Pionnière du féminisme, née en 1831 à Berlin, Hedwig Dohm défend, dès les années 1870, le droit de vote des femmes et l'accès, pour les jeunes filles, à une éducation similaire à celle des jeunes hommes. Elle luttera, sa vie durant, pour l'autonomie totale, matérielle et intellectuelle des femmes. Deviens celle que tu es (1894) s'inscrit dans ce combat. Le livre met en scène une femme âgée découvrant comment les normes sociales ont pesé tragiquement sur sa vie. Au crépuscule de son existence, l'héroïne tente de rattraper le temps perdu. Sa quête de liberté prend la forme d'une soif de connaissance, de désir et de contemplation qui l'amènera à vivre les élans d'une passion telle qu'elle n'en a jamais connue. Critique des injections normatives, Deviens celle que tu es est donc aussi le récit d'une crise : l'émergence d'une sensibilité et d'une intelligence qui défont les contours d'une vie trop étroite.
« La folie - est-ce autre chose que d'être arrêté par les idées, les visions, qui nous viennent et repartent, dont nous ne savons ni l'origine ni le but, et sur lesquelles nous n'avons aucun pouvoir ? Si c'est cela, la folie, alors j'ai été folle pendant plus de cinquante ans. Je me suis toujours déterminée par rapport aux volontés et aux opinions des autres. Selon la loi de la gravité, la pomme peut tomber jusqu'au centre de la terre si elle ne rencontre pas de résistance. De même, c'est une sorte de loi naturelle qui fait que la volonté et la puissance des autres trouvent leurs seules limites en notre résistance.
J'étais un mécanisme, que des puissances étrangères mettaient en mouvement. Et maintenant je combats pour me débarrasser de cette folie. Je combats pour ma volonté, pour mon «moi-même», pour mon « Je». »