent dans la politique et l'effet aveuglant de la haine pour un homme (Jules Ferry en l'occurrence), la puissance des médias, les alliances de fait entre opposants qui se détestent, enfin la faiblesse de la démocratie face à ses adversaires.
Bertrand Joly reconsidère dans cette enquête magistrale et monumentale la question très controversée de l'identité du boulangisme, bonapartiste pour les uns, préfasciste pour d'autres, et peut-être plus que tout cela. Un premier populisme nationaliste??
Le dynamisme de l'économie chinoise depuis la fin des années 1970 et sa position centrale dans les échanges mondiaux invitent à revisiter une période cruciale, celle de la fin de l'époque impériale (XVIe-XIXe siècle). Au cours de ces trois siècles, la Chine, dont l'économie est pourtant très avancée et florissante, voit se creuser l'écart avec les pays de l'Europe du Nord. Pourquoi??
De multiples explications ont été données de cette longue divergence. Peu de place a pourtant été accordée aux véritables acteurs et aux modalités concrètes de fonctionnement des marchés. C'est cette carence que ce livre entend combler, en donnant la parole aux textes, et en suivant le parcours de trois personnages centraux?: le bailleur de fonds, l'intermédiaire, et l'entrepreneur commercial. Réinterroger l'origine de la puissance chinoise, c'est aussi en discerner les lignes de fractures, les points de rupture, les faiblesses. Si la période impériale tardive voit la multiplication de riches marchands, l'entrepreneur capitaliste est absent du paysage. Le capital, fragmenté, n'est pas aisément mobilisable?: il est périodiquement détruit ou thésaurisé.
À contre-courant de bien des idées reçues sur la prospérité chinoise, cet ouvrage esquisse un audacieux parallèle entre la Chine d'hier et celle d'aujourd'hui. On comprend ainsi que la richesse vient souvent des connivences avec le pouvoir politique, et non pas d'institutions facilitant l'alchimie secrète qui transforme l'épargne en capital.